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Lucas Dufros se confie sur son titre de Champion de France de difficulté

L’ascenseur Ă©motionnel, vous connaissez ? Lucas Dufros l’a pleinement vĂ©cu, dimanche aprĂšs-midi, en finale des Championnats de France de difficultĂ©.

Dernier compĂ©titeur Ă  s’élancer dans la voie de finale, Lucas zippe du pied sans parvenir Ă  tirer sur la prise que Max Bertone valorisait quelques minutes avant lui. La dĂ©ception Ă©tait totale pour le Lyonnais, qui Ă©tait clairement venu chercher le titre national.

Mais retournement de situation : alors que Max est en pleine interview, on apprend de la part des juges que le RĂ©unionnais aurait malencontreusement laissĂ© traĂźner son pied sur une plaquette
 Ce qui le relĂšgue Ă  la septiĂšme place des finales. Contre toute attente, c’est donc le jeune Lucas Dufros qui s’offre le titre de Champion de France de difficultĂ© 2024, pour son plus grand bonheur !

Nous l’avons rencontrĂ© afin qu’il nous explique la maniĂšre dont il a vĂ©cu la compĂ©tition, l’ascenseur Ă©motionnel qu’il a connu quelques minutes aprĂšs les finales et ses prochains objectifs.

Lucas, comment te sens-tu aprĂšs ton titre de Champion de France ?

Ce sont de nombreuses Ă©motions qui se mĂ©langent, ça a Ă©tĂ© un vĂ©ritable ascenseur Ă©motionnel ! Mais je suis avant tout heureux que tout le travail entrepris depuis le dĂ©but de la saison paye enfin. RĂ©ussir Ă  poser ma grimpe au moment voulu est vraiment une fiertĂ©. C’est un rĂȘve qui se rĂ©alise et une revanche qui est prise sur ma troisiĂšme place d’il y a deux ans. Maintenant, je vais tout donner pour que la suite soit encore plus belle.

Raconte nous ta compétition.

Dans l’ensemble, je pense que la compĂ©tition pouvait difficilement moins bien se passer. Ça a dĂ©marrĂ© avec des qualifs oĂč je suis passĂ© tĂŽt dans la Q2, en troisiĂšme position. Une voie dans un style que j’affectionne, avec une fin plutĂŽt rĂ©si dans laquelle j’ai rĂ©ussi Ă  bien m’exprimer en tombant Ă  deux mouvs de la fin (Ă  cause d’une erreur de placement). La Q1 s’est aussi bien passĂ©e, dans un style plus physique, mĂȘme s’il y a eu un peu de frustration avec une zipette de la main un peu inattendue.

Je terminais donc deuxiĂšme des qualifications : parfait pour ĂȘtre placĂ©, mais sans passer dernier en demi-finale. J’étais dans la peau du chassĂ© et pas du chasseur. Pour ce second acte, ça n’a pas Ă©tĂ© simple de rester focus sur moi en isolement
 L’ambiance dans la salle donnait l’impression que chaque grimpeur topait la voie ! J’ai quand mĂȘme rĂ©ussi Ă  m’exprimer dans cette demi-finale, avec un dĂ©but facile et des difficultĂ©s marquĂ©es, oĂč ça tombait par paquets de grimpeurs. Avec le rĂ©tro classement, je terminais donc premier.

Pour la finale, j’ai su Ă  la lecture que le style me conviendrait. J’ai tout de suite pensĂ© Ă  une chose : je voulais Ă  tout prix toucher les derniĂšres prises de la voie. AprĂšs un dĂ©but oĂč il fallait rester appliquĂ© et un gros repos, on enchaĂźnait sur une section intense et rĂ©sistante, oĂč je me suis fait avoir sur une montĂ©e de pied
 Mais finalement, je suis heureux de ma grimpe et de l’état d’esprit affichĂ© tout au long des quatre runs du week-end.

© AurÚle Bremond

Peux-tu revenir sur ta finale plus précisément ?

En finale, je suis arrivĂ© avec la hargne de casser la voie, sĂ»r de mes forces et sans aucun stress. Je n’avais jamais ressenti cette sensation de confiance avant une finale. Cette volontĂ© de rĂ©ussir la voie avant tout a failli me coĂ»ter le titre, mais la fin est finalement belle. Encore une fois, l’ambiance que l’on entendait depuis l’isolement brouillait les pistes sur lĂ  oĂč les autres arrivaient Ă  aller, mais j’ai rĂ©ussi Ă  m’en servir pour m’imaginer toucher le relais.

Juste aprĂšs ta finale, tu semblais trĂšs affectĂ© de ne pas avoir gagnĂ©, c’était ton objectif principal ?

Oui, c’était trĂšs dur
 J’ai tout de suite senti que ça allait pouvoir se jouer Ă  un rien (en l’occurrence un +), et malheureusement, en ma dĂ©faveur. AprĂšs ma troisiĂšme place au Championnat de France de Laval en 2022, oĂč j’étais vraiment sur un nuage et oĂč je m’étais imaginĂ© gagner, je m’étais promis que je prendrais ma revanche en allant chercher le titre. C’était un objectif clair dans ma tĂȘte.

Mes rĂ©sultats trĂšs dĂ©cevants de l’annĂ©e derniĂšre n’ont fait que dĂ©cupler mon envie, et Ă©chouer de nouveau Ă  la deuxiĂšme place (je l’avais dĂ©jĂ  fait quand j’étais en cadet) Ă  cause de mon envie de casser la voie plutĂŽt que jouer le +, aurait vraiment Ă©tĂ© un coup dur ! MĂȘme si ce n’est que le dĂ©but de la saison, lorsque l’on vise l’international, le Championnat de France a une valeur trĂšs particuliĂšre. Donc oui, clairement, c’était un objectif majeur de ma saison, qui devait ensuite m’aider Ă  me projeter sur l’international, qui reste l’objectif le plus important Ă  moyen et long terme.

© AurÚle Bremond

Finalement, tu remportes l’or car Max Bertone se fait relĂ©guer suite Ă  un appui sur une plaquette, comment as-tu vĂ©cu tout cela ?

Ça a Ă©tĂ© trĂšs difficile Ă©motionnellement car pour moi c’était fini, tout s’effondrait pour cette compĂšte jusqu’ici rĂȘvĂ©e et il allait falloir se promettre Ă  nouveau de revenir dans un an pour ne pas finir fanny sur cet Ă©vĂ©nement que reprĂ©sente le Championnat de France. J’ai donc d’abord cru Ă  une blague lorsque des amis me l’ont annoncĂ© avant que la dĂ©cision s’officialise.

Mais je tiens Ă  fĂ©liciter Max, je suis vraiment triste et dĂ©solĂ© que ça se termine comme ça pour lui. Dans un premier temps, j’ai bien vu qu’il avait du mal Ă  profiter de sa premiĂšre place provisoire alors que c’était le jeu de la compĂšte et qu’il avait mieux jouĂ© le jeu que moi dans l’engagement du mouvement clĂ©. Il a montrĂ© Ă  tout le monde son niveau, mĂȘme si personne n’en doutait rĂ©ellement, et c’est certain que l’avenir lui appartient du haut de ses 17 ans.

Je pense qu’on s’est poussĂ© mutuellement, dĂšs l’isolement, de maniĂšre trĂšs saine, Ă  donner toujours plus que l’autre dans cette finale. Donc j’ai hĂąte de la prochaine bataille sur le mur avec lui et tous les autres grimpeurs car on a vraiment la chance d’avoir une densitĂ© exceptionnelle en France, qui nous force Ă  tout donner dans chaque run pour ne pas passer Ă  la trappe. Je pense donc qu’il va me falloir un petit peu de temps pour rĂ©aliser ce titre, mais c’est un rĂȘve qui se rĂ©alise enfin aprĂšs des pĂ©riodes pas toujours faciles.

© AurÚle Bremond

Quelle est la suite pour toi ?

La suite la plus proche va ĂȘtre le sĂ©lectif Équipe de France dans trois semaines, oĂč j’espĂšre rĂ©Ă©diter le rĂ©sultat de ce week-end sur un mur au profil diffĂ©rent. Ensuite suivront les compĂštes internationales, mais dont le nombre dĂ©pendra des choix qui seront faits, indĂ©pendamment de ma volontĂ©. Mais c’est clairement cette partie de la saison qui m’anime depuis des mois et j’ai hĂąte d’aller y jouer.

Un dernier mot Ă  ajouter ?

J’aimerais en ajouter deux. Tout d’abord merci Ă  toutes les personnes (famille, amis, etc etc.) qui m’ont poussĂ© et soutenu de prĂšs ou de loin, sans qui rien de cela ne serait possible. Et enfin, comptez sur moi pour tout donner pour la suite ! Ce titre, c’est un objectif de cochĂ©, mais ce n’est qu’une Ă©tape



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Les impressions à chaud de Manon Hily, Championne de France de difficulté 2024

Elle a attendu de nombreuses annĂ©es pour remporter son premier titre de Championne de France de difficultĂ©. Le combat a Ă©tĂ© long et la patience fut de rigueur. C’était en 2023, Ă  Tarbes.

Mais l’attente en valait la peine ! Car dorĂ©navant, Manon Hily ne veut plus redescendre de son trĂŽne. À Tarbes de nouveau, la RĂ©unionnaise a rĂ©ussi Ă  conserver son titre ce week-end, en signant la meilleure performance dans la voie de finale des Championnats de France de difficultĂ© 2024.

« Heureuse ! Â», c’est le premier mot que Manon nous a accordĂ©, juste aprĂšs avoir entonnĂ© la Marseillaise dimanche aprĂšs-midi. Si cette compĂ©tition a Ă©tĂ© un vĂ©ritable succĂšs pour Manon, qui s’est classĂ©e premiĂšre de tous les tours (qualification, demi-finale puis finale), elle n’en perd pas de vue son objectif principal : se qualifier pour les Jeux Olympiques de Paris. Pour cela, notre Championne de France a rendez-vous dans quelques jours seulement en Chine et en Hongrie pour disputer les OQS, des compĂ©titions sĂ©lectives qui permettront Ă  quelques grimpeurs de prendre les derniĂšres places restantes pour les Jeux.

Manon a accepté de nous livrer à chaud ses impressions aprÚs sa victoire et la façon dont elle aborde la suite de la saison.

© AurÚle Bremond

Alors Manon, ça fait quoi d’ĂȘtre Championne de France pour la deuxiĂšme annĂ©e consĂ©cutive ?

À chaud, je ressens une grande fiertĂ© ! Je suis super heureuse d’ĂȘtre de nouveau Championne de France de difficultĂ© ! C’est fou, j’ai attendu tellement d’annĂ©es pour remporter ce titre la premiĂšre fois en 2023, et voilĂ  que je repars de nouveau avec en 2024 ! Je suis contente et super heureuse de partager ce podium avec Ina [Plassoux Djiga, son amie et partenaire d’entraĂźnement], qui a fait une super compĂ©tition et qui monte sur son premier podium. C’est un beau moment pour notre coach commun, Vincent Etchar, et pour nous deux, en tant que copines et teammate.

Comment s’est dĂ©roulĂ©e ta compĂ©tition ?

Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas fait de voies dans cette intensitĂ© et ce style-lĂ  ! J’avais encore dans ma tĂȘte l’idĂ©e que si je n’avais pas remportĂ© le titre plus tĂŽt, c’est parce qu’au niveau national, le style proposĂ© me permet moins d’exprimer mes qualitĂ©s. C’est un style qui privilĂ©gie la rĂ©sistance Ă  l’endurance de force, il est donc plus difficile pour moi de faire la diffĂ©rence.

En qualification, je n’avais pas de pression, les voies Ă©taient sortables, donc j’étais confiante. Je me suis laissĂ© grimper sans prendre de risque. Le flash, c’est mon point fort, donc pas de problĂšme ! En demi-finale, je n’ai pas trop eu de doutes non plus, le style proposĂ© Ă©tait sans grosses prises de risque et sans pas de bloc, donc parfait pour mettre en place ce que je fais Ă  l’entraĂźnement depuis des semaines, c’est-Ă -dire essayer de moins me prĂ©cipiter et contrer les moments de blanc qui peuvent m’arriver Ă  plus haute intensitĂ© en Coupe du Monde.

© AurÚle Bremond

Et en finale, comment t’es-tu sentie ?

Je suis arrivĂ©e en finale avec l’objectif de continuer sur ce modĂšle, et c’est ce que j’ai fait. Je me suis permis de prendre un peu plus le temps que d’habitude dans la voie. Elle avait l’air comme en demi-finale, progressive et dans un style prĂ©fatigue/rĂ©si sur petites prises, avant une fin sur des prĂ©hensions plus ouvertes, oĂč il faut ĂȘtre patient et prendre son temps.

Tu étais la derniÚre à passer, en position de favorite, comment as-tu géré ce statut ?

C’est marrant, cela fait de nombreuses annĂ©es que je suis sur le circuit, mais c’est assez rare les moments oĂč j’ai dĂ» assumer ce statut de « favorite Â». Mais j’ai rĂ©ussi Ă  l’assumer et Ă  trouver de bonnes parades pour ne pas subir la pression. Parce que croyez-moi que je l’ai eue, la pression, quelques dizaines de minutes avant de passer ! Avec la longue attente, le public, etc etc. Je suis passĂ©e par ce moment de doute, mais je me suis remise « Ă  l’endroit Â» juste avant de passer ! Alors, c’est sĂ»r que je n’avais pas d’enjeu de sĂ©lection en Ă©quipe de France comme presque tout le monde, mais cela restait tout de mĂȘme mon objectif : le titre de Championne de France ou rien !

© AurÚle Bremond

Parle-nous de tes prochains objectifs
 Comment t’y prĂ©pares-tu ?

Mon objectif numĂ©ro 1, c’est la qualif aux Jeux ! Les tournois de qualification sont dans quelques semaines seulement en Chine et en Hongrie, en juin, et je me sens prĂȘte. J’ai hĂąte que cela commence, c’est mon plus gros objectif jamais imaginĂ©. C’est pour cela que je me prĂ©pare depuis des mois et j’ai le luxe d’ĂȘtre en forme, de ne pas ĂȘtre blessĂ©e et d’avoir le cerveau Ă  « l’endroit Â».

J’ai mis en place plein de nouvelles choses cette annĂ©e et on a changĂ© les axes de prioritĂ© sur ma planification d’entraĂźnement avec mon coach. Je pense que cela fonctionne et je suis confiante. Mon but, c’est de grimper libĂ©rĂ©e, d’ĂȘtre spontanĂ©e et confiante, de me battre et d’y croire jusqu’à la derniĂšre minute. Si je fais tout ça, alors je n’aurai pas de regrets.

Cette annĂ©e, tu te consacres entiĂšrement Ă  l’escalade, quelle diffĂ©rence vois-tu dans ta grimpe ?

Effectivement, je ne travaille plus Ă  l’hĂŽpital et cela me manque
 Mais, je n’aurai jamais pu avoir ce niveau de grimpe en travaillant ! Le niveau est si dense maintenant que si on a la chance de pouvoir tout mettre en place pour se consacrer entiĂšrement Ă  l’escalade, alors il faut foncer. Je pense honnĂȘtement que si je n’avais pas eu cet amĂ©nagement de mon emploi du temps, avec le rythme d’entraĂźnement que j’ai en ce moment, je serais dĂ©jĂ  HS et blessĂ©e Ă  l’heure qu’il est.

J’ai la chance de ne pas me mettre la pression vis-à-vis de ça. Je sais que c’est temporaire et cela change tout. C’est un luxe, clairement, je m’en rends compte et le savoure.

© AurÚle Bremond

Un dernier mot Ă  ajouter ?

J’ai fait tous mes records en suspension et tractions cette annĂ©e, donc c’est que l’entraĂźnement Ă  plein temps ça marche bien ! Et j’ai beaucoup plus de temps pour bouger sur diffĂ©rentes structures et rĂ©cupĂ©rer. Je suis accueillie comme une reine au TAG Ă  Toulouse quand j’y vais pour voir mon entraĂźneur Vincent Etchar et je m’entraĂźne au club de Massy comme si c’était mon propre club ! Merci Ă  eux de m’aider dans ce projet et me permettre de toujours porter les couleurs de La RĂ©union en mĂȘme temps ! Cela me tient Ă  coeur.


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Interview : Symon Welfringer nous parle de « Pornographie Â», son premier 9a

Il y a quelques jours, le Français Symon Welfringer clippait Ă  CeĂŒse, le relais de « Pornographie Â», son premier 9a. Nous sommes allĂ©s Ă  sa rencontre pour en savoir un peu plus sur cette performance.


Symon, tu viens d’enchaĂźner ton premier 9a. Quel est ton ressenti ? Tu rĂ©alises ?

C’est un mĂ©lange de deux Ă©motions. D’un cĂŽtĂ©, il y a la fiertĂ© mĂȘlĂ©e Ă  la joie pure et intense d’avoir finalisĂ© un projet Ă  long terme ; et de l’autre, c’est un soulagement. Ça fait un bout de temps que je monte Ă  CĂ©ĂŒse et que je m’investis dans une voie dans le 9. Donc c’est soulageant de se dire que je n’ai pas investi tout ce temps pour rien. Le cĂŽtĂ© fiertĂ© vient aussi du fait que j’ai rĂ©ussi “Pornographie”, mon premier 9a, malgrĂ© toutes mes expĂ©s en alpi et toute mon activitĂ© autre que la grimpe. Donc concilier tout ça c’était un peu un pari et je suis content que ça ait fonctionnĂ©.

Comment fais-tu pour garder ta motivation sur le long terme pour travailler une voie ?

Ma motivation perdure grĂące au fait que je change assez rĂ©guliĂšrement de vision et d’objectif. J’ai toute une partie de l’annĂ©e oĂč je suis Ă  fond dans l’alpinisme, la cascade de glace et les expĂ©s en altitude, ce qui fait que la partie de l’annĂ©e que je dĂ©die Ă  l’escalade en grande voie, trad et couenne est assez rĂ©duite. Le fait de rĂ©guliĂšrement changer d’activitĂ©, ça fait que je ne m’ennuie jamais et dĂšs que je sens que je suis plus Ă  fond quelque part, j’alterne et je vais voir ailleurs.

Mais j’ai dĂ» me forcer un peu pour pouvoir enchaĂźner ce 9a. Donc je continuais Ă  grimper mĂȘme quand j’en avais marre, et c’est de lĂ  que vient la peur que tout cet investissement ne serve Ă  rien. Le processus de travail de la voie c’est une combinaison de plein de moments de joie, mais il y a vraiment des moments durs quand tu fais des sĂ©ances oĂč tu n’avances pas, oĂč tu es super frustrĂ© et Ă©nervĂ©. J’ai donc vraiment dĂ» me forcer pour enchaĂźner “Pornographie”.

© Arthur Vaillant

Pourquoi avoir choisi “Pornographie” comme premiĂšre voie dans le neuviĂšme degrĂ© ?

Le premier critĂšre, c’est que je voulais faire mon premier 9a Ă  CĂ©ĂŒse. Selon moi, c’est le plus beau site de grimpe de France, si ce n’est du monde. C’est un peu en montagne, avec une petite approche, l’ambiance y est vraiment plaisante, j’adore y aller sur de longues pĂ©riodes avec mon camion et y passer du temps. Du coup, je tenais Ă  faire mon 9a lĂ -bas et c’est pour ça qu’au dĂ©part, je me suis lancĂ© dans “Le Cadre” qui une autre voie juste Ă  cĂŽtĂ© de “Pornographie”. Donc pendant deux ans j’ai essayĂ© de l’enchaĂźner, mais c’était assez frustrant, parce que j’étais trĂšs proche mais je n’arrivais pas Ă  m’exprimer dans la voie. Du coup, j’ai commencĂ© Ă  essayer “Pornographie” qui venait d’ĂȘtre ouverte et pour garder la motivation je me suis mis Ă  alterner entre les deux, jusqu’au moment oĂč je me suis senti beaucoup plus proche dans Porno, alors j’ai dĂ©cidĂ© de laisser “Le Cadre” de cĂŽtĂ©.


En toute honnĂȘtetĂ©, j’avais peu d’espoirs quant au fait de l’enchaĂźner ce jour-lĂ , ce qui m’a permis de grimper relĂąchĂ© et de doser l’effort jusqu’au bout. Â»


Peux-tu nous décrire la voie ?

Porno, c’est une voie qui est hyper ludique. Les mouvs sont assez durs, trĂšs axĂ©s sur de la tenue de prise, mais ils sont hyper sympa, avec une gestuelle dynamique, faut aller chercher loin, mais pas trop, il y a des talons, beaucoup de placements
 Donc c’est hyper complet et plaisant Ă  grimper. Il n’y a que deux petits repos assez mauvais dans la voie, donc elle est hyper rĂ©si, avec une seconde moitiĂ© assez dure oĂč la difficultĂ© des mouvements reste assez similaire au reste de la voie, mais le fait de les enchaĂźner rend la chose compliquĂ©e. Du coup mĂȘme si tu n’as pas le niveau d’enchaĂźner la voie, les mouvs sont hyper cool, ce qui la rend sympa Ă  travailler.

Comment te sentais-tu pendant l’enchaĂźnement ? Quel Ă©tait ton Ă©tat d’esprit ?

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, je me mets beaucoup la pression dans mes dĂ©buts de runs, donc je suis trĂšs tendu dans les premiers mouvements et, souvent, la clĂ© de l’enchaĂźnement dĂ©pend du moment oĂč je vais rĂ©ussir Ă  me dĂ©tendre. Typiquement, le jour de l’enchaĂźnement j’ai rĂ©ussi Ă  me relĂącher au repos du milieu et Ă  me dire “fais toi plaisir, t’es en forme, profites-en et ne pense Ă  rien d’autre”. Donc je n’avais pas d’attente sur ma grimpe et, en toute honnĂȘtetĂ©, j’avais peu d’espoirs quant au fait de l’enchaĂźner ce jour-lĂ , ce qui m’a permis de grimper relĂąchĂ© et de doser l’effort jusqu’au bout.

En 2021, tu as fait une chute de 50m lors d’une sortie en cascade glace. Comment se relĂšve-t-on d’un tel accident pour recommencer Ă  grimper Ă  haut niveau et retourner en expĂ©dition ?

Cet accident m’a beaucoup fait rĂ©flĂ©chir et j’ai mis pas mal de temps avant de reprendre l’alpi. Mais en me posant les bonnes questions, ce qui ressort, c’est que m’investir dans des projets de grimpe, d’alpi et de voyages me rend heureux . Je sais que je ne ferais pas ça toute ma vie, c’est certain, mais pour l’instant j’ai encore beaucoup d’idĂ©es Ă  mettre en place, et c’est ça qui m’anime.

Tu es un grimpeur et alpiniste qui ne cesse d’impressionner. Quels sont tes projets pour la suite ?

Cet Ă©tĂ© j’ai pas mal de projets en grande voie et en alpi un peu partout dans les Alpes et je vais essayer de repartir au NĂ©pal vers mi-septembre pour tenter de monter Ă  7500m et refaire un peu de mixte en Himalaya.


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Le dĂ©briefing de Micka Mawem sur la Coupe du Monde d’Innsbruck

Hier, Micka Mawem Ă©tait l’un des sept Français Ă  s’aligner au dĂ©part de la Coupe du Monde de bloc d’Innsbruck, en Autriche. Malheureusement, la compĂ©tition ne se dĂ©roulera pas comme prĂ©vu pour lui. Un circuit de qualification particuliĂšrement corsĂ© et de petites blessures physiques ne lui permettront pas de faire partie du top 20 de cette derniĂšre manche mondiale de la saison. Une premiĂšre depuis la Coupe du Monde de Salt Lake City en 2021.

Micka Mawem a acceptĂ© de revenir pour nous sur cette compĂ©tition, en analysant les raisons qui l’ont empĂȘchĂ© de rentrer en demi-finale. Et mĂȘme si la saison de Coupe du Monde se termine lĂ  pour lui, l’annĂ©e est encore loin d’ĂȘtre finie pour le grimpeur olympien qui n’a qu’un objectif en tĂȘte : tout faire pour performer aux J.O de Paris en 2024. Il nous en parle Ă©galement.


Le circuit de qualification d’Innsbruck

« Sur le plan de ma grimpe, on va dire que ça ne s’est pas mal passĂ©, parce que, comme d’habitude, les qualifs sont super dures. Mais ça s’est mal passĂ© du fait que je ne suis pas en demi-finale.

Malheureusement, je n’ai pas assez de marge, donc il me faut les meilleures conditions possibles pour faire de bons circuits. Ça se reflĂšte parfaitement sur cette compĂ©tition qui Ă©tait assez basique (plus physique que technique) et sur laquelle les conditions n’étaient pas favorables Ă  ce que j’engage toute ma force/puissance. Quand je parle de conditions, je parle de l’environnement, mais surtout de moi, Ă  savoir : manger Ă  la bonne heure, dormir et me rĂ©veiller comme il faut, etc etc. Malheureusement ces conditions n’étaient pas rĂ©unies et je l’ai beaucoup ressenti. Ça m’a empĂȘchĂ© de m’amuser dans les blocs qui correspondaient Ă  ma came/mon style de grimpe et qui m’auraient permis de me qualifier en demi-finale.

Je devais soit faire trois blocs efficaces avec toutes les zones, soit en faire quatre, histoire d’ĂȘtre vraiment Ă  l’aise. Malheureusement, j’ai fait trois blocs et il me manquait une zone, donc ce n’est pas passĂ©.

Le constat est simple : il faut garder les points forts, continuer Ă  s’entraĂźner pour ĂȘtre plus fort physiquement, et se rĂ©parer (en un mois j’ai eu une subluxation de l’épaule droite et je me suis fait une grosse entorse au doigt, il y a dix jours Ă  Brixen). Malheureusement, le bloc d’aujourd’hui qui correspondait Ă  mes qualitĂ©s physiques forçait pas mal sur mon Ă©paule droite et sur mon doigt, qui Ă©tait presque rĂ©parĂ©.

On est Ă  fond derriĂšre Mathieu qui a fait un trĂšs bon tour et qui va pouvoir jouer sur la demi-finale, Sam qui passe de justesse en validant ses cinq zones et Fanny qui a rĂ©ussi Ă  se qualifier. Â»

La suite

« Je me concentre sur les Championnats d’Europe, pour lesquels je m’entraĂźne Ă©normĂ©ment et pour lesquels je vais faire en sorte d’ĂȘtre dans de meilleures conditions, afin de montrer de quoi je suis capable et tout gagner.

Cette compĂ©tition est trĂšs importante pour moi. Je veux prouver que je suis le meilleur, que j’ai toute ma place dans le programme olympique. Un an avant les qualifications pour les J.O, c’est une compĂ©tition essentielle, pour montrer que j’ai la capacitĂ© d’aller chercher cette place pour les Jeux. Donc le plan, c’est de rentrer Ă  la maison, prendre 4-5 jours de break et reprendre l’entraĂźnement Ă  fond.

Depuis quelques annĂ©es, je m’entraĂźne principalement pour les Jeux Olympiques. Donc, mĂȘme si on en a toujours envie, performer sur les Coupes du Monde n’est pas une prioritĂ© pour moi.

Cette annĂ©e, je me suis senti beaucoup plus rĂ©gulier dans mon niveau de grimpe et dans ma course aux demi-finales, qui sont de plus en plus difficiles d’accĂšs. MĂȘme si ça n’est pas passĂ© aujourd’hui, ça ne se joue Ă  rien. Donc je ne suis pas Ă  la ramasse.

Aujourd’hui mes objectifs sont clairs : performer aux Championnats d’Europe afin d’intĂ©grer le programme olympique, puis me qualifier pour les Jeux en performant sur la saison 2023, et enfin de dĂ©crocher une mĂ©daille Ă  Paris 2024. Â»


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Interview : Jérémy Bonder, bien déterminé à décrocher le titre de Champion de France de diff

Alors que le Championnat de France de difficulté 2022 est sur le point de débuter, nous avons rencontré Jérémy Bonder, afin de recueillir ses impressions à quelques heures seulement du lancement de la compétition.

On ne prĂ©sente plus le Lottois de 30 ans. PrĂ©sent en Ă©quipe de France de bloc depuis plus de dix ans, il compte de nombreux dĂ©parts en Coupe du Monde et dĂ©jĂ  trois titres de Champion de France de bloc. Mais depuis peu, JĂ©rĂ©my Bonder s’est tournĂ© vers la difficultĂ©, une discipline dans laquelle il prend plaisir Ă  progresser.

S’entraĂźnant depuis de nombreux mois, il se rend ce week-end Ă  Laval dans le but de dĂ©crocher le titre national, bien qu’il soit blessĂ© au doigt.

Rencontre avec l’un des favoris Ă  la mĂ©daille d’or.


Salut JĂ©rĂ©my ! Tout d’abord, comment te sens-tu Ă  quelques jours seulement du Championnat de France de difficultĂ© 2022 ?

Je me sens super excitĂ© ! Ça fait maintenant huit mois que j’attends cette Ă©chĂ©ance, mĂȘme si ces derniĂšres semaines ne se sont pas passĂ©es comme je l’aurais souhaitĂ©.

Oui car tu t’es rĂ©cemment blessĂ© au doigt, peux-tu nous expliquer comment cela est arrivĂ© ? 

Oui, je me suis malheureusement blessĂ© au doigt il y a cinq semaines, lors d’un sĂ©jour au pĂŽle France de Voiron. C’est arrivĂ© lors de mon dernier essai, durant la derniĂšre heure, de la derniĂšre journĂ©e de mon stage. En tombant dans mon circuit de rĂ©si, j’ai senti qu’il s’était passĂ© quelque chose dans mon doigt. Il a gonflĂ© et c’est devenu impossible pour moi de resserrer une prise.

C’était parti pour une sĂ©rie d’examens : Ă©chographies, IRM, mĂ©sothĂ©rapie, etc. Au dĂ©but, j’ai essayĂ© de trouver un Ă©quilibre pour continuer Ă  grimper, mais je me suis vite aperçu que ce n’était pas possible, alors j’ai dĂ» faire deux semaines de repos total.

La semaine derniĂšre, j’ai refait une IRM et on voyait que les poulies A2 et A3 Ă©taient encore enflammĂ©es. MalgrĂ© ces complications, j’ai pris la dĂ©cision de participer Ă  ce Championnat de France, mĂȘme si ces derniĂšres semaines n’ont pas Ă©tĂ© optimales en terme d’entraĂźnement.

Mais ce Championnat de France est important pour moi, car il permet de se sĂ©lectionner sur des compĂ©titions internationales. C’est ce pour quoi je m’entraĂźne durant toute l’annĂ©e, alors je ne me voyais pas faire l’impasse sur cette Ă©chĂ©ance. Je sais que ça va ĂȘtre dur, je sais que je ne suis pas dans de tops conditions, mais j’ai envie d’aller jouer, d’aller me battre dans les voies. Je sais le risque que je prends d’aggraver ma blessure, et peut-ĂȘtre que ça ne va pas marcher, peut-ĂȘtre que je ne vais pas me sĂ©lectionner en Ă©quipe de France, mais au moins je n’aurais pas de regret : j’aurais tentĂ©, et aprĂšs il sera temps de prendre soin de mon doigt et de se remettre Ă  l’entraĂźnement pour prĂ©parer une nouvelle saison. Ça fait partie des alĂ©as du haut niveau et je l’accepte.

BlessĂ© au doigt, Jeremy Bonder sait qu’il n’est pas dans de parfaites conditions © AurĂšle Bremond

Tu as terminĂ© 3Ăšme du classement gĂ©nĂ©ral des Coupes de France, aprĂšs notamment une belle mĂ©daille d’or lors de la premiĂšre Ă©tape Ă  Besançon. Peux-tu revenir sur ces quelques compĂ©titions que tu as faites ?

Il Ă©tait important pour moi de participer Ă  ce circuit de Coupes de France pour acquĂ©rir de l’expĂ©rience. J’ai beaucoup d’expĂ©rience en bloc, mais trĂšs peu en difficultĂ©, et il est essentiel d’avoir des sensations et des repĂšres afin de pouvoir rĂ©gler la machine.

La saison commençait bien pour moi en effet avec cette victoire Ă  Besançon, malgrĂ© quelques petites erreurs. Sur les autres Ă©chĂ©ances, j’avais encore des choses Ă  rĂ©gler, afin de rĂ©aliser en compĂ©tition ce que j’arrivais Ă  faire en entraĂźnement. D’oĂč l’intĂ©rĂȘt de participer Ă  toutes ces compĂ©titions.

J’aurais voulu prendre part Ă  la derniĂšre manche Ă  Troyes, pour jouer le classement gĂ©nĂ©ral, mais mon doigt ne m’a pas permis de pouvoir participer Ă  cette compĂ©tition. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© me reposer afin de me donner le plus de chance possible pour le Championnat de France ce week-end.


Je veux juste aller me rĂ©galer et me mettre des combats dans les voies qui seront ouvertes, en espĂ©rant que mon doigt me laisse le plaisir d’aller m’amuser. Â»


Tu as dĂ©jĂ  un gros passĂ© de compĂ©titeur en bloc, avec de nombreuses annĂ©es passĂ©es en Ă©quipe de France, et une multitude de dĂ©parts en Coupe du Monde. D’oĂč t’es venue cette envie de te reconvertir dans la difficultĂ© ?

Le bloc a beaucoup Ă©voluĂ© ces derniĂšres annĂ©es, avec des ouvertures beaucoup plus gymniques, basĂ©es sur de la coordination. Moi, ça fait maintenant plus de dix ans que je fais du haut niveau, et j’ai du mal Ă  m’exprimer dans ce style lĂ . Ce n’est pas ce que j’ai appris Ă  faire il y a dix ans, ce n’est pas non plus ce qui correspond Ă  mes qualitĂ©s physiques et Ă  mon gabarit.

J’avais aussi besoin de renouveau. J’ai toujours soif d’apprendre, je prends toujours plaisir Ă  progresser, et c’est ce que j’ai trouvĂ© en me mettant Ă  la diff.

La persévérance et la combativité font partie des grandes qualités de Jérémy Bonder © Maxime Naegely

Tu as dĂ©jĂ  Ă©tĂ© trois fois Champion de France de bloc. Que reprĂ©senterait un titre de Champion de France de difficultĂ© ?

J’avoue que ce titre de Champion de France de difficultĂ©, c’est quelque chose qui m’anime au plus profond de moi. C’est un vĂ©ritable rĂȘve que j’ai. L’atteindre serait tout simplement magnifique. J’ai dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Champion de France de diff en catĂ©gorie jeune. L’ĂȘtre en catĂ©gorie senior serait d’autant plus fabuleux. C’est quelque chose que j’aimerais m’offrir, je travaille dur pour ça et j’y pense tous les jours.

Cette annĂ©e, tu as dĂ©cidĂ© d’axer ta prĂ©paration sur la difficultĂ© uniquement. Pourquoi ce choix ?

Je suis quelqu’un qui s’investit Ă  1000% dans ce que je fais, je ne fais pas les choses Ă  moitiĂ©. Pour pouvoir compenser mon manque d’expĂ©rience en difficultĂ©, il fallait que je travaille encore plus dur, et que je laisse un peu le bloc de cĂŽtĂ©, mĂȘme si j’ai quand mĂȘme participĂ© Ă  quasiment toutes les compĂ©titions (Coupes de France + Championnat de France). C’est tout de mĂȘme important pour moi de garder contact avec cette discipline, en vue des Jeux Olympiques et de ce nouveau combinĂ© bloc/difficultĂ©.

GrĂące Ă  l’expĂ©rience que j’ai en bloc, en quelques semaines ou quelques mois, je peux vite me remettre Ă  mon plus haut niveau. Par contre en difficultĂ©, j’ai tellement de choses Ă  apprendre, tant physiquement que techniquement, qu’il fallait que je m’y consacre Ă  fond. C’est un choix qui est rĂ©flĂ©chi et que j’assume totalement.

Cette saison, Jeremy Bonder a décidé de se consacrer à la difficulté © Mélanie Cannac

Dans quel Ă©tat d’esprit vas-tu aborder ce Championnat de France de difficultĂ© ?

J’aborde ce Championnat de France sereinement. À cause de mon doigt, ces derniĂšres semaines ne se sont pas passĂ©es comme je l’espĂ©rais. Mais je prends ça comme une chance, une chance de pouvoir participer Ă  ce Championnat de France. Je veux juste aller me rĂ©galer et me mettre des combats dans les voies qui seront ouvertes, en espĂ©rant que mon doigt me laisse le plaisir d’aller m’amuser.


Bien Ă©videmment, je pense aux J.O, avec mes dix ans d’expĂ©rience en bloc, je jouerai ma carte sur le combinĂ© bloc/diff Ă  fond. Â»


Tu es maintenant papa d’un petit garçon depuis 8 mois. J’imagine que cet Ă©vĂ©nement a bouleversĂ© ta vie. Comment as-tu gĂ©rĂ© ce changement ?

C’est sĂ»r que l’arrivĂ©e d’un enfant dans la vie d’un couple crĂ©e un Ă©norme chamboulement. D’autant plus quand on a un projet sportif comme le mien, avec beaucoup de dĂ©placements, la nĂ©cessitĂ© d’avoir une bonne hygiĂšne de vie, et notamment de bien dormir, pour bien rĂ©cupĂ©rer. C’est clair que ça fait un sacrĂ© changement dans la routine que j’avais depuis plusieurs annĂ©es.

Il faut trouver un nouveau rythme, une nouvelle maniĂšre de fonctionner. Il faut un petit temps d’adaptation, mais c’est quelque chose de merveilleux et je souhaite Ă  tout le monde de vivre ça. Quand tu as passĂ© une dure journĂ©e d’entraĂźnement, que tu rĂ©cupĂšres ton enfant le soir chez la nounou et qu’il est tout content de te voir, c’est une sensation unique.

J’adore ce nouveau rĂŽle de papa, c’est comme l’entraĂźnement : tu te remets en cause tous les jours. Ça fait relativiser sur beaucoup de choses. Quand mon entraĂźnement ou que ma compĂ©tition ne s’est pas bien passĂ©e, j’arrive plus facilement Ă  passer Ă  autre chose quand je retrouve ma femme et mon petit bout de 8 mois. Je me rends compte qu’il y a aussi plein de belles choses dans la vie, et qu’il n’y a pas que l’escalade.

J’ai vĂ©cu beaucoup de beaux moments dans ma vie, mais l’arrivĂ©e de MaĂ© a Ă©tĂ© l’une des plus belles choses qui me soient arrivĂ©es.

L’arrivĂ©e de son fils, MaĂ©, a littĂ©ralement bouleversĂ© ses habitudes © Arthur Delicque

Depuis quelques mois, c’est Romain Desgranges, qui fut l’un des meilleurs compĂ©titeurs du monde, qui t’entraĂźne. Il Ă©tait notamment connu pour ĂȘtre un vĂ©ritable bourreau de l’entraĂźnement. Comment cela se passe-t-il ?

En effet, j’ai la chance d’apprendre tous les jours aux cĂŽtĂ©s de Momo et de profiter de toutes ses annĂ©es de compĂ©tition. Bien plus que mon entraĂźneur, c’est devenu mon ami, avec qui j’échange et je prends plaisir Ă  passer du temps. On vit une belle aventure humaine ensemble.

Oui, c’est un vĂ©ritable bourreau d’entraĂźnement, mais ça colle Ă  ma personnalitĂ© : je kiffe autant m’entraĂźner qu’ĂȘtre en compĂ©tition. Quand tu as de gros objectifs comme lui a eu, ou comme j’ai, s’entraĂźner dur est inĂ©vitable.

Quels sont tes objectifs cette saison ? Et Ă  plus long terme, les J.O de Paris 2024 sont-ils dans ta ligne de mire ?

Comme toutes les autres saisons, je veux continuer Ă  apprendre, Ă  progresser, Ă  Ă©lever mon niveau. Bien sĂ»r, ce Championnat de France est un objectif important, car comme je le disais, je n’ai jamais remportĂ© un titre de Champion de France de diff, et ça serait tout simplement incroyable de le faire. Cette compĂ©tition sert aussi de sĂ©lectif pour aller disputer des compĂ©titions Ă  l’international et un des objectifs que je me suis fixĂ© cette annĂ©e c’est de participer Ă  une finale de Coupe du Monde.

Ensuite, Ă©tape aprĂšs Ă©tape, je veux ĂȘtre capable de disputer plusieurs finales mondiales, puis d’aller accrocher un podium, avant de remporter une victoire. Bien Ă©videmment, je pense aux J.O, avec mes dix ans d’expĂ©rience en bloc, je jouerai ma carte sur le combinĂ© bloc/diff Ă  fond.

Porter haut les couleurs de la France, tel est l’objectif de Jeremy Bonder © Jan Virt

Toi qui comptes des dizaines de dĂ©parts en Coupe du Monde, que penses-tu de notre nouvelle gĂ©nĂ©ration de Français (Oriane Bertone, Mejdi Schalck, Paul Jenft) qui brille dĂ©jĂ  Ă  l’international ? 

Je trouve ça tout simplement merveilleux ! Je fais partie de la vieille gĂ©nĂ©ration, je suis plus proche de la fin de ma carriĂšre que du dĂ©but, mĂȘme si je me souhaite encore plein de belles annĂ©es et plein de beaux rĂ©sultats.

Mais je suis ravi de voir que la jeune gĂ©nĂ©ration est prĂ©sente et que la relĂšve est assurĂ©e. Je leur souhaite beaucoup de rĂ©ussite, il faut avoir peur de rien et se donner tous les moyens d’atteindre ses rĂȘves. Continuez Ă  Ă©lever le drapeau bleu/blanc/rouge au plus haut niveau mondial et le plus souvent possible !

Interview : Nolwenn Arc se confie avant le Championnat de France de difficulté

Alors que le Championnat de France de difficultĂ© 2022 dĂ©bute demain Ă  Laval, nous sommes allĂ©s Ă  la rencontre de Nolwenn Arc, l’une des prĂ©tendantes sĂ©rieuses Ă  la couronne.

Le titre ? Nolwenn l’a dĂ©jĂ  remportĂ©, en 2017, alors qu’elle n’avait que 17 ans. « Je crois que je n’ai jamais autant pleurĂ© en montant sur un podium que lors de cette victoire Â», nous avoue-t-elle. Cinq ans plus tard, et aprĂšs deux annĂ©es passĂ©es sans Championnat de France pour cause de pandĂ©mie, la jeune grimpeuse originaire de Cholet est prĂȘte Ă  aller rĂ©cupĂ©rer ce trophĂ©e.

À 24 heures du lancement de la compĂ©tition française la plus prestigieuse, rencontre avec Nolwenn Arc, stressĂ©e mais impatiente de revivre cet Ă©vĂ©nement qui lui a tant manquĂ©.


Salut Nolwenn ! Tout d’abord, comment te sens-tu à quelques jours seulement du Championnat de France 2022 ?

SincĂšrement ? StressĂ©e, c’est certain. Nous n’avons pas eu de Championnat de France depuis 2019, et j’attends et me prĂ©pare pour cette compĂ©tition depuis plusieurs mois. Elle fait partie de mes objectifs de cette saison, mĂȘme si les Coupes du Monde restent prioritaires Ă©videmment !

Mais j’ai surtout hĂąte
 Je fais confiance Ă  l’organisation de la Mayenne pour nous faire vivre un Ă©vĂšnement incroyable, et je rĂȘve de vibrer de nouveau sur ce mur ! On se prĂ©pare toute l’annĂ©e pour quelques jours seulement, mais c’est justement tout ce parcours, avec cet accomplissement au bout, qui est si beau !

Je ne peux promettre de rĂ©sultats, mais je me sens prĂȘte. J’ai tout mis en place, je me suis Ă©normĂ©ment entraĂźnĂ©e. Et surtout, j’ai envie de jouer, de me faire plaisir, de grimper libĂ©rĂ©e ! Et ça, ce n’est que de mon ressort !

Tu as remportĂ© le classement gĂ©nĂ©ral des Coupes de France, en montant sur tous les podiums de la saison et en terminant par une belle mĂ©daille d’or Ă  Troyes. Peux-tu revenir sur ces quelques compĂ©titions que tu as faites ? 

Venir un maximum sur les Coupes de France est important pour moi. Elles me permettent de me mettre en condition de compĂ©tition, avec toute sa gestion. Mais au-delĂ  de ça, j’aime venir jouer sur ces Ă©vĂšnements qui permettent de dĂ©couvrir de nouveaux murs, avec des belles ouvertures, variĂ©es, ainsi que d’explorer de nouvelles villes, de partager des moments avec les autres grimpeurs, bĂ©nĂ©voles, spectateurs
 ! D’ailleurs, je tenais Ă  remercier les organisateurs et les ouvreurs sur ces Coupes, qui ont eu Ă  coeur de nous faire de belles compĂ©titions, avec des voies exigeantes. Venir sur ces compĂ©titions Ă©tait donc une part importante dans ma prĂ©paration.

Les compétitions préparatoires se sont trÚs bien déroulées pour Nolwenn Arc, qui termine premiÚre du classement des Coupes de France © Guillaume Bouju

Ces rĂ©sultats te mettent-ils en confiance avant ce week-end ? 

Je suis parfaitement consciente que tout le monde ne participe pas aux Coupes de France, et que le niveau ne sera pas le mĂȘme sur le Championnat de France, puis bien sĂ»r, Ă  l’international ! Sur chaque Coupe, j’ai pu constater de petits axes d’amĂ©lioration Ă  peaufiner, et c’est ça que je recherchais. Je suis une bosseuse, une perfectionniste. J’ai donc essayĂ© de mettre des choses en place pour rĂ©gler ces points !

ParallĂšlement, j’ai vu aussi des points positifs Ă©videmment, et ces rĂ©sultats me montrent que je suis capable. Et oui, ça met en confiance.


Ce dont je rĂȘve, c’est de parvenir Ă  grimper avec 100 % de mes capacitĂ©s, de pouvoir tout donner, et sans regret. Je suis une passionnĂ©e ! Que la meilleure gagne ! Â»


Tu as un bon souvenir de Laval, puisque c’est lĂ -bas, lors de ta derniĂšre compĂ©tition internationale en date, que tu remportais la mĂ©daille de bronze sur la Coupe d’Europe de difficultĂ© en octobre 2021. Qu’est-ce que ça te fait de retourner sur ce mur ? 

Le mur de Laval est vraiment trĂšs beau, et j’ai vĂ©cu une compĂ©tition riche en Ă©motions. Surtout en demi-finale, oĂč j’ai rĂ©ussi Ă  totalement libĂ©rer mon escalade, en Ă©tant complĂštement dans l’instant prĂ©sent, lucide dans ma grimpe, mais dĂ©connectĂ©e du monde extĂ©rieur. C’est cette sensation que je cherche en difficultĂ©, ce moment oĂč j’ai les antennes dans tous les sens, oĂč je me sens libre, en train de danser avec la voie. Des souvenirs comme ça, on en a peu. Donc oui, retourner sur ce mur me fait rĂȘver, et j’attends ce moment !

Il y a quelques mois, Nolwenn Arc montait sur le podium de la Coupe d’Europe de difficultĂ© organisĂ©e Ă  Laval © Guillaume Bouju

Tu as dĂ©jĂ  Ă©tĂ© sacrĂ©e championne de France en 2017. Que reprĂ©senterait un nouveau titre de Championne de France de difficultĂ© ? 

Je crois que je n’ai jamais autant pleurĂ© en montant sur un podium que lors de cette victoire Ă  17 ans. C’était une compĂ©tition extraordinaire, c’était inattendu, c’était si beau. Être championne de France Ă  nouveau, j’en rĂȘve. C’est un titre, un trĂšs beau titre, et un honneur !

Ce dont je rĂȘve, c’est de parvenir Ă  grimper avec 100 % de mes capacitĂ©s, de pouvoir tout donner, et sans regret. Je suis une passionnĂ©e ! Que la meilleure gagne !


J’ai peur, je suis stressée, c’est un fait. Pourquoi ? Parce que ça me tient à coeur tout simplement ! Â»


Comment se sont dĂ©roulĂ©s tes entraĂźnements ces derniers temps ? Te sens-tu bien en forme ? 

Cette annĂ©e, je me suis vraiment beaucoup entraĂźnĂ©e. J’ai mis en place de nouvelles choses, afin de diversifier ma pratique et rĂ©soudre mes problĂ©matiques, notamment avec le parkour grĂące Ă  Thomas DudouĂ©, que je remercie grandement, car c’est un coach en or ! J’ai Ă©galement fait un peu de prĂ©paration mentale. Et ce Ă©videmment, en plus de ma pratique quotidienne, qui alterne sur diffĂ©rentes salles avec comme QG principaux Vertical’Art Nantes, Innsbruck chez mon frĂšre
 et mon garage !

DerniĂšrement, je suis montĂ©e sur Paris pour un gros week-end d’entraĂźnements dans diffĂ©rentes salles, et ce, entre amis, dont Guillaume Bouju, photographe professionnel et ami de longue date
  La forme est lĂ , je me sens prĂȘte. AprĂšs ce seront les voies, mes dĂ©cisions au moment T, mon Ă©tat de forme et d’esprit sur chaque tour qui feront la diffĂ©rence !

Nolwenn Arc s’est entraĂźnĂ©e de longs mois pour arriver en forme ce week-end © Guillaume Bouju

Justement, dans quel Ă©tat d’esprit vas-tu aborder ce Championnat de France ?

Plaisir
 et bataille ! Je rĂȘve de vibrer, de vivre un moment riche en Ă©motions, d’avoir des Ă©toiles plein les yeux.
J’aime grimper, j’aime les compĂ©titions, mĂȘme si la pression est fortement prĂ©sente. Je suis super motivĂ©e, j’ai envie, j’ai les crocs. Je suis prĂȘte Ă  me battre. Prise aprĂšs prise.


Un jour, on m’a dit : « à chacun son parcours pour son propre sommet Â». Je ne sais pas jusqu’où j’irai, je ne me fixe ni limites, ni objectifs. Â»


Tu disais avoir une pression « surdimensionnĂ©e Â» lors du dernier sĂ©lectif Ă©quipe de France Ă  Voiron. Mentalement, as-tu mis des choses en place pour gĂ©rer cette pression en compĂ©tition ?

Je suis de nature stressée, mais ce stress est aussi un grand moteur ! Je ne cherche pas à le canaliser ou à le gérer. Je l’accepte. J’ai peur, je suis stressée, c’est un fait. Pourquoi ? Parce que ça me tient à coeur tout simplement ! J’ai envie de bien faire, pour moi, mais aussi pour tous les gens qui me soutiennent. Je sais qu’ils ne seraient pas déçus de moi, mais j’ai envie de les faire rêver avec moi. Ils m’aident à aller au bout de mes projets, de mes rêves. Et du fond du coeur, je leur dis merci. Alors je vais jouer aussi avec ce stress !

Le fait de venir sur les Coupes de France me permet justement d’apprendre à le gérer, à le transformer en quelque chose de positif. Venez un moment en isolement/transit avec moi, vous verrez, je suis inarrêtable en paroles ! Extérioriser me fait du bien.

Gérer le stress fait partie du quotidien des sportifs de haut niveau © Guillaume Bouju

Quels sont tes objectifs cette saison ? 

Cette saison, j’ai plusieurs objectifs. Le plus important est d’intĂ©grer une finale en Coupe du Monde, puis d’aller y jouer ! Évidemment, j’aimerais Ă©galement en faire une aux Championnats d’Europe ! Le Championnat de France en est Ă©galement un. Il me tient d’autant plus Ă  coeur qu’il offre une sĂ©lection pour les Coupes du Monde d’Innsbruck et de Villars. Mon grand frĂšre habitant Ă  Innsbruck, cette sĂ©lection m’importe beaucoup. Je vais rĂ©guliĂšrement chez lui m’entraĂźner, nous avons partagĂ© des moments forts ensemble, et je ne dirais pas non d’en vivre un à nouveau ! Chaque Coupe du Monde est une incroyable nouvelle aventure ! Et ça vaut le coup de s’investir pleinement pour ça. Je ne suis pas prête à arrêter de me battre pour ! Vous pouvez encore compter sur moi un moment
 !

Un jour, on m’a dit : « à chacun son parcours pour son propre sommet Â». Je ne sais pas jusqu’où j’irai, je ne me fixe ni limites, ni objectifs. Je suis passionnée, je sais ce que je veux, et je me battrai pour. Allons voir où la route me mènera !

Les Jeux Olympiques sont dans le viseur de Nolwenn Arc © Guillaume Bouju

Et Ă  plus long terme, les J.O. de Paris 2024 sont-ils dans ta ligne de mire ? 

Paris 2024 ? Los Angeles 2028 ? J’aime le bloc, j’aime la difficulté, j’aime grimper. Alors pourquoi pas ? Je suis bien allée à aux Jeux Olympiques de la jeunesse Ă  Buenos Aires en faisant 18 secondes en vitesse !

Je m’entraîne beaucoup en bloc, j’adore ça. J’ai le parkour pour progresser en dynamique, j’ai des amis et une famille au top pour me soutenir, dont mon frĂšre Kevin Arc, ouvreur et coach Ă  Vertical’Art Nantes. J’ai une situation stable qui me permet de tout concilier, et je fais partie d’équipes au top, notamment Michelin, Vertical’Art et Gautier Supper avec Supperclimbing. Alors en avant !

Le mot de la fin ?

Je suis une passionnée, de la grimpe, de la course à pied, de l’entraînement
 mais aussi de mes boulots, au sein de la diététique et d’un collège où je fais du soutien scolaire. C’est important pour moi de m’investir à 100% au sein de chaque domaine qui me tient à coeur. Alors j’ai juste envie de me faire plaisir, de profiter de chaque instant, et de me battre jusqu’au bout.

Et un grand merci, à tous mes amis, ma famille, mes équipes : Michelin, Vertical’art, Supperclimbing, tous ceux qui me suivent et soutiennent
 Vous êtes au top !

Interview : Mejdi Schalck nous dit tout sur sa premiĂšre victoire en Coupe du Monde !

Le week-end dernier, Mejdi Schalck, 18 ans, faisait sensation en remportant la Coupe du Monde de bloc de Salt Lake City. Un vĂ©ritable rĂȘve de gosse qui se rĂ©alisait pour le jeune ChambĂ©rien, qui avoue avoir encore du mal Ă  y croire.

Il faut dire que sa progression est fulgurante. Il y a deux ans, il disputait sa premiĂšre finale de Coupe du Monde, Ă  Briançon. L’annĂ©e derniĂšre, il montait sur son premier podium international, dĂ©crochant l’argent Ă  Salt Lake City. Un an plus tard jour pour jour, il se hissait cette fois sur la plus haute marche du podium, entonnant avec fiertĂ© la Marseille. C’était le week-end dernier Ă  Salt Lake City. Au terme d’une finale formidable, oĂč il enchaĂźnait les quatre blocs, Mejdi Schalck s’imposait devant deux Japonais, pour la premiĂšre fois de sa carriĂšre.

Mejdi Schalck a acceptĂ© de nous raconter les coulisses de cette victoire, alors qu’il s’apprĂȘte Ă  disputer une nouvelle manche de Coupe du Monde ce week-end, Ă  Salt Lake City toujours.

Rencontre avec le phénomÚne français.


Ça y est Mejdi, tu l’as fait ! Tu as remportĂ© ta premiĂšre Coupe du Monde le week-end dernier Ă  Salt Lake City. Qu’est-ce que l’on ressent quand on dĂ©croche l’or pour la premiĂšre fois de sa carriĂšre, Ă  seulement 18 ans ?

C’est assez difficile de se dire que c’est vraiment arrivĂ©, c’est un rĂȘve depuis tout petit ! Ça me fait tellement plaisir.

Il y a deux ans, tu prenais part Ă  ta premiĂšre Coupe du Monde. Puis, il y a un an jour pour jour, tu montais sur ton premier podium. Et cette annĂ©e voilĂ  que tu remportes ta premiĂšre mĂ©daille d’or mondiale. T’attendais-tu Ă  progresser si rapidement ?

Non je ne pensais pas du tout avoir de la réussite aussi tÎt et surtout aussi vite.
DĂ©jĂ , participer aux Coupes du Monde me semblait juste fou, alors faire un podium et mĂȘme gagner, c’est clair que je ne m’y attendais pas.

Tu prenais la derniĂšre place qualificative pour les finales, en te classant 6Ăšme des demis. Est-ce que le fait d’ĂȘtre le premier grimpeur Ă  t’élancer en finale t’a permis de t’îter de la pression ?

C’est vrai que c’est toujours plus facile quand on s’élance premier sur une finale, on a moins de pression. Ça m’a aussi rappelĂ© l’annĂ©e derniĂšre oĂč j’avais la mĂȘme place et oĂč le scĂ©nario avait plutĂŽt bien tournĂ©.


J’avais vraiment envie d’en dĂ©coudre dans les blocs, et de faire de mon mieux ! Â»

Mejdi Schalck


En voyant les blocs de finale à la lecture, savais-tu déjà que tu avais une carte à jouer ?

Je savais que les blocs pouvaient me convenir mais qu’il fallait que je me laisse grimper. Je sais qu’en plus, en gĂ©nĂ©ral, en finale, j’arrive Ă  me surpasser et Ă  augmenter mon niveau grĂące Ă  toute l’excitation, le public etc.. Donc oui, je me disais que tout Ă©tait possible !

On a vu dans ton regard que tu Ă©tais extrĂȘmement concentrĂ© en arrivant devant le premier bloc des finales. Dans quel Ă©tat d’esprit Ă©tais-tu ?

J’avais vraiment envie d’en dĂ©coudre dans les blocs, et de faire de mon mieux !

AprĂšs avoir enchaĂźnĂ© le bloc 4, tu exploses de joie sur les tapis. Savais-tu as ce moment-lĂ  que quoi que les autres fassent, tu avais remportĂ© cette Coupe du Monde ? 

Je savais que si je le faisais Ă  vue, j’étais sĂ»r de gagner. Mais je ne savais qu’en deux essais, c’était aussi bon. Quand j’ai enchaĂźnĂ© le bloc, je me suis dit que j’étais au pire deuxiĂšme, donc c’était dĂ©jĂ  fou. Mais je savais aussi que le bloc Ă©tait vraiment difficile et que j’avais mis un gros run
. Donc que j’avais quand mĂȘme une grosse probabilitĂ© de gagner.

Qu’est-ce qui a fait la diffĂ©rence selon toi sur cette compĂ©tition ?

Je pense que le fait d’ĂȘtre jeune et de n’avoir rien Ă  perdre joue quand mĂȘme beaucoup. Aussi le scĂ©nario de finale Ă  jouer en ma faveur : ce n’est pas facile Ă  gĂ©rer quand dans une finale les deux premiers Ă  passer (le Japonais Rei Kawamata et moi-mĂȘme) sortent assez rapidement les blocs, ça rajoute pas mal de pression aux autres.

As-tu une anecdote, une petite histoire, à nous raconter sur cette compétition ?

Le jour des qualifs, j’arrive derriĂšre le mur dans l’isolement avant de grimper, et 5 minutes avant de partir, je me rends compte que j’ai oubliĂ© mon dossard dans l’autre isolement (Ă  5 minutes de voiture). On me dit donc de partir dans le premier bloc mais que je prendrai un carton jaune et que si je n’avais pas mon dossard dans le deuxiĂšme c’était carton rouge et exclusion de la compĂšte. Heureusement, j’ai rĂ©ussi Ă  avoir mon dossard 3 minutes avant de partir dans mon bloc 2 !

Tous les regards seront tournés sur toi ce week-end pour la deuxiÚme étape à Salt Lake City. Ressens-tu plus de pression que la semaine derniÚre ?

Non, pas de pression ! Je vais juste me faire plaisir et prendre de l’expĂ©rience, j’ai encore beaucoup Ă  apprendre !

Quelle est la suite pour toi cette saison ? En diff, quels sont tes objectifs ?

L’un de mes objectifs principaux est le Championnat d’Europe Ă  Munich en bloc et en diff. Sinon en terme de calendrier de compĂ©titions, je pense faire la Coupe du Monde d’Innsbruck en bloc et diff et sĂ»rement la Coupe du Monde de difficultĂ© de Chamonix, qui sera suivie des World Games aux US.


Les blocs de finale de Mejdi Schalck en images :

 

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Rencontre avec Jonathan Bel Legroux, préparateur mental en escalade

Jonathan Bel LeGroux, ce nom ne vous Ă©voque pas grand chose? Pas de panique, il n’y a pas si longtemps que nous avons fait connaissance de ce prĂ©parateur mental, spĂ©cialisĂ© dans l’hypnose (entre autre), et qui suit quelques grimpeurs de haut niveau français dont notre athlĂšte PG Camille Pouget. Bien que cela Ă©volue dans le bon sens, la prĂ©paration mentale reste encore parfois une science obscure dans le domaine du sport en gĂ©nĂ©ral, et c’est donc tout naturellement que nous avons voulu partir Ă  la rencontre de Jonathan Bel Legroux qui nous raconte un peu son histoire tout en parlant prĂ©pa mentale. 


Peux-tu te prĂ©senter en quelques mots? 

Je m’appelle Jonathan Bel Legroux. Je suis coach mental de sportif, ou prĂ©parateur mental comme on dit depuis 2011. J’ai en spĂ©cialitĂ©, l’hypnose moderne que j’enseigne dans diffĂ©rentes formations et Ă©coles. Je forme aussi en prĂ©paration mentale. Je suis auteur de livres sur l’hypnose et le sportif depuis 2018. Et j’ai crĂ©Ă© des stages, les Mental Camp qui permettent aux sportifs d’entraĂźner leur mental dans l’action. On y aborde aussi d’autres thĂ©matiques comme la pression, le regard des autres, la communication. J’interviens en tant que consultant pour diffĂ©rents pĂŽles de haut niveau, et fĂ©dĂ©ration.

Quel a Ă©tĂ© ton cursus pour devenir prĂ©parateur mental? 

A la base, je viens des STAPS. D’abord Ă  Paris 5, pour une licence EM, puis Ă  Grenoble. Éducateur sportif, je me suis toujours intĂ©ressĂ© au mental. Mais Ă  l’origine, je devais plutĂŽt ĂȘtre prof d’EPS, que j’ai fais en remplacement, avant de bifurquer vers la montagne.

J’avais envie de faire guide. Mais quelques accidents m’ont invitĂ© Ă  reconsidĂ©rer mes choix pour revenir Ă  un sujet qui m’a toujours animĂ©, le mental, et notamment l’hypnose.

Comme nous n’avions pas la TV Ă  la maison, on Ă©tait mon frĂšre et moi libres de tout prĂ©jugĂ©s sur le domaine. Comme une tante anĂ©sthĂ©siste pratiquait l’hypnose Ă  l’hopital, c’était un sujet sĂ©rieux avec des rĂ©sultats qui nous semblaient toujours incroyables. (L’hypnose en anesthĂ©sie est pratiquĂ©e depuis 200 ans). Du coup, je m’y suis toujours un peu intĂ©ressĂ© en autodidacte jusqu’au jour oĂč je suis allĂ© me former dans une Ă©cole française. J’ai poursuivi ma formation chez nos amis anglo-saxons, qui eux, avaient de l’avance notamment dans le lien entre hypnose et sport. En 2011, j’étais le seul Ă  mĂȘler les deux en France, alors qu’aux USA, c’était courant dans le haut niveau depuis les annĂ©es 70. AprĂšs, j’ai passĂ© des diplĂŽmes de prĂ©paration mentale dans diffĂ©rents cursus pour continuer d’apprendre et avoir un avis plus complet sur les enseignements Ă  notre disposition en France.

On te connaĂźt car tu suis quelques grimpeurs de prĂšs, mais interviens-tu dans d’autres sports Ă©galement? 

En effet, l’escalade et moi, en tant que coach mental, ça fait un moment. Jamais rattachĂ© Ă  un pĂŽle ou un club, ca a commencĂ© dĂšs 2012, d’abord avec l’équipe de France jeunes d’escalade sur Glace pendant 3 ans. AprĂšs j’interviens dans de nombreux sports toujours individuels : la natation, le squash, le tennis, le ski de fond, la gymnastique, le triathlon, l’athlĂ©tisme, le judo, et rĂ©cemment Ă  Tokyo, l’escalade
 Toujours en haut niveau sur les trois derniĂšres olympiades d’étĂ© ou sur les compĂ©titions de niveau international. AprĂšs, avec des amateurs, le spectre est encore plus large, et les objectifs toujours passionnants. Chacun sa perf, du moment qu’il y a un rĂȘve et de l’ambition. AprĂšs, en grimpe, c’est vrai que depuis des annĂ©es j’interviens auprĂšs de jeunes, et des seniors, toujours avec les d’entraĂźneurs prĂ©sents autour du projet des grimpeurs. L’escalade c’est mon univers de cƓur.

© Aurele Bremond

OĂč en est-on aujourd’hui sur la prĂ©pa mentale en France? Penses-tu que ce domaine soit suffisamment dĂ©veloppĂ© chez les sportifs de haut niveau? Et chez les grimpeurs en particulier? 

Je pense que nous avons beaucoup avancĂ©. AprĂšs 3 olympiades par exemple, je remarque clairement que le travail mental se fait de plus en plus tĂŽt. Comme je le dis avec un rire jaune : « je suis le gars qu’on appelle Ă  la denriĂšre minute quand tout ne va plus Â». C’est parfois encore un peu vrai. Mais les choses ont Ă©voluĂ©. Certains athlĂštes ont revendiquĂ© cette partie de leur entrainement, je pense Ă  Teddy Riner, Emilie AndĂ©ol, Camille Serme. L’escalade avait mĂȘme un peu d’avance sur d’autres sports plus « classiques Â», parce qu’elle a cette dimension de lecture, d’imagerie, de duel entre soi-mĂȘme et soi-mĂȘme contre un Ă©lĂ©ment immobile, le rocher. Les grimpeurs arrivent plus facilement Ă  reconnaĂźtre les freins qu’ils peuvent avoir mentalement. Par contre, peu savent que des techniques existent pour les dĂ©passer et les transcender aisĂ©ment. On est encore en train de voir des Ă©coles de chutes, ou des « n’ai pas peur, regarde pas en bas Â», plein de bonnes volontĂ© mais infructueuses. Au niveau neuro, on peut faire plus simple.

AprĂšs, mon constat global en France reste que nous sommes en retard. DĂ©jĂ , je dĂ©teste le terme de prĂ©paration mentale utilisĂ© Ă  tout va. Le mental ne se prĂ©pare pas comme un sac, il s’entraĂźne tous les jours tout autant que le corps. En plus, on va souvent voir un prĂ©parateur mental souvent dans une dĂ©marche de dĂ©passement d’une difficultĂ© : on ne fait pas de la prĂ©paration mentale, on tente de la rĂ©paration mentale. Mais ça avance. AprĂšs, pas simple aujourd’hui de se situer en tant que sportif lorsqu’on veut faire appel Ă  quelqu’un, puisqu’en regardant les professionnels du mental, on va du fast food Ă  la grande gastronomie. On voit des formations en ligne en 30 h pour devenir prĂ©parateur mental, alors que pour d’autres nous sommes Ă  300 h en 2 annĂ©es. Donc, ça bouge, mais c’est encore en chantier.

Selon toi, Ă  quel point le mental intervient-il dans la performance? 

J’ai entendu en staps en 2005,  Â» Ă  niveau Ă©gal, le mental est responsable Ă  80 % de la performance Â»â€Š dixit qui? On ne sait pas. Je recherche encore l’auteur.

Je pense que limiter le mental et la performance Ă  la compĂ©tition serait rĂ©ducteur. Il faut un mental de dingue pour mettre des essais dans un projet comme le fond des grimpeurs comme Hugo Parmentier. Il faut un mental incroyable pour revenir d’une blessure au haut niveau comme un entraĂźneur français bien connu. Est ce que c’est de la performance? Oui. La part du mental est essentielle tout autant que le physique. Imaginez, une formule 1, qui serait le corps, avec un pilote, remplit de doutes et de peurs, qui reprĂ©senterait le mental, ça donnerait quoi? La motivation, la volontĂ©, la concentration, sont parfois des apprentissages invisibles des entraĂźnements. Mais si on ne les conscientise pas, si on n’apprend pas Ă  les optimiser, ils peuvent nous faire dĂ©faut.

Peut-on gagner en niveau de perf avec de la prĂ©pa mentale sans augmenter ses capacitĂ©s physiques ou techniques? 

On peut faire en sorte de laisser les capacitĂ©s physiques et techniques s’exprimer au mieux. Prenons un exemple classique en escalade que les lecteurs ont dĂ©jĂ  vĂ©cu . La session grimpe touche Ă  sa fin, la peau commence Ă  manquer sur le bout des doigts, et les biceps sont dĂ©jĂ  sur le sentier du retour. Et lĂ , arrive l’idĂ©e du dernier run. Celui oĂč physiquement, on s’est dĂ©jĂ  pardonnĂ© de ne pas ĂȘtre Ă  fond. Celui oĂč on a dĂ©jĂ  acceptĂ© d’ĂȘtre imparfait. D’ĂȘtre juste avec le niveau qu’on a. On ne grimpe pas en imaginant le niveau qu’on aimerait avoir. On ne se juge pas. On va voir. Et là
 Que se passe-t-il? On s’épate. Combien ont sorti leur projet dans ces conditions? Combien diront Â« j’ai jamais aussi bien grimpĂ© de ma vie Â». (cet exemple fonctionne aussi avec la mĂ©tĂ©o et le run de derniĂšre minute 😉

Est ce que le mental a rendu plus fort? Non, il a permis d’ĂȘtre aussi fort que ce qu’on peut ĂȘtre. Mais souvent, on passe trop de temps Ă  ne pas connaĂźtre ses atouts et Ă  trop regarder ses manques.

Tu as aussi Ă©crit un livre sur le sujet de la prĂ©pa mentale, tu peux nous en parler? 

J’ai Ă©crit « Autohypnose et performance sportive en 2018″ aux Ă©ditions Amphora. Il a reçu un super accueil. Il aborde les techniques d’autohypnose pour un travail de fond sur l’estime, les Ă©motions. Pour moi, c’est un bouquin qui a comblĂ© un manque. C’était le premier en langue française sur l’hypnose et le sport.

Puis, avec le recul, et presque 5 ans de plus, j’ai commencĂ© Ă  croire que je pouvais faire mieux, plus simple et plus complet. Sur le premier, mon Ă©diteur a eu le courage de me suivre dans ce projet, mais il voulait limiter les risques en faisant un livre assez court. Avec les 15.000 exemplaires vendus et la traduction dans d’autres langues, il m’a demandĂ© si j’avais des choses Ă  rajouter. Et j’en avais plein. Il y avait pas mal de domaines que je n’avais pas pu traiter. Et puis, j’avais la volontĂ© de rendre Ă  porter de main une mĂ©thodologie que j’utilise avec le haut niveau, directement sur le terrain d’entraĂźnement. Alors, on a dĂ©cidĂ© de sortir l Â»Incontournable de l’autohypnose pour la performance Â».

OĂč et quand peut-on se le procurer? 

Il va sortir en juin dans toutes les librairies grand public. Je suis d’ailleurs en discussion avec quelques directeurs de salles d’escalade pour faire des sessions de dĂ©dicaces, dĂ©mos et confĂ©rences dans toute la France. Ce sera l’occasion de croiser quelques lecteurs de PG avec plaisir.

Comment imagines-tu l’avenir pour toi?

Assez ouvert ;). Depuis presque 12 ans, je tente de faire bouger les choses dans le domaine mental, progressivement et avec mes moyens principaux que sont ma motivation et mes convictions. Trop de sportifs talentueux arrĂȘtent pour des raisons de blocages dans la tĂȘte parce qu’on ne sait pas les accompagner. Ça me bouleverse. Un sportif est un rĂȘveur qui agit. Que ce soit pour gravir son premier 6A, ou gagner l’or aux Jeux, ces rĂȘves sont prĂ©cieux.

Alors pour moi, je me vois comme celui qui dĂ©friche et qui tente de faire un chemin que d’autres pourront arpenter par la suite. Avec quelques athlĂštes, nous sommes sur 2024, et sur 2028. Donc, il y a ça d’un cĂŽtĂ©, et de l’autre, former les coach mentaux de demain.

Un dernier mot Ă  ajouter? 

Quel que soit votre niveau, ou si vous faites du bloc, de la salle, de la falaise, de la grande voie
 Ne laissez pas vos peurs vous limiter, sans elle, le courage n’existerait pas. Celui de prendre la prise d’aprùs par exemple.
Nous pratiquons l’escalade parce qu’il existe cette dominante Ă©motionnelle Ă  gravir en mĂȘme temps que notre ascension. Mais attention Ă  ne pas se faire avoir, si nous ne pilotons pas, si nous ne jouons pas avec notre mental, c’est lui qui se jouera de nous et nous pilotera. Alors, Ă  vous de jouer 😉

Qui est Lily Abriat, cette jeune cadette qui vient défier les seniors?

Du haut de ses 15 ans, la jeune Lyonnaise entre cette annĂ©e dans sa premiĂšre annĂ©e de cadette. Et c’est tout naturellement qu’elle tente de venir se frotter au circuit seniors, dans un premier temps sur les coupes de France de bloc. Loin de dĂ©mĂ©riter, cette jeune grimpeuse issue du club de La Degaine a tout le potentiel pour venir bousculer la hiĂ©rarchie nationale. D’ailleurs, lors de la derniĂšre Ă©tape de coupe de France qui se tenait Ă  Climb Up Paris, elle se hissait en finale aux cĂŽtĂ©s de quelques grimpeuses de renom: Fanny Gibert, ChloĂ© Caulier, Camille Pouget ou encore Oriane Bertone. Et pour ceux qui seraient passĂ©s Ă  cĂŽtĂ© de l’info, elle terminait 4Ăšme lors des derniers championnats du monde jeunes qui se dĂ©roulaient Ă  Voronezh (Russie) en 2021. Rencontre avec une jeune grimpeuse bourrĂ©e de talent. 


Salut Lily, on commence par le début, présente-toi à nos lecteurs.

Salut Ă  tous! Je m’appelle Lily Abriat, j’ai 15ans, j’habite Ă  Lyon mais je suis au pĂŽle espoir et au lycĂ©e Ă  Voiron 🙂

Quand et comment as-tu dĂ©butĂ© l’escalade ?

GrĂące Ă  mes parents qui sont des falaisistes ! Depuis toute petite, je suis plongĂ©e dans le monde de l’escalade mais j’ai commencĂ© rĂ©ellement dans un club Ă  cĂŽtĂ© de chez moi Ă  l’ñge de 8ans. À la base ce n’est pas le sport en lui mĂȘme qui m’a plu, mais plutĂŽt l’ambiance des compĂ©titions qui Ă©taient commentĂ©es par Bastien de Lattre !

Qu’est-ce qui te plait dans ce sport ? Que reprĂ©sente la grimpe pour toi ?

DĂ©jĂ , je pense que depuis toute petite, j’aime prendre de la hauteur. Mais ce que j’aime par dessus tout, c’est vraiment le fait de pouvoir avoir des objectifs toujours plus fous, se fighter Ă  la muerte, apprendre et jouer Ă  chaque sĂ©ance et tout ça avec une ambiance de dingue avec tous les petits potes !

On commence Ă  te voir rĂ©guliĂšrement venir jouer avec les seniors en bloc alors que tu n’es encore que cadette, comment le vis-tu ?

C’est dĂ©Ă©Ă©ment ! Je me rĂ©gale Ă  grimper avec toutes ces fortes grimpeuses, ça m’apporte beaucoup d’expĂ©rience et c’est que du positif pour la suite !

Tu peux nous faire un petit récap de tes meilleurs résultats jeunes et seniors ?

Pour commencer, j’ai terminĂ© 2Ăšme lors de ma premiĂšre coupe d’Europe de bloc Ă  Graz ce qui m’a permis de me qualifier aux championnats du monde oĂč j’ai finis avec une belle 4Ăšme place en bloc. Et chez les seniors, j’ai rĂ©ussi Ă  monter sur le podium de la coupe de France Ă  Chaumont !

PlutĂŽt bloc ou diff et pourquoi ?

Je dirais le bloc parce que je trouve ça plus rigolo et j’arrive plus Ă  me faire plaisir qu’en diff mais parfois j’adore me mettre des gros fight dans les voies aussi et je m’entraĂźne tout de mĂȘme pour rĂ©ussir dans les deux disciplines.

Comment es-tu restée motivée aprÚs ces 2 années compliquées avec la crise sanitaire ?

Pendant le confinement, j’ai eu la chance d’avoir un petit pan chez moi avec quelques vieilles prises rĂ©cupĂ©rĂ©es, et mon frĂšre pour la motivation donc je ne me suis jamais ennuyĂ©e, et j’ai pu vite reprendre les entraĂźnements avec le pĂŽle espoir et faire de la falaise par ci par lĂ  !

Et la grimpe en extérieur du coup, ça donne quoi ?

Avec tous ces entraĂźnements, c’est compliquĂ© de trouver du temps pour aller en falaise mais je suis toujours contente de retoucher du caillou et de rentrer avec quelques croix dans le 8 !

As-tu des grimpeuses ou des grimpeurs qui t’inspirent ? Si oui lesquel(le)s et pourquoi ?

Évidemment ! Je regarde les coupes du monde depuis toute petite donc Akiyo Noguchi et Janja Garnbret sont des grimpeuses qui m’inspirent Ă©normĂ©ment, surtout dans leur gestuelle de grimpe. Luce douady est aussi un grand exemple pour moi, elle grimpait avec facilitĂ©, rythme, combativitĂ© et rendait tout ce qu’elle faisait incroyable Ă  regarder.

Quels sont tes objectifs Ă  court terme ? Et Ă  plus long terme ?

Pour l’instant je m’entraĂźne pour les sĂ©lectifs et les championnats de France seniors et jeunes. En jeune, je veux me qualifier pour la saison internationale et en seniors, je veux juste me faire plaisir, tout donner et on verra ce que ça donne
 Sur le long terme, pour l’instant, je ne sais pas trop. Mais j’avoue que je rĂȘverais de faire « le tour du monde » et dĂ©couvrir tous les spots de grimpe sympa !

© Planetgrimpe

Comment t’entraünes-tu (avec qui, nombre d’entraünement, organisation, 
) ?

Je m’entraine Ă  Voiron avec le pĂŽle espoir depuis 3ans oĂč je suis suivie par Tanguy Topin et Fabien Viguier. Je grimpe tous les jours aprĂšs les cours sauf le vendredi oĂč je rentre chez moi et j’ai deux sĂ©ances de prĂ©pa physique entre midi et deux la semaine. Et le week end c’est soit salles lyonnaises, soit falaise + footing.

Un petit mot pour ton club, la DĂ©gaine Escalade ?

Ils me soutiennent depuis le dĂ©but et mĂȘme Ă  distance ils sont toujours lĂ  et je les remercie !
D’ailleurs, ils organisent le LAB (Lyon Ă  bloc), c’est une petite compĂ©tition super fun avec des beaux blocs et une superbe ambiance !

Le mot de la fin ?

Je voulais remercier mes parents, mes amis, mes entraĂźneurs et toutes les personnes bienveillantes que j’ai rencontrĂ© et qui me soutiennent et me permettent de grandir dans ce que j’aime faire et me donnent le sourire tous les jours !

Rencontre avec Jean-Raymond Manent, fondateur de BOMA

Voici dĂ©jĂ  quelques temps que nous avions entendu parler des produits BOMA au travers des storys Instagram d’un certain Romain Desgranges, et, plus rĂ©cemment, directement par notre athlĂšte PG, Camille Pouget. Et c’est finalement lors du salon de l’escalade Ă  Lyon en novembre dernier que nous avons rĂ©ellement fait la dĂ©couverte de cette petite marque, BOMA, et de son fondateur, Jean-Raymond. Alors plutĂŽt que de vous prĂ©senter la marque et les produits, on a prĂ©fĂ©rĂ© lui laisser la parole avec quelques questions auxquelles il a acceptĂ© de rĂ©pondre
 Rencontre. 


Qui es-tu ? 

Bonjour, je m’appelle Jean-Raymond MANENT, j’ai 36 ans et je suis le fondateur de la micro-entreprise BOMA Authentique CosmĂ©tique qui a vu le jour en Mars 2020.

Je suis nĂ© dans le Val de SaĂŽne, prĂšs de Lyon oĂč je vis encore actuellement.

J’ai fait mes Ă©tudes Ă  l’Ecole d’Architecture de Lyon mais j’ai aussi Ă©tĂ© formĂ© en Cuisine, en Menuiserie d’Agencement et plus rĂ©cemment en CosmĂ©tologie ; tout m’intĂ©resse, en fait !

J’aime aussi Ă  croire que rien n’est impossible, Ă  condition de s’en donner les moyens !

J’ai dĂ©couvert l’Escalade tardivement, il y a 5 ans, un peu par hasard mĂȘme si de mon point de vue, rien n’arrive par hasard !

PrĂ©sente nous la marque que tu as crĂ©Ă©e
 et les diffĂ©rents produits ! 

BOMA, c’est un peu une utopie ; mais une utopie qui pourrait devenir rĂ©alitĂ© !

L’idĂ©e, c’était avant tout de vouloir faire sa part pour plus de partage et d’altruisme en offrant du soin Ă  sa mesure ; d’arrĂȘter de critiquer ce qui ne va pas et d’agir concrĂštement pour proposer des solutions Ă  des problĂšmes simples et courants comme des mains et des pieds abĂźmĂ©s, entre autres.

L’HumanitĂ© est un systĂšme, une grande Famille ; dĂšs lors qu’un de ces membres agit positivement, chacune de ses actions rejaillit inĂ©luctablement sur les autres de façon vertueuse.

BOMA, c’est cela : faire de son mieux pour contribuer au bien-ĂȘtre de tous ; devenir exemplaire !

La gamme a Ă©tĂ© conçue en privilĂ©giant la simplicitĂ©, l’efficacitĂ© et bien Ă©videmment l’authenticitĂ© ; j’entends par lĂ  ĂȘtre vrai, transparent et rassurant pour l’usager.Ăšre final.e.

Actuellement, 7 produits la constituent ; Ă  savoir, 3 baumes hydratants pour la peau (Lavande, Romarin et Reine des PrĂ©s) ayant chacun des spĂ©cificitĂ©s d’emploi.

Un dĂ©odorant crĂ©meux aux 2 huiles essentielles ; produit leader de la gamme avec le BOM Lavande.

Un baume à lÚvres et 2 savons surgras saponifiés à froid.

Prochainement arriveront un savon-shampoing, un baume visage contre l’acnĂ© et un baume visage jour/nuit.

Tous les ingrĂ©dients sont d’origine biologique et lors des formulations, les critĂšres dĂ©terminants sont leur provenance (proximitĂ© gĂ©ographique privilĂ©giĂ©e) et leur qualitĂ©.

Comment en es-tu arrivĂ© Ă  crĂ©er BOMA ? 

C’est un aboutissement ou plutĂŽt la concrĂ©tisation de nombreuses et difficiles annĂ©es de reconstruction personnelle.

En 2012, je suis hospitalisĂ© en urgence et l’on m’apprend alors brutalement qu’il va falloir dĂ©sormais apprendre Ă  vivre avec un trouble bipolaire ; une maladie mentale aux consĂ©quences vĂ©ritablement handicapantes.

Il aura fallu dix ans d’errance thĂ©rapeutique pour Ă©tablir ce diagnostic ; dix ans seront Ă©galement nĂ©cessaires pour se reconstruire.

Il faut dĂšs lors tout recommencer ; apprendre Ă  s’équilibrer, Ă  gĂ©rer ses Ă©motions, Ă  amĂ©nager son travail, Ă  reprendre confiance en soi, Ă  apprivoiser son corps, Ă  dompter son mental et surtout Ă  oser retourner vers les autres.

Ensuite, le retour au Sport est devenu une prioritĂ© et une personne que j’admire profondĂ©ment pour sa positivitĂ©, Philippe BERGER, co-fondateur avec Thierry BOURCIER du Club d’Anse, l’AL-Escalade ; mon club de cƓur, devient le dĂ©clencheur de l’aventure : « Tu sais JR, les baumes que tu fabriques en mode DIY, je suis convaincu qu’ils plairaient aux grimpeurs ! Â»

Qu’est-ce qui te diffĂ©rencie des autres crĂšmes rĂ©paratrices qui existent dĂ©jĂ  sur le marchĂ© ? 

Lors du Salon de l’Escalade de Lyon en Novembre 2021, j’ai pris un grand soin Ă  Ă©tudier les offres de mes confrĂšres.soeurs et je dirais que les produits qu’ils proposent sont trĂšs bons.

Cependant, ce qui me diffĂ©rencie, c’est tout simplement l’intention d’Amour et la Passion que je mets dans la fabrication de chacun de mes pots ; ils sont un peu comme chargĂ©s Ă©nergĂ©tiquement (influence de la Culture AmĂ©rindienne et de l’enseignement du Tai Chi).

Les ingrĂ©dients sont tous bio et leur provenance est la plus locale possible ; ce qui complique, je Vous l’assure, la recherche de fournisseurs engagĂ©s et responsables ; ces « courageux invisibles Â» !

L’objectif est d’utiliser Ă  terme des ingrĂ©dients majoritairement d’origine française (ce qui est dĂ©jĂ  presque le cas) ou issus des pays limitrophes ; bien que pour les savons cela reste cependant encore trĂšs compliquĂ©.

En effet, pourquoi utiliser, mĂȘme si elle est excellente l’huile essentielle de Tea tree (Afrique du Sud ou Australie) alors que l’huile essentielle de Thym (France ou Espagne) peut rĂ©pondre Ă  des problĂ©matiques tout Ă  fait analogues.

Et sur ce plan-lĂ , nos politiques divergent incontestablement.

Comment imagines-tu l’avenir ? As-tu des objectifs pour ta boite Ă  court, moyen ou long terme ? 

J’aimerais rĂ©pondre : « Sereinement ! Â» mais les dĂ©fis sont nombreux et la quantitĂ© de travail Ă  fournir est colossale ; on est tout seul chez BOMA !

Ce que j’ai cependant appris au fil des annĂ©es ; c’est que tout long voyage, commence toujours par un premier pas.

Alors, plutĂŽt que d’avoir le vertige en regardant tout ce qu’il reste Ă  faire, je me concentre chaque jour sur cet unique petit pas Ă  rĂ©aliser et je donne le meilleur de moi-mĂȘme pour l’effectuer de mon mieux.

En Avril, Mai et Juin de cette annĂ©e, j’accueille pour la premiĂšre fois une stagiaire en Communication Digitale, Eva VINCENT.

J’espĂšre pouvoir lui transmettre la passion de mes quelques expĂ©riences ; elle semble trĂšs motivĂ©e et en adĂ©quation avec les valeurs humaines que lui inspirent BOMA ; j’ai hĂąte !

Participer aussi en tant qu’exposant Ă  une Ă©tape de la Coupe du Monde 2022 Ă  Chamonix en Juillet est une prioritĂ© ; de mĂȘme que de renouveler notre prĂ©sence au Salon de l’Escalade 2022 Ă  Grenoble en Novembre.

DĂ©mĂ©nager pour des locaux plus adaptĂ©s au second semestre de l’annĂ©e reste aussi un objectif important.

Pour finir, Ă©videmment, Ă  long terme ; crĂ©er de l’emploi sera Ă©videmment un ultime aboutissement !

BOMA ne court pas aprĂšs l’argent mĂȘme si cette ressource reste nĂ©cessaire ; partager, transmettre, prendre soin, apprendre et se renouveler demeureront toujours les valeurs structurantes de l’entreprise.

Romain Desgranges semble apprĂ©cier tes produits, comment l’as-tu converti ? 

Alors ça, c’est un peu un miracle de la Vie !

InvitĂ© au club Vertige d’Arnas par Maciek KNUTELSKI et Serge VAUVERT, prĂ©sident Ă  l’époque, pour ma premiĂšre exposition test lors d’une Ă©tape de Coupe de France (il y a 2 ans environ) avec en guest-star Romain DESGRANGES ; je me retrouve aux cĂŽtĂ©s de Pauline CALANDOT, co-fondatrice de Redeem Equipement.

HĂ©sitant, je sens pourtant bien en moi qu’il faudrait oser lui parler et lui offrir un pot de BOM Lavande pour qu’il puisse peut-ĂȘtre le tester ; mais comment faire pour accĂ©der Ă  lui parmi tous ses fans.

Je me motive (grĂące Ă  Pauline) et j’arrive Ă  lui parler 1 minute ; je lui explique les vertus du produit et l’efficacitĂ© pour rĂ©parer la peau des mains mais je me dis que de toute façon, c’est peine perdue ; il ne l’utilisera jamais


Quelques mois plus tard, Caroline BERTHIER, nouvelle prĂ©sidente du Club d’Arnas, m’informe que Romain DESGRANGES souhaite faire une recommandation du BOM Lavande dans son nouveau livre SOLIDE ! (cf. p-169).

L’extase totale !

Depuis, nous avons appris Ă  un peu mieux nous connaĂźtre et j’avoue ĂȘtre profondĂ©ment admiratif de la personne en plus de l’athlĂšte.

C’est une personne saine, juste, sensible, bienveillante, dĂ©terminĂ©e, instinctive, subtile, altruiste, en constante Ă©volution, perfectionniste et extrĂȘmement intelligente ; un exemple indĂ©niable de tĂ©nacité  et de ma gĂ©nĂ©ration en plus !

Que peut-on te souhaiter pour 2022 ? 

Du courage !

« Les gens extraordinaires sont des gens ordinaires (mais) qui croient en leur rĂȘve. Â»

Moi j’y crois, mĂȘme si le doute frappe souvent Ă  ma porte !

De la visibilitĂ© serait Ă©videmment un plus, alors je compte un peu sur Vous !

J’en profite aussi pour remercier sincĂšrement Camille POUGET pour son soutien et pour son aide depuis le dĂ©but et sans qui cette interview n’aurait pu voir le jour : une trĂšs, trĂšs belle personne et une trĂšs grande Championne en devenir !

Le mot de la fin ? 

« Le Courage croit en osant et la Peur en hĂ©sitant. Â»

Je pense que tout.e grimpeur.se comprendra ces mots car ce que j’aime dans l’Escalade (et mĂȘme Ă  mon tout petit niveau) ce sont ces rendez-Vous hebdomadaires avec celle-ci ; peut-ĂȘtre est-ce une maniĂšre pour moi de lui montrer que mĂȘme si Elle a bien souvent gagnĂ© durant mon parcours de soin, dĂ©sormais, je suis SOLIDE !

Pour finir, je citerai aussi SƓur Emmanuelle qui lors d’une interview a dit ceci : « Dans la vie, il faut trouver un but, et c’est une vielle femme qui vous le dit, et il faut s’acharner encore et encore et encore ; sinon, ça n’a pas de sens ! Â»

BOMA, ce n’est pas une fin mais un chemin ; celui de l’espoir et de l’envie de dire Ă  ceux touchĂ©s par une quelconque forme de handicap que ce dernier peut paradoxalement nous connecter Ă  quelque chose de grand, Ă  notre propre puissance personnelle et nous rendre incroyablement fort et rĂ©silient.

Merci Planetgrimpe pour cet Ă©change !

Interview: Dinara Fakhritdinova signe un beau comeback. Elle nous raconte


Dinara Fakhritdinova, ça ne vous parle pas? Pourtant, souvenez-vous, en 2013, sur la place du Mont Blanc Ă  Chamonix, elle remportait le titre de championne d’Europe! Toujours sur le circuit international, mais rarement dans le haut du classement, la « mini Rocket Russe Â», comme s’amusent Ă  l’appeler les commentateurs, semble ĂȘtre plus motivĂ©e que jamais pour atteindre le top niveau mondial. D’ailleurs lors des tout rĂ©cents championnats du monde qu’elle jouait Ă  domicile, elle participait Ă  sa premiĂšre finale sur des mondiaux et avouait en vouloir encore plus
 Alors avant de la retrouver la saison prochaine sur le circuit, voici son portrait histoire d’en connaĂźtre un peu plus sur elle.


On commence par les présentations? Qui es-tu?

Je m’appelle Dinara Fakhritdinova, j’ai 28 ans et je viens de Russie.

Comment as-tu commencĂ© l’escalade, et pourquoi as-tu choisi ce sport?

À l’ñge de 5 ans, je faisais des acrobaties partout, et j’ai commencĂ© par faire de la gym. Je faisais souvent des galas lors d’évĂ©nements, ou d’ouvertures de salles de sport. Et puis un jour, j’ai fait une reprĂ©sentation dans une salle oĂč il y avait un mur d’escalade et des grimpeurs faisaient une dĂ©monstration de ce sport. J’avais 11 ans et je suis tombĂ©e amoureuse de la grimpe immĂ©diatement.

Que fais-tu dans ta vie personnelle? Uniquement de l’escalade? 

Je fais Ă©normĂ©ment de choses, j’ai une vie bien remplie
 Pour commencer, j’étudie, dans le domaine de la cosmĂ©tique. Peu de gens savent que je travaille dans la cosmĂ©tologie, et particuliĂšrement dans les problĂšmes de peau qui peuvent ĂȘtre liĂ©s Ă  certain produits cosmĂ©tiques. Sinon, je retape aussi mon appartement, lĂ  je suis en train de passer le permis moto, je participe aussi Ă  beaucoup de projets et je m’implique notamment dans des oeuvres caricatives en envoyant du matĂ©riel d’escalade partout dans le pays pour ceux qui manquent de moyens pour s’équiper. Enfin voilĂ , je ne m’ennuis jamais !

Comment s’organise ton entraünement?

C’est une questions vraiment difficile
 Jusqu’à prĂ©sent, je n’avais pas de planification prĂ©cise, la plupart du temps je grimpe Ă  l’instinct, je me base sur mon intuition et sur mon expĂ©rience. Je grimpe juste Ă©normĂ©ment et Ă  cĂŽtĂ© je fais d’autres sports qui me permettent de m’entraĂźner Ă©galement, de la gym par exemple. Mais depuis peu, j’essaye d’ĂȘtre plus sĂ©rieuse et de suivre un plan d’entraĂźnement. On verra si ça fonctionne!

On voit rarement des russes sur les compĂ©titions de bloc ou de difficultĂ©, comment l’expliques-tu?

À vrai dire ça a toujours Ă©tĂ© trĂšs difficile pour les athlĂštes Russes d’obtenir un Visa pour voyager, et du coup nous n’avons pas l’autorisation de nous rendre dans certains pays. Et puis on ne va pas se mentir, l’aspect financier joue beaucoup aussi, nous avons peu d’aide de la fĂ©dĂ©ration pour nous rendre sur les compĂ©titions internationales. La plupart du temps, j’organise moi mĂȘme le voyage, et c’est vrai que ça me prend beaucoup de temps et d’argent. Depuis peu, la fĂ©dĂ©ration tente de nous aider un peu plus, on sent qu’il y a du mieux, que ça progresse.

En 2013 tu remportais le titre de championne d’Europe Ă  Chamonix, que retiens-tu de cette journĂ©e? 

Je me rappelle que j’étais trĂšs calme et dĂ©tendue, je me rappelle de la musique que j’écoutais en boucle en isolement, je me rappelle aussi de Mina Markovic en isolement, c’était l’une de mes idoles et j’appelais toujours de ce qu’elle faisait. Ce jour lĂ , je ne grimpais pas pour la premiĂšre place, je kiffais juste le moment et je me suis laissĂ©e porter.

© Lucie Thomas | Planetgrimpe.com

AprĂšs une terrible agression en 2015, comment t’es-tu relevĂ©e de tout ça? 

Pour ĂȘtre honnĂȘte je prĂ©fĂšre ne pas me rappeler de cette pĂ©riode qui a Ă©tĂ© horrible pour moi. Encore aujourd’hui, ça me fait mal d’y penser et je prĂ©fĂšre faire comme si rien n’était jamais arrivĂ©.

Pendant longtemps j’ai essayĂ© de faire abstraction de ce qui s’était passĂ©, mais au final je ne faisais qu’accumuler de la peur et de la colĂšre en moi, et ça a Ă©tĂ© une grosse erreur. J’ai continuĂ© Ă  m’entraĂźner comme avant, Ă  participer Ă  des compĂ©titions, mais au fond de moi j’ai compris que tout n’allait pas bien, je me sentais mal, mon coach l’a remarquĂ© et nous avons dĂ©cidĂ© d’arrĂȘter de faire semblant et de travailler avec psychologue jusqu’à ce que je me sente mieux.

En 2019, on ne t’a pas vu sur le circuit non plus, que s’est il passĂ©? 

J’étais clairement en BurnOut, c’était trĂšs dur Ă©motionnellement dans ma vie Ă  ce moment lĂ . Je me suis perdue et je ne voyais l’intĂ©rĂȘt de rien, mon monde s’est effondrĂ© et j’ai perdu la force de me battre.

Est-ce que tu as imaginĂ© arrĂȘter l’escalade? 

Je n’ai pas grimpĂ© pendant trĂšs longtemps, et ça m’a permis de rĂ©aliser que la grimpe Ă©tait vraiment importante pour moi et qu’il Ă©tait temps de faire mon comeback. Je sentais que je pouvais ĂȘtre encore plus forte qu’avant et que j’adorai les compĂ©titions d’escalade. J’ai recommencĂ© Ă  m’entraĂźner rĂ©ellement en juin 2020, et aprĂšs 14 mois, je pense avoir obtenu de bons rĂ©sultats et je ne compte pas m’arrĂȘter lĂ !

Cette annĂ©e tu signes effectivement un trĂšs beau retour, comment tu te sens? 

À vrai dire c’est trĂšs Ă©trange, je ressens un Ă©norme pouvoir en moi, je sens que je peux ĂȘtre trĂšs forte, mais ma faible estime de moi me gĂȘne encore, je continue de penser que je n’y arriverai pas mais j’y travaille, j’ai besoin de temps et je profite de chaque instant.

Tu as 28 ans aujourd’hui, tu t’imagines quand mĂȘme sur les JO de Paris en 2024? 

Bien sur! Il n’y a pas d’ñge pour moi, et maintenant que je sens que je suis sur la bonne pente, je sens que je peux ĂȘtre plus forte que jamais. C’est comme si j’avais 16 ans et que ma carriĂšre sportive ne faisait que commencer. Tant que je me sentirai jeune je continuerai d’imaginer ma vie sportive comme ça, et ça ne m’intĂ©resse pas qu’on me dise que je suis trop vieille (rire!).

Quels sont tes prochains projets en escalade? 

Je n’ai pas de projet prĂ©cis en tĂȘte, pour le moment je grimpe Ă©normĂ©ment Ă  l’instinct, si ne ligne me plaĂźt j’y vais, quelque soit la cotation. Mais on ne va pas se mentir, j’aimerai un jour atteindre le 9b, ou plus, mais pour le moment je prĂ©fĂšre me concentrer sur les compĂ©titions.

Un dernier mot Ă  ajouter? 

Je voudrai juste vous dire de ne pas Ă©couter quelqu’un qui vous dit que vous ne pouvez pas ya arriver, faites vos propres choix, faites ce qui est important pour vous et n’écoutez que vous mĂȘme!

Interview : Manu Cornu revient sur sa médaille aux Championnats du Monde 2021

En 2016, Manu Cornu était propulsé sur le devant de la scÚne internationale : à Bercy, devant des milliers de spectateurs, il se hissait sur la troisiÚme marche du podium des Championnats du Monde de bloc.

Cinq ans plus tard, notre français rĂ©itĂšre son incroyable performance, quasiment jour pour jour. AprĂšs une saison 2021 en demi-teinte, rythmĂ©e par des hauts et des bas, Manu Cornu a rĂ©ussi Ă  exprimer tout son potentiel. AprĂšs avoir pris la 4Ăšme place de son groupe en qualification, puis la seconde des demi-finales, il parvenait dimanche Ă  monter sur la troisiĂšme marche du podium des Championnats du Monde 2021. « J’ai rĂ©alisĂ© la prestation la plus consistante de ma vie sur une compĂ©tition internationale Â» dĂ©clare-t-il.

En exclusivité pour nous, Manu a accepté de revenir sur cette compétition.


Dans quel Ă©tat d’esprit as-tu abordĂ© ce Championnat du Monde 

Je suis allĂ© sur ces Championnats du Monde en Ă©tant prĂȘt, j’étais focus Ă  100% sur cette compĂ©tition, sur ce que je faisais. Je me sentais capable de faire une belle perf. J’étais venu pour gagner mais je suis trĂšs content de ce podium.

Tu as connu des hauts et des bas tout au long de cette saison, dĂ©crochant ton ticket pour les Championnats du Monde de justesse. Qu’avais-tu mis en place Ă  l’entraĂźnement durant ces deux derniers mois pour arriver en forme Ă  Moscou ?

Cette saison j’étais un peu sur un courant alternatif : soit c’était bien, soit ça n’allait pas du tout
 Une compĂ©tition sur deux, je n’atteignais pas les demi-finales, mais quand j’y Ă©tais ça ne passait pas loin
 Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui entrent en compte pour expliquer cette dĂ©faillance : parfois le niveau physique, parfois l’excĂšs de confiance, et j’en passe
 Pour ĂȘtre fort en compĂ©tition et pouvoir s’exprimer, il faut trouver la bonne recette. Cette annĂ©e je n’ai pas toujours su la trouver.

Mais la Coupe du Monde d’Innsbruck a Ă©tĂ© la contre perf de trop pour moi. Ça m’a touchĂ©, j’ai fini la compet en Ă©tant incapable de faire un bloc, j’avais prĂ©vu de prendre quelques jours de repos juste aprĂšs la compet et ça m’a aidĂ© Ă  prendre du recul.

Quand je suis rentrĂ© Ă  Paris, j’ai dit Ă  Nico que je me sentais prĂȘt Ă  en faire beaucoup plus, mon mental avait changĂ©, j’étais encore plus appliquĂ© Ă  l’entraĂźnement, prĂȘt Ă  avoir une meilleure hygiĂšne de vie, etc etc. Je ne me forçais pas Ă  faire les choses, tout Ă©tait un plaisir, j’étais en mission !

Le week-end dernier, la magie de Bercy se rĂ©itĂ©rait : comme en 2016, tu montes sur le podium des Championnats du Monde, au terme d’une belle finale. Qu’est-ce que ça fait de dĂ©crocher une nouvelle mĂ©daille de bronze sur l’une des plus prestigieuses compĂ©titions d’escalade ?

C’est une fiertĂ© de rĂ©ussir Ă  s’exprimer sur ce genre d’évĂ©nement ! C’est une revanche aussi sur l’évĂ©nement de la qualif aux JO, dans le sens oĂč, en gĂ©nĂ©ral, quand je cible un moment oĂč je veux perfer, il faut compter sur moi. À Toulouse lors du tournoi de qualification olympique, je n’avais pas su le faire
 Ça m’avait apportĂ© beaucoup d’interrogations, mais aujourd’hui je peux me dire que ce jour-lĂ , c’était un jour sans et que je n’ai pas perdu ma Grinta!

C’est ma troisiĂšme mĂ©daille sur des Championnats du monde, j’en suis vraiment content.

Justement, comme tu le dis, tu prouves une nouvelle fois que tu arrives Ă  ĂȘtre prĂ©sent sur des grands rendez-vous comme celui-ci. Comment expliques-tu cela ?

Si c’était facile Ă  expliquer
 Bon lĂ  ça fait 15 minutes que je cherche une rĂ©ponse Ă  cette question, mais je ne sais pas rĂ©ellement. Je pense juste que j’arrive Ă  ne pas ĂȘtre mangĂ© par l’enjeu et qu’au contraire il me fait du bien. Il y a aussi une partie de prĂ©paration mentale plus poussĂ©e, vu que c’est l’objectif dont on parle depuis septembre, c’est peut-ĂȘtre une des raisons


© IFSC

Comment as-tu vécu les finales de ces Championnats du Monde à Moscou ?

À la lecture, je me suis dit « le bloc 1, ça va ĂȘtre la guerre ! Une coordination de bras sur des mauvaises prises en dĂ©part no foot
 C’est vraiment pas lĂ  oĂč je vais pouvoir faire la diffĂ©rence Â». Et ma rĂ©ussite dans cette finale, c’est qu’à part Fujii, personne n’a rĂ©ussi Ă  faire ce bloc. Les autres blocs m’inspiraient bien plus et Ă  la lecture je ne me sentais pas trĂšs bien, je n’arrivais pas Ă  oublier ce bloc 1, j’avais l’impression que les autres blocs Ă©taient plus accessibles et n’allaient pas m’aider Ă  revenir dans la course si j’avais un bloc de retard.

Mais trĂšs vite, la finale a commencĂ© et ma peur du bloc 1 s’est vite effacĂ©e quand personne n’a eu la zone.

AprĂšs chaque bloc, l’entente avec les autres finalistes derriĂšre le mur Ă©tait vraiment amicale. On se montrait tous nos doigts en sang, ça rigolait bien, personne n’avait l’air stressĂ© de l’enjeu, j’ai toujours eu mon destin entre les mains pour rester sur le podium, j’étais serein. J’ai abordĂ© les blocs en Ă©tant sĂ»r de mes mĂ©thodes, je n’avais pas trop d’interrogation Ă  la lecture. J’étais prĂȘt Ă  grimper en finale des Championnats du Monde.

Comme je l’ai dit plus haut j’étais en mission, mais j’étais vraiment tranquille, je n’avais aucune nervositĂ©, je savais oĂč j’étais, ce que je faisais, bref, mentalement j’étais vraiment bien. Il a juste fallu gĂ©rer la pression qu’Alexey m’a mise sur le dernier bloc, mais je l’ai mise dans un coin de ma tĂȘte, j’ai essayĂ© de rester focalisĂ© le plus possible sur ma grimpe.

Tu as Ă©tĂ© trĂšs rĂ©gulier tout au long de la compĂ©tition : tu prenais la quatriĂšme place de ton groupe en qualification, avant de frapper fort en demi-finale en te classant deuxiĂšme du circuit, pour finir par une troisiĂšme place en finale. Comment expliques-tu cette rĂ©gularitĂ© ?

Je l’explique par tous les efforts et les progrĂšs qu’on a vu au cours des derniers mois. C’est sĂ»r que ce week-end, j’ai rĂ©alisĂ© la prestation la plus consistante de ma vie sur une compĂ©tition internationale : j’ai tenu le rythme pendant toute la compĂ©tition, sans avoir peur de me faire sortir, comme souvent. C’est une chose que l’on doit rĂ©ussir Ă  reproduire l’annĂ©e prochaine.

Quel est le moment le plus fort de cette compĂ©tition ?

Ça ne va pas ĂȘtre trĂšs original mais je pense que c’est l’enchaĂźnement du dernier bloc. C’est le moment oĂč tu sais que tu viens de faire le job, que tu as rĂ©ussi Ă  concrĂ©tiser ton annĂ©e, que tous tes choix ont Ă©tĂ© bons, que le coach et l’équipe ont le sourire, que tu sais qu’une boĂźte de Ferrero Rocher t’attend pour fĂȘter ça :p 
 C’est un moment de joie qui passe au-dessus de tout.

© IFSC

Kokoro Fujii, qui rafle le titre en Ă©tant le seul grimpeur Ă  enchaĂźner les quatre blocs de finale, Ă©tait-il atteignable selon toi ?

Franchement, pour moi, non. Il mĂ©rite ce titre, il a Ă©tĂ© solide toute l’annĂ©e et sur toute la compĂ©tition. En qualification, il Ă©tait dĂ©jĂ  le seul Ă  faire un bloc dans mon groupe et en plus Ă  vue. Sur un autre style de finale, il aurait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© atteignable, mais sur ce tour, il aurait Ă©tĂ© trĂšs trĂšs dur de le battre.

Comment envisages-tu la suite maintenant ? 

Pour l’instant, je me repose un peu, mais je vais reprendre l’entraĂźnement bientĂŽt. C’est sĂ»r que je serai en forĂȘt cet hiver, mais je ne sais pas encore oĂč, pas forcĂ©ment dans du trĂšs dur d’ailleurs, l’idĂ©e est de se faire plaisir.

Un dernier mot Ă  passer ?

Des remerciements Ă  tous les gens qui m’ont Ă©crit, Ă  mes partenaires, Ă  la fĂ©dĂ©ration, Ă  l’armĂ©e de terre, Ă  Arnaud, Manu et toute la team que je n’oublie pas, tous les gens proches de moi et Ă  Nico Januel Ă©videmment.

Voilà l’aventure continue 🙂

Interview : Anouck Jaubert revient sur les Jeux Olympiques, derniÚre compétition de sa carriÚre !

Anouck Jaubert Ă©tait l’une des quatre françaises Ă  prendre part Ă  l’aventure olympique Ă  Tokyo le mois dernier. Au terme d’une belle compĂ©tition, elle terminait 6Ăšme des premiers Jeux Olympiques de l’Histoire de l’escalade. Mais Ă  l’issue de cette compĂ©tition, la grimpeuse de 27 ans a dĂ©cidĂ© que les J.O Ă©taient la derniĂšre compĂ©tition de sa carriĂšre. Anouck tire ainsi un trait sur sa vie de compĂ©titrice pour se consacrer Ă  la fin de ses Ă©tudes et dĂ©couvrir la vie sous une autre facette.

AprÚs plus de dix ans de compétition à haut niveau et de nombreuses victoires en Coupe du Monde, Anouck Jaubert a marqué le monde de la vitesse.

La stéphanoise a accepté de revenir en détails sur la derniÚre compétition de sa carriÚre et de nous parler de la suite de sa vie.


Salut Anouck, comment te sens-tu aprĂšs ces Jeux Olympiques ?

Super bien, je suis en vacances depuis mon retour et j’en profite pour passer de bons moments avec mes proches !

Comment Ă©tait l’ambiance sur place Ă  Tokyo ?

L’ambiance Ă©tait globalement trĂšs bonne. Nous avons passĂ© une super semaine d’entraĂźnement Ă  Kurayoshi avant de rejoindre le village olympique. Chacun a ses propres besoins et sa propre maniĂšre de gĂ©rer les jours qui prĂ©cĂšdent une compĂ©tition importante. On Ă©tait parfois en dĂ©calĂ© mais tout Ă©tait mis en place pour qu’on puisse choisir le rythme qui nous convenait le mieux.

Sur la compĂ©tition, on se connaĂźt tous des Coupes du Monde, donc c’est forcĂ©ment sympa. Mais sur le format de compĂ©tition combinĂ© tout va trĂšs vite alors on n’a pas vraiment le temps de papoter ! Chacun est un peu dans sa concentration


© Jon Glassberg/Louder Than 11

Avant d’arriver Ă  Tokyo, ton aventure olympique a Ă©tĂ© mouvementĂ©e : tu apprenais ta qualification en plein confinement, grĂące Ă  l’attribution de la place de la commission tripartite, puis tu Ă©tais contrainte de te faire opĂ©rer suite Ă  une blessure Ă  la cheville, quasiment un an jour pour jour avant les J.O. Te rends-tu compte de ce parcours incroyable que tu as vĂ©cu avant d’arriver Ă  Tokyo ?

C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de rebondissements dans cette aventure olympique. J’ai eu la chance d’ĂȘtre trĂšs bien entourĂ©e avec la petite Ă©quipe que j’avais formĂ©e autour de moi (Mike Fuselier, Thibault Leroux Mallouf et Simon Giraud). C’est ensemble que nous avons pris toutes les dĂ©cisions (stratĂ©gie d’entraĂźnement, opĂ©ration, rĂ©Ă©ducation, choix des compĂ©titions
) et mes performances sur ces Jeux montrent qu’elles ont Ă©tĂ© bonnes. Je n’ai jamais cessĂ© d’y croire (pour ma sĂ©lection dans un premier temps, puis pour ma rĂ©Ă©ducation) et ça a payĂ© !

Lors du premier jour, aprĂšs avoir assurĂ© la deuxiĂšme place en vitesse, c’est notamment en enchaĂźnant le bloc 1 des qualifications que tu empochais ton ticket pour les finales olympiques. Qu’as-tu ressenti en apprenant la nouvelle ?

J’ai fondu en larmes en voyant que j’étais officiellement 8Ăšme et donc en finale. Car ma 2Ăšme place en vitesse rĂ©duisait sacrĂ©ment la probabilitĂ© que je sois en finale. Mais j’ai su faire mentir les statistiques en allant chercher deux belles places en bloc et en difficultĂ©. Je suis ravie que les trois disciplines soient entrĂ©es en compte pour mon passage en finale. LĂ  encore, un exemple qui valide les choix stratĂ©giques Ă  l’entraĂźnement !

Comment as-tu gĂ©rĂ© la journĂ©e de repos entre les qualifications et la finale ?

Le retour aprĂšs la soirĂ©e de qualification a Ă©tĂ© tardif. Et avec les messages et l’excitation, la nuit a Ă©tĂ© plutĂŽt courte
 L’objectif principal de cette journĂ©e Ă©tait bien sĂ»r de rĂ©cupĂ©rer ! Car oui les qualifications avaient laissĂ© des traces (notamment mes combats en bloc et diff). J’ai passĂ© un moment en soin avec Pascal (le kinĂ©) pour me dĂ©tendre ; j’ai utilisĂ© les bains froids pour amĂ©liorer la rĂ©cupĂ©ration cutanĂ©e ; je me suis reposĂ©e
 J’ai planifiĂ© ma journĂ©e de finale avec tous les dĂ©tails comme j’aime le faire. Je me suis ressourcĂ©e avec mes proches. Il y avait la finale des hommes avec Micka en fin de journĂ©e ; j’ai fait le choix de la regarder depuis le village (Ă  la TV) pour garder un maximum d’énergie
 Frustrant mais nĂ©cessaire pour ma propre compĂ©tition.

Tu t’étais prĂ©parĂ©e pendant de longs mois pour arriver dans la forme de ta vie physiquement et mentalement, afin d’ĂȘtre prĂȘte le jour J de la compĂ©tition. Penses-tu que c’était le cas ?

Je bats deux fois (presque trois
) mon record personnel en vitesse et je bats quelques-unes des meilleures mondiales dans leur discipline de prĂ©dilection. Donc on peut dire que oui ! Que ce soit sur le plan physique, technique, tactique ou mental, j’étais au maximum que je pouvais atteindre pour ces J.O.

© IFSC

En finale de la vitesse, tu faisais face Ă  Aleksandra Miroslaw, qui semblait particuliĂšrement en forme. Or, une premiĂšre place en vitesse pouvait tout changer pour toi. Qu’as-tu pensĂ© quelques secondes avant de te lancer dans ce duel ?

Je pensais simplement Ă  voler sur le mur, Ă  tout lĂącher pour aller toucher ce buzzer le plus vite possible !

Peux-tu nous faire revivre avec tes mots ton impressionnant run de finale face Ă  la polonaise ?

Difficile justement de dĂ©crire le run car en Ă©tant Ă  fond je n’ai pas le temps de savoir ce qui se passe ! Je sentais que j’allais vite et j’avais pour seule intention d’accĂ©lĂ©rer ! Je savais Ă©videmment qu’on Ă©tait cĂŽte Ă  cĂŽte
 Sur le dernier mouvement, il fallait vite lĂącher la main gauche pour aller au buzzer et je n’ai malheureusement pas eu le temps de saisir la prise correctement pour dĂ©clencher le mouvement


© IFSC

À la sortie du bloc 1 des finales, tu Ă©tais en deuxiĂšme position de cette Ă©preuve, devant des grimpeuses de renom comme Akiyo Noguchi ou Miho Nonaka, spĂ©cialistes de cette discipline. À ce moment-lĂ , Ă  quoi penses-tu ?

Incroyable !!!! Je crois que c’était un des meilleurs moments de ces J.O ! Je n’en revenais pas de voir les filles revenir derriĂšre le mur en ayant fait moins bien que moi (on avait un Ă©cran avec le classement qui s’actualisait au fur et Ă  mesure). Jessica « yes cool Â», Miho « waouh Â», Chaehyun « oh la la c’est fou », Akiyo « mais noooon Â», Brooke « incroyable Â», et 
 non pas Janja faut pas abuser quand mĂȘme !!! Ha ha

Évidemment j’étais Ă  fond et je me prĂ©parais Ă  aller casser les blocs 2 et 3 !! Bon, on connaĂźt la suite de l’histoire maintenant et le classement a repris un ordre plus « attendu Â»â€Š Mais je suis super fiĂšre d’avoir devancĂ© ces filles sur un bloc ; tout le monde ne peut pas s’en vanter đŸ˜‰

As-tu une anecdote Ă  nous raconter sur ces J.O ?

Étant en permanence avec du monde pendant 15 jours, j’étais super frustrĂ©e de ne pas pouvoir chanter et danser sur les musiques que j’aime
 Le matin des qualifications j’ai enfin pu profiter de l’absence de mes colocs de l’appart pour me faire une petite chorĂ©graphie improvisĂ©e ; ça m’a fait un bien fou !

Quel est ton plus beau souvenir de cette compĂ©tition ?

Je garderai simplement en mĂ©moire le plaisir que j’ai pris Ă  chaque instant sur cette compĂ©tition !

© IFSC

Si tu devais tirer un bilan de tes Jeux Olympiques, que retiendrais-tu ?

Un record personnel en vitesse, un top incroyable en bloc, un repos en grand Ă©cart en diff, des gros combats, bref le fait de me surpasser dans tous les domaines ! Mais aussi tout le chemin qui m’a menĂ©e Ă  cette compĂ©tition, le travail, les Ă©motions dĂ©cuplĂ©es, les sourires, les larmes et le soutien incroyable venant de France !

Ressort-on grandi en tant que sportif en repartant des Jeux Olympiques ?

Bien sĂ»r, ça a Ă©tĂ© une aventure incroyable. C’est la compĂ©tition que j’avais la plus prĂ©parĂ©e de toute ma vie. J’ai aussi constatĂ© tout l’engouement que cet Ă©vĂ©nement a crĂ©Ă© autour de moi. On sentait que c’était une compĂ©tition « diffĂ©rente Â». J’ai beaucoup travaillĂ©, beaucoup appris pendant ma prĂ©paration et ça m’a permis de m’exprimer au mieux le jour J. C’est trĂšs satisfaisant de voir ses efforts rĂ©compensĂ©s !

À Paris en 2024, la vitesse sera une discipline olympique Ă  part entiĂšre, or, on a lu que les J.O de Tokyo pourraient ĂȘtre la derniĂšre compĂ©tition de ta carriĂšre. Peux-tu nous en dire plus sur ta façon d’envisager l’avenir ?

Eh oui, pour le plaisir de tous, l’escalade de vitesse aura sa propre mĂ©daille et ça promet une magnifique compĂ©tition !! Je ne me lance pas sur ce projet mais je suivrai ça de prĂšs et si mon expĂ©rience peut apporter aux futurs olympiens, je la partagerai avec plaisir. AprĂšs 10 ans de sport de haut niveau je vais me tourner vers toutes les autres belles choses de la vie qui m’attendent : dĂ©couvrir de nouvelles activitĂ©s, avancer dans mes projets avec ma chĂ©rie, finir mes Ă©tudes


© Jon Glassberg/Louder Than 11

Ces Jeux Olympiques ont propulsĂ© l’escalade sur le devant de la scĂšne mĂ©diatique et beaucoup de tĂ©lĂ©spectateurs ont Ă©tĂ© notamment impressionnĂ©s par l’épreuve de vitesse. En tant que spĂ©cialiste de cette discipline, qu’en penses-tu ?

Ce n’est pas Ă©tonnant ; notre discipline est palpitante puisqu’il peut y avoir de nombreux rebondissements dans un temps trĂšs court ! Le principe des duels se comprend trĂšs facilement et la dimension « verticale Â» impressionne. Il y a parfois aussi l’aspect esthĂ©tique qui ressort : avec la fluiditĂ© de mouvement, certains parlent mĂȘme de chorĂ©graphie


As-tu un dernier mot Ă  passer ?

Je vais profiter de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont apportĂ© leur pierre Ă  l’édifice !

Je commence par le trio d’enfer qui m’a accompagnĂ© dans cette aventure olympique : Mike (Fuselier), Simon (Giraud) et Thibault (Leroux Mallouf) ; ils m’ont poussĂ©e Ă  dĂ©passer mes limites avec rigueur, dĂ©termination, joie et bienveillance ; c’était du pur bonheur de travailler avec eux ! MERCI

Merci au staff prĂ©sent Ă  Tokyo : CĂ©cile (Avezou), Sylvain (Chapelle), Laurent (Lagarrigue), Pascal (François) ; ils ont tout fait pour rĂ©pondre Ă  mes besoins et me permettre de m’exprimer au mieux !

Merci Ă  ceux qui ont organisĂ© notre sĂ©jour Ă  Kurayoshi : Farid, Satoshi, Keiko, Fumiko
 ; nous avons Ă©tĂ© accueillis comme des rois, dans les meilleures conditions pour s’entraĂźner et avec un soutien sans faille !

Merci Ă  la FFME qui a cru en moi et m’a soutenue pendant de nombreuses annĂ©es.

Merci Ă  tous les copains pour le soutien et merci spĂ©cial Ă  Victoire (Andrier) qui a largement participĂ© Ă  Ă©gayer mon sĂ©jour japonais avec tous nos Ă©changes !

Merci Ă  mon club, Escapilade, qui m’a fait dĂ©couvrir l’escalade puis qui m’a suivie et soutenue dans tous mes projets.

Petit clin d’Ɠil au club Albanais Vertical qui m’a permis d’accĂ©der au mur pour de nombreux entraĂźnements ; merci pour l’accueil chaleureux.

Merci Ă  la ville de Saint-Etienne, au comitĂ© dĂ©partemental et au dĂ©partement de la Loire ainsi qu’à la rĂ©gion RhĂŽne-Alpes pour l’aide qu’ils m’ont apportĂ©e durant toutes ces annĂ©es !

Merci Ă  ma famille qui m’a laissĂ© vivre mes aventures et toujours encouragĂ©e !

Merci à Climb up pour leur soutien cette année.

Merci Ă  la Caisse d’Epargne Loire DrĂŽme ArdĂšche ; leur accompagnement ces deux derniĂšres annĂ©es a fait la diffĂ©rence.

Merci Ă  tous les entraĂźneurs du pĂŽle France, aux entraĂźneurs nationaux et Ă  tous ceux qui ont pu me glisser un conseil Ă  un moment ou Ă  un autre ! Je me suis nourrie de chaque petit Ă©lĂ©ment pour grandir.

Merci Ă  TSF (Tremplin Sport Formation) pour les superbes infrastructures et le dynamisme sur le site d’entraĂźnement Ă  Voiron !

Merci aux collĂšgues d’entraĂźnement pour tous les bons moments passĂ©s ensemble et pour toutes les galĂšres surmontĂ©es !

Merci Ă  l’école de kinĂ©sithĂ©rapie de Grenoble qui m’a permis d’amĂ©nager au mieux mon double projet ; merci en particulier Ă  ma tutrice Sophie Barth qui a toujours trouvĂ© les solutions pour moi.

Merci à ma chérie, Marion, qui a vécu cette aventure (et toutes les contraintes que cela implique) avec moi et a été un vrai pilier.

Enfin merci Ă  tous ceux qui m’ont encouragĂ©e, soutenue et qui ont vibrĂ© avec moi pendant ces JO et pendant ces 10 ans de compĂ©tition. Ça fait chaud au cƓur !

Retour sur les JO de Tokyo avec Sylvain Chapelle, responsable de la préparation olympique

Quelques jours aprĂšs la fin des premiers JO de l’histoire de l’escalade, nous sommes allĂ©s Ă  la rencontre de Sylvain Chapelle, responsable de la prĂ©paration olympique de l’équipe de France d’escalade, pour faire le bilan de la performance de nos grimpeurs tricolores.


Comment te sens-tu quelques jours aprùs la fin de ces premiers JO pour l’escalade ?

Écoute, trĂšs fier d’avoir participĂ© Ă  cette premiĂšre pour l’escalade aux JO. Content de lĂ  oĂč on est arrivĂ© et de tout le chemin parcouru. L’aventure a commencĂ© il y a presque 5 ans avec beaucoup d’incertitudes sur le format, sur le processus de qualifications, sur les athlĂštes qu’on allait avoir, et au bout du compte j’ai l’impression qu’on s’en est plutĂŽt bien sorti. Et du coup, pour rĂ©pondre Ă  la question : bien fatiguĂ© de cette aventure quand mĂȘme.

Peux-tu nous présenter le staff qui accompagnait les athlÚtes à Tokyo ?

Alors pour te prĂ©senter le staff: il y avait CĂ©cile Avezou qui est entraĂźneuse nationale sur la difficultĂ©, Laurent Lagarrigue qui est entraĂźneur national sur le bloc, Pascal François notre kinĂ© et moi-mĂȘme en tant qu’entraĂźneur national de la vitesse mais Ă©galement responsable de la prĂ©paration olympique.

Et puis on avait aussi un staff qui Ă©tait restĂ© en France et qui Ă©tait scindĂ© en deux : un cĂŽtĂ© qui Ă©tait plutĂŽt axĂ© sur tout ce qui Ă©tait jugement, avec des juges internationaux et d’un autre cĂŽtĂ© le pĂŽle plus technique/entraĂźnement avec des entraĂźneurs nationaux. Il y avait François Leonardon, JĂ©rĂŽme Chapelle, Vincent CaussĂ© et Emilie Gheux qui Ă©taient sur l’aspect jugement et organisation de compĂ©tition, et cĂŽtĂ© entraĂźnement on avait Nico Januel qui est entraĂźneur national sur le bloc, Romain Desgranges qui est adjoint de CĂ©cile sur la diff et Esther Bruckner qui est entraĂźneuse nationale de vitesse jeunes et qui bosse trĂšs souvent avec moi. Donc on Ă©tait en liaison permanente avec eux, on pouvait leur poser des questions et de leur cĂŽtĂ© ils nous faisaient des retours dans leurs domaines respectifs.

Et bien entendu, en plus, il y avait Damien You, directeur des équipes de France et Pierre Henry Paillasson, DTN, qui nous ont rejoints quand on est arrivé sur le village olympique le 28 juillet.

L’équipe de France et le staff, au dĂ©part de Paris et en direction du Japon.

PremiĂšre question classique, que penses-tu des rĂ©sultats de notre Ă©quipe de France sans rentrer dans une analyse technique que nous verrons aprĂšs ? Tu t’y attendais ?

Oui bien sĂ»r ! PlutĂŽt content des rĂ©sultats qu’ont pu faire nos athlĂštes. Ce sont des rĂ©sultats plutĂŽt satisfaisants dans l’ensemble mĂȘme si, forcĂ©ment, on attend une mĂ©daille, surtout qu’on n’est pas passĂ© trĂšs loin, Ă  la fois chez les garçons et chez les filles. Mais ça fait partie du jeu. Si on veut y arriver, il faut que les choses se passent bien sur plusieurs domaines, surtout pour cette discipline du combinĂ© oĂč on ne maĂźtrise pas tout. Il y a des choses qui ne dĂ©pendent pas que de nous et du sportif, mais qui dĂ©pendent aussi de la physionomie de la compĂ©tition et notamment des rĂ©sultats des autres.

Beaucoup pensaient qu’on ne ferait pas grand chose sur ces Jeux, je crois que les athlĂštes ont bien dĂ©montrĂ© le contraire. Et on est vraiment passĂ© proche de faire des mĂ©dailles. Il y a un cĂŽtĂ© frustrant, c’est sĂ»r, on reste sur notre faim car j’attendais plus, forcĂ©ment, mais je suis quand mĂȘme trĂšs content de ce qui a Ă©tĂ© accompli. AprĂšs libre Ă  chacun d’interprĂ©ter les rĂ©sultats comme il l’entend.

Comment se sont passĂ©es les journĂ©es avant le dĂ©but des qualifs ? Comment tu as gĂ©rĂ© ça en tant que responsable de la prĂ©paration olympique ? 

On est parti le 19 juillet direction Kurayohi, c’est lĂ  qu’on avait dĂ©jĂ  fait des camps d’entraĂźnement notamment en 2019 avant les Championnats du Monde. J’étais en relation depuis trois ans avec les personnes sur place pour organiser tout ça et je savais qu’on pourrait faire ce qu’on voulait ici et que l’on avait toutes les installations nĂ©cessaires.

Sur place, on s’est entraĂźnĂ© jusqu’au 28, l’idĂ©e c’était Ă  la fois d’absorber le dĂ©calage horaire, mais aussi de s’acclimater Ă  la chaleur, car mĂȘme si c’était moins humide qu’à Tokyo, il faisait quand mĂȘme trĂšs chaud. Et enfin, dernier objectif, monter en pression petit Ă  petit en direction des Jeux sans arriver directement aux JO en passant du petit cocon qu’on a en France au village olympique. L’idĂ©e c’était donc de faire un petit sas de dĂ©compression qui permettait de tranquillement se prĂ©parer, et de pouvoir, pour nous, Ă©tablir une connexion avec les athlĂštes au quotidien. Et ça c’est plutĂŽt trĂšs bien passĂ©.

Dernier jour Ă  Kurayohi, avant de prendre la direction de Tokyo.

Le 28 on a donc pris le chemin du village olympique, et, lĂ  changement d’ambiance radicale ! Mais on le savait, c’est une expĂ©rience Ă  part entiĂšre. Ça a bien fonctionnĂ©, ça nous a permis d’arriver au dĂ©but des Ă©preuves sans avoir accumulĂ© une fatigue mentale trop importante.

Comment on gĂšre les athlĂštes ? Ça a Ă©tĂ© trĂšs diffĂ©rent pour les uns et pour les autres, ils Ă©taient quatre avec quatre profils diffĂ©rents. L’idĂ©e ça a Ă©tĂ© de rendre les choses les plus simples pour chacun donc on a essayĂ© de s’adapter Ă  ce dont ils avaient besoin pour faire en sorte qu’ils arrivent dans les meilleures dispositions, avec un bon capital confiance.

On va parler un peu analyse technique. Si en qualif, les frÚres Mawem et Anouck Jaubert font le job, Julia Chanourdie passe un peu à cÎté : quelle analyse en fais-tu pour Julia ?

En qualif, les frĂšres Mawem et Anouck, ils ne font pas le job
 ils font un super job ! Ce n’est pas simple de grimper Ă  son meilleur niveau sur les JO. Anouck et Bassa ont battu leur record perso, donc c’est un super job ! Et puis Micka, il a juste Ă©tĂ© Ă©norme sur ces qualifications, surtout en bloc, mais il a aussi Ă©tĂ© trĂšs bon en vitesse et plutĂŽt bon en diff !

Tous les trois font quelque chose de magnifique, vraiment, ils Ă©taient au-dessus de leur niveau. Effectivement, Julia passe un peu Ă  cĂŽtĂ©, sauf en vitesse oĂč elle a Ă©tĂ© performante puisqu’elle bat son record perso. En bloc c’était plus dur pour elle, c’étaient des blocs qui ne lui convenaient pas vraiment, elle a eu des difficultĂ©s Ă  s’en sortir, et on le sait : le bloc, quand ça ne marche pas au dĂ©but du circuit, ce n’est pas simple de se remobiliser, et la difficultĂ© n’aura pas suffi Ă  sauver son classement
 Donc oui, c’étaient des qualifications compliquĂ©es pour rĂ©sumer


Un circuit de blocs qui n’aura pas convenu Ă  Julia Chanourdie. © IFSC

En finale, mĂȘme question, quelle analyse fais-tu des performances de Micka et Anouck ?

Deux choses un peu diffĂ©rentes. Pour Micka, on savait que le tableau de vitesse Ă©tait un peu compliquĂ© pour lui : il prend en deuxiĂšme run Tomoa, le meilleur performeur, Bassa n’étant pas lĂ . Il se fait battre Ă  pas grand chose et c’était Ă  sa portĂ©e. Ensuite, on savait qu’il avait de la marge pour faire troisiĂšme sur son dernier run de vitesse et il a rĂ©ussi Ă  ne pas rater ça, mĂȘme en faisant une erreur, il parvient Ă  se remobiliser pour ne pas finir quatriĂšme. En bloc, un peu déçu car on espĂ©rait mieux vu ce qu’il avait fait l’avant-veille oĂč il nous avait fait halluciner. Il fait le premier bloc rapidement, et le deuxiĂšme il trouve la solution mais il n’arrive pas Ă  concrĂ©tiser, et puis le troisiĂšme bloc ne servait Ă  rien, donc ça s’est jouĂ© sur deux blocs, Ă  l’avantage de l’amĂ©ricain Coleman.

Pour Anouck, sur la vitesse, ça se passe bien jusqu’en finale face Ă  la polonaise Aleksandra Miroslaw, qui est une trĂšs forte compĂ©titrice, on ne va pas se le cacher. Elle fait peu de compĂ©tition, mais par contre elle est trĂšs trĂšs forte, elle nous avait montrĂ© qu’elle Ă©tait trĂšs rapide en qualif, en Ă©tant Ă  un centiĂšme du record du monde. Anouck est revenue en force sur la vitesse ces derniĂšres semaines, on savait que c’était jouable, mais ça ne l’a pas fait, il n’aura pas manquĂ© grand chose ! Dans son run de finale, elle est devant la polonaise sur la mise en action au dĂ©part, elle est toujours devant au milieu de la voie sur la reprise du jump, mais elle perd du terrain sur la fin. Elle termine deuxiĂšme et on savait que ça allait ĂȘtre compliquĂ© pour la suite de la compĂ©tition. Elle donne tout sur le bloc, elle s’en sort pas mal mais il manque la petite finition. Et puis en difficultĂ©, elle tient sa place, les autres sont beaucoup plus fortes qu’elle, elle a fait le max pour aller chercher une place.

En finale, Anouck Jaubert prenait un meilleur dĂ©part qu’Aleksandra Miroslaw, avant de se faire rattraper par la polonaise sur la fin du tracĂ© © IFSC

Suite Ă  la blessure de Bassa, comment trouves-tu les mots pour que l’équipe reste soudĂ©e et focus ?

On ne fait rien d’extraordinaire, on explique clairement les choses Ă  tout le monde, surtout Ă  Micka, car on sait qu’ils ont une relation fusionnelle. On ne lui avait rien dit avant son run de qualif en diff, mais par contre tout de suite Ă  la sortie, je le rĂ©cupĂšre pour aller voir son frĂšre, pour lui expliquer et le rassurer, afin d’éviter que ça ne cogite trop.

Et puis pour le garder dans le game, on lui explique qu’il a super bien commencĂ© le travail mais qu’il a un boulot Ă  finir, donc rĂ©cupĂ©ration et remobilisation pour la finale du surlendemain. C’était important de bien rester dans ses baskets pour pouvoir continuer Ă  perfer. Ce sont les mots qu’on a eus, mais ce sont aussi ceux de Bassa, qui croit en son frĂšre. Donc on n’a pas eu trop de difficultĂ©s pour le garder bien mobilisĂ© pour la suite.

MalgrĂ© le forfait de son frĂšre, le staff français a tout fait pour que Micka reste concentrĂ© jusqu’au bout de la compĂ©tition © IFSC

Durant les quatre jours de compĂ©tition, as-tu rĂ©ussi Ă  dormir ou te refaisais-tu les journĂ©es en boucle dans ta tĂȘte ? Comment fais-tu pour gĂ©rer ça ?

(Rire), on ne dort pas beaucoup
 La compĂ©tition commençait Ă  17h, ça se terminait Ă  22h30/23h00, on rentrait ensuite en bus pendant 20 minutes, on mangeait, ensuite petit dĂ©briefing avec le staff sur la journĂ©e qui s’était Ă©coulĂ©e et sur la journĂ©e suivante, on prenait aussi des infos de nos collĂšgues restĂ©s en France pour voir comment ils avaient vĂ©cu la compĂ©tition et avoir un max d’infos Ă  donner Ă  nos athlĂštes pour la suite de la compĂ©tition. Ensuite, moi, je n’arrivais pas Ă  dormir donc j’allais courir un moment, j’étais un peu tout seul Ă  courir dans le village Ă  1h00 du mat, mais au moins ça me permettait d’évacuer toute la charge mentale qu’on prenait la journĂ©e, ça faisait vraiment du bien.

Je ne me suis pas trop refait la compĂ©tition dans la tĂȘte aprĂšs les qualifs, par contre aprĂšs la finale de Micka c’était autre chose. Clairement je n’aime pas perdre, je suis un compĂ©titeur comme nos athlĂštes et je n’ai pas la dĂ©faite trĂšs bonne en moi, donc il a fallu accepter, ça a Ă©tĂ© un peu long ce soir-lĂ , mais il a fallu vite se remettre dedans car le lendemain il y avait Anouck qui avait besoin de nous. Il a fallu passer Ă  autre chose, on s’est couchĂ© tard, mais une fois qu’on est couchĂ© on pense Ă  la suite et on donne le max pour aider Anouck Ă  perfer au mieux le lendemain.

On est obligé de te parler un peu de Janja Garnbret, quelles sont ses plus grosses qualités selon toi pour écraser la concurrence et notamment en bloc ? Comment lutter face à une athlÚte de cette envergure ?

Je crois que de toute façon elle est forte depuis un moment, elle a peu de domaines de faiblesse, c’est une athlĂšte super complĂšte sur cette Ă©preuve, et ce n’est pas qu’en bloc. En vitesse, elle a beaucoup progressĂ© et elle est trĂšs bonne, et en diff elle est excellente. Comment lutter ? Elle a Ă©tĂ© clairement plus forte lĂ . Mais on a vu aussi qu’en qualif, la pression a Ă©tĂ© dure Ă  tenir, donc ça fait peut-ĂȘtre partie des clĂ©s aussi.

Quelle est la suite pour toi maintenant ?

Un peu de vacances, retrouver ma femme et mes filles qui ont bien besoin que je sois prĂ©sent. Ensuite, il y aura le Championnat du Monde qui va arriver rapidement en septembre, puis les Coupes du Monde de vitesse qui seront sur le mois d’octobre. Pas mal de boulot en perspective donc
 Et ensuite, il faudra aussi rapidement s’atteler Ă  la tĂąche de Paris 2024. On a du travail, on veut qualifier des athlĂštes et on veut ĂȘtre performant Ă  Paris, que ce soit en vitesse ou sur le futur combinĂ© bloc/diff.

Les J.O de Tokyo sont terminés, place maintenant à Paris 2024.

Un dernier mot Ă  ajouter ?

Un grand merci aux athlĂštes pour l’expĂ©rience qu’ils nous ont permis de vivre tous ensemble, on s’est vraiment Ă©clatĂ© pendant les trois semaines oĂč on a Ă©tĂ© ensemble. Merci aussi Ă  tous les athlĂštes qui ont jouĂ© le jeu de Tokyo avant, je pense notamment Ă  Manu Cornu, Fanny Gibert, Alban Levier
 Ils sont nombreux Ă  avoir essayĂ© de jouer le jeu des JO. Une petite pensĂ©e pour Luce aussi qui voulait tenter cette aventure. Un petit mot Ă©galement pour l’ensemble du staff qui Ă©tait prĂ©sent Ă  Tokyo et avec qui j’ai passĂ© de super moments partagĂ©s avec les athlĂštes. Alors bien sĂ»r, il y a toujours des difficultĂ©s Ă  un moment, mais on a toujours Ă©tĂ© lĂ  pour nos athlĂštes et pour les amener le plus loin possible dans la performance, c’était le mot d’ordre ! Merci aux collĂšgues restĂ©s en France qui nous ont vraiment aidĂ©s, merci Ă  la FFME d’avoir soutenu ce projet olympique depuis cinq ans, et enfin merci Ă  nos supporters qui nous ont beaucoup aidĂ©s et qui ont beaucoup aidĂ© l’escalade dans son ensemble.

Micka Mawem nous raconte ses Jeux Olympiques !

Micka Mawem a fiĂšrement reprĂ©sentĂ© la France lors des premiers Jeux Olympiques d’escalade Ă  Tokyo. AprĂšs avoir remportĂ© les qualifications, il terminait finalement 5Ăšme de cette compĂ©tition, passant Ă  un cheveu d’une mĂ©daille.

Tout juste rentrĂ© en France et alors qu’il prĂ©pare l’ouverture de sa salle d’escalade en Alsace, Micka Mawem a acceptĂ© de revenir en exclusivitĂ© pour nous sur cette folle aventure qu’ont Ă©tĂ© les J.O.


Alors Micka, comment te sens-tu aprĂšs ces premiers Jeux Olympiques ?

Je me sens libĂ©rĂ©, parce que ça fait beaucoup de temps qu’on s’entraĂźne spĂ©cialement pour cet objectif lĂ  avec mon frĂšre, d’autant plus qu’avec le Covid, ça a rallongĂ© encore plus la pĂ©riode d’entraĂźnement. Donc oui, je me sens libĂ©rĂ©. Et je peux maintenant passer Ă  autre chose et Ă  un autre objectif. Mais sinon, ça va plutĂŽt bien et je suis trĂšs occupĂ© en ce moment !

Raconte-nous comment tu as vĂ©cu la journĂ©e de repos entre les qualifs et la finale. Comment t’es-tu prĂ©parĂ© ?

Entre les qualifications et la finale, la prioritĂ© c’était de rĂ©cupĂ©rer du mieux possible pour ĂȘtre en forme. Le programme c’était donc : des bains froids, du sommeil, bien manger, faire des sĂ©ances de kinĂ©, etc etc
 RĂ©cupĂ©rer Ă©tait devenu ma seule prioritĂ©. J’ai aussi organisĂ© un peu la suite avec mon frĂšre, par rapport Ă  sa blessure, parce qu’il y a du boulot Ă  faire pour qu’il se remette vite et bien. Et j’ai aussi essayĂ© de rĂ©pondre Ă  un maximum de personnes sur les rĂ©seaux sociaux, parce que dĂšs les qualifications, il y a eu un engouement incroyable. Donc je ne me suis pas ennuyĂ© !

Micka Mawem a brillé au pays du soleil levant © IFSC

Mentalement, ce n’était pas trop difficile avec ton frĂšre blessĂ© ?

C’est sĂ»r que ce n’était pas facile de voir mon frĂšre blessĂ© aprĂšs la qualif. Je l’ai vu aprĂšs mon run de diff. Il n’était pas bien, c’était vraiment pas top. J’ai dĂ» cacher tout cela devant les mĂ©dias et faire comme s’il ne s’était rien passĂ©. C’était vraiment dur. Mais avec Bassa, on va de l’avant depuis toujours, c’est-Ă -dire qu’on peut pleurer, on peut ĂȘtre déçu, on peut ressentir de la tristesse, mais tout de suite, on se projette vers l’avenir et on se dit « ok qu’est-ce qu’il faut faire ? Â». Moi je devais me concentrer sur la finale, mais on a tout de mĂȘme discutĂ© ensemble sur la suite des Ă©vĂ©nements pour Bassa: que faire ? Quand se faire opĂ©rer ? OĂč ? etc etc. On s’est tout de suite tournĂ© vers l’avenir.


Je ne suis pas déçu du tout. Bien sĂ»r, on veut toujours plus, mais je suis content de ma performance. Â»


En finale, la médaille ne se joue à rien
 Pas de regret ?

Oui, la finale ne se joue Ă  rien ! À seulement une petite place en bloc
 Le combinĂ© a fait que ça n’a pas Ă©tĂ© les grimpeurs les plus polyvalents qui ont Ă©tĂ© sur le podium. Les mĂ©daillĂ©s sont ceux qui ont remportĂ© chacun une Ă©preuve: Alberto, vainqueur en vitesse, Nathaniel, vainqueur en bloc et Jakob, vainqueur en difficultĂ©. Il fallait donc remporter une discipline. Et je suis vraiment passĂ© Ă  pas grand chose de le faire, mais c’est le jeu de la compĂ©tition. Tout le monde s’est battu, tout le monde s’est entraĂźnĂ© pour avoir cette mĂ©daille. Je ne suis pas déçu du tout. Bien sĂ»r, on veut toujours plus, mais je suis content de ma performance, je suis content de notre performance avec mon frĂšre. Nous sommes allĂ©s loin dans cette compĂ©tition, on a fait vibrer tout le monde, on a vibrĂ© nous-mĂȘme, il y avait plein d’émotions, tout Ă©tait possible ! Et une cinquiĂšme place aux Jeux Olympiques ? Je n’ai pas Ă  m’en vouloir : c’est top !

La mĂ©daille s’est peut-ĂȘtre jouĂ©e sur ce mouvement, dans le bloc 2 des finales, que Micka Mawem a presque rĂ©ussi Ă  contrĂŽler © IFSC

La bonne entente entre grimpeurs Ă©tait-elle la mĂȘme que sur les autres compĂ©titions ou est-ce qu’au contraire tu sentais de la rivalitĂ© ?

L’ambiance Ă©tait top, on Ă©tait en petit comitĂ©, j’étais presque surpris. C’était trĂšs amical, comme d’habitude et comme on le connaĂźt en escalade. Ça reste une petite communautĂ©, trĂšs familiale, basĂ©e sur l’entraide. AprĂšs, on sentait qu’il y avait un peu plus d’envie et un peu plus de stress que par rapport aux autres compĂ©titions, mais ça ne changeait aucunement les rapports qu’on avait entre nous.


Je ressors des Jeux en me disant « ok, je mĂ©ritais cette place lĂ  Â» et ça me booste Ă  fond pour la suite ! Â»


Une petite anecdote Ă  nous raconter sur ces J.O ?

Une petite anecdote ? On nous a pris pour des skateurs ! Avec Bassa nous avions tous les deux nos skates Ă©lectriques et on se baladait comme ça dans le village olympique, qui Ă©tait d’ailleurs immense ! Et c’était marrant, toutes les autres Ă©quipes pensaient qu’on Ă©tait des skateurs, vu que le skate faisait sa premiĂšre apparition aux Jeux Olympiques cette annĂ©e. On avait donc la double casquette : skateurs et grimpeurs.

La cohĂ©sion entre les FrĂšres Mawem est sans doute l’une de leurs plus grandes forces © Jon Glassberg / Louder than 11

Quel est ton plus beau souvenir ? Ta plus belle rencontre ?

Ces trois semaines passĂ©es avec le staff français, composĂ© de Sylvain Chapelle, CĂ©cile Avezou, Laurent Lagarrigue, Pascal notre kinĂ©, Damien You et Pierre-Henri Paillasson, ainsi que les athlĂštes, Julia, Anouck et Bassa, vont rester gravĂ©es. On a passĂ© des moments extraordinaires ensemble. Nous Ă©tions dans une bulle olympique tous ensemble et c’était gĂ©nial. On a appris Ă  se connaĂźtre encore plus et c’était vraiment top de vivre ça ensemble. Il y avait un gros objectif, certes, mais les Ă -cĂŽtĂ©s Ă©taient top. Tous les japonais ont aussi Ă©tĂ© d’une aide Ă©norme et prĂ©cieuse.

Est-ce que ces J.O vont changer quelque chose pour toi ?

Pas Ă©normĂ©ment. Pour moi les Jeux Olympiques ont confirmĂ© ce que j’ai toujours voulu avoir en compĂ©tition. Avec mon frĂšre on s’entraĂźne Ă©normĂ©ment et on se considĂšre comme des sportifs de trĂšs haut niveau. Et ce qu’on a vĂ©cu aux Ă  Tokyo confirme tout le travail que l’on met en place chaque jour. Donc je ressors des Jeux en me disant « ok, je mĂ©ritais cette place lĂ  Â» et ça me booste Ă  fond pour la suite ! J’étais dĂ©jĂ  motivĂ© avant, mais lĂ  je le suis encore plus !

Pour Paris 2024, ça sera vitesse ou combiné bloc/diff ?

Pour Paris 2024, ça va ĂȘtre le combinĂ© bloc/diff pour moi. J’étais tentĂ© de me mettre au dĂ©fi et de me concentrer exclusivement Ă  la vitesse, mais aujourd’hui, le niveau est vraiment trop Ă©levĂ© pour que je puisse espĂ©rer en un an et demi ou deux ans rattraper les meilleurs et prĂ©tendre Ă  une mĂ©daille. Donc je m’axe sur le bloc et la difficultĂ©.

Micka Mawem n’a pas fini de clipper des dĂ©gaines : il se lance dans le projet Paris 2024 avec l’objectif de s’aligner au combinĂ© bloc/difficultĂ© © IFSC

Quel va ĂȘtre ton emploi du temps de ces prochaines semaines ?

Cette semaine c’était dĂ©mĂ©nagement pour amener mes affaires en Alsace. Donc beaucoup beaucoup de boulot. Jeudi et vendredi, c’est grimpe au programme. Mais grimpe plutĂŽt tranquille. Et Ă  partir de lundi, je reprends l’entraĂźnement, car il y a les Championnats du Monde en septembre Ă  Moscou et je veux ĂȘtre en forme pour le bloc. J’espĂšre pouvoir participer Ă  l’épreuve de difficultĂ© Ă©galement, ce qui me permettra de lancer mon projet Paris 2024. Donc ça va ĂȘtre entraĂźnement, peaufinage des dĂ©tails et rĂ©affĂ»tage, parce que j’ai quand mĂȘme bien profitĂ© ces derniers jours


En mĂȘme temps, je prĂ©pare l’ouverture de notre salle d’escalade avec mon frĂšre. Normalement, le 1er septembre, on est Ă  97% sĂ»r d’avoir notre salle de grimpe. MĂȘme si tout n’est pas encore signĂ©, ça sent bon ! Donc je ne m’ennuie pas, je gĂšre plein de projets. Je croule sous le boulot, mais j’aime ça !

Un dernier mot Ă  ajouter ?

Comme d’habitude, je vais remercier tous mes partenaires: Arkose, AirBnB, la FDJ Sport Factory, Beal, Madrock, Nutrimuscle, Respire, Panda Tea, Up2it, PrivateSportShop et Seazon. Et aussi les personnes qui nous ont suivis, qui ont cru en nous, qui nous ont poussĂ©s, qui ont rĂȘvĂ©, et qui ont eu autant d’émotions que nous. Je vous remercie Ă  fond !

Mejdi Schalck nous parle de son incroyable début de saison !

À Briançon l’étĂ© dernier, Mejdi Schalck enflammait la foule, en finale de sa premiĂšre Coupe du Monde de difficultĂ©. Quelques mois plus tard, il endossait le maillot de l’équipe de France de nouveau, pour faire ses premiers pas en Coupe du Monde de bloc cette fois-ci.

AprĂšs une 12Ăšme place Ă  Meiringen, le jeune chambĂ©rien de 17 ans faisait sensation quelques jours plus tard Ă  Salt Lake City. Parvenant Ă  entrer en finale pour la premiĂšre fois, Mejdi rĂ©alisait alors l’impensable: se faire une place sur le podium, entre Adam Ondra et Jakob Schubert, deux cadors de la discipline. Une performance incroyable, qui a surpris Mejdi lui-mĂȘme. Le jeune français ne s’attendait pas Ă  briller aussi rapidement sur la scĂšne internationale senior.

Entretien avec Mejdi Schalck, l’un des français les plus prometteurs de sa gĂ©nĂ©ration.


Lors de la premiĂšre manche Ă  Salt Lake City, tu dĂ©crochais ta premiĂšre mĂ©daille en Coupe du Monde. Qu’est-ce que ça fait de monter sur le podium, entourĂ© d’Adam Ondra et de Jakob Schubert ?

DĂ©jĂ , de participer Ă  une Coupe du Monde avec toutes mes idoles et les dieux de l’escalade, c’est fou ! Mais alors monter sur le podium Ă  leurs cĂŽtĂ©s, c’est vraiment incroyable ! Je crois que je ne rĂ©alise toujours pas ce qui m’est arrivé 

Comment as-tu apprĂ©hendĂ© mentalement tes premiĂšres Coupes du Monde ? 

Je ne ressentais pas de grosse pression Ă©tant donnĂ© que c’est loin d’ĂȘtre l’objectif principal de ma saison. Mais j’avoue qu’avant les qualifs, on peut se faire peur quand on voit la liste des inscrits
 On se dit que faire une demi-finale serait dĂ©jĂ  un miracle, surtout quand on ne connaĂźt pas son niveau par rapport au reste du gratin international, on peut vite penser que les autres sont tous intouchables.

Du coup, globalement, je n’ai pas trop ressenti de pression. Je suis surtout restĂ© focus sur ma grimpe et sur la prise d’expĂ©rience pour plus tard.

Un premier podium international pour Mejdi Schalck, aux cÎtés de ses deux idoles, devenues ses rivaux © Vladek Zumr

Quand on te voit grimper, tu parais insouciant, grimpant essentiellement à l’instinct. Est-ce vraiment le cas ?

C’est vrai que je grimpe principalement Ă  l’instinct, sans trop rĂ©flĂ©chir. En gĂ©nĂ©ral, je n’hĂ©site pas Ă  prendre des risques ! Je pense d’ailleurs que c’est un de mes points forts.


À la base, je visais surtout des performances en seniors dans un ou deux ans, je ne m’attendais pas du tout Ă  une telle rĂ©ussite dĂšs cette annĂ©e ! Â»


D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, comment analyses-tu ton dĂ©but de saison ? 

Globalement, je suis vraiment content de mes rĂ©sultats sur ce dĂ©but de saison, Ă©tant donnĂ© que faire une demi-finale me paraissait dĂ©jĂ  ĂȘtre un exploit ! J’ai vraiment une chance Ă©norme de pouvoir participer aux Coupes du Monde de bloc, mĂȘme si Ă  chaque fois, il y a toujours un peu de regrets en demi, car la finale se joue Ă  rien. J’ai aussi rempli mon objectif principal que je m’étais fixĂ© en dĂ©but de saison: ĂȘtre double champion d’Europe jeune, de bloc et de difficultĂ©.

Pour les points Ă  amĂ©liorer, je pense qu’il me manque un peu de physique. C’est l’un de mes points faibles pour l’instant. Et je dirais aussi progresser dans ma gestuelle, dans diffĂ©rents types de mouvements, diffĂ©rents types de placements, que je ne maĂźtrise pas encore parfaitement.

Une grimpe intuitive et relùchée, qui fait la force de Mejdi Schalck © IFSC

Tu pointes actuellement Ă  la 5Ăšme du classement gĂ©nĂ©ral des Coupes du Monde. T’attendais-tu Ă  rĂ©ussir aussi brillamment ton entrĂ©e sur la scĂšne internationale senior en bloc ?

Non absolument pas ! C’est vraiment une surprise pour moi. À la base, je visais surtout des performances en seniors dans un ou deux ans, je ne m’attendais pas du tout Ă  une telle rĂ©ussite dĂšs cette annĂ©e !


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La saison de difficultĂ© va bientĂŽt dĂ©buter: va-t-on te voir Ă  l’international dans cette discipline Ă©galement ?

La diff est aussi importante que le bloc pour moi, je serai donc présent sur la saison internationale. Je participerai aux Coupes du Monde de Villars, Chamonix et Briançon. Pour Innsbruck, je préfÚre y aller uniquement pour le bloc.

Un dĂ©but de saison renversant pour Mejdi Schalck, qui n’en revient pas lui-mĂȘme © Vladek Zumr

Quels sont tes objectifs pour la suite de la saison ?

Pour la suite de la saison, mĂȘme si je ne connais pas mon niveau par rapport au niveau senior en diff, je me fixe l’objectif de faire une finale en Coupe du Monde, et je pense qu’un podium est accrochable. L’objectif premier reste le double titre de champion du Monde jeune en aoĂ»t, en Russie.

Et Ă  plus long terme, quel est ton rĂȘve de grimpeur ?

J’aimerais faire partie des meilleurs grimpeur du monde, mĂȘme si le chemin est encore trĂšs long. Et comme tous les grimpeurs qui font de la compĂ©tition, un de mes rĂȘves Ă  long terme ce sont les Jeux Olympiques de 2024, Ă  Paris.

Interview: Manu Cornu dresse le bilan de son début de saison

AprĂšs trois Coupes du Monde de bloc, nous voici dĂ©jĂ  Ă  la mi-saison. L’heure pour Manu Cornu, membre de l’équipe de France, de dresser le bilan de son dĂ©but de ses trois premiĂšres compĂ©titions.

Une 11Ăšme place Ă  Meiringen, une contre-performance lors de la premiĂšre manche de Salt Lake City oĂč il finissait 35Ăšme et une frustrante 7Ăšme place ce week-end: le français a connu des hauts et des bas depuis le dĂ©but de l’annĂ©e. Toutefois, l’ensemble est plutĂŽt positif selon lui et son objectif principal de la saison est toujours dans son viseur, puisqu’il vient de dĂ©crocher sa place pour participer aux Championnats du Monde, qui auront en septembre Ă  Moscou.

Parole Ă  Manu Cornu.


Salut Manu ! Tout d’abord, physiquement, comment te sens-tu ? (Manu avait ressenti des douleurs Ă  l’épaule entre les deux manches de Coupe du Monde Ă  Salt Lake City)

Mon Ă©paule ça va, j’ai eu quelques alertes physiques, qui je pense sont liĂ©es au voyage, au dĂ©calage horaire, Ă  la fatigue, Ă  l’altitude de Salt Lake, mais tout va bien, on a gĂ©rĂ© le repos, la rĂ©cup, et je ne me suis pas senti limitĂ© sur les compĂ©titions.

Quel suspens haletant en demi-finale ! Si Kokoro Fujii, dernier compĂ©titeur Ă  s’élancer, n’enchaĂźnait pas le dernier bloc, alors tu rentrais en finale pour la premiĂšre fois cette saison. AprĂšs quelques essais infructueux, il finit par valider ce bloc lors de son tout dernier essai, alors qu’il ne lui restait que quelques secondes au compteur. Comment vit-on ce genre de moment, assis sur le banc des spectateurs, quand son destin tient dans les mains d’un concurrent ?

Ce sont des moments compliquĂ©s
 Ce n’est pas la premiĂšre fois que ce scĂ©nario arrive avec Kokoro, dans une dalle, Ă  la derniĂšre seconde du dernier bloc
 On a envie de croire que Kokoro est mon bourreau Ă  ce moment-lĂ , et on aimerait qu’il tombe. Mais en vĂ©ritĂ©, ma qualif pour la finale, je la perds dans le deuxiĂšme bloc, en prenant la zone en 11 essais dans un bloc qui est censĂ© ĂȘtre dans mes qualitĂ©s. Je n’en veux pas Ă  Kokoro, allez si quand mĂȘme un peu, mais je m’en veux surtout d’avoir gĂąchĂ© ce bloc 2
 On dit souvent que ça se joue Ă  des dĂ©tails: les dĂ©tails aujourd’hui, c’est 1 essai de top ou 2 essais de zones. C’est triste, mais c’est comme ça.


L’objectif fixĂ© en dĂ©but d’annĂ©e, c’était les Championnats du Monde de bloc, il n’a pas changĂ©


Bilan de ce début de saison: trois Coupes du Monde, deux demi-finales et un top 10 pour Manu Cornu © Vladek Zumr

Qu’as-tu pensĂ© des blocs de finale ? Penses-tu que tu aurais pu t’exprimer dans ces passages ?

C’est dur d’avoir une analyse lucide quand on n’y est pas vraiment, maintenant oui, la finale m’aurait plu. Trois voire mĂȘme les quatre blocs me correspondaient assez bien. Savoir ce que j’aurais pu faire dans ce tour, je prĂ©fĂšre ne mĂȘme pas y penser. Et on ne le saura jamais.

Avec trois étapes mondiales de passées, nous voilà déjà à la mi-saison. Quelles conclusions tires-tu de ces trois premiÚres Coupes du Monde ?

J’ai un bilan plutĂŽt positif, mĂȘme si je vise plus haut que ça. Je suis 13Ăšme du classement gĂ©nĂ©ral en passant Ă  cĂŽtĂ© d’une des Ă©tapes et j’aurais pu passer en finale sur mes deux demies. Je pense donc que je suis dans le vrai, maintenant j’ai du mal Ă  dĂ©marrer mes compĂ©titions, les qualifs sont des moments compliquĂ©s. On doit travailler plus, pour se donner plus de chance.

Quels sont tes objectifs pour la suite de la saison ? Va-t-on te voir sur des compétitions de difficulté ?

L’objectif fixĂ© en dĂ©but d’annĂ©e, c’était les Championnats du Monde de bloc, il n’a pas changĂ©. J’ai dĂ©crochĂ© ma place ce week-end en finissant dans les huit premiers, donc c’est cool. Je chercherai Ă  prendre ma place pour la diff si je suis prĂȘt et si ça a du sens, ce n’est pas vraiment mon projet aujourd’hui.

Cette Ă©quipe de France semble avoir retrouvĂ© un vent de fraĂźcheur avec l’arrivĂ©e de jeunes talents comme Mejdi Schalck ou Oriane Bertone. Quelle est la relation entre ces jeunes et les plus « anciens Â» ? Est-ce que ça te motive Ă  te surpasser encore plus ?

Il y a vraiment une bonne connexion avec Mejdi, j’essaye de lui apporter mon expĂ©rience, il m’apporte sa fougue et son insouciance. Je pense qu’on forme un bon duo, on a envie de se retrouver en finale ensemble, on va bosser pour.

Alors, oui c’est sĂ»r, j’ai l’impression d’avoir rajeuni 😅 Il va faire mal s’il continue sur sa lancĂ©e, mais Ă©videmment que je vais me battre pour rester devant lui le plus longtemps possible !

Interview | Rencontre avec Bassa Mawem, au coeur de sa préparation olympique

Ce jour-lĂ , Bassa Mawem a rĂ©ussi ce qui semblait presque impossible. Lors du Tournoi de Qualification Olympique, en dĂ©cembre dernier, Bassa Mawem dĂ©crochait son ticket pour les Jeux Olympiques de Tokyo, rejoignant ainsi son frĂšre, Micka, qu’il entraĂźne et qui Ă©tait dĂ©jĂ  qualifiĂ©. L’aventure des Jeux Olympiques, les FrĂšres Mawem allaient la vivre Ă  deux.

Ayant Ă©lu domicile en Nouvelle-CalĂ©donie depuis quelques annĂ©es maintenant, Bassa Mawem, spĂ©cialiste de la vitesse, s’entraĂźne chaque jour sans relĂąche. Quintuple Champion de France, vice Champion du Monde en 2018, vainqueur du classement gĂ©nĂ©ral des Coupes du Monde cette mĂȘme annĂ©e, le grimpeur de 36 ans a maintenant fait des Jeux Olympiques son objectif numĂ©ro 1.

Rencontre avec Bassa Mawem, en pleine prĂ©paration pour sa saison 2021. Une annĂ©e qu’il espĂšre Ă  la hauteur de ses ambitions. Car oui, le français compte bien poser son nom lors des premiers Jeux Olympiques de l’Histoire de notre sport.


Salut Bassa, tout d’abord comment vas-tu ?

Salut, je vais trĂšs bien ! Je suis quand mĂȘme pas mal fatiguĂ© parce que je travaille beaucoup, je m’occupe de ma famille, et je m’entraĂźne Ă©normĂ©ment. C’est trĂšs intense, trĂšs dur, du coup mes journĂ©es sont vraiment bien remplies.

Comment se passe la vie actuellement en Nouvelle-CalĂ©donie en cette pĂ©riode de crise sanitaire ?

Il n’y a aucun cas de Covid sur le territoire calĂ©donien. DĂšs le dĂ©but de la crise en mars, la Nouvelle-CalĂ©donie a fermĂ© ses frontiĂšres et a confinĂ© tout le monde pendant environ un mois. Ainsi, en confinant, en fermant les frontiĂšres et en dĂ©confinant progressivement, ils ont Ă©radiquĂ© le virus sur l’üle et depuis dĂ©but mai on vit normalement : les salles de sport sont ouvertes, les restaurants aussi, tout est ouvert, il n’y a pas de restrictions, personne ne porte de masque, on vit une vie normale.

La seule chose qui est compliquĂ©e c’est pour sortir du territoire. Comme les frontiĂšres sont fermĂ©es, si des calĂ©doniens veulent sortir de l’üle, ce n’est pas sĂ»r qu’ils puissent revenir. Mais je ne me plains pas, je trouve qu’on est plutĂŽt chanceux d’ĂȘtre ici, et la situation est malheureuse pour le reste du monde. J’ai eu la chance de pouvoir faire venir mes parents depuis aoĂ»t. Ça me soulage Ă©normĂ©ment de savoir qu’ils sont ici, sur l’üle, en toute sĂ©curitĂ©.

Avec aucun cas de Covid en Nouvelle-CalĂ©donie, la vie n’a rien Ă  voir avec celle en mĂ©tropole.

Ta derniĂšre compĂ©tition remonte au TQO en novembre dernier, quand tu prenais ta place pour les Jeux Olympiques. Avec du recul maintenant, tu rĂ©alises l’exploit que c’est de t’ĂȘtre qualifiĂ© pour les premiers Jeux Olympiques de l’Histoire de l’escalade, aux cĂŽtĂ©s de ton frĂšre ?

Le TQO fut ma derniĂšre compĂ©tition en date. C’est l’un de mes plus beaux souvenirs de compĂ©tition, c’était la cerise sur le gĂąteau ! Mais d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, mon plus beau souvenir c’est l’ensemble de cette annĂ©e 2019. Une annĂ©e qui fut trĂšs longue et Ă©normĂ©ment dure pour tous les athlĂštes, car ce n’était pas facile de faire autant d’étapes de Coupe du Monde, que ce soit en bloc, en difficultĂ© ou en vitesse. En plus de toutes ces Ă©tapes mondiales, j’ai participĂ© aux Championnats de France, aux Championnats du Monde, et au TQO pour terminer.

Beaucoup de compĂ©titions donc cette saison-lĂ , c’était vraiment une annĂ©e oĂč il ne fallait pas craquer et tenir le coup jusqu’au bout. Il y a eu des hauts et des bas, mais mĂȘme quand on ne se sent pas en forme, mĂȘme quand on est dans le dur, il faut tenter d’ĂȘtre plus fort que les autres, c’est important car c’est ce qui fait la diffĂ©rence Ă  la fin selon moi.

Le Tournoi de Qualification Olympique a marquĂ© un tournant dans la carriĂšre de Bassa Mawem © RĂ©mi Fabregue – FFME

Il y a eu beaucoup de remises en question sur ma capacitĂ© Ă  aller au bout, Ă  rĂ©ussir, et dans ces moments-lĂ , il faut rĂ©ussir Ă  se reprendre, pour atteindre les objectifs que l’on s’est fixĂ©. C’est ce que j’ai fait, je me suis concentrĂ© jusqu’au bout, je n’ai rien lĂąchĂ© et c’est passĂ© ! Donc oui, c’est clairement ma plus belle annĂ©e de compĂšte. Avec une fin en beautĂ© lors du TQO qui restera dans les annales ! Avec mon frĂšre on a vĂ©cu quelque chose d’exceptionnelle en se qualifiant tous les deux. DĂ©jĂ  quand il s’est qualifiĂ© avant moi, c’était dĂ©jĂ  quelque chose de trĂšs particulier Ă  vivre. La rĂ©ussite dans la famille, ça procure tout le temps plein d’émotions. Ce jour-lĂ  j’étais trĂšs Ă©mu et trĂšs fier de mon frĂšre.


Je m’entraĂźne sans relĂąche pour prĂ©parer d’abord Tokyo 2021, mais aussi les saisons d’aprĂšs, car je compte bien continuer jusqu’à Paris 2024, donc ce n’est pas le moment de se relĂącher.


Me battre ensuite pour tenter de continuer l’aventure, de poursuivre avec lui, c’était une mission que je me devais de rĂ©ussir. C’est ce que j’ai fait et ça a payĂ© ! Aujourd’hui je suis fier pour mon frĂšre, fier pour moi, fier pour ma famille et toutes les personnes qui ont cru en nous, d’avoir rĂ©ussi cette performance. C’est juste la folie. La fĂ©dĂ© a beaucoup misĂ© sur les athlĂštes qui avaient la possibilitĂ© de se qualifier pour les J.O, que ce soit du temps, de l’argent, ou du soutien. Du soutien, j’en ai Ă©galement beaucoup reçu de la part de mon patron, Philippe Bocquet, prĂ©sident de la ligue FFME en Nouvelle-CalĂ©donie. Il m’a Ă©normĂ©ment soutenu et me laisse m’entraĂźner sans relĂąche pour que je puisse atteindre mon objectif, qui est devenu son objectif Ă  lui aussi.

Le jour du TQO, quand j’ai fait mon deuxiĂšme run de vitesse, quand j’ai rĂ©ussi Ă  faire ce qui semblait presque impossible, c’est-Ă -dire battre mon concurrent de quelques centiĂšmes, je me suis vraiment senti portĂ© par toutes ces personnes qui me soutiennent, par tout le public de Toulouse qui m’a accueilli pendant un mois lĂ -bas (car je me suis prĂ©parĂ© pendant plus d’un mois avant le TQO en Ă©tant sur place), j’ai pu rencontrer du monde et il y a eu un vrai Ă©change entre les toulousains et moi. Donc un grand merci Ă  toutes ces personnes.

« RĂ©ussir l’impossible Â», Bassa Mawem l’a fait lors du Tournoi de Qualification Olympique Ă  Toulouse © RĂ©mi Fabregue – FFME

Justement, en parlant de compĂ©tition, est-ce qu’aprĂšs cette saison blanche, les compĂ©titions te manquent ? En tant que sportif de haut-niveau, comment vis-tu cette situation ?

Personnellement ça ne me dĂ©range pas trop. J’adore m’entraĂźner et je profite de ce temps pour le faire. Ça me permet de faire des cycles d’entraĂźnement supplĂ©mentaires. Car en temps normal, quand on fait des compĂštes, notre saison se termine fin octobre, en novembre on se repose de toute notre saison et on reprend l’entraĂźnement en dĂ©cembre, car dĂšs le mois de mars on se retrouve avec les premiers sĂ©lectifs et le Championnats de France, donc on n’a finalement pas beaucoup de temps pour s’entraĂźner


Le fait d’avoir une annĂ©e blanche me permet donc de pouvoir m’entraĂźner Ă  fond. Et c’est ce que je fais ! J’espĂšre que j’ai la bonne mĂ©thode, car je m’entraĂźne seul, je fais mes propres choix, sur mes planifs, sur l’intensitĂ©, sur toutes mes sĂ©ances. Jusqu’à maintenant ça a toujours fonctionnĂ© mais je teste de nouvelles choses, je gĂšre diffĂ©remment et j’espĂšre que ça va payer. Je m’entraĂźne sans relĂąche pour prĂ©parer d’abord Tokyo 2021, mais aussi les saisons d’aprĂšs, car je compte bien continuer jusqu’à Paris 2024, donc ce n’est pas le moment de se relĂącher.

Un jour de plus Ă  l’entraĂźnement, un jour de moins avant les J.O

Spécialiste de la vitesse, ton entraßnement a dû beaucoup évoluer ces derniers temps. Comment as-tu abordé ce changement ?

Dans ma semaine, je fais 85% de grimpe spĂ©cifique en vitesse, 10% de prĂ©paration physique, rĂ©cupĂ©ration, mobilitĂ© et renforcement et 5% de difficultĂ©. Je fais plutĂŽt de la diff, car le bloc, gĂ©nĂ©ralement, si j’en fais trop, ça me tasse le dos, donc je prĂ©fĂšre faire de la diff et aller dans des voies bien dures. Je dose l’intensitĂ© en fonction de ma fatigue. Bien sĂ»r, je ne tente pas de rattraper un Alex Megos, un Adam Ondra ou un Jakob Schubert, car c’est juste improbable. En bloc aussi il y a un paquet de monde, Tomoa Narasaki, Kai Harada, mon frĂšre
 Je ne pourrai jamais les atteindre.

L’idĂ©e c’est aussi d’arriver aux J.O sans avoir subi de blessure en amont. Deux mois avant d’arriver au TQO, je m’étais fait une poulie partielle, donc je n’avais pas pu faire de diff ou de bloc durant les deux mois avant la compĂ©tition. J’étais dĂ©goĂ»tĂ© car avant cette blessure, je me sentais fort en bloc et en diff, Ă  mon niveau en tout cas, mais j’ai dĂ» tout arrĂȘter Ă  cause de cette poulie. J’ai continuĂ© la vitesse, parce que les prĂ©hensions ne sont pas traumatisantes, je strappais mes doigts et je serrais les dents. Donc mon premier objectif, c’est d’arriver Ă  Tokyo 2021 sans m’ĂȘtre blessĂ© en amont. J’essaye de faire trĂšs attention et de ne pas reproduire les mĂȘmes erreurs que j’ai pu faire dans le passĂ©. Pour ça, j’ai une Ă©quipe de kinĂ©s qui me suit 4h/semaine.

Dans le cadre du combinĂ©, Bassa Mawem a intĂ©grĂ© des sĂ©ances de difficultĂ© Ă  son programme d’entraĂźnement © RĂ©mi Fabregue -FFME

Le plan c’est donc de faire en sorte d’ĂȘtre Ă  mon meilleur niveau en vitesse, d’ĂȘtre le plus fort, c’est pour Ă§a que j’axe en grande partie mon entraĂźnement sur la vitesse, pour enlever la place au doute, et derriĂšre l’idĂ©e c’est de retrouver mon niveau max en bloc et en diff, c’est-Ă -dire pouvoir grimper du 8b/+ en diff et du 8A en bloc. Si j’arrive Ă  faire ça, Ă  tout moment il peut se passer des choses


Donc ma stratĂ©gie c’est vitesse Ă  fond ! Surtout que c’est la premiĂšre fois qu’il y aura de l’escalade au J.O, il y a donc un record Ă  poser et si je peux inscrire mon nom au premier record olympique de vitesse, ça serait un vĂ©ritable honneur.

Dans cette préparation au combiné, quelle est la principale difficulté auquel tu es confronté ?

Non pas spĂ©cialement, il n’y a pas d’imprĂ©vu. Je m’entraĂźne, j’avance, je fais de mon mieux chaque jour Ă  l’entraĂźnement. Il n’y a pas de surprise particuliĂšre.

Comment as-tu rĂ©agi suite Ă  l’annonce du report des J.O ? Pour toi, pourront-ils avoir lieu cet Ă©tĂ© ?

Le report des J.O a vraiment Ă©tĂ© une bonne nouvelle pour moi. Pourquoi ? Car Ă  cette Ă©poque, il y avait pas mal d’incertitudes sur les Jeux Olympiques : on ne savait pas s’ils allaient ĂȘtre maintenus en aoĂ»t, on ne savait pas si ça allait ĂȘtre dĂ©calĂ© en septembre/octobre 2020, c’était vraiment rempli d’incertitudes. Je suis totalement d’accord avec le fait d’avoir dĂ©calĂ© les Jeux d’un an. Lors du premier confinement en mars, toute l’Europe Ă©tait confinĂ©e, mais l’Asie avait dĂ©jĂ  passĂ© la premiĂšre vague, ils n’étaient plus confinĂ©s et pouvaient donc s’entraĂźner de nouveau. Certains n’ont mĂȘme jamais arrĂȘtĂ© de s’entraĂźner d’ailleurs ! C’est le cas de la Chine, oĂč certaines Ă©coles d’escalade se sont cloĂźtrĂ©es et les grimpeurs ont pu s’entraĂźner non-stop. Ça n’aurait donc pas Ă©tĂ© une compĂ©tition Ă©quitable. Reporter les J.O d’un an Ă©tait donc la plus sage des dĂ©cisions, ça a permis aux gens de se concentrer sur leur santĂ© et de laisser un peu de cĂŽtĂ© l’entraĂźnement, car on parlait bien de notre santĂ©, de notre vie. Dans ce cas-lĂ , le sport passe aprĂšs.

Concernant le maintien des Jeux cet Ă©tĂ©, je pense que la compĂ©tition va avoir lieu oui. Il y a eu le Championnat d’Europe qui s’est dĂ©roulĂ©, ainsi que la Coupe du Monde de Briançon cet Ă©tĂ©. D’aprĂšs les derniĂšres informations, si jamais la situation n’évoluerait pas dans le bon sens, les Jeux devraient ĂȘtre maintenus mais il n’y aurait pas de public autre que les japonais. En tant qu’athlĂšte on serait confinĂ© dans le village olympique, donc je n’ai pas d’inquiĂ©tude par rapport au maintien des J.O cet Ă©tĂ©.

Le report des Jeux Olympiques laisse plus de temps à Bassa Mawem pour se préparer © Rémi Fabregue

Comment gÚres-tu ta préparation et ton calendrier, alors que les prochaines compétitions se font de plus en plus incertaines
?

Avant la crise sanitaire, j’avais dĂ©cidĂ© de ne faire aucune compĂ©tition en 2020. Je dĂ©teste m’entraĂźner en me disant « peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre pas ? Â», il y avait trop de points d’interrogation. Sur l’annĂ©e 2021, mon souhait est de faire le Championnat de France fin mars, si bien sĂ»r il se fait et si j’ai le droit de revenir en Nouvelle-CalĂ©donie juste aprĂšs, sans ĂȘtre mis en quarantaine, car je ne peux pas me permettre ça.

Si les Championnats de France ne se font pas ou si je suis obligĂ© de rester isoler Ă  mon retour, je ne viendrai pas en mĂ©tropole avant le mois de juin, pour ensuite faire le maximum d’étapes de Coupe du Monde avant les Jeux. Ça me permettrait de retoucher Ă  la compĂ©tition avant d’atterrir Ă  Tokyo et faire la plus grosse compĂšte au monde.

Un mot sur la vitesse: la discipline a beaucoup Ă©voluĂ© ces derniers temps, avec de nouvelles mĂ©thodes, mais aussi de nouveaux records notamment chez les femmes. De ton oeil d’expert, comment vois-tu l’évolution de la discipline ?

Pour moi c’est logique que la discipline Ă©volue. Elle Ă©volue parce qu’il y a de plus en plus de grimpeurs qui font de la vitesse, car c’est plus accessible que le bloc ou la difficultĂ©. Ces deux derniĂšres disciplines demandent Ă©normĂ©ment de moyens matĂ©riels. Pour un petit pays, c’est compliquĂ© de s’équiper d’un gros mur de diff et de renouveler ses prises chaque annĂ©e, il faut avoir un budget monstre ! La vitesse demande beaucoup moins de moyens, donc cette discipline se dĂ©mocratise, c’est un accĂšs particulier pour certains pays qui ne sont pas ancrĂ©s dans le monde de l’escalade de compĂ©tition. L’accĂšs est plus simple et plus rapide. On peut devenir fort trĂšs vite. Il suffit de bien s’entraĂźner, et on atteint un bon niveau mondial, comme un top 20 en Coupe du Monde au bout de 4/5 ans. Contrairement Ă  la difficultĂ© ou le bloc, oĂč il faut avoir commencĂ© trĂšs jeune et s’entraĂźner perpĂ©tuellement dans des voies et des blocs variĂ©s.


Ça serait bien qu’un jour les gens comprennent que le sport, c’est le sport, quelle que soit la discipline, que ce soit de l’escalade de vitesse, du bloc, du surf, du judo, peu importe ! Un sportif reste un sportif.


La vitesse est trĂšs intĂ©ressante pour tous les pays : ça ne demande pas un gros investissement et les retombĂ©es peuvent ĂȘtre plutĂŽt bonnes. C’est le cas avec l’IndonĂ©sie. Ils ont commencĂ© sur un vieux mur, avec un seul set de prises officielles. Mais ils se sont entraĂźnĂ©s dur, ça a payĂ©, et maintenant ils ont une structure Ă©norme parce que leur gouvernement a reconnu l’activitĂ© grĂące aux rĂ©sultats qu’ils ont faits. Donc ça laisse la place et des pays et des athlĂštes qui n’ont pas les moyens de s’offrir des structures de bloc ou de difficultĂ© digne de ce nom.

Du coup, la discipline Ă©volue, et les records tombent. Les grimpeurs deviennent de plus en plus forts, de plus en plus coordonnĂ©s, de plus en plus experts. Il y a des centres d’entraĂźnement qui se montent en Chine, nous on a le pĂŽle France Ă  Voiron. Il commence aussi Ă  y avoir de l’anciennetĂ© dans la discipline, j’en suis moi-mĂȘme la preuve: j’ai gravi les Ă©chelons, je suis montĂ©, je suis montĂ©, et aujourd’hui je commence dĂ©jĂ  Ă  transmettre mes valeurs et mon expĂ©rience aux personnes qui m’entourent.

La rĂ©ussite des grimpeuses asiatiques en vitesse a permis le dĂ©veloppement de grosses structures d’escalade, comme ici, Ă  Jakarta en IndonĂ©sie.

Tu gùres aussi l’entraünement de ton frùre Micka, comment cela se passe-t-il ?

Je gĂšre toute la planification de mon frĂšre, je m’occupe de son programme d’entraĂźnement en bloc, en diff et en vitesse. Il fait principalement de la vitesse et du bloc. La diff pour le moment c’est un plus, ça viendra aprĂšs les Jeux de Tokyo, car il compte se lancer un dernier challenge avec Paris 2024, qui proposera un combinĂ© bloc/difficultĂ©. Mais pour l’instant, ses points forts c’est le bloc et la vitesse, alors on met l’accent lĂ -dessus.

Je fais de mon mieux pour qu’il soit le plus fort possible. En vitesse c’est assez facile de voir quand on progresse, mais en bloc et en difficultĂ©, c’est plus compliquĂ©. Il faut qu’il y ait de la confrontation et pour le moment, vu la situation, il n’y en a pas trop
 Mais il a de bonnes sensations, c’est dĂ©jĂ  un bon indicateur, donc il va continuer de s’entraĂźner Ă  fond jusqu’aux premiĂšres compĂštes pour voir rĂ©ellement tous les progrĂšs qu’il a fait.

Une complicité fraternelle qui fait la force des FrÚres Mawem.

Si tu devais résumer cette année 2020 un mot ?

Bizarre ! Il n’y a pas d’autres mots. C’était une annĂ©e particuliĂšre, oĂč il a fallu tout revisiter pour aller droit vers ses objectifs.

Et enfin, le mot de la fin est Ă  toi !

Le mot de la fin, je le dĂ©dicace d’abord Ă  toutes les personnes qui dĂ©nigrent la vitesse. Ça serait bien qu’un jour les gens comprennent que le sport, c’est le sport, quelle que soit la discipline, que ce soit de l’escalade de vitesse, du bloc, du surf, du judo, peu importe ! Un sportif reste un sportif. Un sportif est engagĂ© dans ce qu’il fait, il met beaucoup d’énergie et ça, ça mĂ©rite le respect. Tout simplement. C’est un message que je balance Ă  toutes les personnes qui dĂ©nigrent la vitesse. GĂ©nĂ©ralement je leur rĂ©ponds sur les rĂ©seaux, pour dĂ©fendre l’activitĂ©, pour dĂ©fendre notre esprit, pour dĂ©fendre le sport et les athlĂštes qui s’entraĂźnent. À ces personnes, je leur demande juste de respecter chaque athlĂšte, quelle que soit la discipline, le genre, la diffĂ©rence. On doit respecter chaque sportif qui s’investit dans ce qu’il aime faire. Point.

Et j’ai un dernier message, pour les jeunes et moins jeunes, les filles, les garçons, et toutes les personnes qui s’entraĂźnent pour atteindre leurs objectifs, que ce soit en bloc, en diff, en vitesse, en falaise, Ă  Bleau ou en compĂ©tition: croyez en vos rĂȘves, croyez en vous et arrachez-vous pour y arriver ! La seule chose que vous pouvez faire pour ça, c’est d’essayer, alors faites le Ă  fond, comme ça vous n’aurez aucun regret. Les FrĂšres Mawem sont Ă  fond derriĂšre vous !

Merci Ă  tous, et merci Ă  Planetgrimpe, sans des mĂ©dias comme vous, personne ne serait au courant de ce qu’il se passe dans le monde de l’escalade, alors merci Ă  vous et Ă  bientĂŽt !

L’objectif de Bassa Mawem: Ă©tablir le premier record olympique de vitesse © RĂ©mi Fabregue – FFME

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