Après avoir suivi cette première moitié de saison internationale, il nous a semblé évident de partir à la rencontre de la nouvelle pépite Américaine, Natalia Grossman. Actuellement n°1 du classement mondial en bloc et en difficulté, Natalia Grossman, du haut de ses 20 ans, vient bousculer la hiérarchie mondiale, et notamment la reine Janja Garnbret. Alors oui, tout est relatif, et certains diront que nous sommes dans une année olympique, et que certaines des meilleures grimpeuses mondiales (dont Janja) se préparent pour ces JO et ne participent donc pas à toutes les étapes de coupe du monde, ou ne sont tout simplement pas dans leur pic de forme sur ces échéances. Oui, tout cela est exact, mais il suffisait de suivre toutes ces étapes et d’observer sa grimpe pour se rendre compte de l’énorme niveau de l’Américaine. C’est en bloc pour commencer, qu’elle fera forte impression: en 4 étapes, elle en remporte 2 et prend l’argent et le bronze sur les deux autres. Dans son élan, elle poursuivra avec les étapes de difficulté où elle excellera également avec 3 podiums sur 4 étapes (2 médailles d’argent et une de bronze). Vous avez dit polyvalence? Oui je crois qu’on peut le dire, Natalia Grossman s’affirme avec une énorme polyvalence et pourrait se projeter déjà loin avec en ligne de mire les JO de Paris 2024… Rencontre!
Pour commencer peux-tu te présenter à nos lecteurs? Qui es-tu, d’où viens-tu et que fais-tu dans la vie?
Je m’appelle Natalia Grossman, je suis grimpeuse pro et étudiante à plein temps en psychologie. Je suis originaire de Santa Cruz en Californie. Ensuite, à 15 ans, j’ai déménagé à Boulder dans le Colorado pour m’entraîner avec la team ABC, et en janvier dernier, j’ai emménagé à Salt Lake City pour pouvoir m’entraîner sur le centre d’entraînement national.
Quand et comment as-tu commencé l’escalade, et pourquoi avoir choisi ce sport?
Quand j’étais plus jeune, on se promenait beaucoup avec mes parents dans le quartier. Et puis un jour on est passé a côté d’un grand bâtiment, on est allé voir à l’intérieur ce qu’il y avait, et c’était une salle d’escalade! J’ai tout de suite voulu me mettre à ce sport, mais je n’avais que 4 ans, et les enfants en dessous de 6 ans n’étaient pas acceptés. J’ai donc dû attendre d’avoir 6 ans avant de toucher mes premières prises, et j’ai tout de suite adoré la grimpe. J’ai aimé le défi que ça m’apportait et j’ai apprécié de voir que je progressais très rapidement.
En 2019 tu étais 27ème mondiale, et cette année tu gagnes des étapes de coupe du monde, comment tu expliques cette progression fulgurante?
Je pense qu’il y a de nombreux facteurs qui m’ont conduit à progresser autant ces deux dernières années, mais je pense que le travail sur mon mental a été l’une des principales sources de ma progression. J’ai aussi appris que parfois moins c’est plus: J’ai l’impression que je m’entraînais peut-être trop dans le passé et que je prenais l’escalade trop au sérieux. Aujourd’hui avec le recul, je prends beaucoup plus de plaisir à grimper, et quand je m’amuse je performe mieux…
On te voit à la fois sur les étapes de bloc et de difficulté, tu as une préférence?
Jusqu’à cette année, je m’étais toujours considérée comme une bloqueuse, mais aujourd’hui, je ne sais pas trop… Avant je n’aimais pas du tout les compétitions de difficulté car je trouvais ça hyper stressant, mais après m’être fait plaisir sur quelques étapes de coupe du monde, j’ai définitivement changé d’avis! Pour le moment même si je préfère encore les compétitions de bloc, ça pourrait changer dans un avenir proche
Cette année, l’équipe Américaine est plus forte que jamais, penses-tu que ce soit l’effet JO?
Effectivement, je pense quelqu’il y a un effet JO. Depuis que l’escalade a intégré les jeux, nous avons un vrai centre d’entraînement, ça nous permet de nous entraîner ensemble dans de super conditions, avec des circuits de bloc ou des voies type coupe du monde. Ça change énormément de pouvoir s’entraîner plus efficacement dans de bonnes conditions, et les résultats sont là cette année.
Parle nous un peu de toi… comment s’organise ton entraînement? Qui t’entraîne?
Et bien je n’ai pas d’entraîneur, je m’entraîne seule avec mes propres routines. Durant l’année, je m’assure de toujours travailler la force des doigts, quelle que soit la saison, même si c’est un peu plus compliqué quand les compétitions s’enchaînent. Sinon, classiquement je travaille sur des blocs type compétition, et je m’entraîne en résistance tout au long de l’année.
On a pu voir sur les dernières étapes de coupe du monde que tu étais très proche de ta compatriote Brooke Raboutou. D’où vous vient cette complicité?
Je pense que l’une des raisons est que nous sommes de très bonnes amies et jamais en compétition l’une contre l’autre. On souhaite toujours le meilleur à l’autre, et on est toujours super heureuse si l’autre performe.
Donc ce n’est pas amies dans la vie et rivales en compétition?
Non pas du tout, c’est amie en compétition et en dehors
© IFSC
Quels sont tes prochains projets/objectifs cette année?
Mes projets pour le reste de l’année c’est de continuer à voyager et de participer aux dernières étapes de coupe du monde. L’objectif c’est de me placer de le top 10 mondial en bloc et en difficulté afin de me qualifier automatiquement pour le circuit international l’année prochaine.
Et puis je n’en oublie pas mes études, j’adore apprendre et acquérir de nouvelles connaissances, et je continuerai à garder du temps pour ça.
Tu seras à Paris pour les JO de 2024?
2024 c’est encore loin pour moi, alors qui sait! Je pense que quand on se rapprochera de l’échéance, je verrai si le sport de haut niveau est encore compatible avec mes études. On verra si je veux/peux poursuivre ou pas l’aventure.
En dehors des compétitions, tu aimes grimper et te ressourcer dehors?
J’adore grimper dehors quand je ne suis pas occupée par l’école ou les compétitions. L’année dernière, j’ai passé tout l’été à grimper à l’extérieur avec Brooke Raboutou et j’ai l’impression que cela a fait de moi une meilleure grimpeuse. Grimper en falaise ou en bloc extérieur m’apporte beaucoup de joie donc si j’en ai l’occasion, pendant la saison de compétition, j’irai dehors.
Aux États Unis, il y a de grands noms de l’escalade, qui ne font pas de compétition, comme par exemple Alex Honnold: ça reste un idole pour toi? Tu as d’autres grimpeuses/grimpeurs qui t’inspirent?
Je ne dirais pas qu’Alex Honnold est l’une de mes plus grandes inspirations parce que le type d’escalade qu’il pratique est très différent de ce que je fais moi, mais j’ai eu beaucoup d’autres idoles en grandissant. La liste pourrait s’allonger indéfiniment, mais certaines de mes principales inspirations ont été Chris Sharma, Daniel Woods, Alex Puccio, Kyra Condie, Margo Hayes, et bien sûr, Brooke Raboutou !