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Hugo Parmentier: « Le sport de haut niveau n’est pas une pratique très respectueuse de l’environnement »

Voilà quelques temps que nous souhaitions aller à la rencontre d’Hugo Parmentier, pour parler d’escalade bien sûr, mais également d’un autre sujet qui lui tient à coeur (et nous aussi!), l’écologie, et le rôle que nous avons tous à jouer dans cette quête éco-responsable. 


Salut Hugo ! Pour commencer, comment vas-tu en ce moment ?

Écoute j’ai plutôt la forme (à part une douleur à une poulie depuis deux semaines). Mes cours de kiné sont à peu près fin pour l’année, j’ai donc plus de temps pour grimper et m’entraîner pour les prochaines échéances. Ça fait du bien d’avoir l’esprit libéré. C’est ressourçant de se consacrer qu’à une seule chose.

Tu peux nous faire un retour sur cette première partie d’année 2021 ?

Des centaines de mètres de grimpe avalés, quelques allers-retours en train à Grenoble parfois à la journée, 3 trips à Seynes, pas mal de 8A+/B essayés à Bleau, beaucoup de fatigue accumulée entre février et avril, des pages et des pages de cours englouties et des changements de mes habitudes au quotidien qui s’inscrivent dans la continuité de ma démarche environnementale.

Quels sont tes projets / objectifs sur ces prochains mois en exté et en compétition ?

Les coupes du monde de Chamonix et Briançon étaient mes principaux objectifs du début d’été. J’ai la sensation d’être capable de mieux m’exprimer cette année. Physiquement je pense avoir progressé, par contre il faut que je trouve le bon état d’esprit pour optimiser et aller au bout de mes capacités le jour J.

Après je vais retourner au Grand Capucin en espérant avoir plus de chance au niveau de la météo, la « Voie Petit » nous attend avec mon pote Martin.

Et la « Rage d’Adam » est l’objectif pour la fin de l’été.

Depuis quelque temps, on te voit énormément sur le rocher, et un peu moins en résine, je me trompe ?

C’est vrai dans le sens où je participe à beaucoup moins de compétition par rapport à mes années jeune. Mais la réalité c’est que depuis mon passage en senior j’ai beaucoup de mal à me qualifier en équipe de France. Je n’ai encore jamais fait de coupe du monde de bloc et aucune en diff à part Chamonix et Briançon… si tu me demandes pourquoi, je te dirais que le niveau est beaucoup plus élevé et les places plus chères. Aussi, mes motivations ont un peu changé et mon cœur est tiraillé entre l’outdoor et l’indoor. Mon entraînement n’est pas exclusivement dédié aux compétitions et en grandissant j’ai perdu le cadre qu’offrait mes séances au club, avec un groupe motivé et des sessions dictées par la main de fer du coach. Je te dirais aussi que c’est une période où je me cherche encore, je n’ai pas trouvé un équilibre parfait indispensable pour avoir un état d’esprit serein et enclencher le cercle vertueux de la réussite.

En suivant un peu tes réseaux et notamment ton compte insta, on se rend compte que tu partages régulièrement des storys liées à l’écoresponsabilité. En quoi ce sujet te tient-il à cœur ?

A l’adolescence, j’ai été bien bousculé en prenant conscience que l’homme avait un impact énorme sur son environnement et qu’il détruisait son habitat sans vraiment comprendre la gravité et les conséquences que cela pouvait avoir. Aujourd’hui, je comprends que l’homme a du mal à réaliser la réalité du dérèglement climatique.

Malheureusement les dirigeants politiques ne prennent pas les mesures qu’il faut pour inverser la tendance ou en tout cas pas assez rapidement pour éviter le drame climatique.

En partageant des informations sur le climat/ la biodiversité, etc. j’espère sensibiliser autour de moi sur l’urgence climatique. Ça me fait du bien car j’ai l’impression de participer au changement. C’est un sujet qui m’anime, je trouve ça sympa d’apprendre de nouvelles manières de faire, j’aime m’intéresser aux enjeux de notre époque. C’est une passion.

 D’ailleurs tout le monde a son rôle à jouer, chacun pourrait partager les bonnes initiatives ou les bonnes idées qu’il rencontre. En s’y mettant tous on limitera la casse!

Les sportifs dans le monde d’aujourd’hui et de demain n’ont plus le même rôle à jouer qu’avant. Leurs projets et leurs performances doivent s’adapter aux nouvelles normes. Je pense qu’il est important qu’ils prennent en compte l’impact de leur projet et que la société valorise les performances à faible impact.

Bleau, l’un des QG d’Hugo Parmentier.

Comment être un grimpeur de haut niveau, sans en oublier d’être un citoyen écoresponsable ? Au-delà des storys que tu partages à ta communauté, comment agis-tu au quotidien pour apporter ta pierre à l’édifice ? As-tu des petits tips à nous partager ?

Le sport de haut niveau n’est pas une pratique très respectueuse de l’environnement : déplacements très réguliers pour s’entraîner, utilisations d’outils ou d’infrastructures à l’impact élevé, compétitions …

Par exemple, les JO ou la Coupe du monde de foot sont des évènements ultra polluants : de la construction des infrastructures, aux goodies distribués en passant par le déplacement des quatres coins du monde des athlètes, de l’organisation et du public.

En terme d’alimentation par contre les deux vont de paire, il faut apporter à son corps des produits de qualité, des fruits/légumes bio et de saison pour les nutriments, peu/pas d’aliments transformés car on connaît leurs faibles valeurs nutritionnels et les risques sur la santé qu’ils induisent.

Aujourd’hui de plus en plus de grand sportifs (Novak Djokovic, Killian Jornet, Venus Williams….) se sont tournés vers une alimentation végétale, ils disent se sentir mieux dans leur corps, avoir réduit leur nombre de blessure…

Le film Netflix “The Game Changers”, bien qu’un peu subversif, a beaucoup fait parlé de lui en éclairant sur les bienfaits de l’alimentation végétale sur les performances sportives.

L’alimentation est une des principales causes des émissions de gaz à effet de serre. Ce secteur à un gros impact sur l’environnement (déforestation, appauvrissement des sols etc.). 2 petites informations à retenir, au Brésil :

  • La déforestation a pour principal but de cultiver du soja à destination des animaux d’élevages (bovins, poulets, cochons, etc.) et pour cela un terrain de foot est abattu toutes les 7 secondes ! (Source : all4trees : https://all4trees.org/dossiers/deforestation/causes/agriculture-commerciale/soja/)

  • Un hectare de terre peut nourrir 50 végétariens pour 2 carnivores. (Source : Marc Dufumier, agronome)

Finalement manger plus de légumes ça a de l’impact sur la santé et sur l’environnement : c’est tout bénéf.

Je choisis donc d’acheter quasi exclusivement des légumes et des fruits (au mieux locaux et bio) et des céréales/graines/légumineuses (riz, lentilles, quinoa, pois chiche, amande, noix, fruits secs en vrac) qui contiennent pour certaines beaucoup de protéines! Concernant la viande, j’en mange et en achète assez peu. Je valorise la qualité à la quantité, je boycotte le jambon/lardon en barquette.

Le sujet de l’alimentation amène aussi un autre sujet qui me tient énormément à cœur : les emballages et les déchets plastiques. Je me bats contre les emballages et les déchets : Acheter tous les midis une salade dans une boîte en plastique (que je jetterai dans l’heure) ? Ou remplir mon tupperware de mon plat de la veille? Mon choix est vite fait : je mange mieux, j’économise de l’argent et je pollue beaucoup moins.

De manière générale je ne suis pas un gros consommateur !  Tendre vers la décroissance est sûrement le meilleur moyen pour réduire son impact.

Quelques tips : 

  • limiter l’achat de produits neufs, aller vers des achats de produits d’occasion.

  • Privilégier les boîtes en verre et les emballages carton aux emballages plastiques. (seulement 9% du plastique qui a été produit a été recyclé)

  • Quand je pars en voyage (train/ voiture/ balade) je remplis systématiquement ma gourde d’eau, ça me permet d’économiser 2 euros et un déchet inutile (bouteille d’eau dans une station service par exemple).

  • Faire sa lessive maison est un jeu d’enfants et permet d’économiser des emballages de produits ménagé (et de l’argent!). Il y a d’autres produits que l’on peut faire soit même.

  • J’ai des couverts dans mon sac de grimpe ça m’évite de prendre des couverts à usage unique si je mange à emporter.

  • Faire un composte pour booster ses plantations.

  • Pour les déplacements ce n’est pas facile. À Paris on a la chance d’avoir des transports en communs du coup je les privilégie à la voiture. Ps: Le combo trottinette + transports est super pratique pour moi ! Mais il y a aussi le vélo ! En ville c’est le moyen de transport le plus rapide aux heures de pointe (en plus on fait du sport).

  • Avoir des sacs/ sacs en toile pour faire les courses. Pour les fruits/légumes ou n’importe quel achat ça évite les sacs plastiques. Pour plus d’infos, il y a aussi ce documentaire arté : https://www.arte.tv/fr/videos/077392-000-A/plastic-partout/

Comme tu le disais, les voyages font souvent partie intégrante du grimpeur pro, que ce soit pour se rendre sur les compétitions à l’autre bout du monde ou sur la falaise à la mode à 2000 km de chez soi, n’est-ce pas un frein pour toi quand on connaît l’impact de ces déplacements ?

C’est une sacrée question. Aujourd’hui je me limite dans mes voyages, surtout en avion. C’est sûr qu’aller en Grèce grimper pour une semaine ou découvrir 10 jours la Norvège est alléchant mais en limitant mes trajets j’ai pu explorer les perles que regorge la France, il y en a pour plusieurs vie avant d’avoir testé les meilleurs spots Français, et enchaîné toutes les voies majeures. On a vraiment de la chance! En plus avec nos pays limitrophes comme la Suisse et l’Italie on n’ est pas en reste.

Ces 2 dernières années je suis resté en France pour grimper. L’été dernier, j’ai réduit drastiquement les allers-retours entre les spots de grimpe, mais ça n’a pas vraiment été bénéfique pour mes performances. Cette année je vais essayer de trouver un équilibre entre l’utilisation de la voiture et une préparation efficace pour mes projets. Habitant à Paris, je privilégie les trips train – rejoindre les copains dans le sud – finir en voiture.

Je ne m’interdis pas de prendre l’avion mais je préfère attendre le bon moment pour découvrir Rockland ou retourner au Yosemite. Pour la Grèce ou la Norvège j’aimerai y rester longtemps et rentabiliser le billet, voir y aller en voiture pour un gros road trip.

Si tu vois un grimpeur au pied d’une falaise jeter son strap par terre, il se passe quoi dans la tête d’Hugo Parmentier ?

Ça n’arrive pas souvent, heureusement, parce que franchement je pète un câble…

Non je rigole, plutôt je vais aller voir la personne et lui dire que c’est pas très sympa et qu’on aimerait tous profiter de la nature et d’un lieu propre. Voir juste aller ramasser son strap devant lui. Perso j’aurai un peu honte si quelqu’un me faisait ça…

En falaise, je fais des tours pour ramasser les déchets, j’ai une poche à déchets dans mon sac de grimpe ou dans la poche arrière de mon pantalon. C’est quand même mieux qu’une voiture propre…. une falaise propre. Respecter notre terrain de jeux et les autres usagers est important pour pérenniser l’escalade en extérieur. Je pense que c’est aussi une bonne base pour vivre en société.

On pourrait penser que les grimpeurs ont une vision assez écoresponsable, leur terrain de jeu se trouvant en espace naturel. Quel est ton avis là-dessus ?

Je pense qu’il y a une grosse variété de profils et qu’on a tous beaucoup de contradictions. A la fois, le grimpeur a un mode de vie simple, pas trop dépensier, passe ses journées en falaise/salle, à se fighter ou chiller sur le caillou, mais il peut en même temps prendre l’avion 3 fois dans l’année, faire des allers-retours continus pour aller essayer son projet le week end et se gaver de voie sans forcément participer au renouvellement et entretien des sites, ou penser à l’impact environnementale qu’il peut avoir.

Je me sens visé en écrivant ces lignes, je suis le premier à ne pas vraiment m’impliquer pour la communauté. Je me considère égoïste et participe à “l’égoïsme du grimpeur”, sous toutes ses formes. Aujourd’hui, j’essaye de m’améliorer en me renseignant et en faisant ce que je peux pour être en accord avec mes valeurs.

L’explosion du nombre de pratiquant est une chance pour l’économie de l’escalade mais cela va aussi augmenter la fréquentation dans des sites naturels fragiles.

La connaissance et la conscience de notre impact sur le milieu naturel sont plus que jamais importantes pour que tout le monde puisse continuer à grimper sur des sites autorisés, des sites et des voies propres, tout ça dans la bonne humeur.

Un dernier mot à ajouter ?

J’espère ne pas avoir un discours de donneur de leçon car je suis loin d’être le mieux placé pour parler. J’aimerai juste profiter de ma passion sur ces questions pour informer autour de moi et essayer de changer à mon échelle les comportements.

Le dérèglement climatique est une réalité prouvée. Ses conséquences bien que souvent marginalisées par des +X °C ne sont pas forcément palpables au quotidien mais la réalité est que l’espèce humaine aura beaucoup de mal à subsister tel qu’on la connaît sur une planète dont les terres arables auront diminué de moitié et où les températures estivales frôleront régulièrement les 50°C. Et ça, dès 2025-30. (Les condis seront pourries en plus)

Nous avons chacun notre rôle à jouer, faisons de notre mieux !

Pour m’informer, je suis sur instagram des personnalités/ associations/ collectifs qui donnent des infos aux données vérifiées et simplifiées :

  • Onestpret (info)

  • Datagora (info décrypté)

  • Grainedepossible (jeune activiste qui partage des actualités et des actions de mobilisation pour le climat)

  • Girlgogreen (info et tips écologique)

  • Greenspit et Rockclimbers (association qui vivent des dons/adhésions pour entretenir et rééquiper les falaises)

  • Actforsummits (association de grimpeur/alpiniste engagé pour le climat).

Christopher Hardy: « tout le monde est tombé amoureux de notre sport! « 

Les JO à peine terminés, nous sommes allés à la rencontre de Christopher Hardy, LE speaker de l’escalade en France depuis de nombreuses années. Pour cette première année olympique de l’escalade, Christopher était aux commandes d’Eurosport pour commenter le épreuves d’escalade, et c’est donc tout naturellement que nous avons souhaité recueillir ses impressions après 4 journées intenses en émotions. 


Alors remis de tes émotions après ces JO ?

Comment te dire, pas du tout ! Ça va être comme à Paris 2016, gros coup de blues derrière. Un petit gout amer que ça se termine, de voir encore les JO à la TV mais que la grimpe soit terminée, mais c’était fabuleux, trop d’émotions, on a vibré, tellement hâte qu’on retrouve la prochaine compétition…

Qu’en as-tu pensé ?

Ces premiers JO ont fait une entrée MAGISTRALE dans l’univers de l’olympisme, la devise olympique correspond vraiment à notre sport. Techniquement, le combiné, on a beau en dire ce qu’on veut, c’est super excitant, on voit les 3 disciplines, avec beaucoup de suspens. Tout le monde est tombé amoureux de ce sport, vraiment super entrée de l’escalade. Petit bémol sur les images de la première journée, c’était le temps que les cadreurs se fassent un peu la main, ça a été vite rectifié sur les journées suivantes !

Je tiens aussi à dire que pour cette première, l’escalade a été super bien traitée, avec des structures de dingues, une super organisation, une mise en avant comme la grimpe le méritait, vraiment chapeau !

Parle nous des résultats de ces JO… 

Sportivement parlant, grosses félicitations aux frères Mawem pendant les qualifs, ils ont grimpé au delà de leur niveau max, c’était dingue, surtout pour Micka ! Bassa a fait le boulot en vitesse, on le savait ! Pour Micka, le bloc il l’a survolé, rien à dire de plus, c’était fou…

Concernant Adam Ondra on va pas se leurrer, les JO, c’est le graal pour les athlètes, quand tu te fais accompagner à l’aéroport par le président de la république Tchèque tu as une pression monstrueuse sur tes épaules. On est déçu pour des Megos ou des Ondra, mais je ne suis pas surpris, les JO ça reste aussi la compétition des outsiders et pas toujours des favoris, et c’est dû à une pression incroyable sur place, il faut que les gens le comprennent.

En finale chez les mecs, Alberto a eu une grande chance que Bassa ne soit pas au départ de la vitesse. Et le seul run que Tomoa rate c’est face à Alberto! Il aurait raté ce run face à Micka, ça changeait tout…  ça se joue à rien, mais c’est aussi ça le charme de la grimpe, de l’olympisme et de ce combiné.

Coleman, comment dire… On a bien compris que l’équipe américaine était en place avec l’arrivée de l’olympisme, ils ont des jeunes mutants. Sur les coupes du monde ils vont changer le décor… Et encore sur ces JO, Duffy aurait pu faire encore mieux…

Et comment ne pas parler de Schubert qui nous fait une remontada de fou, il ne lâche rien jusqu’au bout comme il sait le faire et il démonte la voie de diff ! C’était énorme !

Côté fille, pour les qualifs, c’était top. Anouck elle réussit à prendre sa place en finale grâce à sa perf en bloc ! En finale, elle tombe face à la polonaise sur la vitesse, et là c’était compliqué d’aller la chercher, d’autant qu’elle explose le record du monde. En ce moment, c’est fou comme la vitesse progresse, ils s’entraînent tous comme des dingues, c’est mutant !

Janja ? Elle écrase la qualif bloc, mais on est tellement heureux qu’elle soit championne olympique, on aurait été super déçu qu’elle ne gagne pas, plus que pour Adam Ondra. Les Japonaises ont été solides aussi, content pour Akiyo pour la fin de sa carrière c’est une grande dame de l’escalade elle a fait beaucoup pour le sport. Et puis Brooke Raboutou, un peu déçu, elle méritait de ramener quelque chose, franchement sur cette finale de bloc qui n’était pas très belle à regarder elle n’a pas démérité, elle aurait pu changer le cours des choses.

Un petit mot pour Bassa suite à sa blessure ?

Un petit mot pour Bassa, bien sûr ! Bassa, tu es recordman olympique, ton temps va rester 3 ans dans les tablettes. Tu as été un grand monsieur, tu peux être fier de toi, les frères Mawem vous partez la tête haute, ce que vous avez fait c’est juste exceptionnel, et vous avez transformé le regard de la France sur notre discipline.

J’espère que tu ne souffriras pas trop avec ton bras. Je sais qu’il y a des moments difficiles à venir avec une grosse opération et tout ce qui va avec. Merci pour ce que tu es et tout ce que tu as fait depuis des années. 5s45 c’est l’ancien record du monde, la vitesse change mais tu es toujours là, à la pointe de ta discipline alors félicitations, et merci pour l’homme que tu es et la mentalité que tu as, tout ce que tu as fait pour ton frère. Bassa en un mot, juste MAGIQUE !

Raconte-nous ton passage chez Eurosport pour commenter ces jeux…

Je suis arrivé un peu avec le stress. Je n’avais jamais vraiment commenté derrière les écrans. Le premier jour je devais faire un plateau et il a été annulé, je me suis levé tôt pour rien. Je suis arrivé et là j’ai compris qu’on allait faire les bouches trou car ils connaissaient pas notre sport. Le premier jour on a dû faire 40% de la vitesse, 20% du bloc et 10% de la diff. Donc là je me suis dit, si c’est comme ça, ça va pas me faire rire du tout. Et puis à la fin de cette première journée, tout le monde chez Eurosport a halluciné devant la grimpe : « c’est trop bien votre sport » « on adore » « tu le commentes trop bien », et le lendemain, ils m’ont donné une chaine sur eurosport.fr pour que je commente tout.

Donc dès le lendemain on a pu faire toutes les qualifs des filles, et là tout le monde a kiffé, les regards sur notre sport ont changé. Le 3eme jour, on a refait la même pour la finale des mecs, et puis j’ai fait quelques plateaux pour parler escalade, parler des grimpeurs, de leurs résultats, c’était vraiment top !

Le dernier jour on a eu des soucis techniques, mon casque ne marchait pas sur la vitesse, pas de retour sur le bloc, mais on a quand même limité la casse. En repartant d’Eurosport après ces JO de la grimpe, je leur ai dit « adieu », ils m’ont répondu « non non, à très bientôt tu veux dire ! » et surtout ils m’ont remercié, c’était leur coup de cœur de ces JO : « c’est le plus beau sport des sports entrants aux JO, coup de cœur des téléspectateurs, alors juste bravo pour votre sport et tout ce qu’il représente ».

Pendant ces 4 journées, j’ai eu deux journalistes avec moi, ils  ne connaissaient pas la grimpe, et ils sont devenus fous de ce sport, avec le suspens du combiné, ça a super bien marché !

Penses-tu qu’on va avoir un gros engouement pour la grimpe après ces jeux olympiques ?

Oh oui, c’est sûr ! J’étais en contact régulier avec le commentateurs sur les chaines en suisse, et il me disait aussi que c’était dingue les retours qu’il avait, que les gens sont tombés amoureux de ce sport. Beaucoup de gamins, si on a bien fait notre travail, vont se lancer ! La discipline qui a le plus bluffé les gens c’est la vitesse, on a beaucoup entendu « c’est incroyable la rapidité de ces grimpeurs », donc pour tous ceux qui dénigrent la vitesse, c’est grâce à la vitesse que la plus grosse pub retombera de ces JO. Donc oui au final je pense qu’il va y avoir beaucoup de monde dans les salles, et ça le futur le dira !

Paris 2024, tu as hâte ? tu y seras ?

Paris 2024, bien sûr que j’ai hâte !! J’aimerai terminer ma carrière sur les JO 2024 pour mettre tous ces grimpeurs en valeur, que ce soit sur place ou sur Eurosport. Quoiqu’il arrive, je ferai parti de l’aventure des JO, c’est une certitude !

Penses-tu qu’à terme nous aurons une médaille par discipline ? Venant du ski tu es bien placé pour nous en parler ?

Oui c’est sûr et certain vu l’engouement du CIO pour notre discipline après ces 4 jours. On ne les aura pas encore sur 2024, mais j’ai l’impression que ça va se dessiner pour Los Angeles 2028. Et puis pour faire entrer les para aux JO, il nous faut une médaille par discipline, ça va arriver, j’en suis sûr !

Alors oui, c’est vrai que j’ai déjà fait deux JO avec le ski alpin, et ce qu’il faut comprendre pour l’escalade, c’est que rien n’est simple, le CIO c’est un rouleau compresseur. Il faut qu’à l’international l’escalade prenne confiance, on a un sport à défendre, des valeurs à défendre, on sait ce qu’on vaut, et quand le CIO donne des décisions il faut aussi savoir leur tenir tête. Le ski, ils sont olympiques depuis 1924, et même à Sochi quand j’y étais, tout n’est encore pas simple, donc il ne faut rien lâcher ! Alors oui on est pris en compte, oui les gens sont tombés amoureux, et oui on a des choses à défendre !

Un dernier mot à ajouter ?

Oui, un grand merci à François Legrand pour les infos sur les voies de diff ça m’a aidé à fond, merci Manu Cornu qui a suivi le bloc avec moi, et puis merci à la FFME pour tout ce qu’ils ont fait pour l’escalade, on en serait jamais là sans tous ces gens, V. Caussé, F. Leonardon, Emilie Gheux, … Les plus gros shows ont été fait en France, avec Bercy entre autre, pour que tous les pays se calent sur nous pour réaliser des grosses productions et que l’escalade deviennent ce qu’elle est aujourd’hui.

Je voulais remercier aussi Romain Cabessut, quel honneur de t’avoir au niveau de l’olympisme, bravo pour le travail que tu as pu faire, même si bon, on ne va pas reparler de cette finale féminine en bloc (rire), je préfère qu’on ne garde que du positif de ces jeux !

Allez quand même, je ne peux pas me retenir (rire) je vais dire un mot sur le sujet. Beaucoup de grimpeurs ont dit qu’ils préféraient que ce soit plus dur plutôt que trop facile, mais là il ne faut pas oublier que c’était les JO, qu’on passait à la télé devant des millions de gens, et que ça aurait été plus fun pour les télé spectateurs que les grimpeuses s’épanouissent pour choper un peu plus de tops plutôt que voir des filles au tapis les ¾ du temps, mais ça reste mon avis personnel, en aucun cas je ne remets en question quoique ce soit ! Ce qui est important à retenir c’est que sur l’ensemble de ces JO, c’était une réussite exceptionnelle, alors bravo à tous les instigateurs, ouvreurs, organisateurs, grimpeurs, entraîneurs, et j’en passe  !

Portrait: Natalia Grossman, nouvelle superstar Américaine

Après avoir suivi cette première moitié de saison internationale, il nous a semblé évident de partir à la rencontre de la nouvelle pépite Américaine, Natalia Grossman. Actuellement n°1 du classement mondial en bloc et en difficulté, Natalia Grossman, du haut de ses 20 ans, vient bousculer la hiérarchie mondiale, et notamment la reine Janja Garnbret. Alors oui, tout est relatif, et certains diront que nous sommes dans une année olympique, et que certaines des meilleures grimpeuses mondiales (dont Janja) se préparent pour ces JO et ne participent donc pas à toutes les étapes de coupe du monde, ou ne sont tout simplement pas dans leur pic de forme sur ces échéances. Oui, tout cela est exact, mais il suffisait de suivre toutes ces étapes et d’observer sa grimpe pour se rendre compte de l’énorme niveau de l’Américaine. C’est en bloc pour commencer, qu’elle fera forte impression: en 4 étapes, elle en remporte 2 et prend l’argent et le bronze sur les deux autres. Dans son élan, elle poursuivra avec les étapes de difficulté où elle excellera également avec 3 podiums sur 4 étapes (2 médailles d’argent et une de bronze). Vous avez dit polyvalence? Oui je crois qu’on peut le dire, Natalia Grossman s’affirme avec une énorme polyvalence et pourrait se projeter déjà loin avec en ligne de mire les JO de Paris 2024… Rencontre!


Pour commencer peux-tu te présenter à nos lecteurs? Qui es-tu, d’où viens-tu et que fais-tu dans la vie? 

Je m’appelle Natalia Grossman, je suis grimpeuse pro et étudiante à plein temps en psychologie. Je suis originaire de Santa Cruz en Californie. Ensuite, à 15 ans, j’ai déménagé à Boulder dans le Colorado pour m’entraîner avec la team ABC, et en janvier dernier, j’ai emménagé à Salt Lake City pour pouvoir m’entraîner sur le centre d’entraînement national.

Quand et comment as-tu commencé l’escalade, et pourquoi avoir choisi ce sport? 

Quand j’étais plus jeune, on se promenait beaucoup avec mes parents dans le quartier. Et puis un jour on est passé a côté d’un grand bâtiment, on est allé voir à l’intérieur ce qu’il y avait, et c’était une salle d’escalade! J’ai tout de suite voulu me mettre à ce sport, mais je n’avais que 4 ans, et les enfants en dessous de 6 ans n’étaient pas acceptés. J’ai donc dû attendre d’avoir 6 ans avant de toucher mes premières prises, et j’ai tout de suite adoré la grimpe. J’ai aimé le défi que ça m’apportait et j’ai apprécié de voir que je progressais très rapidement.

En 2019 tu étais 27ème mondiale, et cette année tu gagnes des étapes de coupe du monde, comment tu expliques cette progression fulgurante? 

Je pense qu’il y a de nombreux facteurs qui m’ont conduit à progresser autant ces deux dernières années, mais je pense que le travail sur mon mental a été l’une des principales sources de ma progression. J’ai aussi appris que parfois moins c’est plus: J’ai l’impression que je m’entraînais peut-être trop dans le passé et que je prenais l’escalade trop au sérieux. Aujourd’hui avec le recul, je prends beaucoup plus de plaisir à grimper, et quand je m’amuse je performe mieux…

On te voit à la fois sur les étapes de bloc et de difficulté, tu as une préférence? 

Jusqu’à cette année, je m’étais toujours considérée comme une bloqueuse, mais aujourd’hui, je ne sais pas trop… Avant je n’aimais pas du tout les compétitions de difficulté car je trouvais ça hyper stressant, mais après m’être fait plaisir sur quelques étapes de coupe du monde, j’ai définitivement changé d’avis! Pour le moment même si je préfère encore les compétitions de bloc, ça pourrait changer dans un avenir proche 🙂

Cette année, l’équipe Américaine est plus forte que jamais, penses-tu que ce soit l’effet JO?

Effectivement, je pense quelqu’il y a un effet JO. Depuis que l’escalade a intégré les jeux, nous avons un vrai centre d’entraînement, ça nous permet de nous entraîner ensemble dans de super conditions, avec des circuits de bloc ou des voies type coupe du monde. Ça change énormément de pouvoir s’entraîner plus efficacement dans de bonnes conditions, et les résultats sont là cette année.

Parle nous un peu de toi… comment s’organise ton entraînement? Qui t’entraîne? 

Et bien je n’ai pas d’entraîneur,  je m’entraîne seule avec mes propres routines. Durant l’année, je m’assure de toujours travailler  la force des doigts, quelle que soit la saison, même si c’est un peu plus compliqué quand les compétitions s’enchaînent. Sinon, classiquement je travaille sur des blocs type compétition, et je m’entraîne en résistance tout au long de l’année.

On a pu voir sur les dernières étapes de coupe du monde que tu étais très proche de ta compatriote Brooke Raboutou. D’où vous vient cette complicité?

Je pense que l’une des raisons est que nous sommes de très bonnes amies et jamais en compétition l’une contre l’autre. On souhaite toujours le meilleur à l’autre, et on est toujours super heureuse si l’autre performe.

Donc ce n’est pas amies dans la vie et rivales en compétition? 

Non pas du tout, c’est amie en compétition et en dehors 😉

© IFSC

Quels sont tes prochains projets/objectifs cette année?

Mes projets pour le reste de l’année c’est de continuer à voyager et de participer aux dernières étapes de coupe du monde. L’objectif c’est de me placer de le top 10 mondial en bloc et en difficulté afin de me qualifier automatiquement pour le circuit international l’année prochaine.

Et puis je n’en oublie pas mes études, j’adore apprendre et acquérir de nouvelles connaissances, et je continuerai à garder du temps pour ça.

Tu seras à Paris pour les JO de 2024?

2024 c’est encore loin pour moi, alors qui sait! Je pense que quand on se rapprochera de l’échéance, je verrai si le sport de haut niveau est encore compatible avec mes études. On verra si je veux/peux poursuivre ou pas l’aventure.

En dehors des compétitions, tu aimes grimper et te ressourcer dehors? 

J’adore grimper dehors quand je ne suis pas occupée par l’école ou les compétitions. L’année dernière, j’ai passé tout l’été à grimper à l’extérieur avec Brooke Raboutou et j’ai l’impression que cela a fait de moi une meilleure grimpeuse. Grimper en falaise ou en bloc extérieur m’apporte beaucoup de joie donc si j’en ai l’occasion, pendant la saison de compétition, j’irai dehors.

Aux États Unis, il y a de grands noms de l’escalade, qui ne font pas de compétition, comme par exemple Alex Honnold: ça reste un idole pour toi? Tu as d’autres grimpeuses/grimpeurs qui t’inspirent? 

Je ne dirais pas qu’Alex Honnold est l’une de mes plus grandes inspirations parce que le type d’escalade qu’il pratique est très différent de ce que je fais moi, mais j’ai eu beaucoup d’autres idoles en grandissant. La liste pourrait s’allonger indéfiniment, mais certaines de mes principales inspirations ont été Chris Sharma, Daniel Woods, Alex Puccio, Kyra Condie, Margo Hayes, et bien sûr, Brooke Raboutou !

Micka Mawem nous raconte ses Jeux Olympiques !

Micka Mawem a fièrement représenté la France lors des premiers Jeux Olympiques d’escalade à Tokyo. Après avoir remporté les qualifications, il terminait finalement 5ème de cette compétition, passant à un cheveu d’une médaille.

Tout juste rentré en France et alors qu’il prépare l’ouverture de sa salle d’escalade en Alsace, Micka Mawem a accepté de revenir en exclusivité pour nous sur cette folle aventure qu’ont été les J.O.


Alors Micka, comment te sens-tu après ces premiers Jeux Olympiques ?

Je me sens libéré, parce que ça fait beaucoup de temps qu’on s’entraîne spécialement pour cet objectif là avec mon frère, d’autant plus qu’avec le Covid, ça a rallongé encore plus la période d’entraînement. Donc oui, je me sens libéré. Et je peux maintenant passer à autre chose et à un autre objectif. Mais sinon, ça va plutôt bien et je suis très occupé en ce moment !

Raconte-nous comment tu as vécu la journée de repos entre les qualifs et la finale. Comment t’es-tu préparé ?

Entre les qualifications et la finale, la priorité c’était de récupérer du mieux possible pour être en forme. Le programme c’était donc : des bains froids, du sommeil, bien manger, faire des séances de kiné, etc etc… Récupérer était devenu ma seule priorité. J’ai aussi organisé un peu la suite avec mon frère, par rapport à sa blessure, parce qu’il y a du boulot à faire pour qu’il se remette vite et bien. Et j’ai aussi essayé de répondre à un maximum de personnes sur les réseaux sociaux, parce que dès les qualifications, il y a eu un engouement incroyable. Donc je ne me suis pas ennuyé !

Micka Mawem a brillé au pays du soleil levant © IFSC

Mentalement, ce n’était pas trop difficile avec ton frère blessé ?

C’est sûr que ce n’était pas facile de voir mon frère blessé après la qualif. Je l’ai vu après mon run de diff. Il n’était pas bien, c’était vraiment pas top. J’ai dû cacher tout cela devant les médias et faire comme s’il ne s’était rien passé. C’était vraiment dur. Mais avec Bassa, on va de l’avant depuis toujours, c’est-à-dire qu’on peut pleurer, on peut être déçu, on peut ressentir de la tristesse, mais tout de suite, on se projette vers l’avenir et on se dit « ok qu’est-ce qu’il faut faire ? ». Moi je devais me concentrer sur la finale, mais on a tout de même discuté ensemble sur la suite des événements pour Bassa: que faire ? Quand se faire opérer ? Où ? etc etc. On s’est tout de suite tourné vers l’avenir.


Je ne suis pas déçu du tout. Bien sûr, on veut toujours plus, mais je suis content de ma performance. »


En finale, la médaille ne se joue à rien… Pas de regret ?

Oui, la finale ne se joue à rien ! À seulement une petite place en bloc… Le combiné a fait que ça n’a pas été les grimpeurs les plus polyvalents qui ont été sur le podium. Les médaillés sont ceux qui ont remporté chacun une épreuve: Alberto, vainqueur en vitesse, Nathaniel, vainqueur en bloc et Jakob, vainqueur en difficulté. Il fallait donc remporter une discipline. Et je suis vraiment passé à pas grand chose de le faire, mais c’est le jeu de la compétition. Tout le monde s’est battu, tout le monde s’est entraîné pour avoir cette médaille. Je ne suis pas déçu du tout. Bien sûr, on veut toujours plus, mais je suis content de ma performance, je suis content de notre performance avec mon frère. Nous sommes allés loin dans cette compétition, on a fait vibrer tout le monde, on a vibré nous-même, il y avait plein d’émotions, tout était possible ! Et une cinquième place aux Jeux Olympiques ? Je n’ai pas à m’en vouloir : c’est top !

La médaille s’est peut-être jouée sur ce mouvement, dans le bloc 2 des finales, que Micka Mawem a presque réussi à contrôler © IFSC

La bonne entente entre grimpeurs était-elle la même que sur les autres compétitions ou est-ce qu’au contraire tu sentais de la rivalité ?

L’ambiance était top, on était en petit comité, j’étais presque surpris. C’était très amical, comme d’habitude et comme on le connaît en escalade. Ça reste une petite communauté, très familiale, basée sur l’entraide. Après, on sentait qu’il y avait un peu plus d’envie et un peu plus de stress que par rapport aux autres compétitions, mais ça ne changeait aucunement les rapports qu’on avait entre nous.


Je ressors des Jeux en me disant « ok, je méritais cette place là » et ça me booste à fond pour la suite ! »


Une petite anecdote à nous raconter sur ces J.O ?

Une petite anecdote ? On nous a pris pour des skateurs ! Avec Bassa nous avions tous les deux nos skates électriques et on se baladait comme ça dans le village olympique, qui était d’ailleurs immense ! Et c’était marrant, toutes les autres équipes pensaient qu’on était des skateurs, vu que le skate faisait sa première apparition aux Jeux Olympiques cette année. On avait donc la double casquette : skateurs et grimpeurs.

La cohésion entre les Frères Mawem est sans doute l’une de leurs plus grandes forces © Jon Glassberg / Louder than 11

Quel est ton plus beau souvenir ? Ta plus belle rencontre ?

Ces trois semaines passées avec le staff français, composé de Sylvain Chapelle, Cécile Avezou, Laurent Lagarrigue, Pascal notre kiné, Damien You et Pierre-Henri Paillasson, ainsi que les athlètes, Julia, Anouck et Bassa, vont rester gravées. On a passé des moments extraordinaires ensemble. Nous étions dans une bulle olympique tous ensemble et c’était génial. On a appris à se connaître encore plus et c’était vraiment top de vivre ça ensemble. Il y avait un gros objectif, certes, mais les à-côtés étaient top. Tous les japonais ont aussi été d’une aide énorme et précieuse.

Est-ce que ces J.O vont changer quelque chose pour toi ?

Pas énormément. Pour moi les Jeux Olympiques ont confirmé ce que j’ai toujours voulu avoir en compétition. Avec mon frère on s’entraîne énormément et on se considère comme des sportifs de très haut niveau. Et ce qu’on a vécu aux à Tokyo confirme tout le travail que l’on met en place chaque jour. Donc je ressors des Jeux en me disant « ok, je méritais cette place là » et ça me booste à fond pour la suite ! J’étais déjà motivé avant, mais là je le suis encore plus !

Pour Paris 2024, ça sera vitesse ou combiné bloc/diff ?

Pour Paris 2024, ça va être le combiné bloc/diff pour moi. J’étais tenté de me mettre au défi et de me concentrer exclusivement à la vitesse, mais aujourd’hui, le niveau est vraiment trop élevé pour que je puisse espérer en un an et demi ou deux ans rattraper les meilleurs et prétendre à une médaille. Donc je m’axe sur le bloc et la difficulté.

Micka Mawem n’a pas fini de clipper des dégaines : il se lance dans le projet Paris 2024 avec l’objectif de s’aligner au combiné bloc/difficulté © IFSC

Quel va être ton emploi du temps de ces prochaines semaines ?

Cette semaine c’était déménagement pour amener mes affaires en Alsace. Donc beaucoup beaucoup de boulot. Jeudi et vendredi, c’est grimpe au programme. Mais grimpe plutôt tranquille. Et à partir de lundi, je reprends l’entraînement, car il y a les Championnats du Monde en septembre à Moscou et je veux être en forme pour le bloc. J’espère pouvoir participer à l’épreuve de difficulté également, ce qui me permettra de lancer mon projet Paris 2024. Donc ça va être entraînement, peaufinage des détails et réaffûtage, parce que j’ai quand même bien profité ces derniers jours…

En même temps, je prépare l’ouverture de notre salle d’escalade avec mon frère. Normalement, le 1er septembre, on est à 97% sûr d’avoir notre salle de grimpe. Même si tout n’est pas encore signé, ça sent bon ! Donc je ne m’ennuie pas, je gère plein de projets. Je croule sous le boulot, mais j’aime ça !

Un dernier mot à ajouter ?

Comme d’habitude, je vais remercier tous mes partenaires: Arkose, AirBnB, la FDJ Sport Factory, Beal, Madrock, Nutrimuscle, Respire, Panda Tea, Up2it, PrivateSportShop et Seazon. Et aussi les personnes qui nous ont suivis, qui ont cru en nous, qui nous ont poussés, qui ont rêvé, et qui ont eu autant d’émotions que nous. Je vous remercie à fond !

Camille Pouget: « l’équipe de France jeune m’a fait grandir »

Alors que les championnats du monde jeunes approchent à grand pas (du 21 au 31 Août à Voronezh en Russie), ce sera pour Camille Pouget sa dernière et ultime compétition chez les jeunes. De quoi être motivée, tout en ayant un petit goût de nostalgie de toutes ces années en équipe de France jeune. Elle nous raconte…


Wouaw… La semaine prochaine c’est déjà ma dernière compétition chez les jeunes… Je dois avouer que si j’avais le choix je resterai en équipe de France jeune pour les trois prochaines années, voire plus encore haha.

Je pense qu’avoir été membre de cette équipe a été l’une des plus belles expériences de ma vie.
Ce que je peux dire en premier lieu, c’est que l’équipe de France jeune a été la plus grande et la plus belle source de motivation qui m’a poussée à élever mon niveau et être plus forte. L’envie de briller pour rendre fière une équipe et l’envie de vivre de belles histoires tous ensemble ont rendu mes réussites plus intenses et plus savoureuses. Parce que, ce qui te fait progresser quand tu es membre de l’équipe de France jeune, ce n’est pas uniquement les stages, c’est surtout le groupe, la motivation des coachs, la passion commune et la détermination de chacun à aller au bout de ses rêves.

Aussi, l’équipe de France jeune m’a permis de voyager et de découvrir de nouveaux pays grâce aux compétitions internationales, bien plus que je ne l’aurais fait par moi même en étant si jeune.

Ensuite, ces années jeunes auront été un beau tremplin pour rentrer dans « la cour des grands » et arriver sur le circuit sénior déjà préparée aux compétitions internationales et à la pression qui va avec.

Et enfin, humainement, l’équipe de France jeune m’a fait grandir et a forgé une partie de ce que je suis aujourd’hui. Quand j’ai intégré l’équipe, je n’étais pas quelqu’un qui avait beaucoup de confiance en soi. Mais que ce soit les juniors de 2016 ou les minimes de 2021, tous m’ont inspiré par leur détermination et leur manière d’y croire jusqu’au bout alors forcément… Moi aussi je me suis mise à y croire et c’est comme ça que coachs et athlètes m’ont apporté l’assurance et la confiance qu’il me manquait pour profiter de la vie à 100%…

Alors je suis énormément reconnaissante envers cette sacrée équipe de France jeune pour tout ce que vous m’avez apporté durant ces 6 dernières années ! J’en garde des amis, des souvenirs et une belle aventure qui va me pousser à vivre chaque compétition et chaque instant avec passion.

MERCI !

Retour sur les JO de Tokyo avec Sylvain Chapelle, responsable de la préparation olympique

Quelques jours après la fin des premiers JO de l’histoire de l’escalade, nous sommes allés à la rencontre de Sylvain Chapelle, responsable de la préparation olympique de l’équipe de France d’escalade, pour faire le bilan de la performance de nos grimpeurs tricolores.


Comment te sens-tu quelques jours après la fin de ces premiers JO pour l’escalade ?

Écoute, très fier d’avoir participé à cette première pour l’escalade aux JO. Content de là où on est arrivé et de tout le chemin parcouru. L’aventure a commencé il y a presque 5 ans avec beaucoup d’incertitudes sur le format, sur le processus de qualifications, sur les athlètes qu’on allait avoir, et au bout du compte j’ai l’impression qu’on s’en est plutôt bien sorti. Et du coup, pour répondre à la question : bien fatigué de cette aventure quand même.

Peux-tu nous présenter le staff qui accompagnait les athlètes à Tokyo ?

Alors pour te présenter le staff: il y avait Cécile Avezou qui est entraîneuse nationale sur la difficulté, Laurent Lagarrigue qui est entraîneur national sur le bloc, Pascal François notre kiné et moi-même en tant qu’entraîneur national de la vitesse mais également responsable de la préparation olympique.

Et puis on avait aussi un staff qui était resté en France et qui était scindé en deux : un côté qui était plutôt axé sur tout ce qui était jugement, avec des juges internationaux et d’un autre côté le pôle plus technique/entraînement avec des entraîneurs nationaux. Il y avait François Leonardon, Jérôme Chapelle, Vincent Caussé et Emilie Gheux qui étaient sur l’aspect jugement et organisation de compétition, et côté entraînement on avait Nico Januel qui est entraîneur national sur le bloc, Romain Desgranges qui est adjoint de Cécile sur la diff et Esther Bruckner qui est entraîneuse nationale de vitesse jeunes et qui bosse très souvent avec moi. Donc on était en liaison permanente avec eux, on pouvait leur poser des questions et de leur côté ils nous faisaient des retours dans leurs domaines respectifs.

Et bien entendu, en plus, il y avait Damien You, directeur des équipes de France et Pierre Henry Paillasson, DTN, qui nous ont rejoints quand on est arrivé sur le village olympique le 28 juillet.

L’équipe de France et le staff, au départ de Paris et en direction du Japon.

Première question classique, que penses-tu des résultats de notre équipe de France sans rentrer dans une analyse technique que nous verrons après ? Tu t’y attendais ?

Oui bien sûr ! Plutôt content des résultats qu’ont pu faire nos athlètes. Ce sont des résultats plutôt satisfaisants dans l’ensemble même si, forcément, on attend une médaille, surtout qu’on n’est pas passé très loin, à la fois chez les garçons et chez les filles. Mais ça fait partie du jeu. Si on veut y arriver, il faut que les choses se passent bien sur plusieurs domaines, surtout pour cette discipline du combiné où on ne maîtrise pas tout. Il y a des choses qui ne dépendent pas que de nous et du sportif, mais qui dépendent aussi de la physionomie de la compétition et notamment des résultats des autres.

Beaucoup pensaient qu’on ne ferait pas grand chose sur ces Jeux, je crois que les athlètes ont bien démontré le contraire. Et on est vraiment passé proche de faire des médailles. Il y a un côté frustrant, c’est sûr, on reste sur notre faim car j’attendais plus, forcément, mais je suis quand même très content de ce qui a été accompli. Après libre à chacun d’interpréter les résultats comme il l’entend.

Comment se sont passées les journées avant le début des qualifs ? Comment tu as géré ça en tant que responsable de la préparation olympique ? 

On est parti le 19 juillet direction Kurayohi, c’est là qu’on avait déjà fait des camps d’entraînement notamment en 2019 avant les Championnats du Monde. J’étais en relation depuis trois ans avec les personnes sur place pour organiser tout ça et je savais qu’on pourrait faire ce qu’on voulait ici et que l’on avait toutes les installations nécessaires.

Sur place, on s’est entraîné jusqu’au 28, l’idée c’était à la fois d’absorber le décalage horaire, mais aussi de s’acclimater à la chaleur, car même si c’était moins humide qu’à Tokyo, il faisait quand même très chaud. Et enfin, dernier objectif, monter en pression petit à petit en direction des Jeux sans arriver directement aux JO en passant du petit cocon qu’on a en France au village olympique. L’idée c’était donc de faire un petit sas de décompression qui permettait de tranquillement se préparer, et de pouvoir, pour nous, établir une connexion avec les athlètes au quotidien. Et ça c’est plutôt très bien passé.

Dernier jour à Kurayohi, avant de prendre la direction de Tokyo.

Le 28 on a donc pris le chemin du village olympique, et, là changement d’ambiance radicale ! Mais on le savait, c’est une expérience à part entière. Ça a bien fonctionné, ça nous a permis d’arriver au début des épreuves sans avoir accumulé une fatigue mentale trop importante.

Comment on gère les athlètes ? Ça a été très différent pour les uns et pour les autres, ils étaient quatre avec quatre profils différents. L’idée ça a été de rendre les choses les plus simples pour chacun donc on a essayé de s’adapter à ce dont ils avaient besoin pour faire en sorte qu’ils arrivent dans les meilleures dispositions, avec un bon capital confiance.

On va parler un peu analyse technique. Si en qualif, les frères Mawem et Anouck Jaubert font le job, Julia Chanourdie passe un peu à côté : quelle analyse en fais-tu pour Julia ?

En qualif, les frères Mawem et Anouck, ils ne font pas le job… ils font un super job ! Ce n’est pas simple de grimper à son meilleur niveau sur les JO. Anouck et Bassa ont battu leur record perso, donc c’est un super job ! Et puis Micka, il a juste été énorme sur ces qualifications, surtout en bloc, mais il a aussi été très bon en vitesse et plutôt bon en diff !

Tous les trois font quelque chose de magnifique, vraiment, ils étaient au-dessus de leur niveau. Effectivement, Julia passe un peu à côté, sauf en vitesse où elle a été performante puisqu’elle bat son record perso. En bloc c’était plus dur pour elle, c’étaient des blocs qui ne lui convenaient pas vraiment, elle a eu des difficultés à s’en sortir, et on le sait : le bloc, quand ça ne marche pas au début du circuit, ce n’est pas simple de se remobiliser, et la difficulté n’aura pas suffi à sauver son classement… Donc oui, c’étaient des qualifications compliquées pour résumer…

Un circuit de blocs qui n’aura pas convenu à Julia Chanourdie. © IFSC

En finale, même question, quelle analyse fais-tu des performances de Micka et Anouck ?

Deux choses un peu différentes. Pour Micka, on savait que le tableau de vitesse était un peu compliqué pour lui : il prend en deuxième run Tomoa, le meilleur performeur, Bassa n’étant pas là. Il se fait battre à pas grand chose et c’était à sa portée. Ensuite, on savait qu’il avait de la marge pour faire troisième sur son dernier run de vitesse et il a réussi à ne pas rater ça, même en faisant une erreur, il parvient à se remobiliser pour ne pas finir quatrième. En bloc, un peu déçu car on espérait mieux vu ce qu’il avait fait l’avant-veille où il nous avait fait halluciner. Il fait le premier bloc rapidement, et le deuxième il trouve la solution mais il n’arrive pas à concrétiser, et puis le troisième bloc ne servait à rien, donc ça s’est joué sur deux blocs, à l’avantage de l’américain Coleman.

Pour Anouck, sur la vitesse, ça se passe bien jusqu’en finale face à la polonaise Aleksandra Miroslaw, qui est une très forte compétitrice, on ne va pas se le cacher. Elle fait peu de compétition, mais par contre elle est très très forte, elle nous avait montré qu’elle était très rapide en qualif, en étant à un centième du record du monde. Anouck est revenue en force sur la vitesse ces dernières semaines, on savait que c’était jouable, mais ça ne l’a pas fait, il n’aura pas manqué grand chose ! Dans son run de finale, elle est devant la polonaise sur la mise en action au départ, elle est toujours devant au milieu de la voie sur la reprise du jump, mais elle perd du terrain sur la fin. Elle termine deuxième et on savait que ça allait être compliqué pour la suite de la compétition. Elle donne tout sur le bloc, elle s’en sort pas mal mais il manque la petite finition. Et puis en difficulté, elle tient sa place, les autres sont beaucoup plus fortes qu’elle, elle a fait le max pour aller chercher une place.

En finale, Anouck Jaubert prenait un meilleur départ qu’Aleksandra Miroslaw, avant de se faire rattraper par la polonaise sur la fin du tracé © IFSC

Suite à la blessure de Bassa, comment trouves-tu les mots pour que l’équipe reste soudée et focus ?

On ne fait rien d’extraordinaire, on explique clairement les choses à tout le monde, surtout à Micka, car on sait qu’ils ont une relation fusionnelle. On ne lui avait rien dit avant son run de qualif en diff, mais par contre tout de suite à la sortie, je le récupère pour aller voir son frère, pour lui expliquer et le rassurer, afin d’éviter que ça ne cogite trop.

Et puis pour le garder dans le game, on lui explique qu’il a super bien commencé le travail mais qu’il a un boulot à finir, donc récupération et remobilisation pour la finale du surlendemain. C’était important de bien rester dans ses baskets pour pouvoir continuer à perfer. Ce sont les mots qu’on a eus, mais ce sont aussi ceux de Bassa, qui croit en son frère. Donc on n’a pas eu trop de difficultés pour le garder bien mobilisé pour la suite.

Malgré le forfait de son frère, le staff français a tout fait pour que Micka reste concentré jusqu’au bout de la compétition © IFSC

Durant les quatre jours de compétition, as-tu réussi à dormir ou te refaisais-tu les journées en boucle dans ta tête ? Comment fais-tu pour gérer ça ?

(Rire), on ne dort pas beaucoup… La compétition commençait à 17h, ça se terminait à 22h30/23h00, on rentrait ensuite en bus pendant 20 minutes, on mangeait, ensuite petit débriefing avec le staff sur la journée qui s’était écoulée et sur la journée suivante, on prenait aussi des infos de nos collègues restés en France pour voir comment ils avaient vécu la compétition et avoir un max d’infos à donner à nos athlètes pour la suite de la compétition. Ensuite, moi, je n’arrivais pas à dormir donc j’allais courir un moment, j’étais un peu tout seul à courir dans le village à 1h00 du mat, mais au moins ça me permettait d’évacuer toute la charge mentale qu’on prenait la journée, ça faisait vraiment du bien.

Je ne me suis pas trop refait la compétition dans la tête après les qualifs, par contre après la finale de Micka c’était autre chose. Clairement je n’aime pas perdre, je suis un compétiteur comme nos athlètes et je n’ai pas la défaite très bonne en moi, donc il a fallu accepter, ça a été un peu long ce soir-là, mais il a fallu vite se remettre dedans car le lendemain il y avait Anouck qui avait besoin de nous. Il a fallu passer à autre chose, on s’est couché tard, mais une fois qu’on est couché on pense à la suite et on donne le max pour aider Anouck à perfer au mieux le lendemain.

On est obligé de te parler un peu de Janja Garnbret, quelles sont ses plus grosses qualités selon toi pour écraser la concurrence et notamment en bloc ? Comment lutter face à une athlète de cette envergure ?

Je crois que de toute façon elle est forte depuis un moment, elle a peu de domaines de faiblesse, c’est une athlète super complète sur cette épreuve, et ce n’est pas qu’en bloc. En vitesse, elle a beaucoup progressé et elle est très bonne, et en diff elle est excellente. Comment lutter ? Elle a été clairement plus forte là. Mais on a vu aussi qu’en qualif, la pression a été dure à tenir, donc ça fait peut-être partie des clés aussi.

Quelle est la suite pour toi maintenant ?

Un peu de vacances, retrouver ma femme et mes filles qui ont bien besoin que je sois présent. Ensuite, il y aura le Championnat du Monde qui va arriver rapidement en septembre, puis les Coupes du Monde de vitesse qui seront sur le mois d’octobre. Pas mal de boulot en perspective donc… Et ensuite, il faudra aussi rapidement s’atteler à la tâche de Paris 2024. On a du travail, on veut qualifier des athlètes et on veut être performant à Paris, que ce soit en vitesse ou sur le futur combiné bloc/diff.

Les J.O de Tokyo sont terminés, place maintenant à Paris 2024.

Un dernier mot à ajouter ?

Un grand merci aux athlètes pour l’expérience qu’ils nous ont permis de vivre tous ensemble, on s’est vraiment éclaté pendant les trois semaines où on a été ensemble. Merci aussi à tous les athlètes qui ont joué le jeu de Tokyo avant, je pense notamment à Manu Cornu, Fanny Gibert, Alban Levier… Ils sont nombreux à avoir essayé de jouer le jeu des JO. Une petite pensée pour Luce aussi qui voulait tenter cette aventure. Un petit mot également pour l’ensemble du staff qui était présent à Tokyo et avec qui j’ai passé de super moments partagés avec les athlètes. Alors bien sûr, il y a toujours des difficultés à un moment, mais on a toujours été là pour nos athlètes et pour les amener le plus loin possible dans la performance, c’était le mot d’ordre ! Merci aux collègues restés en France qui nous ont vraiment aidés, merci à la FFME d’avoir soutenu ce projet olympique depuis cinq ans, et enfin merci à nos supporters qui nous ont beaucoup aidés et qui ont beaucoup aidé l’escalade dans son ensemble.

Seb Bouin: « Je suis boosté à 100% pour Bibliographie »

Alors qu’hier l’Italien Stefano Ghisolfi signait la répétition de l’année en venant à bout de « Bibliographie », proposé à 9c par Alex Megos en Août 2020, figurez-vous que c’était notre falaisiste français Seb Bouin qui était à l’assurage pour le run victorieux. Ni une ni deux, nous lui avons passé un coup de fil pour recueillir ses impressions, sachant que lui aussi travaille la voie…

Franchement hier, rien ne laissait présager que « Bibliographie » allait tomber. Les conditions s’annonçaient franchement mauvaises, et nous tombions tous les deux dans le crux sur bi-doigt. Et puis il y a eu un créneau de 30 minutes avec de bonnes conditions, et Stefano en a profité pour faire LE run! Il a passé le crux sur le bi, et n’est plus tombé jusqu’au sommet. Il savait que si il n’enchaînait pas ce serait pour une autre fois car c’était son dernier essai et son dernier jour sur Céuse. Il y est allé au mental, il a l’habitude de gérer ce genre de pression ça se voit! Pour ma part ça m’a vraiment boosté. Jusqu’à présent je jonglais entre 2 projets, « DNA » dans le Verdun, et « Biblio », et là je vais m’attarder un peu plus sur Biblio pour mettre toutes les chances de mon côté! On verra… Pour la cotation de « biblio » Stefano ne s’est pas prononcé, il va prendre le recul nécessaire. Pour ma part tout ce que je peux dire pour le moment c’est que je pense que « Biblio » est plus abordable que « DNA »… Affaire à suivre si je parviens à enchaîner!

Pourquoi Oriane Bertone n’a pas participé aux championnats du monde jeunes?

Alors que les championnats du monde jeunes s’achèvent en Russie, vous êtes nombreux à avoir remarqué que notre cadette superstar Oriane Bertone n’était pas de la partie. Elle nous explique son choix…

Cette année j’ai décidé de laisser de côté les championnats du monde jeunes. Ça a été une décision assez difficile, d’autant que je n’ai participé à aucune compétition jeune en 2021; Ce n’est pas simple de se détacher des championnats du monde, ils n’ont pas eu lieu depuis 2019, année incroyable pour moi d’ailleurs!

Pour en revenir à mon choix, nous avons décidé en début d’année avec mon coach, Nicolas Januel, de prioriser le gain d’expérience en catégorie senior: ce choix de faire l’impasse sur les championnats du monde jeunes est donc dans la continuité. Mais je participerai au championnat du monde seniors, et qui n’en rêve pas? J’aurais effectivement pu me rendre aux championnats du monde jeunes, mais la fatigue du voyage et le stress total de la compétition m’auraient anesthésiés pendant quelques semaines et mes mondes seniors auraient possiblement été compromis. Alors maintenant, concentration sur l’entraînement pour y arriver à fond et me battre comme jamais 🙂

Nailé Meignan: « C’est incroyable de remporter l’or après tant de sacrifices cette année »

Sacrée championne du monde jeunes 2021, Nailé Meignan est bel et bien de retour dans la cour des grands. Après avoir saturée du monde des compétitions et s’être octroyée une pause en 2019, c’est aux côtés de Kevin Arc qu’elle a repris l’entraînement en septembre 2020 en se fixant de nouveaux objectifs. Elle revient en exclusivité pour nous sur son titre de championne du monde de bloc et sur le chemin parcouru pour y parvenir…

Du coup pour revenir sur la pause que j’ai faite, c’était une pause d’un an de septembre 2019 à septembre 2020 parce que je ne ressentais plus de plaisir et plus d’envie pour aller sur les compétitions. Je fais de la compétition depuis que je dois avoir huit ans, et j’en avais perdu le goût et le plaisir.

Dans un premier temps j’avais décidé de faire une pause de grimpe en général, sauf qu’au bout de trois semaines je me suis rendu compte que je ne pouvais pas m’empêcher de grimper. Du coup pendant un an j’ai grimpé selon mes envies, en intérieur ou en extérieur, parfois quatre fois dans la semaine parfois pas du tout pendant deux semaines, vraiment comme je le sentais, comme j’en avais envie.

Puis en août 2020 j’ai appelé Kevin Arc pour lui demander si il serait d’accord pour travailler de nouveau avec moi. Il me semble qu’il a tout de suite été enthousiaste mais il m’a mise en garde et il m’a conseillé de prendre un temps pour mesurer la requête que je lui faisais: il m’a prévenu qu’après un an sans réel entraînement, reprendre le niveau que je voulais  allait être très difficile. Du coup on s’était donné rendez-vous trois semaines après ce premier appel pour que je vois si moi j’avais vraiment envie de m’y remettre et lui pour savoir s’il était prêt à retravailler avec moi. Je l’ai appelé avec l’envie de vouloir reprendre l’entraînement et avec des objectifs. Du coup, dès septembre, on s’est remis à travailler ensemble.

Les premiers mois ont été durs car il fallait remettre en route la machine, mais on a réussi et ça a bien marché. Du coup je me suis fixée des objectifs sur l’année et au début c’était dur de se rendre compte de ce que je serai capable de faire et à quel moment, mais j’ai quand même décidé de me fixer ces objectifs: participer à des coupes du monde senior et être sur le podium des championnats d’Europe et des championnats du monde jeunes. Mes objectifs ont donc été en partie atteints. Dans un premier temps, je n’ai pas réussi à me sélectionner pour les étapes de coupe du monde comme je l’espérais. Mon niveau n’était pas au rendez-vous lors des sélectifs seniors, je n’avais pas encore assez de préparation. Dans un deuxième temps mes objectifs ont été atteints puisque j’ai remporté deux médailles d’or: une au championnat d’Europe jeune de bloc et une au championnat du monde jeune de bloc.

Ce retour à la compétition n’a vraiment pas été facile: autant physiquement avec l’année de pause, que mentalement avec le départ de Luce (ndlr. Luce Douady). D’ailleurs au début, je pense que j’étais prête physiquement mais pas mentalement. Pour les championnats d’Europe et le championnat du monde j’ai fait un gros travail par rapport au décès de Luce et c’est ce qui m’a permis de performer sur ces deux compétitions. C’était incroyable de remporter l’or sur ces championnats du monde, je me suis beaucoup préparée et j’ai fait d’énormes sacrifices pour cette année de reprise. Je suis contente que que le travail acharné avec Kevin soit récompensé par cette belle médaille.

Cette médaille compte beaucoup pour moi car la dernière à l’avoir remporté c’était Luce et ça, ça n’est pas rien… Je suis sûre que de là-haut elle est fière de notre équipe de France. Pour la suite je vais commencer par prendre une petite pause d’escalade pour revenir à l’entraînement plus déterminée que jamais et remplir mes nouveaux objectifs.

Interview : Anouck Jaubert revient sur les Jeux Olympiques, dernière compétition de sa carrière !

Anouck Jaubert était l’une des quatre françaises à prendre part à l’aventure olympique à Tokyo le mois dernier. Au terme d’une belle compétition, elle terminait 6ème des premiers Jeux Olympiques de l’Histoire de l’escalade. Mais à l’issue de cette compétition, la grimpeuse de 27 ans a décidé que les J.O étaient la dernière compétition de sa carrière. Anouck tire ainsi un trait sur sa vie de compétitrice pour se consacrer à la fin de ses études et découvrir la vie sous une autre facette.

Après plus de dix ans de compétition à haut niveau et de nombreuses victoires en Coupe du Monde, Anouck Jaubert a marqué le monde de la vitesse.

La stéphanoise a accepté de revenir en détails sur la dernière compétition de sa carrière et de nous parler de la suite de sa vie.


Salut Anouck, comment te sens-tu après ces Jeux Olympiques ?

Super bien, je suis en vacances depuis mon retour et j’en profite pour passer de bons moments avec mes proches !

Comment était l’ambiance sur place à Tokyo ?

L’ambiance était globalement très bonne. Nous avons passé une super semaine d’entraînement à Kurayoshi avant de rejoindre le village olympique. Chacun a ses propres besoins et sa propre manière de gérer les jours qui précèdent une compétition importante. On était parfois en décalé mais tout était mis en place pour qu’on puisse choisir le rythme qui nous convenait le mieux.

Sur la compétition, on se connaît tous des Coupes du Monde, donc c’est forcément sympa. Mais sur le format de compétition combiné tout va très vite alors on n’a pas vraiment le temps de papoter ! Chacun est un peu dans sa concentration…

© Jon Glassberg/Louder Than 11

Avant d’arriver à Tokyo, ton aventure olympique a été mouvementée : tu apprenais ta qualification en plein confinement, grâce à l’attribution de la place de la commission tripartite, puis tu étais contrainte de te faire opérer suite à une blessure à la cheville, quasiment un an jour pour jour avant les J.O. Te rends-tu compte de ce parcours incroyable que tu as vécu avant d’arriver à Tokyo ?

C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de rebondissements dans cette aventure olympique. J’ai eu la chance d’être très bien entourée avec la petite équipe que j’avais formée autour de moi (Mike Fuselier, Thibault Leroux Mallouf et Simon Giraud). C’est ensemble que nous avons pris toutes les décisions (stratégie d’entraînement, opération, rééducation, choix des compétitions…) et mes performances sur ces Jeux montrent qu’elles ont été bonnes. Je n’ai jamais cessé d’y croire (pour ma sélection dans un premier temps, puis pour ma rééducation) et ça a payé !

Lors du premier jour, après avoir assuré la deuxième place en vitesse, c’est notamment en enchaînant le bloc 1 des qualifications que tu empochais ton ticket pour les finales olympiques. Qu’as-tu ressenti en apprenant la nouvelle ?

J’ai fondu en larmes en voyant que j’étais officiellement 8ème et donc en finale. Car ma 2ème place en vitesse réduisait sacrément la probabilité que je sois en finale. Mais j’ai su faire mentir les statistiques en allant chercher deux belles places en bloc et en difficulté. Je suis ravie que les trois disciplines soient entrées en compte pour mon passage en finale. Là encore, un exemple qui valide les choix stratégiques à l’entraînement !

Comment as-tu géré la journée de repos entre les qualifications et la finale ?

Le retour après la soirée de qualification a été tardif. Et avec les messages et l’excitation, la nuit a été plutôt courte… L’objectif principal de cette journée était bien sûr de récupérer ! Car oui les qualifications avaient laissé des traces (notamment mes combats en bloc et diff). J’ai passé un moment en soin avec Pascal (le kiné) pour me détendre ; j’ai utilisé les bains froids pour améliorer la récupération cutanée ; je me suis reposée… J’ai planifié ma journée de finale avec tous les détails comme j’aime le faire. Je me suis ressourcée avec mes proches. Il y avait la finale des hommes avec Micka en fin de journée ; j’ai fait le choix de la regarder depuis le village (à la TV) pour garder un maximum d’énergie… Frustrant mais nécessaire pour ma propre compétition.

Tu t’étais préparée pendant de longs mois pour arriver dans la forme de ta vie physiquement et mentalement, afin d’être prête le jour J de la compétition. Penses-tu que c’était le cas ?

Je bats deux fois (presque trois…) mon record personnel en vitesse et je bats quelques-unes des meilleures mondiales dans leur discipline de prédilection. Donc on peut dire que oui ! Que ce soit sur le plan physique, technique, tactique ou mental, j’étais au maximum que je pouvais atteindre pour ces J.O.

© IFSC

En finale de la vitesse, tu faisais face à Aleksandra Miroslaw, qui semblait particulièrement en forme. Or, une première place en vitesse pouvait tout changer pour toi. Qu’as-tu pensé quelques secondes avant de te lancer dans ce duel ?

Je pensais simplement à voler sur le mur, à tout lâcher pour aller toucher ce buzzer le plus vite possible !

Peux-tu nous faire revivre avec tes mots ton impressionnant run de finale face à la polonaise ?

Difficile justement de décrire le run car en étant à fond je n’ai pas le temps de savoir ce qui se passe ! Je sentais que j’allais vite et j’avais pour seule intention d’accélérer ! Je savais évidemment qu’on était côte à côte… Sur le dernier mouvement, il fallait vite lâcher la main gauche pour aller au buzzer et je n’ai malheureusement pas eu le temps de saisir la prise correctement pour déclencher le mouvement…

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À la sortie du bloc 1 des finales, tu étais en deuxième position de cette épreuve, devant des grimpeuses de renom comme Akiyo Noguchi ou Miho Nonaka, spécialistes de cette discipline. À ce moment-là, à quoi penses-tu ?

Incroyable !!!! Je crois que c’était un des meilleurs moments de ces J.O ! Je n’en revenais pas de voir les filles revenir derrière le mur en ayant fait moins bien que moi (on avait un écran avec le classement qui s’actualisait au fur et à mesure). Jessica « yes cool », Miho « waouh », Chaehyun « oh la la c’est fou », Akiyo « mais noooon », Brooke « incroyable », et … non pas Janja faut pas abuser quand même !!! Ha ha

Évidemment j’étais à fond et je me préparais à aller casser les blocs 2 et 3 !! Bon, on connaît la suite de l’histoire maintenant et le classement a repris un ordre plus « attendu »… Mais je suis super fière d’avoir devancé ces filles sur un bloc ; tout le monde ne peut pas s’en vanter 😉

As-tu une anecdote à nous raconter sur ces J.O ?

Étant en permanence avec du monde pendant 15 jours, j’étais super frustrée de ne pas pouvoir chanter et danser sur les musiques que j’aime… Le matin des qualifications j’ai enfin pu profiter de l’absence de mes colocs de l’appart pour me faire une petite chorégraphie improvisée ; ça m’a fait un bien fou !

Quel est ton plus beau souvenir de cette compétition ?

Je garderai simplement en mémoire le plaisir que j’ai pris à chaque instant sur cette compétition !

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Si tu devais tirer un bilan de tes Jeux Olympiques, que retiendrais-tu ?

Un record personnel en vitesse, un top incroyable en bloc, un repos en grand écart en diff, des gros combats, bref le fait de me surpasser dans tous les domaines ! Mais aussi tout le chemin qui m’a menée à cette compétition, le travail, les émotions décuplées, les sourires, les larmes et le soutien incroyable venant de France !

Ressort-on grandi en tant que sportif en repartant des Jeux Olympiques ?

Bien sûr, ça a été une aventure incroyable. C’est la compétition que j’avais la plus préparée de toute ma vie. J’ai aussi constaté tout l’engouement que cet événement a créé autour de moi. On sentait que c’était une compétition « différente ». J’ai beaucoup travaillé, beaucoup appris pendant ma préparation et ça m’a permis de m’exprimer au mieux le jour J. C’est très satisfaisant de voir ses efforts récompensés !

À Paris en 2024, la vitesse sera une discipline olympique à part entière, or, on a lu que les J.O de Tokyo pourraient être la dernière compétition de ta carrière. Peux-tu nous en dire plus sur ta façon d’envisager l’avenir ?

Eh oui, pour le plaisir de tous, l’escalade de vitesse aura sa propre médaille et ça promet une magnifique compétition !! Je ne me lance pas sur ce projet mais je suivrai ça de près et si mon expérience peut apporter aux futurs olympiens, je la partagerai avec plaisir. Après 10 ans de sport de haut niveau je vais me tourner vers toutes les autres belles choses de la vie qui m’attendent : découvrir de nouvelles activités, avancer dans mes projets avec ma chérie, finir mes études…

© Jon Glassberg/Louder Than 11

Ces Jeux Olympiques ont propulsé l’escalade sur le devant de la scène médiatique et beaucoup de téléspectateurs ont été notamment impressionnés par l’épreuve de vitesse. En tant que spécialiste de cette discipline, qu’en penses-tu ?

Ce n’est pas étonnant ; notre discipline est palpitante puisqu’il peut y avoir de nombreux rebondissements dans un temps très court ! Le principe des duels se comprend très facilement et la dimension « verticale » impressionne. Il y a parfois aussi l’aspect esthétique qui ressort : avec la fluidité de mouvement, certains parlent même de chorégraphie…

As-tu un dernier mot à passer ?

Je vais profiter de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont apporté leur pierre à l’édifice !

Je commence par le trio d’enfer qui m’a accompagné dans cette aventure olympique : Mike (Fuselier), Simon (Giraud) et Thibault (Leroux Mallouf) ; ils m’ont poussée à dépasser mes limites avec rigueur, détermination, joie et bienveillance ; c’était du pur bonheur de travailler avec eux ! MERCI

Merci au staff présent à Tokyo : Cécile (Avezou), Sylvain (Chapelle), Laurent (Lagarrigue), Pascal (François) ; ils ont tout fait pour répondre à mes besoins et me permettre de m’exprimer au mieux !

Merci à ceux qui ont organisé notre séjour à Kurayoshi : Farid, Satoshi, Keiko, Fumiko… ; nous avons été accueillis comme des rois, dans les meilleures conditions pour s’entraîner et avec un soutien sans faille !

Merci à la FFME qui a cru en moi et m’a soutenue pendant de nombreuses années.

Merci à tous les copains pour le soutien et merci spécial à Victoire (Andrier) qui a largement participé à égayer mon séjour japonais avec tous nos échanges !

Merci à mon club, Escapilade, qui m’a fait découvrir l’escalade puis qui m’a suivie et soutenue dans tous mes projets.

Petit clin d’œil au club Albanais Vertical qui m’a permis d’accéder au mur pour de nombreux entraînements ; merci pour l’accueil chaleureux.

Merci à la ville de Saint-Etienne, au comité départemental et au département de la Loire ainsi qu’à la région Rhône-Alpes pour l’aide qu’ils m’ont apportée durant toutes ces années !

Merci à ma famille qui m’a laissé vivre mes aventures et toujours encouragée !

Merci à Climb up pour leur soutien cette année.

Merci à la Caisse d’Epargne Loire Drôme Ardèche ; leur accompagnement ces deux dernières années a fait la différence.

Merci à tous les entraîneurs du pôle France, aux entraîneurs nationaux et à tous ceux qui ont pu me glisser un conseil à un moment ou à un autre ! Je me suis nourrie de chaque petit élément pour grandir.

Merci à TSF (Tremplin Sport Formation) pour les superbes infrastructures et le dynamisme sur le site d’entraînement à Voiron !

Merci aux collègues d’entraînement pour tous les bons moments passés ensemble et pour toutes les galères surmontées !

Merci à l’école de kinésithérapie de Grenoble qui m’a permis d’aménager au mieux mon double projet ; merci en particulier à ma tutrice Sophie Barth qui a toujours trouvé les solutions pour moi.

Merci à ma chérie, Marion, qui a vécu cette aventure (et toutes les contraintes que cela implique) avec moi et a été un vrai pilier.

Enfin merci à tous ceux qui m’ont encouragée, soutenue et qui ont vibré avec moi pendant ces JO et pendant ces 10 ans de compétition. Ça fait chaud au cœur !

Interview : Manu Cornu revient sur sa médaille aux Championnats du Monde 2021

En 2016, Manu Cornu était propulsé sur le devant de la scène internationale : à Bercy, devant des milliers de spectateurs, il se hissait sur la troisième marche du podium des Championnats du Monde de bloc.

Cinq ans plus tard, notre français réitère son incroyable performance, quasiment jour pour jour. Après une saison 2021 en demi-teinte, rythmée par des hauts et des bas, Manu Cornu a réussi à exprimer tout son potentiel. Après avoir pris la 4ème place de son groupe en qualification, puis la seconde des demi-finales, il parvenait dimanche à monter sur la troisième marche du podium des Championnats du Monde 2021. « J’ai réalisé la prestation la plus consistante de ma vie sur une compétition internationale » déclare-t-il.

En exclusivité pour nous, Manu a accepté de revenir sur cette compétition.


Dans quel état d’esprit as-tu abordé ce Championnat du Monde 

Je suis allé sur ces Championnats du Monde en étant prêt, j’étais focus à 100% sur cette compétition, sur ce que je faisais. Je me sentais capable de faire une belle perf. J’étais venu pour gagner mais je suis très content de ce podium.

Tu as connu des hauts et des bas tout au long de cette saison, décrochant ton ticket pour les Championnats du Monde de justesse. Qu’avais-tu mis en place à l’entraînement durant ces deux derniers mois pour arriver en forme à Moscou ?

Cette saison j’étais un peu sur un courant alternatif : soit c’était bien, soit ça n’allait pas du tout… Une compétition sur deux, je n’atteignais pas les demi-finales, mais quand j’y étais ça ne passait pas loin… Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui entrent en compte pour expliquer cette défaillance : parfois le niveau physique, parfois l’excès de confiance, et j’en passe… Pour être fort en compétition et pouvoir s’exprimer, il faut trouver la bonne recette. Cette année je n’ai pas toujours su la trouver.

Mais la Coupe du Monde d’Innsbruck a été la contre perf de trop pour moi. Ça m’a touché, j’ai fini la compet en étant incapable de faire un bloc, j’avais prévu de prendre quelques jours de repos juste après la compet et ça m’a aidé à prendre du recul.

Quand je suis rentré à Paris, j’ai dit à Nico que je me sentais prêt à en faire beaucoup plus, mon mental avait changé, j’étais encore plus appliqué à l’entraînement, prêt à avoir une meilleure hygiène de vie, etc etc. Je ne me forçais pas à faire les choses, tout était un plaisir, j’étais en mission !

Le week-end dernier, la magie de Bercy se réitérait : comme en 2016, tu montes sur le podium des Championnats du Monde, au terme d’une belle finale. Qu’est-ce que ça fait de décrocher une nouvelle médaille de bronze sur l’une des plus prestigieuses compétitions d’escalade ?

C’est une fierté de réussir à s’exprimer sur ce genre d’événement ! C’est une revanche aussi sur l’événement de la qualif aux JO, dans le sens où, en général, quand je cible un moment où je veux perfer, il faut compter sur moi. À Toulouse lors du tournoi de qualification olympique, je n’avais pas su le faire… Ça m’avait apporté beaucoup d’interrogations, mais aujourd’hui je peux me dire que ce jour-là, c’était un jour sans et que je n’ai pas perdu ma Grinta!

C’est ma troisième médaille sur des Championnats du monde, j’en suis vraiment content.

Justement, comme tu le dis, tu prouves une nouvelle fois que tu arrives à être présent sur des grands rendez-vous comme celui-ci. Comment expliques-tu cela ?

Si c’était facile à expliquer… Bon là ça fait 15 minutes que je cherche une réponse à cette question, mais je ne sais pas réellement. Je pense juste que j’arrive à ne pas être mangé par l’enjeu et qu’au contraire il me fait du bien. Il y a aussi une partie de préparation mentale plus poussée, vu que c’est l’objectif dont on parle depuis septembre, c’est peut-être une des raisons…

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Comment as-tu vécu les finales de ces Championnats du Monde à Moscou ?

À la lecture, je me suis dit « le bloc 1, ça va être la guerre ! Une coordination de bras sur des mauvaises prises en départ no foot… C’est vraiment pas là où je vais pouvoir faire la différence ». Et ma réussite dans cette finale, c’est qu’à part Fujii, personne n’a réussi à faire ce bloc. Les autres blocs m’inspiraient bien plus et à la lecture je ne me sentais pas très bien, je n’arrivais pas à oublier ce bloc 1, j’avais l’impression que les autres blocs étaient plus accessibles et n’allaient pas m’aider à revenir dans la course si j’avais un bloc de retard.

Mais très vite, la finale a commencé et ma peur du bloc 1 s’est vite effacée quand personne n’a eu la zone.

Après chaque bloc, l’entente avec les autres finalistes derrière le mur était vraiment amicale. On se montrait tous nos doigts en sang, ça rigolait bien, personne n’avait l’air stressé de l’enjeu, j’ai toujours eu mon destin entre les mains pour rester sur le podium, j’étais serein. J’ai abordé les blocs en étant sûr de mes méthodes, je n’avais pas trop d’interrogation à la lecture. J’étais prêt à grimper en finale des Championnats du Monde.

Comme je l’ai dit plus haut j’étais en mission, mais j’étais vraiment tranquille, je n’avais aucune nervosité, je savais où j’étais, ce que je faisais, bref, mentalement j’étais vraiment bien. Il a juste fallu gérer la pression qu’Alexey m’a mise sur le dernier bloc, mais je l’ai mise dans un coin de ma tête, j’ai essayé de rester focalisé le plus possible sur ma grimpe.

Tu as été très régulier tout au long de la compétition : tu prenais la quatrième place de ton groupe en qualification, avant de frapper fort en demi-finale en te classant deuxième du circuit, pour finir par une troisième place en finale. Comment expliques-tu cette régularité ?

Je l’explique par tous les efforts et les progrès qu’on a vu au cours des derniers mois. C’est sûr que ce week-end, j’ai réalisé la prestation la plus consistante de ma vie sur une compétition internationale : j’ai tenu le rythme pendant toute la compétition, sans avoir peur de me faire sortir, comme souvent. C’est une chose que l’on doit réussir à reproduire l’année prochaine.

Quel est le moment le plus fort de cette compétition ?

Ça ne va pas être très original mais je pense que c’est l’enchaînement du dernier bloc. C’est le moment où tu sais que tu viens de faire le job, que tu as réussi à concrétiser ton année, que tous tes choix ont été bons, que le coach et l’équipe ont le sourire, que tu sais qu’une boîte de Ferrero Rocher t’attend pour fêter ça :p … C’est un moment de joie qui passe au-dessus de tout.

© IFSC

Kokoro Fujii, qui rafle le titre en étant le seul grimpeur à enchaîner les quatre blocs de finale, était-il atteignable selon toi ?

Franchement, pour moi, non. Il mérite ce titre, il a été solide toute l’année et sur toute la compétition. En qualification, il était déjà le seul à faire un bloc dans mon groupe et en plus à vue. Sur un autre style de finale, il aurait peut-être été atteignable, mais sur ce tour, il aurait été très très dur de le battre.

Comment envisages-tu la suite maintenant ? 

Pour l’instant, je me repose un peu, mais je vais reprendre l’entraînement bientôt. C’est sûr que je serai en forêt cet hiver, mais je ne sais pas encore où, pas forcément dans du très dur d’ailleurs, l’idée est de se faire plaisir.

Un dernier mot à passer ?

Des remerciements à tous les gens qui m’ont écrit, à mes partenaires, à la fédération, à l’armée de terre, à Arnaud, Manu et toute la team que je n’oublie pas, tous les gens proches de moi et à Nico Januel évidemment.

Voilà l’aventure continue 🙂

Interview : Nolwen Berthier, la grimpe dans la peau – Interview: Nolwen Berthier, climbing in the blood

28 septembre 2021 à 18:00

Extrêmement déterminée et particulièrement investie quand il s’agit de grimpe extrême en falaise, la grimpeuse aixoise Nolwen Berthier est une personnalité attachante qui ne laisse pas indifférent quand on la croise. Cette ancienne compétitrice dévoue désormais sa passion à repousser ses limites en falaise, avec une précision méticuleuse en matière d’entrainement et une vision assez progressiste et de notre activité, notamment concernant notre rapport au milieu naturel. Interview.

– Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Salut ! Moi c’est Nono, 28 ans, grande amatrice de chemises à fleurs, de chocolat et de petites prises. J’ai commencé l’escalade par la compétition il y a une quinzaine d’années… mais je n’y ai pas trouvé beaucoup d’arquées (question de génération peut-être). Après plusieurs années en Équipe de France, et de nombreux départs en coupe d’Europe et coupes du Monde, durant lesquelles j’ai troqué mes chemises contre une tenue officielle, je me consacre maintenant pleinement à la falaise, avec plus d’une dizaine de voies en 8c et + à mon actif.

En parallèle de la grimpe, j’ai suivi une formation d’ingénieure en énergie et environnement. Aujourd’hui, je mets ces compétences au service de la transition écologique et solidaire, en accompagnant les entreprises dans ces démarches.

Ta petite taille est-elle un atout ou un obstacle ?
Je ne sais pas si c’est un atout, mais je n’ai pas envie de penser que c’est un obstacle. D’une certaine manière, accepter que ce soit un frein, ce serait déjà renoncer… Alors au fil du temps, j’ai appris à faire avec mon mètre et demi. Le fameux « Nonomètre ». Certes, il m’a fallu sortir un peu des standards, notamment pour trouver les calages dans les voies. Bilan : les copains détestent mes (supers méthodes) flash… À mon sens, la seule condition est d’accepter de sortir des sentiers battus, tester des choses improbables, parfois absurdes et surtout, faire avec ses qualités. Tant qu’on se dit que c’est possible, on s’adapte, on compense, bref, on trouve des solutions ! Mais bon, je dois avouer que ça peut s’avérer être une bonne galère pour trouver des jeans (ou des chaussons) à ma taille…

Quels sont tes points faibles, qu’aimerais-tu améliorer ?
On m’a souvent conseillé de travailler ma taille… On m’a également dit que “quand la force ne suffit pas, il faut encore plus de force”…  Mais maintenant, je suis assez convaincue que la polyvalence est la clé. Être un bon grimpeur ou une bonne grimpeuse, c’est s’adapter à tout type d’escalade et être à l’aise sur tout type de support pour s’exprimer dans la diversité de notre activité.

Tu sembles faire beaucoup plus de falaise ces dernières années tout en continuant à beaucoup t’entrainer. Qu’est-ce qui t’a poussée à te tourner vers l’extérieur ?
Contrairement à d’autres compétiteurs ou compétitrices, la falaise a toujours été présente dans mon approche de l’escalade comme un support d’entraînement, un refuge pour m’évader, mais aussi un espace d’expression, qui me permettait de concrétiser mes entraînements quand les résultats en compétition pouvaient parfois être un peu frustrants.

Aujourd’hui, la falaise me permet de découvrir l’activité sous un autre angle, avec de nouvelles sensations et toujours plus de défis à résoudre. Cela m’apporte également la flexibilité nécessaire pour concilier les contraintes d’entrainement avec mon rythme de travail, et un nouveau cadre : c’est toujours plus sympa de passer ses week-end dehors qu’enfermée dans un gymnase.

Trouves-tu que les supports mis à disposition des grimpeurs sont adaptés de manière générale à l’entraînement pour la falaise ?
Les grandes enseignes privées jouent un rôle crucial dans le développement du haut niveau. Quand on arrête la compétition mais qu’on s’investit en falaise, nous n’avons pas de statut officiel de sportif de haut niveau. Cela nous prive alors des aides associées (bourses, accès aux structures fédérales…) et les supports d’entrainement auxquels nous avons accès sont donc ceux ouverts à tous.

Aujourd’hui, la plupart des salles privées sont tournées vers le grand public et la massification de la pratique de l’escalade. Autour de chez moi, les supports proposés ne sont pas adaptés au haut niveau en falaise : les ouvertures sont majoritairement orientées vers le bloc moderne, le renouvellement des voies n’est pas assez fréquent, les outils d’entraînement sont peu aboutis et/ou développés… Globalement il faudrait être abonné dans toutes les salles de la région pour pouvoir s’entraîner correctement. On en vient à préférer se faire un pan chez soi pour s’entraîner plutôt que d’aller profiter de l’émulation à la salle… cherchez l’erreur !

Comment concilies-tu ta vie professionnelle et tes entraînements ?
En temps normal, je travaille 4 jours par semaine mais avec la crise sanitaire, je suis au chômage partiel : cette dernière année, mon temps de travail a fluctué entre 1 et 3 jours par semaine, ce qui m’a laissé pas mal de temps pour me consacrer à l’escalade… une belle opportunité sur le plan sportif !

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

Tu es rarement blessée, apportes-tu une attention particulière à ton hygiène de vie et ton alimentation ?
Comme beaucoup de sportifs, ma vie est rythmée par mes rêves et mes objectifs et il y a alors un temps pour chaque chose. Il faut savoir mettre les bonnes priorités au bon moment pour assurer un équilibre pertinent sur le long terme : parfois il est important d’être sérieux, parfois ça l’est tout autant de ne pas l’être, mais j’avoue que sur le plan de l’alimentation, je suis plutôt du style à ne pas l’être.

En falaise, quels sont tes critères pour choisir la ligne ou ton prochain projet ?
Ce qui m’attire naturellement ce sont les lignes visuelles et esthétiques… et les défis aussi. Dans le fond, je crois que je n’aime pas vraiment la facilité, j’ai besoin d’être poussée dans mes retranchements qu’ils soient physiques, techniques, mentaux… ou un peu tous à la fois. Je grimpe avec mes tripes : pour m’investir, j’ai besoin d’avoir des étoiles dans les yeux ! Les voies qui me marquent le plus ne sont pas toujours celles dont la cotation est la plus élevée, mais celles qui m’ont poussée à me dépasser. De toute façon, avec ma taille, les cotations ne sont qu’un ordre de grandeur (très) approximatif. Quand tu sors de la norme de par ton gabarit, ton allonge ou ta taille de doigts, quelle est la valeur d’une cotation ?

Pourquoi avoir choisi “Supercrackinette” comme projet ultime et quel a été ton plan d’entraînement pour l’aborder ?
Cette aventure a commencé – avant tout – grâce aux copains… Après avoir fait la “Ligne Claire”, j’hésitais à me lancer dans “Le Cadafist”, et Seb (Berthe) qui essayait “Supercrackinette” à l’époque, m’a dit « il faut absolument que tu ailles voir cette voie, ça te conviendrait bien mieux ! ». L’idée a fait son bonhomme de chemin (et peut être que la Supercrack’Danse a joué un rôle) mais j’ai fait une première montée… plutôt inspirante !

Puis Léo (de la Turnorgift Production) m’a incitée à y retourner… et j’ai refait quelques montées, qui m’ont sacrément motivée …

Pour me lancer dans un ultime projet, je voulais trouver une voie pas trop morpho, si possible dans mon style, pas trop loin de la maison … et avant tout qui me motive ! Et bien vous le croirez ou non, mais malgré les nombreuses falaises et belles voies du Sud de la France, ce n’est en réalité pas si facile de tout combiner ! “Supercrack” rassemble un peu de tout cela, et même si je n’ai jamais fait de 9a, pourquoi pas me lancer dans cette aventure ? Dès les premières montées, j’avais bien compris que c’était une de ces voies qui te laissent miroiter au premier abord que c’est jouable, mais que quand venait l’heure d’empiler tous les mouvs, ce n’était pas le même game… Peu importe, l’aventure était lancée !

– Où en es-tu du processus ?
J’ai passé beaucoup de temps dans la voie l’année dernière, et ça bougeait plutôt bien, mais les grosses chaleurs sont arrivées, m’obligeant à interrompre momentanément le processus… ce qui n’a pas été facile à accepter, mais qui est sûrement un mal pour un bien sur le long terme.

Après un été consacré au ressourcement physique et mental, il est l’heure de se remettre à l’entraînement pour retourner dans la voie au début de l’automne, quand les conditions seront plus clémentes !

Comment gardes-tu la motivation à essayer des projets à long terme de ce type ?
Spécialement pour “Supercrakinette”, j’ai essayé de prendre soin de cette motivation. Dès le commencement, je savais que ce serait un projet de longue haleine alors j’ai alterné périodes de travail de la voie et temps d’entraînement, pour ne pas tomber dans la routine des essais. Je me suis attachée à attiser cette envie profonde de mettre des runs gagnants.

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

Accordes-tu de l’importance à la réalisation d’une première féminine ?
Pourquoi valorisons-nous les premières féminines ? Parce que les femmes grimpent avec moins de force que les mecs ? Parce qu’elles sont plus petites ? Parce qu’elles ont besoin de reconnaissance ? C’est loin d’être toujours vrai ! Nous avons trop souvent dénigré les performances féminines dans notre sport, et si déjà nous valorisions ces performances à leur juste valeur, ce serait déjà une belle avancée ! (par exemple, en arrêtant de décoter les voies quand une femme enchaine…).

Au-delà de ça, valoriser une première (féminine) a selon moi beaucoup de sens quand la réalisation marque une avancée significative : il peut y avoir une dimension physique (franchir une nouvelle cotation par exemple), psychologique (enchaîner une voie mythique) ou technique (trouver des méthodes adaptées à un gabarit)… Mais parfois il n’y a rien de tout cela, et la première féminine n’est alors pas très représentative : est-ce que cela n’aurait pas plus de sens de parler du premier enchainement réalisé par les moins de 1m60 ou par les plus de 1m80 ?

Évoluer en falaise dans un milieu assez masculinisé est-il compliqué pour toi ? Quel est ton ressenti ?
Passer mes journées entourée de beaux mecs… je ne vois pas où est le problème… ! 😉 Dans mes études, au club… depuis mon plus jeune âge j’ai toujours évolué dans des milieux plutôt masculins, sans jamais me sentir particulièrement inférieure ou exclue.

Notre société connaît de véritables évolutions à l’heure actuelle sur le sujet de la parité. Malgré tout, on peut observer que le sexisme est toujours ancré dans certaines de nos habitudes, et ce même dans notre activité. Par défaut, dans une cordée mixte, qui va porter la corde à la falaise ? monter les dégaines ? poser des moulinettes ? trouver des méthodes dans les voies ?

Il n’y a pas forcément d’arrière-pensée négative dans ces habitudes, et cela part même souvent d’une bonne intention, mais ces actions – aussi insignifiantes soient-elles – perpétuent une position de subordination de la femme vis-à-vis de l’homme qui ne va pas dans le sens de la parité.

Et cela marche également dans l’autre sens : pourquoi les femmes seraient-elles plus souvent mises en avant dans certains médias ? sous prétexte que leur image est plus vendeuse ?

Y a-t-il une voie qui te fait rêver et dans laquelle tu n’as pas encore eu l’occasion d’aller ?
S’il y en avait qu’une ! Rien que dans le Sud-Est de la France, ça ne manque pas avec par exemple les deux proues taillées au couteau de la Carrière du Maupas, “Cannabis Directa” et ses cannelures incroyables typiques de Roquevaire ou encore “La trainée rousse” et sa monocolo qui a l’air bien trop déversante (comme souvent à la Ramirole)… Sans compter les projets que j’ai encore sur le feu à l’étranger, mais aussi toutes les autres formes d’escalade que je n’ai pas explorées comme certaines belles lignes de bloc, les grandes voies, le trad…

Bref, le plus dur, c’est de choisir !

– Tu travailles dans le développement durable, intègres-tu aussi celui-ci dans ta pratique de l’escalade ? Si oui comment ?
La soutenabilité fait en effet partie intégrante de mon travail, mais surtout plus largement de mes valeurs personnelles.

Je suis convaincue que nous avons tous un rôle à jouer pour relever le défi des crises environnementales et sociales auxquelles nous faisons face, et que ce rôle est bien plus large que de trier nos déchets. Les organisations publiques et privées ont une responsabilité importante, mais nos métiers, nos achats, nos actions individuelles, bâtissent également la société dans laquelle nous vivons et ne sont donc pas négligeables (si le sujet vous intéresse, rendez-vous ici).

À titre personnel, il me tient à cœur de mettre mon énergie au service de projets qui permettent l’émergence d’une société différente, basée sur plus de sobriété et de respect du vivant.

À quoi bon entreprendre une démarche « zéro déchet » si vous prenez l’avion plusieurs fois par an pour des déplacements professionnels ? À quoi bon prendre le vélo pour aller travailler si vous bossez à temps plein sur un projet qui contribue au dérèglement climatique ?

En tant que sportive de haut niveau, je m’attache à collaborer avec des marques qui œuvrent dans ce sens : les vêtements Patagonia, le matériel Edelrid, les boissons Lökki Kombucha, la magnésie Myléore, les ressemeleurs de La Clinique du chausson et du matos. Toutes ne sont pas parfaites, mais toutes sont engagées sur ce chemin.

J’aime également partager des contenus qui m’ont inspirée pour en faire profiter le plus grand nombre (rdv sur instagram).

Interview Nolwen Berthier

On voit fleurir quelques beaux galets aux pieds de voies classiques du Sud-Est. Comment t’inspires-tu pour les concocter ?
L’inspiration pour ces petits galets vient en premier lieu du nom de la voie. Ce petit nom sur le topo qui titille notre imaginaire, nous fait rêver, sourire, nous pousse à essayer la voie ou même parfois que l’on ne comprend pas vraiment… Je ne suis pas grande dessinatrice mais je suis convaincue qu’un petit dessin vaut souvent mieux qu’un long discours. En creusant un peu, on se rend compte que derrière beaucoup de noms de voies se cache une anecdote, une dédicace, un trait d’esprit… À eux seuls, ils retracent tout un pan de l’histoire de notre activité, souvent liée aux équipeurs. Les mettre en image à travers des galets est une opportunité de les partager et les faire perdurer dans le temps, mais également de mettre en lumière une spécificité de notre activité : malgré les (trop) nombreux débats à ce sujet, une voie ne se résume pas à une cotation, et c’est aussi ce qui fait la beauté de notre sport. Ces petits galets, c’est une manière d’apporter une pierre à notre communauté.

Quel est ton regard sur la situation de nos sites naturels ? Quelles directions pourrait-on envisager ?
Qui va s’occuper de l’entretien des points existants ? Qui va dialoguer avec les propriétaires des terrains ? Qui va assurer les problèmes de responsabilités ? Bien que je grimpe depuis de nombreuses années, ce sont des problématiques que je découvre. En toute transparence, je ne me sens en rien légitime pour émettre un avis ou des conseils en la matière.

Le mot de la fin ?

Pour remercier ceux qui m’ont lu jusque-là, voici une “punchline tranchante comme des réglettes aiguisées” :
Avec mes drago LV, le niveau est élevé (…) Talon contre-pointe, talon contre-pointe (…) J’serre les arquées ils serrent les dents. Talon contre-pointe, talon contre-pointe. ” #FLDDB

Merci pour cet échange en dehors des sentiers battus, que le “fighting spirit” soit avec vous !

Photo de couverture : Antonin Rhodes

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

Extremely determined and particularly invested when it comes to extreme rockclimbing, Nolwen Berthier from AIx, France is an endearing personality who does not leave indifferent when you meet her. This former competitor now devotes her passion to pushing her limits on rockclimbing, with meticulous precision in terms of training and a vision of our activity fairly progressive, especially concerning our relationship to the natural environment. Interview.

– Can you introduce yourself to those who don’t know you?
Hi ! Me is Nono, 28, a big fan of flower shirts, chocolate and small holds. I started climbing with competition about fifteen years ago … but I haven’t found many crimp there (maybe a generation question). After several years in the French team, and many starts in the European Cups and World Cups, during which I exchanged my shirts for an official outfit, I now devote myself fully to rockclimbing, with more than ten of 8c and + routes to my credit.

Along with climbing, I followed an engineer in energy and environment formation. Today, I put these skills at the service of the ecological and inclusive transition, by supporting companies in these steps.

– Is your small size an asset or an obstacle?
I don’t know if it’s an asset, but I don’t want to think of it as a problem. In a way, accepting that it was a drag would already be giving up … So over time, I learned to do with my meter and a half. The famous “Nonometer”. Of course, I had to go a little outside the standards, especially to find my betas in the routes. Conclusion: my friends hate my (great betas) flashes… In my opinion, the only condition is to agree to think outside the box, test improbable, sometimes absurd things and above all, make do with my own qualities. As long as we say to ourselves that it’s possible, we adapt, we compensate, in short, we find solutions! But hey, I must admit that it can be a hassle to find blue jeans (or climbing shoes) in my size…

– What are your weaknesses, which you would like to improve?
I’ve often been advised to work on my height… I’ve also been told that “when strength isn’t enough, you need even more strength” … But now I’m pretty much convinced that versatility is key. Being a good climber means adapting to any type of climbing and being comfortable on any type of support to express yourself in the diversity of our activity.

– You seem to be doing a lot more rockclimbing in recent years while still training a lot. What made you turn outward?
Unlike other competitors, rockclimbing has always been present in my approach to climbing as a training medium, a refuge to escape, but also a space of expression, which allowed me to achieve my goals. training when the results in competition could be a little frustrating at times.
Today, rockclimbing allows me to discover the activity from a different perspective, with new sensations and always more challenges to solve. It also gives me the flexibility to reconcile the constraints of training with my pace of work, and a new setting: it’s always fun to spend your weekends outside than locked in a gym.

– Do you find that the supports made available to climbers are generally suitable for training for rockclimbing?
Large private brands play an important role in the development of high level. When we stop competing but invest time in rockclimbing, we don’t have the official status of a top athlete. This then deprives us of associated aid (scholarships, access to federal structures, etc.) and the training materials to which we have access are therefore those open to everyone.
Today, most private rooms are geared towards the general public and the massification of rock climbing. Around my home, the supports offered are not suited to the high level in rockclimbing: the openings are mainly oriented towards the modern bouldering style, the renewal of the routes is not frequent enough, the training tools are not very successful and/or developed… Globally, it would be necessary to be a subscriber in all the gyms of the region to be able to train properly. We come to prefer to make a training wall at home rather than going to enjoy the emulation in the gym … find the mistake!


– How do you mix your professional life and your training?
Normally, I work 4 days a week but with the Covid crisis, I’m on partial unemployment: this last year, my working time fluctuated between 1 and 3 days a week, which left me a lot of time to devote myself to climbing … a great opportunity in sporting terms!

– You’re rarely injured, do you pay particular attention to your lifestyle and your diet?
Like many athletes, my life is punctuated by my dreams and goals and there is a time for everything. You have to know how to put the right priorities at the right time to ensure a relevant balance in the long term: sometimes it’s important to be serious, sometimes it’s just as important not to be, but I admit that on the diet plan, I’m more of the style not to be!

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

– In rockclimbing, what are your criteria for choosing the line or your projects?
What naturally attracts me are the visual and aesthetic lines … and the challenges too. Basically, I think I don’t really like the easy, I need to be pushed to my limits whether they are physical, technical, mental… or a little all at the same time. I always climb a muerte: to invest myself, I need to have stars in my eyes! The routes that mark me the most are not always the ones with the highest grade, but the ones that have pushed me to surpass myself. Anyway, with my height, grades remain a very unclar question. When you deviate from the norm because of your size, your ape or your finger size, what’s the value of a grade?

– Why did you choose “Supercrackinette” as your ultimate project and how was your training plan to tackle it?
This adventure began – above all – thanks to my friends … After doing “La Ligne Claire” (8c+), I hesitated to go into “Le Cadafist”, and Seb (Berthe) who was trying “Supercrackinette” at the time, told me “you absolutely have to go see this route, it would suit you much better!”… The idea caught me (and maybe the “Supercrack’Dance” played a role) but I made a first check… pretty inspiring!
Then Leo (from Turnorgift Production) encouraged me to go back … and I did a few goes again, which really motivated me…
To embark on a big project, I wanted to find a route that was not too morpho, if possible in my style, not too far from home… and above all that motivates me! Well you believe it or not, but despite the many crags and beautiful routes in the South of France, it’s actually not that easy to combine everything! “Supercrack” brings together a bit of it all, and even though I’ve never done 9a, why not go and try seriously? From the first days, I understood that it was one of those routes that at first glance you think it’s doable, but when the time came to add some moves, it was not the same game… It doesn’t matter, the adventure was launched!

– How are you in the process?
I spent a lot of time on the route last year, and it was moving pretty well, but the hot weather came, forcing me to temporarily stop the process… which was not easy to accept, but which is surely a bad for good in a long-term approach.
After a summer devoted to physical and mental rest, it’s time to get back to training to return in the route at the start of the fall, when conditions will be better!


– How do you keep the motivation to try long term projects like this?
Especially for “Supercrakinette”, I tried to take care of this motivation. From the start, I knew this would be a long-term project so I alternated between routes working and training time, so as not to fall into a trying routine. I tried to keep this deep desire to always put burning goes on the route.

Photo : Théo cartier

Do you attach importance to achieving a female first ascent?
Why do we value the first female? Because women climb with less force than guys? Because they are smaller? Because they need recognition? This is far from always true! We have too often denigrated female performance in our sport, and if we already value these performances at their fair value, that would already be a great step forward! (for example, by stopping downgrading the routes when a woman is sending…).

Beyond that, valuing a first female has in my opinion a lot of sense when the realization marks a significant advance: there can be a physical dimension (to reach a new grade for example), psychological (to link a mythical route) or technical (find betas adapted to a small size)… But sometimes there is none of this, and the first female is not very representative: wouldn’t it make more sense to talk about first sequence carried out by those under 1m60 or by those over 1m80?

– Evolving on a crag in a fairly masculine environment is complicated for you? How do you feel?
Spending my days surrounded by handsome guys… I don’t see where the problem is…! 😉 In my studies, at the club … from a young age I have always worked in more masculine circles, without ever feeling particularly inferior or excluded.

Our society is currently experiencing real developments on the subject of parity. Despite everything, we can observe that sexism is still rooted in some of our habits, even in our activity. By default, in a mixed rope team, who will carry the rope to the cliff? Put the quickdraws? Put down ropes? Find betas in the routes?

There is not necessarily a negative motive in these habits, and this often even comes from a good intention, but these actions – as insignificant as they are – perpetuate a position of subordination of the woman which doesn’t go in the direction of parity.

And it also works the other way: why would women be featured more often in some media? On the pretext that their image is more selling?

– Is there a route that makes you dream and you have not yet had the opportunity to try?
If there was only one! In the South-East of France, it’s not a problem with for example the two knife-cut prows of the Carrière du Maupas, “Cannabis Directa” and its incredible rock typical of Roquevaire or even “La trainée rousse” and its long tufa which seems too overhanging (as often at La Ramirole) … Not to mention the projects that I still have on the go abroad, but also all the other forms of climbing that I haven’t experienced, like some beautiful boulders, multi-pitch routes, trad…
The hardest is to choose!

– You’re working on sustainable development, do you also integrate it into your climbing practice? How?
Sustainability is indeed part of my job, but especially more broadly my personal values.

I’m convinced that we all have a role to play in meeting the challenge of the environmental and social crises we face, and that this role is much broader than sorting our waste. Public and private organizations have an important responsibility, but our businesses, our purchases, our individual actions, also build the society in which we live and are therefore important.

In my opinion it’s important to me to put my energy at the service of projects that allow the emergence of a different society, based on more sobriety and respect for living things.
What is the point of taking a “zero waste” approach if you take the plane several times a year for business trips? What is the point of taking the bike to work if you are working full time on a project that contributes to climate change?

As top climber, I’m committed to collaborating with brands that work in this direction: Patagonia clothing, Edelrid equipment, Lökki Kombucha drinks, Myléore chalk, the resiners of La Clinique du Chausson et du Matos . Not all are perfect, but all are on this way.

I also like to share content that inspired me to share it with as many people as possible.

– We can see some beautiful pebbles blooming at the foot of classic routes in the South-East of France. How do you get inspired to paint them?
The inspiration for these small pebbles comes primarily from the name of the route. This little name on the topo which is taking our imagination, makes us dream, smile, pushes us to try the route or even sometimes that we don’t really understand… I am not a great designer but I’m convinced that a small drawing is often better than a long speech. By digging a little bit, we realize that behind many names of routes hides an anecdote, a dedication, a wit … By themselves, they retrace a whole part of the history of our activity, often linked to bolters. Putting them in images through pebbles is an opportunity to share them and make them last over time, but also to highlight a specificity of our activity: despite the (too) many debates on this subject, one route can’t be summed up not to a grade, and that’s also what makes the beauty of our sport. These little pebbles are a way of bringing a stone to our community.



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Interview: Dinara Fakhritdinova signe un beau comeback. Elle nous raconte…

Dinara Fakhritdinova, ça ne vous parle pas? Pourtant, souvenez-vous, en 2013, sur la place du Mont Blanc à Chamonix, elle remportait le titre de championne d’Europe! Toujours sur le circuit international, mais rarement dans le haut du classement, la « mini Rocket Russe », comme s’amusent à l’appeler les commentateurs, semble être plus motivée que jamais pour atteindre le top niveau mondial. D’ailleurs lors des tout récents championnats du monde qu’elle jouait à domicile, elle participait à sa première finale sur des mondiaux et avouait en vouloir encore plus… Alors avant de la retrouver la saison prochaine sur le circuit, voici son portrait histoire d’en connaître un peu plus sur elle.


On commence par les présentations? Qui es-tu?

Je m’appelle Dinara Fakhritdinova, j’ai 28 ans et je viens de Russie.

Comment as-tu commencé l’escalade, et pourquoi as-tu choisi ce sport?

À l’âge de 5 ans, je faisais des acrobaties partout, et j’ai commencé par faire de la gym. Je faisais souvent des galas lors d’événements, ou d’ouvertures de salles de sport. Et puis un jour, j’ai fait une représentation dans une salle où il y avait un mur d’escalade et des grimpeurs faisaient une démonstration de ce sport. J’avais 11 ans et je suis tombée amoureuse de la grimpe immédiatement.

Que fais-tu dans ta vie personnelle? Uniquement de l’escalade? 

Je fais énormément de choses, j’ai une vie bien remplie… Pour commencer, j’étudie, dans le domaine de la cosmétique. Peu de gens savent que je travaille dans la cosmétologie, et particulièrement dans les problèmes de peau qui peuvent être liés à certain produits cosmétiques. Sinon, je retape aussi mon appartement, là je suis en train de passer le permis moto, je participe aussi à beaucoup de projets et je m’implique notamment dans des oeuvres caricatives en envoyant du matériel d’escalade partout dans le pays pour ceux qui manquent de moyens pour s’équiper. Enfin voilà, je ne m’ennuis jamais !

Comment s’organise ton entraînement?

C’est une questions vraiment difficile… Jusqu’à présent, je n’avais pas de planification précise, la plupart du temps je grimpe à l’instinct, je me base sur mon intuition et sur mon expérience. Je grimpe juste énormément et à côté je fais d’autres sports qui me permettent de m’entraîner également, de la gym par exemple. Mais depuis peu, j’essaye d’être plus sérieuse et de suivre un plan d’entraînement. On verra si ça fonctionne!

On voit rarement des russes sur les compétitions de bloc ou de difficulté, comment l’expliques-tu?

À vrai dire ça a toujours été très difficile pour les athlètes Russes d’obtenir un Visa pour voyager, et du coup nous n’avons pas l’autorisation de nous rendre dans certains pays. Et puis on ne va pas se mentir, l’aspect financier joue beaucoup aussi, nous avons peu d’aide de la fédération pour nous rendre sur les compétitions internationales. La plupart du temps, j’organise moi même le voyage, et c’est vrai que ça me prend beaucoup de temps et d’argent. Depuis peu, la fédération tente de nous aider un peu plus, on sent qu’il y a du mieux, que ça progresse.

En 2013 tu remportais le titre de championne d’Europe à Chamonix, que retiens-tu de cette journée? 

Je me rappelle que j’étais très calme et détendue, je me rappelle de la musique que j’écoutais en boucle en isolement, je me rappelle aussi de Mina Markovic en isolement, c’était l’une de mes idoles et j’appelais toujours de ce qu’elle faisait. Ce jour là, je ne grimpais pas pour la première place, je kiffais juste le moment et je me suis laissée porter.

© Lucie Thomas | Planetgrimpe.com

Après une terrible agression en 2015, comment t’es-tu relevée de tout ça? 

Pour être honnête je préfère ne pas me rappeler de cette période qui a été horrible pour moi. Encore aujourd’hui, ça me fait mal d’y penser et je préfère faire comme si rien n’était jamais arrivé.

Pendant longtemps j’ai essayé de faire abstraction de ce qui s’était passé, mais au final je ne faisais qu’accumuler de la peur et de la colère en moi, et ça a été une grosse erreur. J’ai continué à m’entraîner comme avant, à participer à des compétitions, mais au fond de moi j’ai compris que tout n’allait pas bien, je me sentais mal, mon coach l’a remarqué et nous avons décidé d’arrêter de faire semblant et de travailler avec psychologue jusqu’à ce que je me sente mieux.

En 2019, on ne t’a pas vu sur le circuit non plus, que s’est il passé? 

J’étais clairement en BurnOut, c’était très dur émotionnellement dans ma vie à ce moment là. Je me suis perdue et je ne voyais l’intérêt de rien, mon monde s’est effondré et j’ai perdu la force de me battre.

Est-ce que tu as imaginé arrêter l’escalade? 

Je n’ai pas grimpé pendant très longtemps, et ça m’a permis de réaliser que la grimpe était vraiment importante pour moi et qu’il était temps de faire mon comeback. Je sentais que je pouvais être encore plus forte qu’avant et que j’adorai les compétitions d’escalade. J’ai recommencé à m’entraîner réellement en juin 2020, et après 14 mois, je pense avoir obtenu de bons résultats et je ne compte pas m’arrêter là!

Cette année tu signes effectivement un très beau retour, comment tu te sens? 

À vrai dire c’est très étrange, je ressens un énorme pouvoir en moi, je sens que je peux être très forte, mais ma faible estime de moi me gêne encore, je continue de penser que je n’y arriverai pas mais j’y travaille, j’ai besoin de temps et je profite de chaque instant.

Tu as 28 ans aujourd’hui, tu t’imagines quand même sur les JO de Paris en 2024? 

Bien sur! Il n’y a pas d’âge pour moi, et maintenant que je sens que je suis sur la bonne pente, je sens que je peux être plus forte que jamais. C’est comme si j’avais 16 ans et que ma carrière sportive ne faisait que commencer. Tant que je me sentirai jeune je continuerai d’imaginer ma vie sportive comme ça, et ça ne m’intéresse pas qu’on me dise que je suis trop vieille (rire!).

Quels sont tes prochains projets en escalade? 

Je n’ai pas de projet précis en tête, pour le moment je grimpe énormément à l’instinct, si ne ligne me plaît j’y vais, quelque soit la cotation. Mais on ne va pas se mentir, j’aimerai un jour atteindre le 9b, ou plus, mais pour le moment je préfère me concentrer sur les compétitions.

Un dernier mot à ajouter? 

Je voudrai juste vous dire de ne pas écouter quelqu’un qui vous dit que vous ne pouvez pas ya arriver, faites vos propres choix, faites ce qui est important pour vous et n’écoutez que vous même!

Janja Garnbret : Oliana interview + video

11 novembre 2021 à 19:38

Suite à la réalisation à vue de “Fish Eye” et “American Hustle”, tous deux 8c, par Janja Garnbret la semaine passée à Oliana, nous sommes allés poser quelques questions à la championne olympique. En bonus sous l’interview, on vous offre la vidéo de Janja à vue dans les principales difficultés de “American Hustle”.

– Quel était l’objectif de ta venue à Oliana ?
Je voulais essayer quelques voies et voir comment je me sentais en grimpant ici et je voulais aussi voir ce que je pouvais donner à vue.

– Comment t’es venue l’idée d’essayer “Fish Eye” ?
Je ne pensais pas vraiment essayer un 8c à vue, mais plus tard ce jour là j’ai juste décidé de mettre un essai dans “Fish Eye”. Pas de pression, juste de l’escalade.

– Comment ça s’est passé pendant le à vue ? Peux-tu décrire ton escalade ?
Je me sentais super bien, relâchée et concentrée. Je n’ai pas paniqué si je ne comprenais pas à une séquence tout de suite, je me sentais bien. Je pense que j’ai grimpé assez vite, et cela était assez approprié. J’ai pris du temps dans la dalle finale car il n’y avait pas trop de magnésie et je ne voulais vraiment pas me la coller.

– Tu étais pétée ? Quand as-tu compris que tu pouvais la faire ?
Dans la première partie difficile je n’étais pas si pétée. Jusqu’au dernier bac de la partie déversante j’ai grimpé très vite, je me suis reposée là où j’ai pu et à cette prise-là, j’ai compris que je pouvais la faire. Mais la dernière partie était assez piégeuse donc j’aurais pu tomber partout, j’ai réussi à rester calme et à trouver les séquences.

– Avais-tu essayé de réaliser un 8c à vue avant ? Tu penses comme moi que tes limites sont plus loin ?
Je n’ai jamais essayé de réaliser un 8c à vue, avant j’avais fait des essais flashs dans les 8c, ou alors j’avais dû les travailler un petit peu avant de les enchainer. Mais maintenant je pense que si je trouve une voie qui me convient bien je peux essayer de réaliser à vue quelque chose de plus dur.

– Peux tu décrire ton à vue d'”American Hustle” ? Un gros combat ?
Ma décision était globalement la même qu’avec “Fish Eye”. J’ai juste décidé d’y mettre un essai, sans pression. De mon point de vue c’est plus dur que “Fish Eye” et j’ai eu à batailler un peu plus. J’étais super relax et j’ai pu réussir les mouvements assez rapidement. Ce n’était pas si évident, et j’ai vraiment dû me battre dans certaines parties de la voie.

– Peux tu comparer “Fish Eye” et “American Hustle” ? Quelle voie as-tu trouvé la plus dure ?
Aha j’ai déjà répondu dans la question précédente. Je dirai que “Fish Eye” est plus facile et aussi plus triviale dans la partie dure déversante, mais la partie du haut est piégeuse. D’un autre côté, “Amercan Hustle” est plus dure, plus puissante et intense mais la partie du haut est très belle et plus évidente. J’étais assez perdue dans certaines parties mais j’étais plus confiante dans le haut. Mais de mon point de vue “American Hustle” a été plus dure à faire à vue.

– Tu es allée repérer “La dura dura” et “Joe mama”. Reviendras-tu pour les essayer à fond ? Ou as-tu des projets à la maison ?
Je vais vraiment devoir revenir ! Finir ce que j’ai commencé. J’adore essayer d’autres voies. J’ai des projets à la maison mais si j’ai l’opportunité de venir à Oliana je la saisirai.

– Quels sont tes rêves, les choses que tu aimerais accomplir en milieu naturel ? Ou préfères-tu te concentrer uniquement sur des objectifs en compétition ?
Bien sûr que j’en ai ! J’aime les deux ! J’ai juste besoin de trouver les bonnes périodes pour le faire. J’ai encore des choses à faire en compétition mais j’ai aussi des projets en extérieur dans un coin de ma tête.

Photo : Toni Mas Bucacha

Janja Garnbret – American Hustle 8c onsight

We asked a few questions to Janja Garnbret after her onsight of “Fish Eye” and “American Hustle”, both 8c in Oliana last week. In addition, you will find the video we shot of the main difficulties of her onsight send of “American Hutsle”. Enjoy!

– What was the plan for your stay in Oliana?
I wanted to check out some routes to see how I feel, but mostly just climbing and I also wanted to see how far I can go with my onsight.

– How did the idea of trying to onsight “Fish Eye” come up?
Actually I never thought of trying to onsight an 8c, but later that day I just decided that I would give “Fish eye” a go. No pressure, just climbing.

– How did you feel during the onsight? Can you describe your climbing?
I felt super good, very relaxed and focused. I didn’t panic if I didn’t see a sequence right away, I was super chill. I think I was climbing pretty fast, resting where I thought was appropriate. I took some time in the last slabby part because there was no chalk anywhere and I really didn’t want to fall there.

– How was your pump? When did you understand that you would actually succeed?
In the first “harder” part I wasn’t that pumped. Up to the last jug of the more overhanging part I climbed pretty fast, resting where I needed and there I realised that I could succeed. But the last part was very tricky so I could fall anywhere but I stayed calm and slowly figured out the sequence.

– Have you ever attempted to onsight an 8c before? Do you think-as many do-that you haven’t reached your limits yet?
I have never attempted to onsight an 8c, before it was more flash attempt or I had to work a bit to send the thing. But now I think with the right route I could also try to onsight something harder.


– Can you describe your onsight of American Hustle? A big fight?
My decision was pretty much the same as with “Fish eye”. I just decided to give it a go, no pressure to onsight it. In my opinion it’s harder than Fish eye so I also had to fight a bit more. But I was very relaxed and could solve the moves pretty fast. It was not so obvious so I had to really fight in a few sections of the route.

– Can you compare your ascents of “Fish Eye” and “American Hustle”? Which route did you find harder?
I actually already answered in the previous answer 😂 but I would say “Fish eye” is easier and more obvious in the harder overhanging section, and the top part is very tricky. On the other hand “American Hustle” is harder, more powerful and intense and less obvious. I would say I was pretty lost on some parts of the route but the top part was very nice and obvious compared to the one in “Fish eye”. So in my opinion American Hustle was harder to onsight.

– You checked out “La dura dura” and “Joe mama”. Will you come back to redpoint them or other routes? Or are the plans you alluded to closer to home?
I definitely need to come back! To finish what I started. I would also love to try other routes. I also have some projects at home but if I get a chance to go to Oliana I will take it.

– Have you got some dreams of rock climbing achievements, or you prefer to focus on competitions?
Of course I do. I love both! I just need to find the right time when to do what. I still have some things to do in competitions, but I also have some outdoor projects in mind.



Pic: Toni Mas Bucacha

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Oriane Bertone: « L’année prochaine je veux être capable de tenir toute une saison »

Salut Oriane, on commence par le commencement, dis-nous comment tu vas et comment tu occupes tes journées en ce moment ?

En ce moment ça va super bien, ou en tout cas bien mieux. Cette fin d’année a été assez difficile, j’ai décidé de faire une pause et de retourner chez moi quelques temps (1 mois et demi à la Réunion), et je suis déjà de retour sur le continent ! En ce moment c’est très dirigé escalade, je travaille sur mes cours en simultané et je grimpe en forêt quand je peux.

Cette année tu as fait ton entrée chez les seniors alors que tu n’es que cadette, quel bilan en tires-tu ? Quelles difficultés as-tu rencontré ?

Cette année a été assez forte en émotions, dès la première coupe du monde je me suis retrouvée propulsée en finale puis sur le podium, c’était fou. Ça a bien marché sur les deux étapes à Salt Lake, puis chute libre. Je n’ai jamais vraiment réussi à comprendre pourquoi je me sentais comme ça, c’est comme si j’avais épuisé toutes mes ressources physiques et mentales. J’ai dû faire un gros travail sur moi-même, ça a été très dur pour moi de rester dedans et de continuer à m’entraîner, et le retour au bercail était nécessaire pour repartir à fond !

Comment s’est passée ton intégration au sein de l’équipe de France senior ? Tu n’y as pas vu trop de concurrence ou de « jalousie » envers toi ?

Mon intégration s’est faite plutôt rapidement, je connaissais déjà de près ou de loin les athlètes présentes en équipe donc ça s’est bien passé ! C’est une question assez complexe parce que je l’ai bien vécu, peut-être que d’autres l’ont un peu moins bien accepté.

Et concernant les athlètes internationaux, as-tu pu ressentir un bon accueil avec un œil bienveillant pour la « petite nouvelle » ?

Internationalement c’était avec des hauts et des bas. Meiringen a été l’étape la plus difficile pour moi, j’ai découvert le monde des seniors et durant toutes les vagues de compétition sur ma première étape, je me sentais comme « l’intrus » ou l’outsider. Mais j’ai rencontré du monde, et à partir de la deuxième CDM tout s’est mieux déroulé…

Maintenant que la saison est terminée, tu en profites pour aller dehors ? Tu as des projets ? Ou tu es déjà dans la préparation de la prochaine saison ?

J’ai repris l’entraînement et ma préparation compétition ! Après ma pause à la Réunion je n’avais qu’une envie: retourner m’entraîner. Évidemment, qui dit saison finie et condis à Bleau dis que ça grimpe dehors 🙂

Si je ne me trompe pas, c’est Nico Januel qui t’entraîne. Suite à ta saison, quels sont les nouveaux axes de travail qu’il a déterminé ?

On en a longuement parlé, et mon axe de travail principal est le basique physique: tenue de prise, blocs de force, compresses physiques… Tout ce qui fait mal quoi!

Comment se passe l’entraînement à ses côtés concrètement ? Est-ce que ça te change par rapport à tes années antérieures ?

Mon entraînement avec lui se passe bien, on se voit souvent et on forme un bon binôme avec beaucoup de suivi. Ça change beaucoup des dernières années, j’étais entraînée par mon papa jusqu’à très récemment alors c’est vrai que l’entraînement est très différent !

Avec mon père, on était sur un fonctionnement très ouvert avec la possibilité de rediscuter l’entraînement le moment même. C’était une façon de s’entraîner assez complexe puisque je rediscutais toutes les discussion sans être 100% en confiance. Avec Nico, c’est un programme fixe, qui s’adapte bien sûr, mais ça se base sur un planning qui ne bouge pas donc pas de négociations possibles 😉

L’année prochaine, tu te fixes quoi comme objectifs ?

L’année prochaine ça serait de revenir plus forte que cette année. Ça serait d’être capable de tenir toute une saison sans flancher à la fin, et de revivre l’expérience d’une finale et d’un podium !

Un peu de difficulté quand même ou seulement du bloc? 

Un peu de diff l’an prochain bien sûr. Je ne suis pas encore sure de l’importance de la discipline dans ma saison mais j’y serai.

Cet été, tu as dû suivre les JO de près… Qu’en as-tu pensé ?

Question assez complexe, j’ai adoré voir mon sport au jeux olympiques, ça fait bizarre ! Mais ça donne super envie, et ça a l’air d’être une expérience folle de pouvoir y participer, alors retour au boulot!

Es-tu officiellement dans un esprit de préparation pour les jeux de Paris 2024 ? Si oui, qu’est-ce que ça change pour toi ? Plus de pression ? Plus d’entraînement ? Plus de sacrifices ?

Honnêtement, pas totalement. Les JO pour moi c’est encore plus un rêve qu’un objectif. J’adorerais m’y rendre et grimper pour représenter mon pays, évidemment, mais je n’ai actuellement pas le niveau requis pour me permettre de penser aux JO comme un objectif.

Tu as un petit frère, Max Bertone qui cartonne bien également. Il n’y a pas trop de concurrence entre vous ? Ce n’est pas trop compliqué à gérer lorsque l’un des deux perf et pas l’autre ?

La relation que j’ai avec mon frère n’est pas plus spéciale qu’une relation fraternelle de base, on est frère et sœur, on se bat (souvent puisqu’on est tous les deux terriblement têtus) mais la concurrence qui s’est formée entre lui et moi reste l’une des choses qui m’ont faite progresser le plus (merci Max)

 

Thomas Ballet: « J’étais toujours grimpeur mais grimpeur de 7 et ce n’est pas une tare »

Alors qu’il participait à sa dernière étape de coupe du monde en 2016, Thomas Ballet s’était montré plus discret depuis quelques années. Après un petit break histoire de retrouver la motivation et l’énergie, il est de retour en force cette année avec notamment un 9a (« Le cadre » à Céuse) et un 9a+ (« supercrackinette » à Saint Leger) dans la poche. Il retrouve également le chemin de la compétition et compte bien ne pas en rester là. Rencontre.


Salut Thomas, comment vas-tu?

Je vais bien. J’ai eu une super année et je me sens apaisé.

Je n’ai pas beaucoup grimpé depuis la coupe d’Europe de Laval. J’avais des engagements à tenir sur des missions Ninja Box (société que j’ai créé en 2018).

Mais bon, je vais quand même broyer ma poutre « home made » entre deux bûches 😉

Cette année on a l’impression de voir renaître Thomas Ballet en tant que grimpeur, on se trompe? Fais nous un petit bilan de 2021.

Ma dernière coupe du Monde est en 2016 et je fais 58 ème.

J’ai décidé d’arrêter de grimper juste après. J’avais besoin de voir autre chose, travailler, faire la fête.

C’était bien cool mais les moments que je préférais c’était ma demie journée de falaise ou ma séance du soir avec mes potes à Mroc. (J’entrainais un petit groupe, les trainings beast) je ne grimpais même pas trop.

J’étais toujours grimpeur mais grimpeur de 7 et ce n’est pas une tare, j’étais même peut être plus heureux. Un jour vous regarderez à Céuse l’ambiance au secteur Biographie et l’ambiance à demi-Lune, ça fait réfléchir…

Petite retrospective:

2020 : année du réveil

Après trois ans de break (2 séances de bloc max par mois), j’ai recommencé en falaise dans le 7c+. Je croise la route de Nicolas Januel et un jour sur une vire, on en vient à parler de nos regrets, nos rêves, etc.

Je prends une décision, reprendre la grimpe, pour de vrai. Et je demande à Nico de m’entraîner. Il répond avec son franc parlé :

« Mec, la t’es pas capable de tenir n’importe quel entraînement, grimpe dans ton coin pendant 6 mois, remets toi en forme et tu reviens si vraiment tu es toujours motivé. »

Mais comme c’était le confinement je ne pouvais pas trop aller grimper alors j’ai construis un Gullich de l’enfer et j’ai fait du gullich, de la corde à sauter, de la muscu matin midi et soir pendant trois mois.

Je n’avais plus un physique de grimpeur mais je forçais comme un dingue, c’était dément. Je m’étais quand même mis un petit défi. Une pyramide de 6 8a, 5 8b, 4 8b+, 3 8c, 2 8c+, avec à chaque fois une voie qui change de style par rapport à la précédente. L’idée était d’arriver au 9 (j’avais lu le 9ème degré pendant le confinement, j’étais comme un dingue…).

J’ai mis un an pour finir la pyramide, j’étais une machine pysiquement et j’ai perdu 14 kilos à force de travail, sans frustration. C’est la période que j’ai le plus aimé car je m’entraînais pour moi, avec le seul objectif de devenir meilleur.

2021 : le cadre

Début 2021, j’ai commencé à m’entraîner avec Nico parce que je voulais encore progresser et je savais que tout seul j’allais stagner. Faire confiance à quelqu’un, avoir un cadre, c’était un grand changement pour moi qui suis plutôt Bestofly.

J’ai commencé à m’entraîner à Voiron, c’est  la solution la plus logique pour progresser en difficulté.

J’ai eu une année à 100 à l’heure. Je n’ai pas loupé un seul entraînement de notre programme avec Nicolas Januel. Du jour au lendemain je me suis mis à forcer comme un marteau, que j’arrive fatigué, en forme, confiant, énervé ou excité, j’ai mis exactement la même énergie dans ma séance. J’avais une motivation profonde.

A l’heure de faire le bilan, j’en tire énormément de fierté et j’ai beaucoup appris sur mes capacités à tenir une charge de travail.

J’ai vécu des moments magiques comme l’enchaînement de « supercrackinette » 9a+ à Saint-Léger-du-Ventoux,  qui était à la base ma voie d’entraînement rési à doigts. J’ai également pu terminer un projet de très longue date avec la réussite du « cadre nouvelle » 9a à Céuse . Je l’avais essayé pour la première fois en 2011. J’ai pris des buts en 2012, 2013, 2014, 2015. Quand j’ai remis les doigts dedans en 2020, cela me paraissait improbable mais… ça me titillait quand même, je me disais TB, sans déc, t’es devenu une m… faudrait peut-être aller au bout de ce truc. Et je l’ai fait, avec de l’organisation, de la rigueur et en étant  accompagné…

Alors j’ai remis encore plus d’entraînements, j’étais très fort, 6 doublettes voir triplettes dans du vrai 8b+ par séance, jamais je n’aurais imaginé avoir ce niveau physique un jour…

© coll. Thomas Ballet

Et pourtant je commence à sentir un poids, je me mets dans la tête de faire le sélectif alors que je n’étais pas prêt dans ma tête. Oui je pensais à refaire de la compétition, mais mon mental n’était pas assez entraîné.

Je manque le sélectif pour se qualifier sur les coupe du Monde en avril, je zippe en début de voie. Je le savais, je le sentais, j’étais allé trop vite dans mes envies. J’étais frustré dans mes entraînements, j’avais pour le coup commencé à me focus sur l’hygiène de vie et ce n’était pas la bonne manière, pas naturelle.

Je prends une semaine de vacances à une semaine du deuxième sélectif. C’est méga risqué de faire ça mais je pense que ça a été une très bonne décision parce que ça m’a redonné un peu de légèreté. Je réussi à décrocher une place pour les coupes d’Europe sur le deuxième sélectif.

Bilan de l’année :

1 9a, 1 9a+ et une finale de coupe d’Europe en 2021.

J’ai l’impression d’avoir eu beaucoup de chance. Ma famille a compris mes choix et m’a apporté du soutien. Mes binômes Nina, Mallo, Robin, Ju, Fafa m’ont accompagné dans les bons moments mais j’ai aussi pu partager mes doutes et trouver une présence, faire parfois une séance en falaise à -100 degrés.

C’est à leur tour maintenant 😉 et je serais là s’ils ont besoin, c’est le sang comme disent les jeunes du pôle.

Enfin, Nicolas Januel m’a donné les clefs pour me développer et pas qu’en escalade et il a toute ma confiance aujourd’hui. T’inquiètes Nico pour la dinde et le vin rouge, j’serais prêt le 1er janvier 2022 pour la suite !

Mon bilan pour résumer c’est que j’ai construis un physique puissant et résistant. Mon mental me limite principalement, j’ai un manque de confiance qui est assez ancré. J’ai eu une approche timide cette année, sur la réserve, j’ai gardé de la marge, manqué de lâcher prise. Et je le sentais quand je grimpais.

Comme tu le soulignais, on t’a vu enfiler le maillot de l’équipe de France sur la coupe d’Europe de Laval, explique nous ce retour à la compétition?

En fait ce n’est pas soudain du coup Haha. J’ai appris que j’avais ma qualif au deuxième sélectif fin août et je n’avais pas ralenti mes entraînements donc j’ai juste continué.

En plus, ma société était en pleine sortie du Covid, à Climb Up on avait des tonnes de chantiers, bref j’ai grimpé 3 jours en 15 jours avant la compète. Chargements, déchargements de camions, ouvertures, j’étais Ko. Mais j’adore ce que je fais alors je me sentais plutôt bien dans ma tête !

Les qualifs je savais que j’allais passer, je grimpais dans le contrôle et ça suffisait. En demi par contre j’avais une pression de dingue alors que je pensais que je n’avais plus rien à prouver et à me prouver. Bah non, boule au ventre, frein à main. Et puis dans l’isolement, une musique est passé dans mon lecteur, c’était une playlist que j’avais depuis 3 ans, quand j’ai repris à m’entraîner dans mon garage tout seul en plein hiver.

Alors j’ai repensé d’où je venais, ce que j’avais déjà fait et j’ai dit à mes genoux d’arrêter de trembler parce qu’il fallait grimper là, tout de suite, maintenant.

Faire une finale sur ma première compète, 4 ans après, c’était une belle récompense par rapport à mes investissements. Le style a beaucoup changé, la coordination prédomine sur la tenue de prise et la résistance. Je dois m’adapter.

Cependant je n’ai pas grimpé à mon niveau physique, je pouvais faire mieux. J’en ai profité pour bien observer ce que cela représente pour moi, la compétition, la performance.

Le but de cette année était aussi d’anticiper la suite financièrement. Même si j’ai quelques partenaires pour mes projets sportifs, si demain je veux me lancer dans un maxi projet, je veux être autonome au maximum.

Tu nous confiais que tu n’aimais pas trop parler de toi, pourquoi?

Je n’ai pas su gérer l’effet Ninja Warrior. Aujourd’hui c’est différent, je suis dans une optique plus professionnelle.

J’ai fait un contrat avec moi-même quand j’ai repris l’entraînement début 2021, je ne suis pas au bout de la durée que je m’étais fixée et je n’ai pas atteint mes objectifs donc oui il y aura des compètes en 2022. Cette année j’enclenche le Beast Mode.

Je vais essayer de m’entraîner plus souvent avec  Mejdi Schalck, Paul Jenft, Agathe Caillet (avec qui j’ai perdu un happy meal parce que j’ai parié qu’elle ne faisait pas deux tractions d’un bras…), ils sont super forts!

C’est un challenge à 32 ans d’apprendre à son corps à rebondir alors qu’il a eu l’habitude de bêtonner chaque mouvement. Pour changer de grimpe je dois changer d’état d’esprit.

On ne te demande pas tes prochains objectifs du coup… ?

En compétition, je serais au top de ma forme au championnat de France.

En falaise, je vais me concentrer sur « Biographie ».

J’ai la chance d’intégrer l’application « athlètes 360 » qui enregistre et propose du suivi en vue des JO 2024 mais dans ma tête je ne pense pas du tout à ça. Je suis toujours focus sur mon projet personnel et j’avance à mon rythme. Quand je vais grimper je veux réussir chaque bloc, chaque circuit, chaque mouv que j’essaye, c’est tout.

Un petit mot sur les premiers JO de l’escalade et sur le tournant que prend la grimpe?

Je n’ai pas d’avis sur les JO, c’est allé trop vite, la configuration était trop particulière. On verra à Paris.

Un dernier mot à ajouter?

Ce bilan m’a permis de réaliser ce que j’ai accompli mais aussi les erreurs que j’ai pu commettre. Quand on poursuit ses rêves on voyage souvent seul et même si je pense qu’il faut d’abord savoir voyager seul pour voyager avec d’autres, j’ai des remords. J’ai mis tellement d’énergie pour me retrouver que je me suis séparé de gens qui comptaient beaucoup pour moi. J’étais souvent à vif et j’ai pu avoir une mauvaise attitude avec eux. Il est extrêmement difficile de maintenir un équilibre entre le perso et la performance quelque soit le domaine. Aujourd’hui je fais de mon mieux tous les jours pour allier les deux.


Rencontre avec Jean-Raymond Manent, fondateur de BOMA

Voici déjà quelques temps que nous avions entendu parler des produits BOMA au travers des storys Instagram d’un certain Romain Desgranges, et, plus récemment, directement par notre athlète PG, Camille Pouget. Et c’est finalement lors du salon de l’escalade à Lyon en novembre dernier que nous avons réellement fait la découverte de cette petite marque, BOMA, et de son fondateur, Jean-Raymond. Alors plutôt que de vous présenter la marque et les produits, on a préféré lui laisser la parole avec quelques questions auxquelles il a accepté de répondre… Rencontre. 


Qui es-tu ? 

Bonjour, je m’appelle Jean-Raymond MANENT, j’ai 36 ans et je suis le fondateur de la micro-entreprise BOMA Authentique Cosmétique qui a vu le jour en Mars 2020.

Je suis né dans le Val de Saône, près de Lyon où je vis encore actuellement.

J’ai fait mes études à l’Ecole d’Architecture de Lyon mais j’ai aussi été formé en Cuisine, en Menuiserie d’Agencement et plus récemment en Cosmétologie ; tout m’intéresse, en fait !

J’aime aussi à croire que rien n’est impossible, à condition de s’en donner les moyens !

J’ai découvert l’Escalade tardivement, il y a 5 ans, un peu par hasard même si de mon point de vue, rien n’arrive par hasard !

Présente nous la marque que tu as créée… et les différents produits ! 

BOMA, c’est un peu une utopie ; mais une utopie qui pourrait devenir réalité !

L’idée, c’était avant tout de vouloir faire sa part pour plus de partage et d’altruisme en offrant du soin à sa mesure ; d’arrêter de critiquer ce qui ne va pas et d’agir concrètement pour proposer des solutions à des problèmes simples et courants comme des mains et des pieds abîmés, entre autres.

L’Humanité est un système, une grande Famille ; dès lors qu’un de ces membres agit positivement, chacune de ses actions rejaillit inéluctablement sur les autres de façon vertueuse.

BOMA, c’est cela : faire de son mieux pour contribuer au bien-être de tous ; devenir exemplaire !

La gamme a été conçue en privilégiant la simplicité, l’efficacité et bien évidemment l’authenticité ; j’entends par là être vrai, transparent et rassurant pour l’usager.ère final.e.

Actuellement, 7 produits la constituent ; à savoir, 3 baumes hydratants pour la peau (Lavande, Romarin et Reine des Prés) ayant chacun des spécificités d’emploi.

Un déodorant crémeux aux 2 huiles essentielles ; produit leader de la gamme avec le BOM Lavande.

Un baume à lèvres et 2 savons surgras saponifiés à froid.

Prochainement arriveront un savon-shampoing, un baume visage contre l’acné et un baume visage jour/nuit.

Tous les ingrédients sont d’origine biologique et lors des formulations, les critères déterminants sont leur provenance (proximité géographique privilégiée) et leur qualité.

Comment en es-tu arrivé à créer BOMA ? 

C’est un aboutissement ou plutôt la concrétisation de nombreuses et difficiles années de reconstruction personnelle.

En 2012, je suis hospitalisé en urgence et l’on m’apprend alors brutalement qu’il va falloir désormais apprendre à vivre avec un trouble bipolaire ; une maladie mentale aux conséquences véritablement handicapantes.

Il aura fallu dix ans d’errance thérapeutique pour établir ce diagnostic ; dix ans seront également nécessaires pour se reconstruire.

Il faut dès lors tout recommencer ; apprendre à s’équilibrer, à gérer ses émotions, à aménager son travail, à reprendre confiance en soi, à apprivoiser son corps, à dompter son mental et surtout à oser retourner vers les autres.

Ensuite, le retour au Sport est devenu une priorité et une personne que j’admire profondément pour sa positivité, Philippe BERGER, co-fondateur avec Thierry BOURCIER du Club d’Anse, l’AL-Escalade ; mon club de cœur, devient le déclencheur de l’aventure : « Tu sais JR, les baumes que tu fabriques en mode DIY, je suis convaincu qu’ils plairaient aux grimpeurs ! »

Qu’est-ce qui te différencie des autres crèmes réparatrices qui existent déjà sur le marché ? 

Lors du Salon de l’Escalade de Lyon en Novembre 2021, j’ai pris un grand soin à étudier les offres de mes confrères.soeurs et je dirais que les produits qu’ils proposent sont très bons.

Cependant, ce qui me différencie, c’est tout simplement l’intention d’Amour et la Passion que je mets dans la fabrication de chacun de mes pots ; ils sont un peu comme chargés énergétiquement (influence de la Culture Amérindienne et de l’enseignement du Tai Chi).

Les ingrédients sont tous bio et leur provenance est la plus locale possible ; ce qui complique, je Vous l’assure, la recherche de fournisseurs engagés et responsables ; ces « courageux invisibles » !

L’objectif est d’utiliser à terme des ingrédients majoritairement d’origine française (ce qui est déjà presque le cas) ou issus des pays limitrophes ; bien que pour les savons cela reste cependant encore très compliqué.

En effet, pourquoi utiliser, même si elle est excellente l’huile essentielle de Tea tree (Afrique du Sud ou Australie) alors que l’huile essentielle de Thym (France ou Espagne) peut répondre à des problématiques tout à fait analogues.

Et sur ce plan-là, nos politiques divergent incontestablement.

Comment imagines-tu l’avenir ? As-tu des objectifs pour ta boite à court, moyen ou long terme ? 

J’aimerais répondre : « Sereinement ! » mais les défis sont nombreux et la quantité de travail à fournir est colossale ; on est tout seul chez BOMA !

Ce que j’ai cependant appris au fil des années ; c’est que tout long voyage, commence toujours par un premier pas.

Alors, plutôt que d’avoir le vertige en regardant tout ce qu’il reste à faire, je me concentre chaque jour sur cet unique petit pas à réaliser et je donne le meilleur de moi-même pour l’effectuer de mon mieux.

En Avril, Mai et Juin de cette année, j’accueille pour la première fois une stagiaire en Communication Digitale, Eva VINCENT.

J’espère pouvoir lui transmettre la passion de mes quelques expériences ; elle semble très motivée et en adéquation avec les valeurs humaines que lui inspirent BOMA ; j’ai hâte !

Participer aussi en tant qu’exposant à une étape de la Coupe du Monde 2022 à Chamonix en Juillet est une priorité ; de même que de renouveler notre présence au Salon de l’Escalade 2022 à Grenoble en Novembre.

Déménager pour des locaux plus adaptés au second semestre de l’année reste aussi un objectif important.

Pour finir, évidemment, à long terme ; créer de l’emploi sera évidemment un ultime aboutissement !

BOMA ne court pas après l’argent même si cette ressource reste nécessaire ; partager, transmettre, prendre soin, apprendre et se renouveler demeureront toujours les valeurs structurantes de l’entreprise.

Romain Desgranges semble apprécier tes produits, comment l’as-tu converti ? 

Alors ça, c’est un peu un miracle de la Vie !

Invité au club Vertige d’Arnas par Maciek KNUTELSKI et Serge VAUVERT, président à l’époque, pour ma première exposition test lors d’une étape de Coupe de France (il y a 2 ans environ) avec en guest-star Romain DESGRANGES ; je me retrouve aux côtés de Pauline CALANDOT, co-fondatrice de Redeem Equipement.

Hésitant, je sens pourtant bien en moi qu’il faudrait oser lui parler et lui offrir un pot de BOM Lavande pour qu’il puisse peut-être le tester ; mais comment faire pour accéder à lui parmi tous ses fans.

Je me motive (grâce à Pauline) et j’arrive à lui parler 1 minute ; je lui explique les vertus du produit et l’efficacité pour réparer la peau des mains mais je me dis que de toute façon, c’est peine perdue ; il ne l’utilisera jamais…

Quelques mois plus tard, Caroline BERTHIER, nouvelle présidente du Club d’Arnas, m’informe que Romain DESGRANGES souhaite faire une recommandation du BOM Lavande dans son nouveau livre SOLIDE ! (cf. p-169).

L’extase totale !

Depuis, nous avons appris à un peu mieux nous connaître et j’avoue être profondément admiratif de la personne en plus de l’athlète.

C’est une personne saine, juste, sensible, bienveillante, déterminée, instinctive, subtile, altruiste, en constante évolution, perfectionniste et extrêmement intelligente ; un exemple indéniable de ténacité… et de ma génération en plus !

Que peut-on te souhaiter pour 2022 ? 

Du courage !

« Les gens extraordinaires sont des gens ordinaires (mais) qui croient en leur rêve. »

Moi j’y crois, même si le doute frappe souvent à ma porte !

De la visibilité serait évidemment un plus, alors je compte un peu sur Vous !

J’en profite aussi pour remercier sincèrement Camille POUGET pour son soutien et pour son aide depuis le début et sans qui cette interview n’aurait pu voir le jour : une très, très belle personne et une très grande Championne en devenir !

Le mot de la fin ? 

« Le Courage croit en osant et la Peur en hésitant. »

Je pense que tout.e grimpeur.se comprendra ces mots car ce que j’aime dans l’Escalade (et même à mon tout petit niveau) ce sont ces rendez-Vous hebdomadaires avec celle-ci ; peut-être est-ce une manière pour moi de lui montrer que même si Elle a bien souvent gagné durant mon parcours de soin, désormais, je suis SOLIDE !

Pour finir, je citerai aussi Sœur Emmanuelle qui lors d’une interview a dit ceci : « Dans la vie, il faut trouver un but, et c’est une vielle femme qui vous le dit, et il faut s’acharner encore et encore et encore ; sinon, ça n’a pas de sens ! »

BOMA, ce n’est pas une fin mais un chemin ; celui de l’espoir et de l’envie de dire à ceux touchés par une quelconque forme de handicap que ce dernier peut paradoxalement nous connecter à quelque chose de grand, à notre propre puissance personnelle et nous rendre incroyablement fort et résilient.

Merci Planetgrimpe pour cet échange !

Interview: Lucien Martinez, irréductible acharné – Interview: Lucien Martinez, inveterate and tenacious

27 janvier 2022 à 11:19

(English below)

Tous ceux qui l’ont rencontré et côtoyé confirmeront, Lucien Martinez n’est pas un grimpeur qui laisse indifférent. Personnage sympathique et ouvert, assumant parfois des prises de position tranchées, ayant une approche très personnelle et originale de l’activité, à l’instar de ses potes Charles Albert ou Nico Pelorson, Lucien fait figure d’OVNI dans le paysage de la grimpe hexagonale. Longue interview avec l’intéressé.

– Tu viens du Sud-Ouest, précisément de Montauban, peux-tu te présenter et raconter tes débuts en escalade ?

Avant Montauban, j’ai habité à Toulouse jusqu’à 8 ans et c’est là où j’ai commencé la grimpe. Ma mère nous avait inscrits, mon frère et moi, à un cours hebdomadaire avec Mathieu Gallot Lavallée. Il y avait des gens à la salle qui m’avaient dit que Mathieu était super fort et qu’il avait fait une voie en falaise incroyablement dure, que seuls trois grimpeurs avaient réussie, et que l’un d’entre eux avait dit que cette voie était 8c+. Sur le moment, cette histoire m’avait fasciné, et j’ai compris peut-être 10 ans plus tard qu’il s’agissait en fait de Baston à la Maison à Saint Géry (falaise lotoise) et que le grimpeur qui avait parlé de 8c+ n’était autre que Dave Graham.
Pour autant, je n’étais pas spécialement doué ni très motivé à cette époque. Ma passion, c’était le rugby. J’en ai fait pendant trois ans et j’étais super fort, bien plus qu’à l’escalade. Ceux qui me connaissaient à l’époque pourront en témoigner même si je reconnais que ça peut paraître dur à croire vu mon physique squelettique. En arrivant à Montauban, il n’y avait plus de place au club de rugby, et la salle de grimpe, en parallèle, était juste à côté de chez moi. Il y avait une formule accès libre qui nous permettait d’y aller tout seul le soir après l’école ce qui fait que je me suis mis à y aller plus ou moins tous les soirs. Je ne pensais plus qu’à ça. Je me morfondais toute la journée en attendant de retourner essayer les blocs qui m’avaient résisté la veille. Je ne cherchais qu’à m’amuser, pas du tout à m’entraîner, mais la progression venait d’elle-même et j’ai franchement muté en l’espace de 2 ou 3 ans. À ce moment, Hervé Peyre, notre moniteur, s’est mis à amener régulièrement les jeunes du club en falaise à Saint Antonin. Il nous montait des cordes, nous aidait à choisir des voies, nous donnait des méthodes aux petits oignons, nous racontais des histoires sur la réputation des lignes et les grimpeurs du coin… Et à force, peut-être aussi aidé par le fait que je n’arrivais jamais à battre mon pote François Kaiser (que je salue !!) en compétition, j’y ai pris goût et je me suis passionné de caillou. À 13 ou 14 ans, j’étais à peu près autonome. J’avais amassé une pile de numéros de téléphone de grimpeurs que je connaissais, et le samedi soir, je les faisais tous un par un jusqu’à trouver quelqu’un qui voulait bien m’amener en falaise.

– Un diplôme d’agronomie en poche, tu as tout plaqué pour l’escalade, pourquoi ?

En terminale, j’étais plus passionné de grimpe que jamais, plus ou moins obsédé. Mais après le Bac je suis rentré dans une prépa et je ne grimpais plus qu’une mini séance le samedi aprem en falaise. Ça a été terrible de frustration. Je voyais les gens faire des perf, progresser, se régaler et j’étais super jaloux. En école d’ingé, je me suis mis à grimper beaucoup plus et à retourner en falaise les deux jours du week-end, mais c’était pas si facile que ça de valider les semestres alors j’ai quand même dû faire des compromis sur l’escalade.
Une fois le diplôme en poche, en fait, je n’avais pas du tout l’intention de tout plaquer, je voulais juste faire une année sabbatique pour me concentrer à 100% sur deux voies qui me faisaient rêver, “Fight or Flight” et “3 Degrees of Separation”, pour essayer de les enchaîner avant de chercher un boulot d’ingénieur potentiellement très prenant. Le problème, c’est que malgré toute ma motivation, mon investissement et mes essais, je n’en ai réussi aucune des deux. J’ai pris conscience de deux choses. Premièrement, que pour réussir mes rêves il faudrait progresser et pas qu’un peu. Deuxièmement, que l’escalade était mon monde, que je ne pourrais jamais m’en lasser et qu’il serait bête de ne pas bosser là-dedans compte tenu de cela. J’ai beaucoup réfléchi à ce qu’il fallait que je fasse et finalement j’ai décidé de tenter le coup dans le journalisme, avec en tête la possibilité de revenir en arrière si ça ne fonctionnait pas. Finalement, je me sens à ma place, je fais vraiment quelque chose qui me passionne et je pense que je fais mieux dans mon travail à Grimper que ce que j’aurais pu faire comme ingé.

Interview Lucien Martinez
Dans la 2e répétition de “Three Degrees of Separation” (coll. Sam Bié)

– Tu t’es intéressé très tôt à la haute-difficulté en escalade ? Pourquoi ce sujet t’anime particulièrement ?

Tu me demandes de faire ma propre psychanalyse ma parole ! La haute difficulté sur le caillou a, je trouve, quelque chose de fascinant. Il y a des mystères, des ragots, des rivalités, des combats épiques de plusieurs années, des grimpeurs qui réussissent à faire des exploits incroyables en étant plus malins que les autres, des premières ascensions qui s’apparentent à des quêtes de Graal avec plusieurs protagonistes… Le tout, et c’est ça qui est incroyable, sans aucun cadre officiel !

– Tu t’intéresses beaucoup aux cotations, et tu estimes que le slash ne devrait pas exister, pourquoi ?

Je sais pas si je vais réussir à expliquer mais je vais essayer ! Les souvenirs de mes cours de prépas me permettent de dire que les cotations sont une discrétisation d’un ensemble continu. C’est-à-dire qu’une cotation n’est pas du tout une valeur précise de la difficulté d’une voie, mais une plage de difficulté. Si on reprend l’image d’une « échelle » de cotations, il faut donc bien comprendre qu’une cotation, le 7a par exemple, n’est pas un barreau mais l’espace entre deux barreaux, barreaux qui représentent les limites entre le 7a et le 7a+ en haut et le 7a et le 6c+ en bas.
Si on dit qu’une voie est un 8c+/9a, ça ne peut pas vouloir dire que la difficulté se situe pile au niveau du barreau séparant le 8c+ et le 9a car c’est mathématiquement impossible (la probabilité que la difficulté d’une voie tombe pile poil sur un barreau est nulle, cf mes cours de maths). Pour dire que la cotation d’une voie est 8c+/9a, il faut donc considérer qu’on a ajouté une nouvelle plage entre le 8c+ et le 9a dans l’échelle de cotations. Admettre les cotations slashées, c’est accepter de redisposer tous les barreaux de l’échelle de cotation (et d’en rajouter) pour dégager de la place et doubler le nombre de plages de cotations. Rien ne l’interdit, mais cela voudrait dire qu’il faudrait reconsidérer les cotations de toutes les voies. Les 8a solides deviendraient des 8a/+, les petits 8a+ idem et ainsi de suite pour toutes les lignes du monde.
En plus de ce problème, je trouve que le niveau de précision de l’actuelle échelle de cotation n’est pas si mal et qu’il n’est déjà pas facile de trouver des consensus. Il ne me paraît donc pas spécialement pertinent de tout chambouler en doublant le nombre de cotations sur l’échelle.
Mais, car il y a un mais, je ne suis pas spécialement contre les slashs dans leurs deux utilisations d’origine. À la base, ils ne servaient pas à rajouter une cotation dans l’échelle, mais à manifester une hésitation entre deux cotations, en laissant aux répétiteurs suivants la charge d’ajuster la difficulté. Il me semble que cet usage du slash est le bon, et c’est pour cela que lorsque je répète une voie dure slashée, je tente de donner mon avis avec le plus d’honnêteté possible entre les deux cotations concernées.
L’autre usage historique du slash, qui est intéressant aussi (je sais par exemple que c’était le cas pour le topo de Saint Antonin), concernait les voies morpho, et donnait une indication sur le fait que la voie n’a pas la même difficulté pour tout le monde.

– En tant que grimpeur, tu t’obstines particulièrement dans des projets extrêmes après-travail comme “Fight or Flight”. Pourquoi tout le temps repousser tes limites ?

Alalala, cette question met le doigt sur un énorme problème. Pour moi, ça fonctionne comme une quête avec des péripéties et une fin incertaine. Une voie dure qui me fait rêver, c’est un Graal que j’essaie d’atteindre. Je ne sais pas si je vais y arriver, mais j’en rêve, parfois même au sens propre. Et j’ai envie de donner le maximum pour réussir.
C’est bien beau sur le papier, mais à partir du moment où on assume le fait de vraiment vouloir faire des trucs très durs, on s’enferme un peu là-dedans…
On ne peut plus partir grimper n’importe où n’importe quand parce qu’on est asservi à nos objectifs et nos entraînements. On ne voit presque plus l’escalade que sous le prisme de notre quête, au point qu’on en oublie l’amusement, le même qui m’avait fait aimer l’escalade à mes débuts. Je n’aime pas être monomaniaque, pas du tout. Il y a plein d’autres sports que j’adore et que je ne pratique malheureusement plus, sans parler de sollicitations de copains que je décline… Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Vouloir faire Fight or Flight tout en restant ouvert, disponible, en pratiquant plein d’autres sports et en prenant le temps de faire de beaux magazines Grimper, je sais très bien que ce n’est pas dans mes cordes. Donc pour le moment, je reste à fond sur la perf, mais je suis fortement tiraillé parce que je n’aime pas trop cet état de rigidité dans lequel elle m’enferme.

Un bon flight dans “Fight or flight” (coll. Pierre Trolliet)

– Depuis quelques années, au lieu d’aller répéter des voies dures emblématiques, tu t’es plutôt tourné vers des voies du terroir, avec des ouvertures ou des répétitions de voies peu classiques (“Beyond”, “3 degrees”, “FFF”, “Hugh”,…). C’est voulu ?

Ça aussi, c’est quelque chose de très important. Ce n’est pas une difficulté, qui me fait rêver, mais un contexte global dont la difficulté fait partie. C’est vraiment très important pour moi.
Si je m’investis dans une voie, il faut qu’elle ait un sens particulier, par son histoire, sa localisation où je ne sais quoi d’autre… Pour FFF, la voie n’est pas spécialement belle mais elle se situe à Supermanjoc, ma falaise de cœur, et je suis passé au pied pendant des années en levant la tête et en me disant que ça avait l’air impossible. Pour Hugh, c’était le mystère, j’étais extrêmement curieux d’aller y mettre les doigts et de voir en vrai comment c’était. Pour Beyond, c’était juste que la voie était très sympa à grimper et qu’elle me convenait bien. Pour “Three Degrees”, c’était un rêve depuis que j’avais vu la vidéo de Sharma, une des meilleures qui existent. Arriver à Céüse plus de 10 ans après avoir vu la vidéo pour la première fois, apercevoir les 3 colos jaunes du départ en montant le dernier raidillon de la marche d’approche, toucher les prises pour la première fois, essayer les mouvements en me demandant s’ils sont conformes à ce que j’imaginais, puis mettre des runs et encore des runs pour finalement réussir… Tout ça était une expérience incroyable et infiniment mieux que s’il y avait la même voie sans le contexte, sans la vidéo de Sharma et sans le dizaines de visionnages à 12 ans les yeux écarquillés devant l’ordi de mon père.
Pour résumer, je n’ai aucune volonté de ne pas répéter les voies emblématiques, au contraire, j’aime bien ça, mais d’autres éléments de contexte comme le mystère ou le terroir du Sud-Ouest ont aussi de l’importance dans les voies sur lesquelles je choisis de m’acharner, le plus important étant que cela ait du sens pour moi.

– Quelle est ta vision de l’escalade en France à l’horizon 2022 ?

J’imagine que cette question pourrait être abordée sous plein d’angles différents (salle, gestion des falaises, grimpeurs etc.) mais le seul pour lequel je crois avoir un truc intéressant à dire concerne le haut niveau en falaise : j’ai l’impression que la France est en train de redevenir le centre du monde, comme elle l’était fin 90 début 2000 avant que Sharma ne le déplace en allant s’installer en Catalogne. On a toutes les voies de Seb Bouin (à la Ramirole mais pas seulement) qui sont majeurissimes et pour lesquelles les Ondra, Megos, Schubert et Ghisolfi ne pourront pas s’échapper éternellement, et en plus on a Céuse et Saint Léger avec plein de nouvelles voies extrêmes et des projets majeurs un peu partout. On observe une nouvelle dynamique pour la France depuis 2-3 ans et je fais le pari que cette tendance va s’accentuer et que la décennie des années 2020 sera celle de la France comme celle des années 2010 (et fin 2000) a été celle de la Catalogne.

– Quel regard portes-tu sur la presse escalade en général, et particulièrement sur la presse web ?

Paradoxalement, je trouve que la presse web va assez mal parce qu’elle est vampirisée par Instagram. Avant, à l’époque où tu faisais les news Kairn, on attendait avidement les news des croix parce que c’était vraiment là où on apprenait ce qui se passait. Maintenant, c’est Instagram qui a volé la vedette et presque toutes les informations clef de notre petit monde y arrivent en premier. Et nous, pour les news web, on se retrouve obligés de reprendre en le reformulant comme on peut les « communiqués officiels » que font les athlètes sur Insta, ou alors de leur demander des précisions intéressantes, mais dans tous les cas c’est sur Instagram que l’info arrive en premier. L’utilité de la presse web devient alors d’être une sorte d’entonnoir des réseaux sociaux qui filtre les informations et performances d’importance pour le lectorat. Ça reste intéressant parce tout le monde ne suit pas à fond ce qui se passe sur Instagram, et donc il reste pas mal de gens qui apprennent quand même plein de choses sur la presse web, mais c’est plus tout à fait pareil.

– Les réseaux sociaux ont révolutionné et accéléré la communication des informations. Est-ce une bonne ou mauvaise chose ? Qu’en retiens-tu ? Comment les utilises-tu ?

Comme le laisse deviner ma réponse précédente, je suis d’accord avec le constat ! J’aurais tendance à dire que ce n’est ni une bonne ni une mauvaise chose, mais que c’est comme ça et qu’il faut faire avec. Je vais quand même me permettre une petite critique. Le système des réseaux sociaux est quand même fortement basé sur l’autopromotion. On a un compte et on raconte nous même nos exploits avec plus ou moins finesse et de subtilité. Je trouve qu’un système qui oblige les gens à chanter leur propre légende pour exister a quand même un problème. En tout cas moi ça me dérange, même s’il y a quelques comptes que je suis avec beaucoup de plaisir et que je serais triste de voir disparaître !
Pour ma part, je ne suis sur les réseaux sociaux que pour me tenir informé et voir ce que mettent les autres, je ne poste jamais rien. Mais j’ai bien conscience que si je n’étais pas salarié de Grimper et que je devais faire mon trou en journaliste indépendant, ou bien si j’essayais d’être grimpeur pro, je ne pourrais probablement pas faire l’économie de mon autopromotion sur les réseaux.

En plein run dans “Moksha” au Pic St-Loup (coll. Pierre Trolliet)

– On entend souvent que la presse papier va mal. Depuis que tu as démarré, quelles sont tes satisfactions, les écueils que tu as rencontrés, ou rencontres que tu as faites en tant que journaliste ?

Là, par contre, je ne suis pas d’accord avec le constat ! En ce qui concerne l’escalade, la presse papier a me semble-t-il tout ce qu’il faut pour aller plutôt bien. Je pense en particulier aux photos. La photo de grimpe, c’est quelque chose de riche et qui esthétiquement fonctionne très très bien. Il y a le grimpeur, son visage, sa position, ses préhensions, la sculpture et les couleurs du rocher, le paysage… En plus il y a pas mal de photographes qui sont passionnés et super bons. Ce serait trop dommage que toutes les belles photos de grimpe n’existent plus ou presque plus que sur les écrans. Au niveau des textes aussi, je crois que sur le papier on peut se démarquer du web en faisant, par exemple, des dossiers un peu complets comme ceux des Grimper Céüse et Fontainebleau, mais aussi apportant des analyses de fond assez complètes sur des thématiques historiques ou de progression.
Évidemment, en ce qui concerne les actualités brûlantes, ça arrive un mois après voire plus dans le magazine papier, donc la bataille est perdue d’avance, mais je crois qu’il reste et restera une grosse niche pour le papier, parce qu’en jouant sur le ressort de la qualité, le support papier apporte des choses que le web n’offre pas. Mais ça, c’est à nous de le prouver en produisant de beaux (et intéressants !) magazines.
En ce qui concerne les satisfactions et écueils, ça va bientôt faire 3 ans que je suis rédacteur de Grimper donc il y a forcément eu des choses qui ont plus ou moins bien marché. Il y a un truc en particulier dont les gens ne se rendent pas forcément compte, c’est la multiplicité des enjeux lorsqu’on sort un magazine. On veut que le lecteur soit content et faire rêver les gens, on veut que le numéro se vende bien, évidemment, mais il faut aussi éviter à tout prix de semer la zizanie sur les territoires dont on parle en oubliant par exemple d’impliquer tel équipeur ou tel grimpeur qui ont donné de leur passion et de leur temps sur les falaises concernées, ou bien en ne prenant pas de pincettes pour faire la promotion de secteurs menacés d’interdiction, etc. C’est presque impossible de cocher toutes les cases, mais c’est très satisfaisant quand, pour certains magazines, on arrive à s’en rapprocher. En revanche c’est décevant quand on n’y arrive pas.
Et sinon, j’aimerais bien qu’il y ait un peu plus d’humour et de dérision dans les magazines mais je n’ai toujours pas trouvé de formule adaptée… Gilles, si tu lis cet interview et que tu veux reprendre les fausses couvertures, la porte est ouverte !

– On sent dans tes écrits un certain intérêt pour la culture littéraire/philosophique, tu peux nous en dire plus ?

Oui, je peux en dire plus. En fait, c’est pas vraiment un intérêt particulier pour la culture littéraire ou philosophique mais beaucoup plus général que ça. Je suis tellement conditionné à penser grimpe que mon cerveau fait très souvent des parallèles entre l’escalade et des choses qui n’ont rien à voir. Je trouve ça amusant et j’aime bien partager ces parallèles dans des articles. Si c’est bien fait – j’avoue que ça ne marche pas à tous les coups – ça peut apporter de l’intérêt et de la profondeur aux textes ou bien servir d’accroche. Mais ça ne concerne pas du tout seulement la littérature ou la philosophie (disciplines dans lesquelles je précise que je n’ai aucune prétention), ça peut être des films, d’autres sports, d’autres disciplines… J’ai même fait une analogie entre la recherche de la bonne cotation et les diagrammes de phases qu’on étudiait en Chimie. J’espère qu’un de ces 4 j’aurais l’occasion de l’expliquer dans un article !

– Que répondrais-tu aux gens qui jugent que tu possèdes un côté trop élitiste ?

Que j’en assume une partie. Par autodérision, je dis parfois que je n’arrive pas à trouver antipathiques des gens qui ont de la force dans les doigts ! L’excellence, quel que soit le domaine, est je trouve très intéressante, voire fascinante. Je ne serais pas capable de donner la source, mais je me souviens d’Adam Ondra disant que plus on monte en niveau, plus la pratique de l’escalade est intéressante parce qu’elle se complexifie. Je suis assez d’accord avec ça.
En ce qui concerne mes amitiés, par contre, je nie en bloc. Certes, vu que je passe tout mon temps à grimper, je suis forcément amené à fréquenter des gens passionnés et donc un peu forts, mais ce serait faire insulte à mes copains que de les apprécier pour leur niveau en grimpe. Je suis amis avec des gens parce que j’aime bien discuter avec eux, que je les trouve sympathiques, qu’ils me font marrer ou je ne sais quoi d’autre.
Autant l’excellence est assez fascinante, autant, quand on se met à bien connaître les gens, elle perd énormément en importance dans la relation jusqu’à finir par s’effacer presque complètement.

– Quelle est la plus grande démonstration d’escalade à laquelle tu aies assisté ?

De temps en temps, je vois des gens faire des trucs où je ne comprends même pas comment c’est possible. Allez, trois-quatre exemples pour le plaisir. L’échauffement d’Adam Ondra à Entraygues avant qu’il ne rate le flash dans “la Moustache qui Fâche”. Il faisait des 8a/b à vue (ou peut-être qu’il les avait déjà faits 10 ans avant) en randonnant tellement que je me suis dit sur le moment que même dans un 6c je me serais plus mis au taquet. C’était incroyable.
Autre exemple, la première fois ou j’ai mis les pieds à Oliana, Ramon a fait le 8c+ Joe Blau en randonnant complètement et en se reposant partout même dans les crux. Sur le moment il grimpait avec tellement peu de rythme qu’on a cru qu’il l’avait faite à vue, mais en fait on a appris qu’il avait mis une montée la semaine d’avant. Incroyable.
À Bleau, j’ai vu Charles à de multiples reprises faire des choses abracadabrantesques que j’aurais presque jugées impossibles si je ne les avais pas vues. Du genre des ouvertures flash ou en très peu d’essais de 8A sur 1 mouv dans lesquels personne d’autre ne bouge, ou bien des 7B dalle en basket en atomisant des grattons avec les ongles…
Un dernier pour la route. Dans le dévers à 65° de Blocage, le petit pan de Bleau, Nico Pelorson avait ouvert un bloc (prises rouges !) avec un mouvement de pure tenue et gainage qui me semblait ne pas marcher. Ce mouvement, Nico l’a réussi et même avec les 2 mouvs de mise en place. C’était vers le moment où il a fait Big Island assis et il était sacrément en forme. Les grimpeurs qui passaient à la salle et voyaient ce bloc pensaient même que c’était une blague tellement il avait l’air impossible.

“L”insoutenable” à Bleau (coll. Stephan Denys)

– Toutes choses étant égales par ailleurs, tu dois parier sur la personne qui décrochera la première du “Bombé bleu”: sur qui est ton argent ? Et la première répétition de “Silence”?

Les meilleurs profils pour faire cette voie sont à mon avis Alex Megos et Jakob Schubert parce qu’ils ont probablement le niveau de force de faire le premier pas de bloc, mais aussi suffisamment de consistance pour grimper le 9a qui suit avec de la sécurité. Adam Ondra, je sais que la voie lui fait peur parce qu’il a des gros doigts et que c’est un handicap dans ce style, mais je pense que s’il décide de s’investir il va la faire, d’autant qu’il a peut-être l’allonge pour faire la méthode de droite beaucoup plus facile. Dans les outsiders, les deux Nico, Pelorson et Januel, ont démontré qu’ils savent concrétiser de gros projets, et pourraient tirer leur épingle du jeu s’ils trouvent la solution du premier mouv. Je pense qu’un Simon Lorenzi s’il se motive peut avoir une chance, Charles aussi mais j’y crois pas trop…
Bref, je réponds maintenant à la question : si je dois en garder un, ce sera Megos, talonné par Ondra. Mais par contre, ça me ferait plus plaisir que ce soit un Français !
Pour “Silence”, pas facile non plus ! Je dirais Seb Bouin ou Stefano Ghisolfi, avec une petite option sur Seb.

– Tu essaies d’avoir une démarche écolo en privilégiant le vélo et le train pour te déplacements en falaise. Décris ton raisonnement.

Bigre, par où commencer ? En fait, il faut que je sois honnête : je ne fais quasiment aucun effort pour avoir un mode de vie écolo et je vais la plupart du temps grimper en voiture.
Je suis pourtant assez persuadé, comme pas mal de gens maintenant, qu’il faudrait que tout change pour des raisons écologiques. Mais je vois plutôt ça comme une transition politique, avec des centaines de milliers d’ingénieurs missionnés par l’état qui feraient des consultations populaires, réfléchiraient et aideraient à organiser la mise en œuvre d’une transition en urgence, pour essayer de diviser par 5 ou 10 la consommation générale d’énergie (fossile) tout en essayant de laisser aux gens la possibilité d’être à peu près libre et heureux. Par contre, je crois que c’est un énorme piège de penser que la solution viendrait des individus qui changeraient radicalement de mode de vie chacun dans leur coin. Ça n’a strictement aucun sens parce que la société est organisée de manière à ce qu’on doive choisir entre polluer et s’aliéner soi-même pour ne pas polluer. Il faut offrir un autre choix aux gens que ce dilemme affreux.
Cela étant dit, en attendant le tournant politique, je pense qu’il faut faire preuve de décence dans nos comportements individuels et ne pas se déresponsabiliser totalement non plus, d’autant que cela nous prépare à accepter l’idée d’un changement politique.
Quand la transition se fera, ça m’étonnerait beaucoup que notre modèle de grimpe en falaise puisse subsister tel quel. Plein de jeunes grimpeurs n’auront probablement plus de voiture individuelle, ou alors elles seront minuscules et rouleront à 50, ou alors on ne pourra plus faire autant de kilomètres mais je vois bien les trips train/vélo gagner en parts de marché dans les années à venir.
On en vient à ce pourquoi j’ai fait quelques trips de grimpe sans voiture : pour l’expérimentation. Je voulais voir si c’était bien, agréable, compatible avec la performance…
Je donne quelques résultats en vrac de ces expérimentations : le lendemain d’une journée de vélo, un corps pas trop entraîné n’est pas prêt du tout à perfer, le surlendemain ça va déjà mieux. Ça donne une dimension esthétique au trip (et aux performances si elles surviennent) qui est vraiment incroyable : ça augmente fortement la saveur de l’expérience. Ça demande un surplus de temps si c’est juste un trip vélo et d’argent si c’est train/vélo ce qui n’est pas compatible avec certains travails et certains budgets…
Bref, je trouve que c’est un sujet très intéressant, il y a plein de solutions à trouver et à mettre en œuvre, mais encore une fois, il faudrait vraiment un appui politique. Parce que même avec la meilleure volonté du monde, s’il n’y a pas de place dans les trains pour les vélos ou si la SNCF fait du pricing sur votre dos pour vous faire cracher le plus d’argent possible, eh bien vous ne pourrez rien faire d’autre que l’avoir dans l’os.

– Tu partages ta vie depuis quelques années avec Caroline Sinno, spécialiste de bloc. Comment s’organise votre équilibre de couple de grimpeurs ?

Caro, elle est au moins aussi fanatique que moi. Elle se met des énormes projets en bloc dans lesquels elle ne fait toujours pas les mouvs au bout de 10 séances, mais elle lâche rien et elle finit par réussir alors que personne n’aurait parié un centime sur elle au début. En fait, même si elle c’est en bloc et moi en voie, on a exactement la même approche de l’escalade : ce qui nous anime vraiment c’est le après travail très long. Du coup on se comprend. Moi je sais à quel point c’est important pour elle d’avoir de la parade dans ses projets donc je fais de gros efforts pour la soutenir. Elle, elle sait que j’ai besoins de faire souvent des trips falaise d’une ou deux semaines voire plus pour essayer du dur, du coup elle me laisse m’organiser comme je veux et ne me fait jamais culpabiliser même si parfois, pour elle comme pour moi, c’est pas facile de passer du temps sans se voir. Puis si elle n’a pas trop de travail avec Crimp Oil elle vient avec moi en falaise.

“A la limite de la rupture”, Supermanjoc (coll. Julia Cassou)

– Tu sembles davantage intéressé par la falaise et pourtant tu habites en forêt de Fontainebleau. Pourquoi ce choix ?

Bleau, c’est vraiment un choix de couple. Caro rêvait de rester habiter là, et moi, ça m’allait pas trop mal parce qu’à Bleau, quand tu as un emploi du temps un peu flexible, tu peux aller toucher le caillou même en semaine dès que tu as un petit créneau de 2 ou 3h. Et puis en habitant sur place, c’est très rare de prendre des buts météo en réalité. Et de toute façon, les salles sont bien pour s’entraîner.
En fait, c’est bête à dire, mais ce qui me manque en habitant là-haut c’est plus l’ambiance du Sud-Ouest. Les amis (même si j’en ai aussi à Bleau !), la famille, les départs groupés en falaise et les arrêts boulange du samedi matin…

– Les grimpeurs qui t’inspirent et pourquoi ? Qu’est-ce qui t’inspire chez un grimpeur ?

Il peut y avoir plein de choses qui m’inspirent chez des grimpeurs. Leur vision, leur mental, leurs qualités physiques, leur virtuosité… Du coup il y a plein de grimpeuses et de grimpeurs qui m’inspirent à leur manière. Mais il y en où ça va plus loin. Il y en a sans qui ma vision et mon approche de l’escalade auraient probablement été très différentes. Je vais citer en citer trois, les trois mêmes que lorsqu’Émilien m’avait posé la question pour l’interview d’Escalade9.
D’abord, Chris Sharma. Toujours imité, jamais égalé. Les first ascent de “Jumbo Love” et “Es Pontas”, avec en plus des films parfaits à la clef, sont à mon sens les trucs les plus cool qui ont jamais été fait en grimpe et j’ai l’impression que c’est, au moins inconsciemment, le modèle après lequel je cours…
Ensuite, il y a mon pote toulousain Pierre Trolliet. C’est lui qui m’a appris à réfléchir la grimpe à contre-courant, c’est-à-dire en ayant honte de réussir une voie facilement. C’est la leçon la plus précieuse qui m’a été donné en escalade.
Enfin, il y a Charles Albert. Je raconte déjà suffisamment cet ovni dans mes articles sur Grimper, mais ce qui est incroyablement inspirant chez lui, c’est sa capacité à se détacher complètement de la finalité d’une action pour se concentrer exclusivement sur la manière, sans jamais céder à la tentation de perdre en élégance pour un meilleur résultat. C’est vrai en grimpe, mais pour tout le reste aussi. S’il cuisine, par exemple, il va s’appliquer énormément pour le faire dans les règles de l’art, il va mettre toute son énergie à l’exécution parfaite de la recette. Et le résultat gustatif ne sera qu’une conséquence dont il ne se préoccupe qu’à la fin, au moment de manger.
Je n’ai pas du tout cette prétention à titre personnel, mais, grâce à Charles, c’est quelque chose sur laquelle j’aspire à progresser.

– Si il ne devait rester qu’une ligne en escalade (falaise/bloc/grande-voie/deep water), qu’est-ce que tu choisirais ?

Vue la réponse faite au-dessus, “Es Pontas” ou “Jumbo Love”, mais on va dire “Es Pontas”. Parmi les voies que j’ai enchaîné, je garderais Donkey Kong, 8c+ à Supermanjoc pour toute l’émotion qu’elle m’a procuré, autant dans le travail de la voie qu’au moment de clipper la chaîne. S’il ne fallait en garder qu’une, je garderais celle là.

– Quels sont les projets que tu aimerais mener dans le futur ?

Tout d’abord, il faut que je réussisse à finir “Fight or Flight”. Maintenant, après tout le temps que j’ai passé dedans et surtout après en avoir tellement rêvé, je ne peux plus abandonner ! Je pense que cette voie, en termes de difficulté, est probablement à la limite de ce que je serai capable de faire dans ma vie. Au moins dans ce style. Peut-être que dans une escalade un peu moins à condi je serai capable de faire un peu plus dur, mais là, j’ai vraiment l’impression de jouer à ma limite tellement l’effort est long, soutenu, et demande d’être très en forme dans toutes les filières en même temps. Je vais y aller en mars, j’espère que je serai suffisamment en forme et qu’il fera le plus froid possible avec le plus de vent du Nord possible (le vent du Nord, c’est presque un biscuit pour cette voie tellement ça aide).
Et sinon, avec le grimpeur toulousain Fabrice Landry, on a dessikaté (avec la bénédiction de l’équipeur Éric Siguier !) un vieux 8c+ de Supermanjoc, ce qui donne un nouveau projet dans ma falaise de cœur, naturel, exceptionnellement beau et je pense à peu près du même niveau que “Fight or Flight”, mais dans un style un tout petit peu plus haché qui me convient un poil mieux. Trouver une telle voie à Saint-Antonin, avec en plus un pote aussi motivé que moi pour l’essayer, c’est juste le rêve. Ce sera mon objectif principal cette année.

Photo de couverture : Arthur Delicque

Interview Lucien Martinez
Portrait (coll. Arthur Delicque)

ENGLISH VERSION

All those who have met and talked with him will confirm that Lucien Martinez is not a climber who leaves you indifferent. A friendly and open character, sometimes taking clear-cut positions, having a very personal and original approach of the sport, like his friends Charles Albert or Nico Pelorson, Lucien is an UFO in the French climbing scene. Long interview with him.

– You’re from the South-West of France, precisely Montauban. Can you introduce yourself and tell us about your beginnings in climbing?

Before Montauban, I lived in Toulouse until I was 8 years-old and that’s where I started climbing. My mother had enrolled my brother and me in a weekly class with Mathieu Gallot Lavallée. There were people at the gym who told me that Mathieu was super strong and that he had done an incredibly hard outdoor route that only three climbers had sent, and that one of them had said this route was an 8c+. At the time this story fascinated me, and I understood perhaps 10 years later that the route was in fact “Baston à la Maison” in Saint Géry (in the Lot), and that the climber who had suggested 8c+ was none other than Dave Graham.
However, I was not particularly gifted or even motivated at the time. My passion was rugby. I played rugby for three years and was super strong, much more than at climbing. Those who knew me at the time will be able to testify to this, even if I admit that it may seem hard to believe given my rather skinny physique now. Arriving in Montauban, there was no more spots at the rugby club, while at the same time the climbing gym was close to my house. There was a free access formula that allowed us to go alone in the evening after school, so I started going there more or less every evening. I started thinking only about that. I bid my time all day waiting to go back and try the boulders that had resisted me the day before. I was only looking to have fun, not to train at all, but I improved nonetheless and my level increased progressively in the next 2 or 3 years. At that time Hervé Peyre, our instructor, began to regularly take the club’s youngsters to the crag of Saint Antonin. He put top-ropes up for us, helped us choose routes, gave us advice and beta, told us stories about the lines and the climbers in the area… And by the by, perhaps helped by the fact that I never managed to beat my good friend François Kaiser (whom I hereby salute!!) in competition, I fell in love with rock climbing. At 13 or 14 I had become pretty much independent. I had a list of phone numbers of climbers I knew, and on Saturday evenings I would call them all one by one until I found someone to take me to the cliff.

– Once you graduated in agronomics, you dropped everything for climbing, why?

In my last high school year, I was more hungry for climbing than ever, more or less obsessed. But after my Bac (end of high school exam) I got into a Prépa (preparatory class) and could only squeeze in Saturday afternoons at the crag. I was extremely frustrated. I could see everyone grabbing hard ticks, improving, loving life and I was so envious. As soon as I got into my Engineering School I was able to climb more and spend the whole weekend outdoors, but it wasn’t that easy to juggle both so I still had to find some kind of compromise regarding climbing.

With my diploma in the bag, in actual fact, at first I had no desire to throw it all away, I just wanted to take a year off in order to focus 100% on the two lines that I was fantasising about, ‘Fight or Flight’ and ‘3 Degrees of Separation’. The idea was to send them before looking for a rather busy engineering job. The problem is that regardless of my motivation, my single mindedness and my attempts, I couldn’t send either. I realised two things. First, that to make my dreams come true I had to improve, and not just a little. Second, that climbing was my world, that I would never get bored of it and it’d be silly not to work in climbing given all the above. I thought long and hard about what to do and in the end decided to give journalism a go, with the safety net of going back to engineering if it didn’t work out. Overall I feel at home where I am now, I do something I’m passionate about and I think I bring more with my job at Grimper (main French climbing magazine) than I would have an engineer.

– You were interested in high level climbing very early on. Why does this subject particularly interest you?

Oh my God, you’re asking me to do my own psychoanalysis ! High difficulty in climbing has, I find, something fascinating. It has its mysteries, gossip, rivalries, epic fights lasting several years, climbers who manage to perform incredible feats by being very clever, first ascents that are akin to Grail quests with several protagonists… All of this, and that’s what’s incredible, without any official framework!

– You’re very interested by grades, and you think that the slash shouldn’t exist, why?

I don’t know if I’ll manage to explain myself but I’ll give it a shot! What little recollection I have of my preparatory class time is that grades are a discretisation of a continuous whole. Meaning that a grade is no way near a precise value for the difficulty of a route, rather a range. If we take the notion of a ‘grading scale’, we must understand that a grade, say 7a, is not a rung but the space between two rungs, where the rungs represent the limits between 7a and 7a+ at the top, and 7a and 6c+ at the bottom. If we say that a route is 8c+/9a, it cannot mean that its difficulty is located bang on the rung separating 8c+ from 9a, because it’s mathematically impossible (the probability that the difficulty of a route lies right on a rung is zero, cf. my math classes). To say that a route is 8c+/9a implies adding a new gap between 8c+ and 9a in the grading scale. To use slash grades is to accept the rejigging of all the rungs on that scale (as well as adding some) in order to make way for new ones and effectively double that number. Nothing forbids it, but it would entail a reassessment of the grade of each line. The hard 8a would become 8a/+, the easy 8a+ likewise and so on and so forth for all the routes in the world.

On top of this issue, I think that the current level of accuracy in the grading scale is not that bad, and that it’s already tricky getting a consensus. It’s therefore not that pertinent to shuffle everything around by doubling the current number of grades.

But, for there is a but, I am not against slashes in their two original uses. At the beginning, they weren’t used to add a grade to the scale, but to express a doubt between two grades, thereby leaving repeaters to refine it. I think this is a good use of the slash, and that’s why when I repeat a slashed route I try to give my opinion with the most honesty and openness possible.

The other use of the slash, historically, and which is also interesting (I know it was for instance the case for the Saint Antonin topo) had to do with morphology-dependent routes: it gave an inkling that the route wasn’t the same difficulty for everyone.

Interview Lucien Martinez
Climbing in Font – Red Rocket (coll. Stephan Denys)

– As a climber, you are particularly stubborn on extreme redpoint projects such as “Fight or Flight”. Why try to push your limits all the time?

Well, this question points to a huge problem. For me, it works like a quest with twists and turns and an uncertain end. A hard route that makes me dream, it’s a Grail that I’m trying to reach. I dunno if I’ll get there, but I dream of it, sometimes even literally. And I want to give it my all to succeed.
It’s all very well on paper, but from the moment you accept the fact of really wanting to do very hard things, you tie yourself up to them…

We can no longer go climbing wherever, whenever because we are enslaved to our goals and our training. We no longer see climbing other than through the prism of our quest, to the point that we forget the fun, precisely what made me love climbing in the first place. I don’t like being a monomaniac, not at all. There are plenty of other sports that I love and that I unfortunately no longer practice, not to mention requests from friends that I decline… But you can’t have everything. Wanting to do “Fight or Flight” while remaining open, free, practicing lots of other sports and taking the time to make beautiful Climbing magazines, I know very well that it’s not possible for me. So for the moment, I’m staying fully focused on performance, but I’m very torn because I don’t really like this state of rigidity in which I find myself in.

– In the last few years, instead of repeating famous hard routes you’ve turned to local crags, with unusual first ascents and repetitions (“Beyond”, “3 degrees”, “FFF”, “Hugh”…). Is it planned?

If I invest myself in a route, it has to have a particular meaning, through its history, its location and whatever else… For ‘FFF’, it’s clearly not a beautiful line but it’s located in Supermanjoc, my childhood crag, and for years I walked past it, looking up, telling myself it would impossible. For ‘Hugh’ the mystery attracted me, I was very curious to get my fingers on it and see what was what. For ‘Beyond’, the route was nice and in my style. For ‘3 Degrees’ it had been a dream ever since watching Sharma’s video, one of the very best. Getting to Ceüse more than 10 years after watching it, catching a glimpse of the three yellow tufas at the start as you walk up the last steep part of the path, touching the holds for the first time, trying the moves wondering if they are like what I imagined, then throwing attempt after attempt before finally succeeding… All this was an incredible experience, and so much nicer than for a route without context, without Sharma’s video and the dozen viewings, aged 12, mouth agape in front of my dad’s computer screen.

For short, it’s not that I don’t want to repeat the more fashionable lines, on the contrary I like it, but other contextual elements such as the mystery or the South-West crags also matter in the routes I decide to focus on. For me, the most important is what has meaning for me.

What’s your vision of climbing in France for 2022?

I imagine that this question could be approached from many different angles (gyms, management of crags, climbers etc.) but the only one for which I think I have something interesting to say concerns the high level in rock climbing: in my opinion France is once again becoming the center of the world, as it was at the end of the 90s and the beginning of the 2000s, before Sharma moved it by living in Catalunya. We have all the routes by Seb Bouin (at La Ramirole but not only) which are extremely huge and from which Ondra, Megos, Schubert and Ghisolfi will not be able to avoid forever… And in addition we have Céüse and Saint-Léger with lots of new extreme routes and major projects everywhere. We have been witnessing a new dynamic in France in the last 2-3 years and I am betting that this trend will increase and the decade of the 2020s will be the one of France, like that of the 2010s (and the end of the 2000s) was for Catalunya.

– What do you think about the climbing press in general, and particularly the climbing websites?

Paradoxically, I find the web press is doing quite badly because it’s vampirized by Instagram. Before, when you were writing for Kairn.com some years ago, we were eagerly awaiting news of the new sends because that was really where we learned what was going on. Now, instagram has stolen the show and almost all the key information in our small world arrives there first. And we, the media, find ourselves forced to summarise by reformulating the “official press releases” that the athletes publish on Insta, or to ask them for interesting details, but in any case it’s on Instagram that the info comes first. The usefulness of the web press then becomes a kind of funnel of social networks that filters information and performances by importance to its readership. It’s still interesting because not everyone follows what’s happening on Instagram, and so there are a lot of people who still learn a lot of things from the web press, but it’s not quite the same anymore

– The advent of social media has revolutionised and sped up the sharing of information. Is it good or bad? What is your take? And how do you use them?

As my previous answer suggests, I am in complete agreement with your statement! I tend to say that it’s neither good nor bad, but that is it what it is and we have to make-do. Yet I’m going to allow myself a slight criticism. The social media logic is strongly biased towards self-promotion. You have an account and share your exploits with more or less subtlety. I think that a system forcing people to sing their own praises to exist has a problem. At any rate it does bother me, even if I follow a number of accounts with pleasure and would be sad to see them go!

As for me, I’m only on social media to keep up-to-date and see what others share, I never do. But I am aware that if I didn’t make a living with Grimper and had to find my feet as an independent journo, or if I’d tried to become a pro climber, I would probably not be able to skip the self-promotion on social networks.

Interview Lucien Martinez
FFF, Supermanjoc (coll. Sam Bié)

– We often hear that paper magazines are not doing very well. Since you started, what are your satisfactions and also the pitfalls that you have encountered or still encounter as a journalist?

Here, however, I don’t agree with this statement! As far as climbing is concerned, the paper press seems to me to have everything needed to do pretty well. I’m thinking in particular of photos. Climbing photography is something rich and aesthetic and is working very well. There is the climber, his/her face, position, the holds, the shape and the colors of the rock, the landscape… Besides, there are quite a few photographers who are passionate and super good. It would be too bad if all the beautiful climbing photos no longer or almost no longer existed except for screens. For the texts too, I believe that on paper we can stand out from the web by making, for example, somewhat complete topics like those of Grimper for Céüse and Fontainebleau, but also by providing fairly complete background analyses on historical themes.
Obviously, as far as fresh news are concerned, it happens a month later or even more with paper magazines, so the battle is lost in advance, but I believe that there remains and will remain a big opportunity for the paper, because by playing on the angle of quality, paper magazines bring things that the web doesn’t. But that’s up to us to prove it by producing beautiful (and interesting!) magazines.
Concerning satisfactions and pitfalls, it will soon be 3 years since I’ve made editor-in-chief of Grimper so there have necessarily been things that have worked more or less well. There is one thing in particular that people don’t necessarily realise, it is the multiplicity of issues when you release a magazine. We want the reader to be happy and make people dream, we want the issue to sell well, of course, but we must also avoid at all costs sowing discord in the territories we are talking about by forgetting, for example, to involve such bolter or climber who has given their passion and their time on the crags concerned, or by not raising the issue of sectors threatened with a ban, and so on. It’s almost impossible to tick all the boxes, but it’s very satisfying when, for certain issues, you can get close. At the same time, it’s disappointing when you can’t.
And if not, I would like there to be a little more humour and derision in magazines, but I still haven’t found a suitable formula… Gilles, if you’re reading this interview and you want to take up the fake covers, the door is wide open!

– In your writing, we can often feel something vaguely literary/philosophical, can you tell us more?

Yes I can. In fact, it’s not really out of a particular interest for literature or philosophy, it’s much more wide-ranging. I’m so conditioned to thinking about climbing that my brain often finds parallels between climbing and things that are completely foreign. I find it amusing and like to share them in my articles. If it’s well done-I’ll admit it doesn’t always work-it can add to the interest and the depth of my writing, or just serve as a hook. But it doesn’t only concern literature or philosophy (areas in which I want to stress I have zero ambitions), it can be movies, other sports or disciplines… I’ve even made a comparison between grades and the tables we used to study in Chemistry… I hope that one day I’ll have the opportunity to explain myself in an article!


– How would you answer people who think you have too elitist an approach?

That I take part of it. In self-mockery, I sometimes say that I can’t find people who have strong finger power unsympathetic! Excellence, whatever the field, is very interesting, even fascinating. I wouldn’t be able to give the source, but I remember Adam Ondra saying that the higher the level you reach, the more the practice of climbing is interesting because it becomes more complex. I pretty much agree with that.
As far as my friendships are concerned, on the other hand, I totally deny it. Honestly, since I spend all my time climbing, I’m used to associate with people who are passionate and therefore a bit strong, but it would be an insult to my friends to appreciate them for their level in climbing. I’m friend with people because I like talking to them, I find them friendly, they make me laugh or whatever.
As much as excellence is quite fascinating, when you get to know people well, it loses a lot of importance in the relationship until it ends up disappearing almost completely.

– What’s the most outrageous climbing feat you’ve been privy to?

From time to time, I see people do stuff that I don’t even understand are possible. Ok, so 3-4 examples for the fun of it. Adam Ondra’s warm-up at Entraygues before missing out on the flash of ‘La moustache qui fâche’. He was onsighting 8a and 8b (unless he’d climbed them 10 years previous) with such ease I thought I’d get more pumped climbing a 6c. It was incredible.

Another example, the first time I set foot in Oliana, Ramon chilled his way up Joe Blau (8c+) resting everywhere, even in the cruxes. Because the rhythm of his climb was so broken we thought at the time he was onsighting it, but we learnt that he’s gone up it once the week before. Insane.

In Font, many times I saw Charles Albert do things so out of this world I would have called them impossible without having been a witness. Like flash FAs or in a handful of runs of 8A on a move that no one else can get anywhere near, or 7B slabs in trainers by simply annihilating miserable grains of sand with his nails…

A last one for the road. In the 65° overhang of Blocage, the small ‘gym’ in Font, Nico Pelorson opened a boulder (red holds) with a move of pure crimping and core strength that seemed to me not to work. Yet Nico managed to do it, and even adding the two moves prior. It was around the time he made Big Island sit and he was a monster. The climbers who passed by the gym and saw his boulder thought it was so impossible as to be a joke.

– All other things being equal, you have to bet on the person who will free the “Bombé bleu” first: who is your favorite? And for the first repeat of “Silence”?

The best profiles to do “Bombé bleu” are in my opinion Alex Megos and Jakob Schubert because they probably have the level of strength necessary to solve the first boulder crux, but also enough resistance to climb the 9a that follows with safety. Adam Ondra, I know that the route scares him because he has large fingers and that’s a handicap in this style, but I think that if he decides to get involved he’ll do it, especially since he may have the ape index to be able to choose the easier starting beta to the right. For the outsiders, the two Nicos, Pelorson and Januel, have demonstrated that they know how to tick big projects, and could send it if they find the solution for the first move. I think that Simon Lorenzi, if he motivates himself, stands a chance, Charles too but I don’t really believe it.
In short, I’m now answering the question: if I have to keep one guy, it will be Megos, followed by Ondra. But on the other hand it would make me happier if it were a Frog!
As regards “Silence”, not easy either! I would say Seb Bouin or Stefano Ghisolfi, with a small advantage to Seb.

Interview Lucien Martinez
Brushing in Font (coll. Arthur Delicque)

– You’re trying to have a greener approach to climbing by favouring bicycles and trains to go cragging. Can you expand for us?

Phew, where should I start?! In fact, I have to be honest here: I make very little effort to be greener, and most of the time I drive to my crags.
Yet I am quite convinced, as many others now, that all this needs to change, for ecological purposes. But I see it mostly as a political transition, with hundreds of thousands of engineers tasked by the government to survey the people, to think and help organise the urgent transition in order to divide by 5 or 10 the overall consumption of fossil energy while giving people the opportunity to still be free and happy. On the other hand, I believe it’s an enormous trap to think that the solution will come from individuals who would radically change their modus operandi in isolation. It makes no sense because society is organised in such a way that people have to choose between pollute and deny themselves in order to stop polluting. What must be offered people is another choice than this awful dilemma. Having said that, as we wait for this political shift, I think that we must show decency in our personal behaviours and not think we can’t do anything either, if only because it prepares us to accept the idea of a political sea change.

When this transition will take place, I’d be surprised if our current outdoor climbing model could survive. A lot of young climbers probably won’t have a private car, or they’ll be tiny and only do 50 kph, or we won’t be able to drive as many kilometres; so I do see the train/bicycle trips gaining in popularity in years to come.

Which brings us back to why I tried a few trips without cars: for the sake of experimentation. I wanted to know if it was nice and compatible with performance… Let me give you a few personal conclusions: the day after a day on the saddle, a body that is not so trained for it is not at all ready to perform, but two days after it improves. It adds a certain aesthetical dimension to your trip (and to the sends if they happen) that is truly magical: it strongly increases the flavour of the experience. It also requires added time if it’s only by bike, and money if a combo train/bicycle that is just not compatible with certain budgets or jobs…

In short, I think it’s a great topic, there are a lot of solutions to be found and put in place, but again, what’s really needed is political support. Because even with the best will in the world, if there’s no room on trains for your bicycle or if the SNCF (train company) decides to make money out of you, well there’s nothing you can do can you!

– You’ve been in a relationship with Caroline Sinno, a bouldering addict, for a few years now. What does the life of a high flying climbing couple looks like?

Caro, she’s at least as fanatical as me. She invests herself a lot on huge bouldering projects in which she still does not move after 10 sessions, but she never gives up and often ends up succeeding when no one would have bet a penny on her at the beginning. In fact, even if she is only bouldering and I’m mostly rock climbing, we have exactly the same approach: what really drives us is the very long redpoint projects. So we understand each other. I know how important it’s for her to have a spot on her projects so I do my best to support her. And on the other hand she knows that I often need to do rock climbing trips of one or two weeks or more in order to try hard, so she lets me organise myself as I want and never makes me feel guilty even if sometimes, for her as for me, it’s not easy to spend time without the other. Then if she doesn’t have too much work with Crimp Oil she also comes with me at the crag.

– You seem more interested by rock climbing and yet you live in the forest of Fontainebleau, far from the crags. Why this choice ?

Font is really a couple’s choice. Caro was dreaming of living there, and me, it didn’t suit me too badly because in Font, when you have a somewhat flexible schedule, you can go and touch the rock even during the week as soon as you have a little time slot. 2 or 3 hours. And then by living there, it is actually quite rare to be turned down by the weather. And anyway, the gyms are good for training.
In fact, it may be silly but what I miss living up there is more the atmosphere of the Southwest. Friends (even if I also have some in Font!) family, group start for the cliff, and Saturday morning bakery stops…


– Which climbers inspire you and why? What inspires you in a climber?

There can be lots of things that inspire me in climbers. Their vision, their mind, their physical qualities, their virtuosity… So there are plenty of climbers who inspire me in their own way. But there are some where it goes further. There are some without whom my vision and my approach to climbing would probably have been very different. I am going to quote three of them, the same three as when Émilien asked me the question for the Escalade9 interview.
First, Chris Sharma. Always imitated, never equalled. The first ascents of “Jumbo Love” and “Es Pontas”, and perfect films, are in my opinion the coolest things that have ever been done in climbing and I have the impression that it’s, at least unconsciously, the model I go after…

Then there is my buddy from Toulouse Pierre Trolliet. It was him who taught me to think about climbing against the current hype, and to put my limits further, for example by being ashamed of succeeding in a route easily. This is the most valuable lesson that has been given to me in climbing.
Finally, there is also Charles Albert. I already tell enough about this UFO in my articles on Grimper Magazine, but what is incredibly inspiring about him is his ability to completely cut himself off from the finality of an action and focus exclusively on the move, without falling into the temptation to lose elegance for the sake of a better result. This is true in his climbing, but for everything else too. If he cooks, for example, he will apply himself enormously to do it according to the rules of the art, he will put all his energy into the perfect execution of the recipe. And the taste result will only be a consequence that he only cares about at the end, when eating.
I cannot claim any of this personally but, thanks to Charles, it is something on which I aim to improve.

– If there was only one climbing line left (route/boulder/multipitch/deep water), which one would you choose?

According to the answer made above, “Es Pontas” or “Jumbo Love”, but I will choose “Es Pontas”. Among the routes I have sent, I would keep “Donkey Kong”, 8c+ at Supermanjoc for all the emotion it gave me, both during the work on the route and when clipping the chain. If I had to keep only one line, I would keep this one.

– Which projects would you like to accomplish in the future?

First of all, I have to manage to finish “Fight or Flight”. Now, after all the time I’ve spent on it and especially after dreaming about it so much, I can’t give up! I think this route, in terms of difficulty, is probably at the limit of what I will be able to do in my lifetime. At least in this style. Maybe on a climb slightly less condition-dependent I’ll be able to do a little harder, but here, I really feel like I’m playing at my upper limit as the effort is so long, sustained, and requires me to be very fit in all aspects at the same time. I’m going to go back again on it in March, I hope I’ll be in good enough a shape and that it will be as cold as possible with as much North wind as possible (the North wind is almost a big help for this route).
And otherwise, with Fabrice Landry, we got rid of some sika holds (with the agreement of the bolter, Éric Siguier!) on an old 8c+ of Supermanjoc, which gives me a new project at my beloved crag, natural, exceptionally beautiful and I think pretty much of the level as “Fight or Flight”, but in a slightly more bouldery style which suits me a bit more. Finding such a route in Saint-Antonin, with a friend as motivated as me to try it, is just a dream. This will be my main goal this year. for sure!

Cover Pic: Arthur Delicque

Interview Lucien Martinez
Portrait (coll. Arthur Delicque)





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Pablo Recourt, un tour de France des 8a à vélo – Pablo Recourt, a tour of French 8a’s by bike

2 février 2022 à 11:52

En octobre, le grimpeur Belge Pablo Recourt est parti en trip en vélo depuis le plat pays, avec l’objectif de découvrir une bonne partie des 8a classiques et mythiques de France. “En quête du Saint 8a” est alors née, avec Gaspar, sa belle monture à deux roues en guise de compagnie. Nous avons questionné Pablo pour en savoir plus sur son voyage itinérant relativement original.

– Peux tu te présenter ?
Salut ! Je m’appelle Pablo, j’ai 24 ans et je suis un grimpeur belge. J’ai commencé à grimper quand j’avais 7 ans dans une petite salle Bruxelloise. Tu serais étonné de voir la grosse culture escalade qu’il y a au plat pays. Il y a une émulation de fou ! À côté de l’entraînement en salle, j’ai commencé à grimper dehors à Freyr (Belgique), connu comme l’épicentre de l’univers. J’ai vite compris que je préfère être dehors et du coup je fais principalement de la falaise. Accessoirement j’ai aussi fait des études d’ingénieur architecte, mais pour le moment je grimpe. J’aime beaucoup le rocher belge mais on ne va pas se mentir, on fuit souvent la pluie pour aller grimper plus dans le Sud (France et Espagne). Merci les voisins !

– Raconte-nous le concept de ton voyage.
Mon gros projet du moment, c’est un voyage de grimpe. Je fais un tour des falaises de France à vélo. Accompagné de mon fidèle destrier à deux roues, nommé Gaspar, j’ai une petite quête : je cherche le plus beau 8a français !

8a vélo France

– Comment t’est venue l’idée de ce tour de France des falaises en vélo et pourquoi ce trip ?
Après mes études, je voulais voyager. J’imaginais acheter un van et partir grimper. Mais avec cette mode du van, il y a quelque chose qui me dérange. Premièrement, ça reste une manière de voyager pas très respectueuse de l’environnement. Bof en accord avec mes valeurs et choix de vie. Et puis en van il y a un peu cette dynamique de “consommation” des falaises. Tu roules, tu arrives à un spot, tu grimpe, tu dors sur le parking, et puis tu t’en vas. Pour moi, ça ne colle pas avec ce que je voulais vivre en voyage. J’ai donc commencé à penser au slow travel, manière de voyager plus lente et proche de ton environnement. Prendre le temps, s’imprégner de l’énergie des endroits que tu visites et intégrer le déplacement dans la performance. Vivre le chemin plus que la destination. Et puis en parlant de destination, j’avais du mal à mettre le doigt sur une seule destination de grimpe. Après réflexion, j’ai arrêté de penser au lointain. Pourquoi partir loin si je ne connais pas les merveilles proches de chez moi? Ça reste des découvertes et des nouveautés à explorer. J’ai alors pensé à la France. Une des meilleures destination d’escalade du monde, à côté de chez moi. Et d’un coup, tout était connecté: le voyage à vélo, la destination de rêve pour l’escalade, et une furieuse envie de grimper dans tout ces beaux endroits! Ça ressemble bien à un tour des falaises de France à vélo. Presque comme un pèlerinage de la grimpe. Une quête. Tiens, et si j’essayais de trouver la plus belle voie de France? Ou mieux, le plus beau 8a de France? Pour ajouter un peu de challenge. Et c’est comme ça que quelques préparatifs plus tard, je donnais mon premier coup de pédale pour un voyage de 6 mois.

– Pourquoi la France?
Si tu demandes à un Américain quelle est sa destination de grimpe de rêve, il te répondra bien probablement la France : Céüse, Fontainebleau, le Verdon, Buoux, Chamonix, etc. Que de merveilles ! Une diversité de rochers, de styles, une richesse de paysages, sans compter l’historique ancré dans toutes ces falaises mythiques. Sous prétexte qu’on habite à côté, devrait-on s’en priver ? La destination reste tout autant savoureuse selon moi, si pas plus.

– Tu dors en tente ? (il doit faire un peu froid non ?), tu trouves facilement des gens pour grimper ?
Ça m’arrive de dormir sous tente oui. Mais je suis aussi parfois hébergé par des grimpeurs, des amis ou des inconnus. J’avoue que c’est un peu au jour le jour, et c’est ça qui me plait : être libre et prendre ce que le voyage m’offre. Être content quand les gens m’invitent chez eux, mais m’émerveiller de dormir sous les étoiles autrement. Au niveau du froid j’ai eu des conditions dures oui, mais en général je suis plutôt bien équipé et j’arrive à bien gérer les basses températures. Les mauvaises condis par contre c’est plus embêtant au niveau de la grimpe. Mis à part que c’est plus challengeant, c’est surtout plus difficile de motiver des gens à venir grimper avec moi. C’est un des problèmes les plus ennuyant avec la météo : elle affecte vite la motivation des grimpeurs locaux ! Mais à part ça, je trouve toujours quelqu’un content de me montrer les belles lignes de sa falaise. Et c’est ça que je cherchais en voyageant seul : être obligé de trouver des gens avec qui partager une cordée.

8a vélo France

– Où en es tu de ton trip, et quelle sera la suite ?
Cela fait presque 5 mois que je suis parti, et il m’en reste encore un pour clôturer mon tour. J’ai parcouru tout l’Est de la France, avec 2500km de vélo, 32 secteurs visités et 35 8a enchaînés. Actuellement je suis dans les Gorges du Tarn. Je vais ensuite dans le Lot et puis je remonte en Belgique en passant par les Eaux Claires et la Normandie. Moins d’escalade et plus de vélo prévu pour la suite donc, mais ça me tient à cœur de faire une vraie boucle.

– Ta falaise préférée, jusqu’à présent ?
Mmh difficile de répondre, j’ai vu tellement de merveilles… Si je devais vraiment choisir je dirai Buoux pour la grimpe et les Gorges du Tarn pour la beauté du paysage. Mais ça se joue à pas grand chose, je pourrai tout à fait te répondre autre chose si tu me reposes la question dans quelques jours !

– Si on comprend bien, l’idée est de réaliser un 8a sur chaque falaise visitée, alors que tu n’as souvent que très peu de temps sur place (2/3 jours), tu as réussi ce challenge à chaque fois ?
En vérité c’est plutôt 1 ou 2 jours par falaise. C’est sûr que c’est challengeant. Heureusement, j’ai un peu de marge et généralement j’arrive à faire 1 ou 2 classiques avant de repartir, souvent à la journée. Mais pour être honnête, le challenge ce n’est pas juste d’enchainer un 8a. C’est de faire la croix en étant fatigué de la nuit dehors, des 80km de vélo de la veille, et des 5 mois de voyage dans les pattes. C’est ça qui est dur et j’ai énormément appris en termes de gestion de fatigue et d’écoute de mon corps. Maintenant je fais quasiment tout le temps un 8a par secteur, mais ça n’a pas été toujours le cas notamment en début de voyage, quand j’avais encore tout à apprendre!

8a vélo France

– Comment as- tu choisi les voies que tu essaies ?
En laissant traîner mes oreilles, en discutant avec les locaux, en me renseignant sur les voies historiques. Généralement il y a toujours une conjecture qui détermine la ou les plus belles voies à essayer du secteur.

– Pourquoi 8a, et pas 7c+ par exemple ?
Clairement, c’est un choix personnel. C’est un niveau dans lequel je me sens à l’aise tout en étant challengé. Je fais généralement 8a à la séance, mais ça me demande de me battre et c’est ce que j’aime. Et puis pourquoi 8? Je sais pas vraiment, probablement la symbolique du niveau 8, c’est une porte vers le haut niveau. Et puis c’est classe le chiffre 8, c’est l’infini vertical !

– Ta voie préférée jusqu’à présent ?
Il y en a beaucoup, mais là comme ça j’ai envie de dire “Les Ailes du Désir” dans le Tarn.

– Tu restes peu de temps sur chaque falaise avant de reprendre la route, ce n’est pas trop fatiguant d’enchainer vélo + grimpe ? Tu te reposes de temps en temps ?
Je vais pas vous mentir, c’est épuisant. C’est ça qui est le plus dur à gérer dans ce voyage, la constante fatigue physique. Mais j’ai appris à m’écouter et il m’arrive de prendre des jours off. Mais pas trop, car ça veut dire moins de grimpe !

– On peut te suivre sur les réseaux sociaux ?
Bien sûr, venez rejoindre l’aventure et hésitez pas à m’inviter chez vous où à m’écrire, je suis très gentil et j’aime bien raconter des histoires !


Facebook : En Quête du Saint 8a
Instagram : pablorecourt

8a vélo France

In October, Belgian climber Pablo Recourt went on a cycling trip from the flat country with the main goal of discovering a good part of the French classic and legendary 8a’s. “En quête duSaint 8a” was born, with Gaspar, his beautiful two-wheeled bike as company. We asked Pablo about his original climbing trip.

– Can you introduce yourself?
My name is Pablo, I’m 24 years old and I’m a Belgian climber. I started climbing when I was 7 years old in a small gym in Brussels. You’d be surprised to see the huge climbing culture there is in the flat country. There’s a crazy emulation! Next to indoor training, I started climbing outdoors in Freyr (Belgium), known as the epicenter of the universe. I quickly understood that I prefer to be outdoors and so I mainly practice rockclimbing. Incidentally, I also studied architectural engineering, but for the moment I’m climbing. I really like the Belgian rock but I’m not going to lie to each other, we often flee the rain to go climb further in the South (France and Spain). Thank you neighbours!

– Tell us about the concept of your trip.
My big project at the moment is a climbing trip. I am cycling around the crags of France. With my faithful two-wheeled steed, named Gaspar, I have a little quest: I’m looking for the most beautiful French 8a!

– How went the idea of ​​this tour of French crags by bike?
After my studies, I wanted to travel. I imagined buying a van and going climbing. But with this fashion of the van, there’s something that bothers me. First, it remains a way of traveling that is not very respectful of the environment. Ok in accordance with my values ​​and life choices. And then in a van there is a bit of this dynamic of “consumption” of the crags. You ride, you get to a spot, you climb, you sleep in the parking lot, and then you leave. For me, it doesn’t fit with what I wanted to experience while traveling. So I started thinking about slow travel, a way to travel slower and closer to your environment. Take the time, imprint the energy of the places you visit and integrate movement into the performance. Live the journey more than the destination. And then speaking of destination, I had trouble putting my finger on a single climbing destination. After reflection, I stopped thinking about the distant. Why go far away if I don’t know the wonders close to home? There are still discoveries and novelties to explore. I then thought of France. One of the best climbing destination in the world, near my home. And suddenly, everything was connected: the bike trip, the dream destination for climbing, and a furious desire to climb in all these beautiful places! It looks like a tour of the cliffs of France by bike. Almost like a climbing pilgrimage. A quest. Here, what if I tried to find the most beautiful route in France? Or better, the most beautiful 8a in France? To add a little challenge. And that’s how some preparations later, I gave my first pedal stroke for a 6 month trip.

8a vélo France

– Why France?
If you ask an American what his dream climbing destination is, he will probably answer France: Céüse, Fontainebleau, Verdon, Buoux, Chamonix, etc. How wonderful! A diversity of rocks, styles, a variety of landscapes, not to mention the history anchored in all these mythical cliffs. Under the pretext that we live next door, should we deprive ourselves of it? The destination remains just as tasty in my opinion, if not more.

Do you sleep in a tent? (it must be a bit cold, right?), do you easily find people to climb?
I sometimes sleep in a tent yes. But I am also sometimes hosted by climbers, friends or strangers. I admit that it’s a bit day-to-day, and that’s what I like: being free and taking what travel offers me. Being happy when people invite me to their homes, but marveling at sleeping under the stars otherwise. In terms of the cold, I had some tough conditions, yes, but in general I have a good equipment and I manage to manage stay quite good in the low temperatures. Bad conditions, on the other hand, are more annoying when it comes to climbing. Apart from the fact that it’s more challenging, it’s especially more difficult to motivate people to come and climb with me. This is one of the most annoying problems with the weather: it quickly affects the motivation of local climbers! But other than that, I always find someone happy to show me the beautiful lines of their home crag. And that’s what I was looking for when traveling alone: ​​to have to find people to share a climbing day.

– Where are you in your trip, and which destination will be next?
It’s been almost 5 months since I left, and I still have one month to close my tour. I traveled all over Eastern France, with 2500km of cycling, 32 sectors visited and 35 8a sent. Currently I’m in the Gorges du Tarn. I then go to the Lot and then I go back to Belgium via the Eaux Claires and Normandy. Less climbing and more cycling planned for the future, but it’s my wish to do a real loop.

– Your favourite cliff so far?
Mmh difficult to answer, I saw so many gems… If I really had to choose I would say Buoux for the climbing and the Gorges du Tarn for the beauty of the landscape. But malking a choice is hard, I could quite answer you something else if you ask me the question again in a few days!

– If we understand correctly, the idea is to send an 8a on each crag visited, when you often have very little time at the crag (2/3 days), have you succeeded in this challenge each time?
In truth it’s rather 1 or 2 days per cliff. It sure is challenging. Fortunately, I have a little margin and generally I manage to do 1 or 2 classics before leaving, often during a day. But to be honest, the challenge is not just to send an 8a. It’s to send the route while being tired from the night outside, from the 80km of cycling the day before, and from the 5 months of travel. That’s why it’s hard and I learned a lot in terms of tiredness management and listening to my body. Now I always do an 8a per sector all the time, but that wasn’t always the case, especially at the start of the trip, when I still had everything to learn!

– How did you choose the routes you try?
By opening my ears, talking with the locals, learning about historical routes. Generally there is always a conjecture which determines the most beautiful route(s) to try in the sector.

8a vélo France
photo: Mathieu Pisaniello

– Why 8a, and not 7c+ for example?
Clearly, this is a personal choice. It’s a level in which I feel comfortable while being challenged. I usually do 8a in the session, but it asks me to fight and that’s what I like. And then why 8? I don’t really know, probably the symbolism of level 8 is a door to the top level. And then it’s class the number 8, it’s vertical infinity!

– Your favourite route so far?
There are many, but here like that I want to say “Les ailes du désir” in the Gorges du Tarn.

– You stay on each cliff for a short time before hitting the road again, isn’t it too tiring to cycle + climb? Do you sometimes rest?
I’m not going to lie to you, it’s exhausting. That’s what’s hardest to manage on this trip, the constant physical fatigue. But I learned to listen to myself and sometimes I take days off. But not too much, because that means less climbing!

– Can we follow you on social networks?
Of course, come and join the adventure and don’t hesitate to invite me to your home or to write to me, I’m very kind and I like to tell stories!
Facebook: En quête du Saint 8a
Instagram: pablorecourt

8a vélo France



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