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Interview: Anatole Bosio nous parle de ses gros projets…

Blessé cet automne, le Niçois Anatole Bosio ne compte pas pour autant renoncer à ses projets… Et autant vous dire que ce sont des projets d’envergure, n’ayons pas peur des mots! Si je vous dis « La rage d’Adam » ou « Le bombé bleu », ça vous parle? Faisons le point avec lui.


Salut Anatole comment vas-tu?

Ça va plutôt bien même si je finis l’année scolaire particulièrement fatigué. J’ai hâte d’être en vacances et de me consacrer pleinement à mes projets en falaise.

Comment s’est passée la saison hivernale pour toi? 

J’ai été blessé tout l’automne aux doigts donc cet hiver a été une saison de reprise. L’idée c’était de me remettre en forme pour cet été, c’est le cas en force, j’ai encore un peu de boulot en rési mais ça suit son cours.

Quels objectifs t’es-tu fixé cette année? 

Mes objectifs de l’année sont d’enchainer La rage d’Adam (Verdon) cet été et le Bombé bleu (Buoux) cet hiver. J’avais aussi prévu de participer aux compétitions nationales et internationales mais en travaillant à temps plein j’ai été contraint en cours d’année de faire un choix, c’est devenu compliqué de jouer sur les deux tableaux et c’est la falaise qui a primé. L’an prochain je travaillerai à temps partiel, ce sera plus simple de tout combiner.

L’un de tes gros projet du moment c’est « La rage d’Adam », pourquoi cette ligne en particulier?

J’ai d’abord eu envie d’enchainer une voie extrême, quand j’ai fait une cotation j’ai toujours voulu faire la suivante. Surfer avec la limite, ne pas être sûr d’y arriver et tenter l’exploit, c’est ça qui anime!  Avec mes contraintes, métier, vie de famille, il ne fallait pas qu’elle soit trop loin de chez moi. Des voies en 9b et plus à moins de 3h de route de la maison il n’y en a vraiment pas beaucoup, mais il y en a, et c’est déjà une chance immense! La ramirole ça me correspond, le gros dévers et les petites prises sont mon domaine de prédilection.

© Lena Drapella

Peux-tu nous décrire la voie?

La rage d’Adam est une voie de 50m mais seuls les 20 premiers font la cotation. Les 15 premiers mètres constituent un 8c de rési bien physique dans du 50° avec des mouvements éloignés et des prises très abrasives. S’en suit un 8b bloc dans du 60°. Les prises de main sont petites et éloignées, certains pieds sont très durs à gainer. C’est déjà très dur d’enchainer le crux, mais avec la pré-fatigue du 8c d’approche ça devient extrême. Les 30 derniers mètres rejoignent la fin de Spanish Caravane, cette partie doit valoir 8a+. Arrivé là, normalement c’est gagné, d’autant qu’il y a des genoux partout.

Où en es-tu sur ton processus de travail?

J’ai enchaîné la première partie en 8c plusieurs fois. J’ai fait tous les mouvements du crux et l’ai quasiment enchainé en entier. Cette année j’ai décidé de faire d’autres voies à côté pour m’entrainer dans le style. Je veux être rando dans la première partie donc je vais m’entrainer pour ça. J’ai reproduit le crux sur mon pan, j’espère que ce nouvel outil m’apportera une aide significative pour faire la croix.

Quelles difficultés rencontres-tu principalement?

Au premier mouvement du crux il faut faire un coincement de genou et le pied est tellement loin pour moi que la première année j’essayais, avec Hugo Parmentier, une autre méthode avec un talon encore plus extrême. Finalement j’ai choisi de mettre une cale sous ma genouillère. J’ai hésité à le faire et finalement comme le premier ascensionniste y a eu recours il me semble que ce n’est pas choquant.

En dehors de ce projet, as-tu le temps pour autre chose? 

Pas vraiment, c’est un peu la course là! Quand je ne travaille pas je m’occupe de mes petites, et dès que j’ai un moment je m’entraine. J’arrive à tout faire mais au prix d’une grande fatigue nerveuse, ce sera plus facile l’an prochain!

Le mot de la fin?

Avec Movment Production on est lancés dans plusieurs projets vidéos qui vont montrer mon processus de travail dans mes différents projets, je suis très heureux de ce partenariat qui me stimule encore plus et suis content de partager mes aventures avec le public. A suivre …

À ce sujet, voici la dernière vidéo qui vient de sortir avec de superbes images dans la mythique voie de « Tom et je ris » (Verdon)…

Interview : Symon Welfringer nous parle de « Pornographie », son premier 9a

Il y a quelques jours, le Français Symon Welfringer clippait à Ceüse, le relais de « Pornographie », son premier 9a. Nous sommes allés à sa rencontre pour en savoir un peu plus sur cette performance.


Symon, tu viens d’enchaîner ton premier 9a. Quel est ton ressenti ? Tu réalises ?

C’est un mélange de deux émotions. D’un côté, il y a la fierté mêlée à la joie pure et intense d’avoir finalisé un projet à long terme ; et de l’autre, c’est un soulagement. Ça fait un bout de temps que je monte à Céüse et que je m’investis dans une voie dans le 9. Donc c’est soulageant de se dire que je n’ai pas investi tout ce temps pour rien. Le côté fierté vient aussi du fait que j’ai réussi “Pornographie”, mon premier 9a, malgré toutes mes expés en alpi et toute mon activité autre que la grimpe. Donc concilier tout ça c’était un peu un pari et je suis content que ça ait fonctionné.

Comment fais-tu pour garder ta motivation sur le long terme pour travailler une voie ?

Ma motivation perdure grâce au fait que je change assez régulièrement de vision et d’objectif. J’ai toute une partie de l’année où je suis à fond dans l’alpinisme, la cascade de glace et les expés en altitude, ce qui fait que la partie de l’année que je dédie à l’escalade en grande voie, trad et couenne est assez réduite. Le fait de régulièrement changer d’activité, ça fait que je ne m’ennuie jamais et dès que je sens que je suis plus à fond quelque part, j’alterne et je vais voir ailleurs.

Mais j’ai dû me forcer un peu pour pouvoir enchaîner ce 9a. Donc je continuais à grimper même quand j’en avais marre, et c’est de là que vient la peur que tout cet investissement ne serve à rien. Le processus de travail de la voie c’est une combinaison de plein de moments de joie, mais il y a vraiment des moments durs quand tu fais des séances où tu n’avances pas, où tu es super frustré et énervé. J’ai donc vraiment dû me forcer pour enchaîner “Pornographie”.

© Arthur Vaillant

Pourquoi avoir choisi “Pornographie” comme première voie dans le neuvième degré ?

Le premier critère, c’est que je voulais faire mon premier 9a à Céüse. Selon moi, c’est le plus beau site de grimpe de France, si ce n’est du monde. C’est un peu en montagne, avec une petite approche, l’ambiance y est vraiment plaisante, j’adore y aller sur de longues périodes avec mon camion et y passer du temps. Du coup, je tenais à faire mon 9a là-bas et c’est pour ça qu’au départ, je me suis lancé dans “Le Cadre” qui une autre voie juste à côté de “Pornographie”. Donc pendant deux ans j’ai essayé de l’enchaîner, mais c’était assez frustrant, parce que j’étais très proche mais je n’arrivais pas à m’exprimer dans la voie. Du coup, j’ai commencé à essayer “Pornographie” qui venait d’être ouverte et pour garder la motivation je me suis mis à alterner entre les deux, jusqu’au moment où je me suis senti beaucoup plus proche dans Porno, alors j’ai décidé de laisser “Le Cadre” de côté.


En toute honnêteté, j’avais peu d’espoirs quant au fait de l’enchaîner ce jour-là, ce qui m’a permis de grimper relâché et de doser l’effort jusqu’au bout. »


Peux-tu nous décrire la voie ?

Porno, c’est une voie qui est hyper ludique. Les mouvs sont assez durs, très axés sur de la tenue de prise, mais ils sont hyper sympa, avec une gestuelle dynamique, faut aller chercher loin, mais pas trop, il y a des talons, beaucoup de placements… Donc c’est hyper complet et plaisant à grimper. Il n’y a que deux petits repos assez mauvais dans la voie, donc elle est hyper rési, avec une seconde moitié assez dure où la difficulté des mouvements reste assez similaire au reste de la voie, mais le fait de les enchaîner rend la chose compliquée. Du coup même si tu n’as pas le niveau d’enchaîner la voie, les mouvs sont hyper cool, ce qui la rend sympa à travailler.

Comment te sentais-tu pendant l’enchaînement ? Quel était ton état d’esprit ?

De manière générale, je me mets beaucoup la pression dans mes débuts de runs, donc je suis très tendu dans les premiers mouvements et, souvent, la clé de l’enchaînement dépend du moment où je vais réussir à me détendre. Typiquement, le jour de l’enchaînement j’ai réussi à me relâcher au repos du milieu et à me dire “fais toi plaisir, t’es en forme, profites-en et ne pense à rien d’autre”. Donc je n’avais pas d’attente sur ma grimpe et, en toute honnêteté, j’avais peu d’espoirs quant au fait de l’enchaîner ce jour-là, ce qui m’a permis de grimper relâché et de doser l’effort jusqu’au bout.

En 2021, tu as fait une chute de 50m lors d’une sortie en cascade glace. Comment se relève-t-on d’un tel accident pour recommencer à grimper à haut niveau et retourner en expédition ?

Cet accident m’a beaucoup fait réfléchir et j’ai mis pas mal de temps avant de reprendre l’alpi. Mais en me posant les bonnes questions, ce qui ressort, c’est que m’investir dans des projets de grimpe, d’alpi et de voyages me rend heureux . Je sais que je ne ferais pas ça toute ma vie, c’est certain, mais pour l’instant j’ai encore beaucoup d’idées à mettre en place, et c’est ça qui m’anime.

Tu es un grimpeur et alpiniste qui ne cesse d’impressionner. Quels sont tes projets pour la suite ?

Cet été j’ai pas mal de projets en grande voie et en alpi un peu partout dans les Alpes et je vais essayer de repartir au Népal vers mi-septembre pour tenter de monter à 7500m et refaire un peu de mixte en Himalaya.


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Luisa Deubzer réalise Speed intégrale 9a – Luisa Deubzer climbs Speed intégrale 9a (+ interview & video)

29 juin 2022 à 08:09

La très discrète mais néanmoins redoutable allemande Luisa Deubzer (aka”Lulu”) vient de réaliser “Speed intégrale” à Voralpsee en Suisse. La seconde ascension de la voie déjà cette année, quelques jours après Mel Janse Van Rensburg, talenteux franco-Sudafricain de 20 ans. Luisa est la seconde grimpeuse à gravir la voie 4 ans après Barbara Zangerl, une entrée dans le neuvième degré aussi iconique qu’esthétique ! Depuis le début de l’année Luisa est en forme : elle avait réalisé la voie trad “Prinzip Hoffnung’ 10/10+ (8b+) en mars, et ensuite deux 8c dans la région “assez vite pour ses standards”. On ne peut que croire qu’ils étaient annonciateurs d’une arrivée à maturité pour cocher une voie de ce niveau. La suite plus en détails dans cette interview et la vidéo de la fin de l’essai gagnant.

– Tu es très discrète, peux-tu nous en dire plus sur qui tu es, ce que tu fais dans la vie ?
J’ai 28 ans, je grimpe depuis presque 20 ans, j’ai fait des compétitions dans ma jeunesse, et ma passion pour l’escalade est, à ma grande surprise, toujours en train de grandir chaque année. Au cours de la dernière année, j’ai fait de l’escalade une priorité, travaillant à temps partiel dans une salle d’escalade en tant qu’instructeur et ouvreur afin d’avoir davantage de temps. Récemment, j’ai aussi commencé à travailler pour une fondation qui promeut la durabilité et la sécurité en montagne.

– Je sais que tu es très investie dans l’environnement, comment cela se traduit-il dans ta vie de tous les jours et dans ta vie de grimpeuse ?
Bonne question… D’abord et avant tout, ça se traduit par plein de complications dans les décisions de la vie de tous les jours. Dans l’ensemble, j’essaie de réduire mon impact, mais il y a beaucoup de place pour faire plus, et mes efforts vont et viennent. Les deux choses qui ont le plus reflété mes valeurs au fil du temps sont d’être végétalienne depuis 7 ans maintenant et ne pas avoir pris l’avion au cours des 6 dernières années.
Celles-ci donnent l’impression de ne pas exiger beaucoup de moi alors qu’elles ont un impact important sur mon empreinte personnelle. Je pense qu’il est important de commencer là où cela vous semble le plus facile personnellement et à partir de là, développez ses efforts. Il est facile de se laisser décourager si vous ne pouvez pas le faire parfaitement et que vous finissez par le faire n’importe comment.
Je peux encore beaucoup m’améliorer quand il s’agit d’aller en falaise à la maison. J’essaie de réfléchir si j’ai réellement besoin de la voiture ou si c’est facilement faisable en train (quand j’ai travaillé “Prinzip Hoffnung” par exemple, c’était facile de prendre le train, et comme j’y allais seule la plupart du temps c’était souvent une non-prise de tête). Mais maintenant, surtout à la phase finale de mon projet dans “Speed”, j’allais beaucoup en voiture, parfois même seule, tôt le matin, ce qui est, à tous égards, un sacré trajet pour une excursion d’une journée.
En tout cas, je pense que c’est toujours un équilibre délicat entre motiver les gens à changer leurs habitudes de vie et de trop se concentrer uniquement sur les actions individuelles. Pour réaliser réellement une transition, nous devons aborder des changements systémiques au niveau politique. Les actions individuelles sont importantes pour montrer notre engagement et forger de nouveaux récits, mais nous ne pouvons pas résoudre cette crise uniquement en changeant notre consommation individuelle en termes de comportement. Quand bien même cela ne nous rassurerait en termes de responsabilité individuelle, nous avons besoin de changement aux deux niveaux.

Luisa Deubzer Speed intégrale 9a
Photo: José Cabrita

– Fais-tu seulement de la falaise ou t’intéresses-tu aussi aux autres facettes de notre activité ?
J’aime me faire botter les fesses et élargir ma zone de confort, c’est pourquoi j’aime le côté varié de l’escalade dans le sens large du terme. J’ai pas mal élargi mes compétences dans les autres formes d’escalade au cours des dernières années en tant que membre de l’actuel “Groupe des jeunes alpinistes” entièrement féminin de l’Alpine Club (même si je suis toujours nulle dans différentes formes d’alpinisme). Selon la saison, la météo et motivation, j’ai des périodes où je fais plus de glace et de mixte, je fais des grandes voies ou une montagne ici et là. En fin de compte, cependant, mes points forts résident dans l’escalade sportive.
Le lendemain de la réussite de “Speed”, je suis partie sur une grande-voie de difficulté modérée, pour la première fois cette saison sur du granite, et j’ai littéralement dû passer en artif les 5 derniers mètres d’une longueur en 6c +, parce que j’étais complètement épuisée et ne pouvais plus faire un seul mouvement. J’adore les jours comme celui-ci, ils t’invitent à rester humble et à garder la passion car ils sont stimulants et amusants, avec une vision différente de l’escalade sportive.

– Qu’est ce qui t’a amené à essayer cette voie, as-tu dû t’entraîner spécifiquement pour y arriver ?
Peux- tu nous en dire plus, sur comment ça s’est passé et ce que tu as dû mettre en place pour y arriver ?

Je suis allée régulièrement à Voralpsee ces dernières années car je n’habite pas très loin. J’ai toujours su que s’il y avait un endroit où je pouvais grimper fort, ce serait ici. Je pense qu’il est juste de dire que le style me convient très bien et en plus je m’y suis assez adaptée au fil des années. “Speed intégrale” m’a impressionnée dès le début, pour des raisons évidentes : elle remonte la barre sur la partie la moins prisue du mur et quand je regardais des gens essayer, ça avait l’air incroyablement dur.
Il y a 3 ou 4 ans, j’avais déjà essayé les mouvements de “Speed” ​​​​une journée et j’étais très surprise de pouvoir réaliser la plupart d’entre eux tout de suite, celà me semblait si loin de mon niveau à l’époque ! Depuis, c’était devenu un rêve de gravir cette voie un jour, mais j’étais assez convaincue que j’étais encore loin de mon but ultime en escalade sportive.

Cette année, c’était la première fois que je voulais l’essayer sérieusement à nouveau. Je savais d’avance que je devais m’y préparer cet hiver, je venais de commencer à bosser à la salle d’escalade et je me suis concoctée un plan d’entraînement de fou avec l’espoir d’amener mon escalade à un nouveau niveau.
Mais je me suis blessée à un doigt et à l’épaule avant même de pouvoir vraiment commencer mon entraînement… Tous mes projets se sont évaporés… J’étais convaincue que maintenant la chose que j’attendais tant, projeter “Speed”, était devenu totalement irréaliste.
Au cours de l’hiver, j’ai donc changé d’orientation et je suis devenue très motivée pour la glace et le mixte. Quand la saison s’est clôturée mon doigt allait mieux mais c’était pas encore parfait ; je pouvais quand même en faire plus et j’ai été motivée par “Prinzip Hoffnung”, qui s’est avéré non-traumatisant pour mes doigts et mon épaule : le projet parfait, n’exigeant pas un physique fou, mais étant assez exigeant en termes de mouvement, d’engagement au-dessus du point et de technique de coinceurs.
Quand j’ai recommencé à essayer “Speed intégrale” fin avril/début mai, mes deux épaules étaient enflammées car j’avais trop bourriné dans les dévers et mon doigt me causait encore des douleurs sur certaines prises, mais je je me sentais incroyablement bien dans mon escalade grâce à deux mois presque exclusivement en falaise. À ma grande surprise, au fil des séances de travail, mes douleurs aux épaules se sont estompées, tandis qu’avec le doigt je devais encore faire attention : pas surprenant, la voie assez sollicitante pour les phalanges n’est pas propice à la cicatrisation du doigt, et finalement, mon majeur, d’un autre côté, a commencé à me faire mal aussi… Mais en voyant un kiné (merci à Kathrin Dettling pour son incroyable soutien et à Klaus Isele pour avoir développé le traitement qui vraiment aidé mes doigts !) j’ai pu continuer de gérer et empêcher l’inflammation de se propager et devenir trop handicapante. Pourtant, c’était une inquiétude majeure car je devenais plus solide dans la voie et je me posais sans cesse la question de peut-être arrêter si mes douleurs dans les doigts s’aggravaient encore.
À mon grand étonnement, je continuais de progresser lors du travail de la voie. Je faisais des progrès lents mais réguliers de semaine en semaine. Je suis passée du travail dégaine par dégaine en me battant à des enchaînements de sections jusqu’en haut. Finalement, la section bloc avant la 3ème dégaine est devenue moins faible en pourcentage de réussite et après quelques séances supplémentaires, je me suis retrouvée soudainement au dernier crux de la première partie et je suis tombée.
Les températures devenaient vraiment très chaudes et je commençais à me demander si je n’avais pas raté le coche. Puis le lendemain j’y suis allée, comme ça, sans zipper des pieds ou tâtonner, j’ai de nouveau passé la partie dure du bas, j’ai fait le le mouvement où j’étais tombée la veille d’une manière assez solide, et, après avoir recaké et m’être refaite comme jamais, j’ai réussi à rester compacte dans l’extension et je me suis retrouvée au relais.
C’était vraiment spécial, et il m’a fallu du temps pour comprendre que tout s’était bien passé !
Les blessures lancinantes m’ont empêché de faire un entraînement spécifique pour la voie tel que je l’avais envisagé et m’ont forcée à me reposer beaucoup plus que je ne l’aurais fait autrement. Mais d’un autre côté, cela pouvait correspondre exactement à ce dont j’avais besoin pour devenir plus forte : davantage de repos. Et puisque faire du gainage était fondamentalement le seul entraînement que je pouvais faire régulièrement, j’en ai fait beaucoup et je suis absolument sûre que cela m’a fait beaucoup progresser. Même si l’entraînement n’était pas ce que j’avais prévu, ce n’est pas comme si j’avais fait “Speed intégrale” ​​depuis mon canapé, bien sûr. J’ai beaucoup grimpé en falaise ces derniers mois car je ne travaillais pas à plein temps. De plus, je pense que cela a aidé principalement à me libérer mentalement pour penser escalade et diminuer beaucoup d’autres stress. J’ai passé aussi pas mal de temps à faire de la visualisation quand je ne grimpais, il s’agissait de surmonter mes appréhensinos face à cette voie qui m’intimidait et aussi atténuer certaines limites autour de mes capacités.

Video: José Cabrita

– Tu es la deuxième femme a faire cette voie, pas piquée des hannetons, accordes-tu de l’importance au premières féminines ou, penses tu que c’est dépassé ?
Mhm, je ne suis pas sûre d’avoir une opinion tranchée là-dessus (ce qui est plutôt rare pour moi). Je pense que dans de nombreux cas, cela reflète encore les progrès réalisés par l’escalade féminine. Dans ce cas, relater les premières féminines a du sens à mon avis, du moins tant qu’il y a une différence générale de cotation entre les filles et les garçons en escalade.
Il y a beaucoup de premières féminines qui m’inspirent, donc je suppose que tu peux dire que je les estime, même si cela n’est évidemment pas la même chose qu’une première ascension. Mais en tout cas, cela ne s’applique pas vraiment aux secondes. 😉

– Je sais que tu aimes voyager. Où aimerais-tu aller prochainement pour pouvoir grimper et comment y intégrerais-tu la question climatique ?
Je ne dirais pas que j’aime particulièrement voyager. J’aime ce qui va avec, dormir dans la voiture/tente, être dehors toute la journée, pouvoir grimper tous les jours. Mais je n’ai pas besoin de voyager dans des endroits lointains pour cela, cette notion de voyage me suffit. Ces dernières années, j’ai séjourné principalement dans les Alpes, car c’est près et il y a encore tellement d’endroits où je veux aller (retourner). Mais la prochaine grande chose à venir l’année prochaine est l’expédition que nous prévoyons avec le Groupe de jeunes alpinistes. On s’est longtemps demandés où aller, surtout à cause de l’impact de l’avion. En fin de compte, il semble que nous nous soyons mis d’accord sur le Groenland, car même si vous voyagez un bon moment, les émissions sont la moitié de celles pour aller au Pakistan. Et vous avez la possibilité de faire potentiellement un grande partie du voyage sans voler, alors on verra…

– Qu’est-ce qui, pour toi, fait que tu as passé une bonne journée en falaise/à l’extérieur ?
Une journée en falaise peut être agréable de bien des façons. Certains jours, c’est parce que l’escalade donne une impression incroyable, vous avez fait des progrès inattendus, le rocher est stellaire, l’endroit est spécial ou la vue est belle. D’autres journées, vous avez fait beaucoup de blagues avec votre partenaire d’escalade ou avez eu une bonne conversation.
Parfois, il neige, le temps est maussade, c’était un peu tendu toute la journée, mais à la fin tu ressors avec un super feeling. Après, concrétiser aide toujours à passer une bonne journée ! 😉

– Tu es toujours super motivée et positive, d’où vient cette motivation ?
Je ne pense pas que tout un chacun reste éternellement toujours motivé et positif. Du moins personnellement je ne le suis certainement pas. je pense que nous voyons souvent les gens sous leur meilleur jour et on a tendance à oublier qu’on passe parfois par des moments plus compliqués… Cet automne par exemple j’étais assez déprimée et pas positive du tout quand je me suis blessée. Mais en général, quand ça va bien, c’est vrai que la motivation n’est pas un problème. J’avais comme habitude de me réserver une période avec moins de grimpe à la fin de chacune de mes années d’études et je pense que ce temps libre m’a beaucoup aidé à comprendre la valeur que l’escalade avait pour moi. Depuis, quand je n’ai pas été blessée, tout ce que je voulais faire, c’était grimper. De plus, je pense que cela maintient vraiment mon enthousiasme pour l’escalade, afin de pouvoir jongler avec d’autres disciplines comme la glace/l’alpin tout au long de l’année. Lorsque je ne fais que de l’escalade sportive que pendant une longue période, mes attentes augmentent généralement et le risque de frustration et donc de faible motivation est plus élevé.

Luisa Deubzer ice climbing
Photo: Dörte Pietron

– Tu n’es pas sur les réseaux sociaux et ça n’a pas l’air de te poser beaucoup de soucis.
Quelle influence cela a pour toi et comment cela t’influence ou pas ?

En fait, j’ai quand même Facebook et Twitter si cela compte toujours comme un réseau social ! 😉
Instagram, j’ai arrêté de consommer et de publier il y a un moment quand j’ai remarqué que ça me faisait me comparer à d’autres et me rendait anxieuse de rater un truc.
J’ai trouvé que beaucoup de gens que je respecte sont très discrets sur ce qu’ils font, ils ne sont pas sur les réseaux sociaux et semblent faire les choses principalement pour eux-mêmes. C’est pourquoi j’ai commencé à me demander pourquoi je publiais un certain contenu, et même s’il y avait aussi d’autres raisons, il m’a semblé que c’était de l’auto-promotion et que cela n’avait pas grand intérêt. Mais c’est bien sûr quelque chose de très personnel et qui peut être différent pour d’autres personnes.

– Qui te motive . As-tu des exemples chez les grimpeurs/grimpeuses qui t’inspirent ou te poussent à faire des voies dures ou ce n’est qu’une question de ligne qui t’inspire ?
C’est un peu cliché, mais je dirais mes partenaires de grimpe. Ils grimpent fort et ont toujours un tempérament agréable, une attitude décontractée en falaise. Aussi, j’ai grimpé plus avec des gens plus forts que moi toute l’année dernière et cela a probablement amélioré mon état d’esprit quand j’essaie des voies dures, car cela redistribue ta perception des standards de ce qui est vraiment dur. Du coup, des voies que je pensais trop dures pour moi dans ma tête depuis des années m’inspirent aujourd’hui.

Photo de couverture : DAV – Silvan Metz

Luisa Deubzer Speed intégrale 9a
Photo: José Cabrita

Very discreet but nevertheless fearsome German Luisa Deubze aka “Lulu'” has just done her first 9a, 2nd women 4 years after Barbara Zangerl, to climb “Speed intégrale” in Voralpsee, Switzerland. It’s the second ascent this year of the route after talented French-South African Mel Janse Van Rensburg (20 years old). “Speed intégrale” is also an iconic but also aesthetic route as an entry into the ninth degree. Since the beginning of the year Lulu sent the trad route “Prinzip Hoffnung” 10/10+ (8b+) in March, and then two 8c’s in the area climbed “rather fast for her standards” she said. We can only believe that they were a sign of maturity to achieve a route of this standard. More details in this interview and the video of the upper part of the route during the send.

– You are very discreet, can you tell us more about who you are, what you do in life?
I’m 28, I’ve been climbing for almost 20 years, doing comps in my youth, and my passion for
climbing is, to my own surprise, still growing every year. In the last year I have made climbing more of a priority, working part time in a climbing gym as instructor and setter in order to have more time. Recently now, I additionally started to work for a foundation that promotes sustainability and safety in the mountains.


I know that you are very invested in the environment, how does that translate into your everyday life and your climbing life?
Good question… First and foremost, it translates in the form of a lot of mindfucks about everyday life
decisions. Overall, I am trying to lessen my impact, yet there is a lot of room to do more, and my
efforts always ebb and flow.

The two things that have reflected my values the most consistently over time are being vegan for 7
years now and not taking the plane in the last 6 years.
These feel like they don’t demand a lot off me while they have a big impact on my personal footprint.
I think it is important to start where it feels the easiest for you personally and from there expand
your efforts. It is easy to let oneself be discouraged if you can’t do it perfectly and end up not do
anything.

I still can improve a lot when it comes to getting to the crag at home. I do try to think of whether I
need the car or whether it is easily feasible by train (when I projected “Prinzip Hoffnung” for example,
it was easy to take the train, and as a I was going there alone most of the time it often was a no
brainer). But now especially at the later phase of my projecting in Speed, I went a lot by car,
sometimes even alone, to be there early in the morning which is by any standards quite a drive for a
day trip.

In any case, I think it is always a tricky balance between motivating people to change the habits in
their life and to focus too much on individual actions only. To actually achieve a transition, we need
systemic changes on a political level. Individual actions are important to show commitment and to
forge new narratives, but we can’t solve this crisis only by changing our individual consumer
behaviour. Nevertheless, this does not let us off the hook in terms of individual responsibility, we
need change on both levels.

Luisa Deubzer
Photo: Daniel Benz

– Do you only do sportclimbing or are you also interested in other aspects of our activity?
I like getting my ass kicked and expanding my comfort zone, that’s why I really enjoy that climbing in
the wider sense is so varied. I have broadened my skills in the other forms of climbing quite a bit over
the last years as a member of the current all-female ‘Young Alpinist Group’ of the German Alpine
Club (although I still suck at these various forms of Alpinism). Depending on the season, weather and
motivation, I have periods where I ice and mixed climb more, do multipitches or a mountain here and
there. At the end of the day, however, my strengths do lie in sport climbing.
The day after sending Speed I went on a moderate multipitch, for the first time that season on granit,
and I literally had to aid up the entire last 5 meters of the the initial 6c+ pitch, because I was
completely spent and couldn’t do a single move anymore. I love days like this, they make it easy to
stay humble and keep the fire because they are challenging and fun in a very different way than sport
climbing.

– What led you to try this route, did you have to train specifically to achieve it?
Can you tell us more about how it happened and what you had to put in place to achieve it?

I have been to Voralp regularly over the last years because I live not too far away. I always knew that
if there was one place I can climb hard, it is here. I think it is fair to say that the style fits me very well
for some reason and in addition I have gotten quite adapted to it over the years.
Speed impressed me right from the beginning, for obvious reasons: it follows the white streak
through the blankest section of the wall and when I saw people on it, it looked incredibly hard.
3 or 4 years ago I had already tried the moves on Speed once and was very surprised that I could do
most of them right away since that was so far off my level back then. Since then, it had basically been
a lifetime dream of mine to climb this route someday, but I was pretty convinced this was far away,
my ultimate goal in sport climbing.

This year then was the first time I actually tried it again. I knew beforehand that that was the thing I
wanted to prepare myself for this winter, I had just started at the climbing gym and had big plans for
a crazy training regimen with the hopes of getting my climbing to a new level.
But I injured a finger and my shoulder even before I could really start with my plan. All my plans
evaporated. I was convinced that now the thing I had been looking forward so much, projecting
speed, had become totally unrealistic.

Over the winter I shifted focus therefore, and got very motivated for ice and mixed. When the season
was over my finger was still far from perfect, but I could do more again and got sucked into Prinzip
Hoffnung, which turned out to be very good for my fingers and shoulder and was the perfect project,
not demanding a crazy physique, but being quite demanding in terms of movement, the required
head space and gear beta.

When I started trying Speed end of April/beginning of May now both of my shoulders were inflamed
from too much steep climbing and my finger was still causing me trouble on some holds, but my
climbing felt amazing thanks to two months of almost exclusively climbing on rock.
To my surprise throughout the projecting process the shoulders became better, while with the finger
it remained a balance act: less surprising, the route was not conductive to healing the finger, and
eventually my middle finger on the other hand started hurting as well, but by seeing a Physio (Shout-
out to Kathrin Dettling for her amazing support and Klaus Isele for developing the treatment that really helped my fingers!) I was able to keep it manageable and prevent the inflammation from
spiraling out of control. Still, it was a major worry as I was getting more solid and solid on the route
that I might have to stop if my fingers got even worse.

To my amazement the projecting itself progressed quite well. I was making slow but steady progress
from week to week. From being maxed out climbing from draw to draw, soon I was making good
links to the top. Eventually the boulder section before the third draw became less low percentage
and after a few more sessions I found myself suddenly at the last crux of the first pitch and fell.
Temperatures were now actually getting really hot and I was starting to wonder whether I had
missed my shot. Then the next day I went, just like this, without further slipping of the feet or
fumbling I got through the hard bottom part again, did the move I had previously fallen on quite
solidly and, after shaking forever, managed to keep it together in the extension and found myself at
the anchor.

That was really special, and it took a while to understand that everything had actually worked out.

The nagging injuries prevented me from doing specific training for the route as I had envisioned it
and forced me to rest a lot more than I otherwise would have. But on the flip side that might have
been exactly what I needed to get stronger: more rest. And since doing core was basically the only
workout I could do regularly, I did a lot of it and I am absolutely sure this made me progress heaps.
Even though the training wasn’t what I had planned, it’s not like I did Speed off the couch, of course.
I did climb a lot on rock in the last months since I didn’t work full time. Furthermore, I think it helped
majorly that this freed me a lot of mental space to think about climbing and removed a lot of other
stress. I also spent quite a bit of time with visualization and mediation when I wasn’t climbing,
because so much was about overcoming the giant respect I had for this route and some limiting
beliefs around my capabilities.

Luisa Deubzer
Photo: Janina Reichstein

– You are the second woman to do this route, do you value female firsts or do you think it’s outdated?Mhm, I’m not sure I have a strong opinion on this (which is rather rare for me ). I do think that in
many cases it still reflects the progress female climbing is making. In this case they have their place in
my opinion, at least as long as there is a general difference in grade between the female and male
climbing population.

There are a lot of female firsts that inspire me, so I guess you could say I value them, even though it
is obviously not the same as an FA. But in any case, this doesn’t really apply to female seconds 😉.


– I know you like to travel. Where would you like to go in the near future to be able to climb and how do you integrate it the climate issue?
I wouldn’t say I like traveling particularly. I like what comes with it, the sleeping in the car/tent, being
outside the whole day, being able to climb every day. But I don’t need to travel to far away places for this, a notion traveling still has to me. The last years I have stayed mainly in the Alps, because it is
close and has still so many places I want to go (back) to.

But the next bigger thing that is coming up next year is the expedition we are planning with the
Young Alpinist Group. We pondered a long time where to go, especially because of the impact flying
has. In the end it looks like we agreed on Greenland, because even if you fly all the way, the
emissions are still half in comparison to Pakistan. And you do have the option to potentially do a
large part without flying, so let’s see…

– What, for you, makes a good day on a cliff/outside?
There are many ways in which a day at the crag can be good. Some days it is because climbing feels
amazing, you made unexpected progress, the rock is stellar, the place is special, or the view is good.
On other days you made a lot of jokes with your climbing partner or had a good conversation.
Sometimes, it is snowing, miserable weather, it was a bit tense the whole day, but at the end you
have a good feeling. Sending surely always helps. 😉

Photo: DAV- Silvan Metz

– You are always super motivated and positive, where does this motivation come from?
I don’t think anyone is always motivated and positive. At least I am certainly not. I think we just
often see people at their best and forget that that everybody struggles sometimes… This autumn for
example I was pretty down and not positive at all when I got injured.
But in general, when things are good, it is true that motivation is not an issue. I used to have a period
where I climbed a lot less after finishing school and I think this time off helped a lot to see the value
climbing had for me. Since then, when I wasn’t injured, all I wanted to do was climb.
Also, I think it really keeps my excitement for climbing alive to be able to shift the focus to different
disciplines like ice/alpine/sport throughout the year. When I only sport climb for a longer period my
expectations usually grow, and the danger of frustration and hence low motivation is higher.


– You are not on social networks and it doesn’t seem to be a big deal to you. What influence does it have on you and how does it influence you or it doesn’t?
Actually, I do have Facebook and Twitter if that still counts as social media 😉
Instagram, I stopped consuming and posting a while ago when I noticed it made me compare myself
a lot and caused constant FOMO.
I found that many of the people I respect are very low-key about what they do, they are not on social
media and seem to do things primarily for themselves. That’s why I started questioning why I was
actually posting what I was posting and even though there were other reasons as well, for me it came
down to self-presentation and didn’t add any value.
But that is of course something very personal and can be different for other people.

– Who motivates you, or do you have examples from other climbers that inspire you or push you to do hard routes or is it just a matter of the line that inspires you?
It’s a bit cliché, but I would say my rope partners. They try hard on the wall and still have a pleasant,
chilled attitude at the crag. Also, I have climbed more with people that are stronger than me in the
last year and that probably helped my attitude towards hard climbs, because it shifts your standard
of what is hard. In general, routes that years ago I had in my head as too hard inspire me.


Cover pic: DAV – Silvan Metz

L’article Luisa Deubzer réalise Speed intégrale 9a – Luisa Deubzer climbs Speed intégrale 9a (+ interview & video) est apparu en premier sur Fanatic Climbing.

Le débriefing de Micka Mawem sur la Coupe du Monde d’Innsbruck

Hier, Micka Mawem était l’un des sept Français à s’aligner au départ de la Coupe du Monde de bloc d’Innsbruck, en Autriche. Malheureusement, la compétition ne se déroulera pas comme prévu pour lui. Un circuit de qualification particulièrement corsé et de petites blessures physiques ne lui permettront pas de faire partie du top 20 de cette dernière manche mondiale de la saison. Une première depuis la Coupe du Monde de Salt Lake City en 2021.

Micka Mawem a accepté de revenir pour nous sur cette compétition, en analysant les raisons qui l’ont empêché de rentrer en demi-finale. Et même si la saison de Coupe du Monde se termine là pour lui, l’année est encore loin d’être finie pour le grimpeur olympien qui n’a qu’un objectif en tête : tout faire pour performer aux J.O de Paris en 2024. Il nous en parle également.


Le circuit de qualification d’Innsbruck

« Sur le plan de ma grimpe, on va dire que ça ne s’est pas mal passé, parce que, comme d’habitude, les qualifs sont super dures. Mais ça s’est mal passé du fait que je ne suis pas en demi-finale.

Malheureusement, je n’ai pas assez de marge, donc il me faut les meilleures conditions possibles pour faire de bons circuits. Ça se reflète parfaitement sur cette compétition qui était assez basique (plus physique que technique) et sur laquelle les conditions n’étaient pas favorables à ce que j’engage toute ma force/puissance. Quand je parle de conditions, je parle de l’environnement, mais surtout de moi, à savoir : manger à la bonne heure, dormir et me réveiller comme il faut, etc etc. Malheureusement ces conditions n’étaient pas réunies et je l’ai beaucoup ressenti. Ça m’a empêché de m’amuser dans les blocs qui correspondaient à ma came/mon style de grimpe et qui m’auraient permis de me qualifier en demi-finale.

Je devais soit faire trois blocs efficaces avec toutes les zones, soit en faire quatre, histoire d’être vraiment à l’aise. Malheureusement, j’ai fait trois blocs et il me manquait une zone, donc ce n’est pas passé.

Le constat est simple : il faut garder les points forts, continuer à s’entraîner pour être plus fort physiquement, et se réparer (en un mois j’ai eu une subluxation de l’épaule droite et je me suis fait une grosse entorse au doigt, il y a dix jours à Brixen). Malheureusement, le bloc d’aujourd’hui qui correspondait à mes qualités physiques forçait pas mal sur mon épaule droite et sur mon doigt, qui était presque réparé.

On est à fond derrière Mathieu qui a fait un très bon tour et qui va pouvoir jouer sur la demi-finale, Sam qui passe de justesse en validant ses cinq zones et Fanny qui a réussi à se qualifier. »

La suite

« Je me concentre sur les Championnats d’Europe, pour lesquels je m’entraîne énormément et pour lesquels je vais faire en sorte d’être dans de meilleures conditions, afin de montrer de quoi je suis capable et tout gagner.

Cette compétition est très importante pour moi. Je veux prouver que je suis le meilleur, que j’ai toute ma place dans le programme olympique. Un an avant les qualifications pour les J.O, c’est une compétition essentielle, pour montrer que j’ai la capacité d’aller chercher cette place pour les Jeux. Donc le plan, c’est de rentrer à la maison, prendre 4-5 jours de break et reprendre l’entraînement à fond.

Depuis quelques années, je m’entraîne principalement pour les Jeux Olympiques. Donc, même si on en a toujours envie, performer sur les Coupes du Monde n’est pas une priorité pour moi.

Cette année, je me suis senti beaucoup plus régulier dans mon niveau de grimpe et dans ma course aux demi-finales, qui sont de plus en plus difficiles d’accès. Même si ça n’est pas passé aujourd’hui, ça ne se joue à rien. Donc je ne suis pas à la ramasse.

Aujourd’hui mes objectifs sont clairs : performer aux Championnats d’Europe afin d’intégrer le programme olympique, puis me qualifier pour les Jeux en performant sur la saison 2023, et enfin de décrocher une médaille à Paris 2024. »


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Coupe du Monde de bloc d’Innsbruck : trois français dans le top 20 !

Interview : Jérémy Bonder, bien déterminé à décrocher le titre de Champion de France de diff

Alors que le Championnat de France de difficulté 2022 est sur le point de débuter, nous avons rencontré Jérémy Bonder, afin de recueillir ses impressions à quelques heures seulement du lancement de la compétition.

On ne présente plus le Lottois de 30 ans. Présent en équipe de France de bloc depuis plus de dix ans, il compte de nombreux départs en Coupe du Monde et déjà trois titres de Champion de France de bloc. Mais depuis peu, Jérémy Bonder s’est tourné vers la difficulté, une discipline dans laquelle il prend plaisir à progresser.

S’entraînant depuis de nombreux mois, il se rend ce week-end à Laval dans le but de décrocher le titre national, bien qu’il soit blessé au doigt.

Rencontre avec l’un des favoris à la médaille d’or.


Salut Jérémy ! Tout d’abord, comment te sens-tu à quelques jours seulement du Championnat de France de difficulté 2022 ?

Je me sens super excité ! Ça fait maintenant huit mois que j’attends cette échéance, même si ces dernières semaines ne se sont pas passées comme je l’aurais souhaité.

Oui car tu t’es récemment blessé au doigt, peux-tu nous expliquer comment cela est arrivé ? 

Oui, je me suis malheureusement blessé au doigt il y a cinq semaines, lors d’un séjour au pôle France de Voiron. C’est arrivé lors de mon dernier essai, durant la dernière heure, de la dernière journée de mon stage. En tombant dans mon circuit de rési, j’ai senti qu’il s’était passé quelque chose dans mon doigt. Il a gonflé et c’est devenu impossible pour moi de resserrer une prise.

C’était parti pour une série d’examens : échographies, IRM, mésothérapie, etc. Au début, j’ai essayé de trouver un équilibre pour continuer à grimper, mais je me suis vite aperçu que ce n’était pas possible, alors j’ai dû faire deux semaines de repos total.

La semaine dernière, j’ai refait une IRM et on voyait que les poulies A2 et A3 étaient encore enflammées. Malgré ces complications, j’ai pris la décision de participer à ce Championnat de France, même si ces dernières semaines n’ont pas été optimales en terme d’entraînement.

Mais ce Championnat de France est important pour moi, car il permet de se sélectionner sur des compétitions internationales. C’est ce pour quoi je m’entraîne durant toute l’année, alors je ne me voyais pas faire l’impasse sur cette échéance. Je sais que ça va être dur, je sais que je ne suis pas dans de tops conditions, mais j’ai envie d’aller jouer, d’aller me battre dans les voies. Je sais le risque que je prends d’aggraver ma blessure, et peut-être que ça ne va pas marcher, peut-être que je ne vais pas me sélectionner en équipe de France, mais au moins je n’aurais pas de regret : j’aurais tenté, et après il sera temps de prendre soin de mon doigt et de se remettre à l’entraînement pour préparer une nouvelle saison. Ça fait partie des aléas du haut niveau et je l’accepte.

Blessé au doigt, Jeremy Bonder sait qu’il n’est pas dans de parfaites conditions © Aurèle Bremond

Tu as terminé 3ème du classement général des Coupes de France, après notamment une belle médaille d’or lors de la première étape à Besançon. Peux-tu revenir sur ces quelques compétitions que tu as faites ?

Il était important pour moi de participer à ce circuit de Coupes de France pour acquérir de l’expérience. J’ai beaucoup d’expérience en bloc, mais très peu en difficulté, et il est essentiel d’avoir des sensations et des repères afin de pouvoir régler la machine.

La saison commençait bien pour moi en effet avec cette victoire à Besançon, malgré quelques petites erreurs. Sur les autres échéances, j’avais encore des choses à régler, afin de réaliser en compétition ce que j’arrivais à faire en entraînement. D’où l’intérêt de participer à toutes ces compétitions.

J’aurais voulu prendre part à la dernière manche à Troyes, pour jouer le classement général, mais mon doigt ne m’a pas permis de pouvoir participer à cette compétition. J’ai préféré me reposer afin de me donner le plus de chance possible pour le Championnat de France ce week-end.


Je veux juste aller me régaler et me mettre des combats dans les voies qui seront ouvertes, en espérant que mon doigt me laisse le plaisir d’aller m’amuser. »


Tu as déjà un gros passé de compétiteur en bloc, avec de nombreuses années passées en équipe de France, et une multitude de départs en Coupe du Monde. D’où t’es venue cette envie de te reconvertir dans la difficulté ?

Le bloc a beaucoup évolué ces dernières années, avec des ouvertures beaucoup plus gymniques, basées sur de la coordination. Moi, ça fait maintenant plus de dix ans que je fais du haut niveau, et j’ai du mal à m’exprimer dans ce style là. Ce n’est pas ce que j’ai appris à faire il y a dix ans, ce n’est pas non plus ce qui correspond à mes qualités physiques et à mon gabarit.

J’avais aussi besoin de renouveau. J’ai toujours soif d’apprendre, je prends toujours plaisir à progresser, et c’est ce que j’ai trouvé en me mettant à la diff.

La persévérance et la combativité font partie des grandes qualités de Jérémy Bonder © Maxime Naegely

Tu as déjà été trois fois Champion de France de bloc. Que représenterait un titre de Champion de France de difficulté ?

J’avoue que ce titre de Champion de France de difficulté, c’est quelque chose qui m’anime au plus profond de moi. C’est un véritable rêve que j’ai. L’atteindre serait tout simplement magnifique. J’ai déjà été Champion de France de diff en catégorie jeune. L’être en catégorie senior serait d’autant plus fabuleux. C’est quelque chose que j’aimerais m’offrir, je travaille dur pour ça et j’y pense tous les jours.

Cette année, tu as décidé d’axer ta préparation sur la difficulté uniquement. Pourquoi ce choix ?

Je suis quelqu’un qui s’investit à 1000% dans ce que je fais, je ne fais pas les choses à moitié. Pour pouvoir compenser mon manque d’expérience en difficulté, il fallait que je travaille encore plus dur, et que je laisse un peu le bloc de côté, même si j’ai quand même participé à quasiment toutes les compétitions (Coupes de France + Championnat de France). C’est tout de même important pour moi de garder contact avec cette discipline, en vue des Jeux Olympiques et de ce nouveau combiné bloc/difficulté.

Grâce à l’expérience que j’ai en bloc, en quelques semaines ou quelques mois, je peux vite me remettre à mon plus haut niveau. Par contre en difficulté, j’ai tellement de choses à apprendre, tant physiquement que techniquement, qu’il fallait que je m’y consacre à fond. C’est un choix qui est réfléchi et que j’assume totalement.

Cette saison, Jeremy Bonder a décidé de se consacrer à la difficulté © Mélanie Cannac

Dans quel état d’esprit vas-tu aborder ce Championnat de France de difficulté ?

J’aborde ce Championnat de France sereinement. À cause de mon doigt, ces dernières semaines ne se sont pas passées comme je l’espérais. Mais je prends ça comme une chance, une chance de pouvoir participer à ce Championnat de France. Je veux juste aller me régaler et me mettre des combats dans les voies qui seront ouvertes, en espérant que mon doigt me laisse le plaisir d’aller m’amuser.


Bien évidemment, je pense aux J.O, avec mes dix ans d’expérience en bloc, je jouerai ma carte sur le combiné bloc/diff à fond. »


Tu es maintenant papa d’un petit garçon depuis 8 mois. J’imagine que cet événement a bouleversé ta vie. Comment as-tu géré ce changement ?

C’est sûr que l’arrivée d’un enfant dans la vie d’un couple crée un énorme chamboulement. D’autant plus quand on a un projet sportif comme le mien, avec beaucoup de déplacements, la nécessité d’avoir une bonne hygiène de vie, et notamment de bien dormir, pour bien récupérer. C’est clair que ça fait un sacré changement dans la routine que j’avais depuis plusieurs années.

Il faut trouver un nouveau rythme, une nouvelle manière de fonctionner. Il faut un petit temps d’adaptation, mais c’est quelque chose de merveilleux et je souhaite à tout le monde de vivre ça. Quand tu as passé une dure journée d’entraînement, que tu récupères ton enfant le soir chez la nounou et qu’il est tout content de te voir, c’est une sensation unique.

J’adore ce nouveau rôle de papa, c’est comme l’entraînement : tu te remets en cause tous les jours. Ça fait relativiser sur beaucoup de choses. Quand mon entraînement ou que ma compétition ne s’est pas bien passée, j’arrive plus facilement à passer à autre chose quand je retrouve ma femme et mon petit bout de 8 mois. Je me rends compte qu’il y a aussi plein de belles choses dans la vie, et qu’il n’y a pas que l’escalade.

J’ai vécu beaucoup de beaux moments dans ma vie, mais l’arrivée de Maé a été l’une des plus belles choses qui me soient arrivées.

L’arrivée de son fils, Maé, a littéralement bouleversé ses habitudes © Arthur Delicque

Depuis quelques mois, c’est Romain Desgranges, qui fut l’un des meilleurs compétiteurs du monde, qui t’entraîne. Il était notamment connu pour être un véritable bourreau de l’entraînement. Comment cela se passe-t-il ?

En effet, j’ai la chance d’apprendre tous les jours aux côtés de Momo et de profiter de toutes ses années de compétition. Bien plus que mon entraîneur, c’est devenu mon ami, avec qui j’échange et je prends plaisir à passer du temps. On vit une belle aventure humaine ensemble.

Oui, c’est un véritable bourreau d’entraînement, mais ça colle à ma personnalité : je kiffe autant m’entraîner qu’être en compétition. Quand tu as de gros objectifs comme lui a eu, ou comme j’ai, s’entraîner dur est inévitable.

Quels sont tes objectifs cette saison ? Et à plus long terme, les J.O de Paris 2024 sont-ils dans ta ligne de mire ?

Comme toutes les autres saisons, je veux continuer à apprendre, à progresser, à élever mon niveau. Bien sûr, ce Championnat de France est un objectif important, car comme je le disais, je n’ai jamais remporté un titre de Champion de France de diff, et ça serait tout simplement incroyable de le faire. Cette compétition sert aussi de sélectif pour aller disputer des compétitions à l’international et un des objectifs que je me suis fixé cette année c’est de participer à une finale de Coupe du Monde.

Ensuite, étape après étape, je veux être capable de disputer plusieurs finales mondiales, puis d’aller accrocher un podium, avant de remporter une victoire. Bien évidemment, je pense aux J.O, avec mes dix ans d’expérience en bloc, je jouerai ma carte sur le combiné bloc/diff à fond.

Porter haut les couleurs de la France, tel est l’objectif de Jeremy Bonder © Jan Virt

Toi qui comptes des dizaines de départs en Coupe du Monde, que penses-tu de notre nouvelle génération de Français (Oriane Bertone, Mejdi Schalck, Paul Jenft) qui brille déjà à l’international ? 

Je trouve ça tout simplement merveilleux ! Je fais partie de la vieille génération, je suis plus proche de la fin de ma carrière que du début, même si je me souhaite encore plein de belles années et plein de beaux résultats.

Mais je suis ravi de voir que la jeune génération est présente et que la relève est assurée. Je leur souhaite beaucoup de réussite, il faut avoir peur de rien et se donner tous les moyens d’atteindre ses rêves. Continuez à élever le drapeau bleu/blanc/rouge au plus haut niveau mondial et le plus souvent possible !

Interview : Nolwenn Arc se confie avant le Championnat de France de difficulté

Alors que le Championnat de France de difficulté 2022 débute demain à Laval, nous sommes allés à la rencontre de Nolwenn Arc, l’une des prétendantes sérieuses à la couronne.

Le titre ? Nolwenn l’a déjà remporté, en 2017, alors qu’elle n’avait que 17 ans. « Je crois que je n’ai jamais autant pleuré en montant sur un podium que lors de cette victoire », nous avoue-t-elle. Cinq ans plus tard, et après deux années passées sans Championnat de France pour cause de pandémie, la jeune grimpeuse originaire de Cholet est prête à aller récupérer ce trophée.

À 24 heures du lancement de la compétition française la plus prestigieuse, rencontre avec Nolwenn Arc, stressée mais impatiente de revivre cet événement qui lui a tant manqué.


Salut Nolwenn ! Tout d’abord, comment te sens-tu à quelques jours seulement du Championnat de France 2022 ?

Sincèrement ? Stressée, c’est certain. Nous n’avons pas eu de Championnat de France depuis 2019, et j’attends et me prépare pour cette compétition depuis plusieurs mois. Elle fait partie de mes objectifs de cette saison, même si les Coupes du Monde restent prioritaires évidemment !

Mais j’ai surtout hâte… Je fais confiance à l’organisation de la Mayenne pour nous faire vivre un évènement incroyable, et je rêve de vibrer de nouveau sur ce mur ! On se prépare toute l’année pour quelques jours seulement, mais c’est justement tout ce parcours, avec cet accomplissement au bout, qui est si beau !

Je ne peux promettre de résultats, mais je me sens prête. J’ai tout mis en place, je me suis énormément entraînée. Et surtout, j’ai envie de jouer, de me faire plaisir, de grimper libérée ! Et ça, ce n’est que de mon ressort !

Tu as remporté le classement général des Coupes de France, en montant sur tous les podiums de la saison et en terminant par une belle médaille d’or à Troyes. Peux-tu revenir sur ces quelques compétitions que tu as faites ? 

Venir un maximum sur les Coupes de France est important pour moi. Elles me permettent de me mettre en condition de compétition, avec toute sa gestion. Mais au-delà de ça, j’aime venir jouer sur ces évènements qui permettent de découvrir de nouveaux murs, avec des belles ouvertures, variées, ainsi que d’explorer de nouvelles villes, de partager des moments avec les autres grimpeurs, bénévoles, spectateurs… ! D’ailleurs, je tenais à remercier les organisateurs et les ouvreurs sur ces Coupes, qui ont eu à coeur de nous faire de belles compétitions, avec des voies exigeantes. Venir sur ces compétitions était donc une part importante dans ma préparation.

Les compétitions préparatoires se sont très bien déroulées pour Nolwenn Arc, qui termine première du classement des Coupes de France © Guillaume Bouju

Ces résultats te mettent-ils en confiance avant ce week-end ? 

Je suis parfaitement consciente que tout le monde ne participe pas aux Coupes de France, et que le niveau ne sera pas le même sur le Championnat de France, puis bien sûr, à l’international ! Sur chaque Coupe, j’ai pu constater de petits axes d’amélioration à peaufiner, et c’est ça que je recherchais. Je suis une bosseuse, une perfectionniste. J’ai donc essayé de mettre des choses en place pour régler ces points !

Parallèlement, j’ai vu aussi des points positifs évidemment, et ces résultats me montrent que je suis capable. Et oui, ça met en confiance.


Ce dont je rêve, c’est de parvenir à grimper avec 100 % de mes capacités, de pouvoir tout donner, et sans regret. Je suis une passionnée ! Que la meilleure gagne ! »


Tu as un bon souvenir de Laval, puisque c’est là-bas, lors de ta dernière compétition internationale en date, que tu remportais la médaille de bronze sur la Coupe d’Europe de difficulté en octobre 2021. Qu’est-ce que ça te fait de retourner sur ce mur ? 

Le mur de Laval est vraiment très beau, et j’ai vécu une compétition riche en émotions. Surtout en demi-finale, où j’ai réussi à totalement libérer mon escalade, en étant complètement dans l’instant présent, lucide dans ma grimpe, mais déconnectée du monde extérieur. C’est cette sensation que je cherche en difficulté, ce moment où j’ai les antennes dans tous les sens, où je me sens libre, en train de danser avec la voie. Des souvenirs comme ça, on en a peu. Donc oui, retourner sur ce mur me fait rêver, et j’attends ce moment !

Il y a quelques mois, Nolwenn Arc montait sur le podium de la Coupe d’Europe de difficulté organisée à Laval © Guillaume Bouju

Tu as déjà été sacrée championne de France en 2017. Que représenterait un nouveau titre de Championne de France de difficulté ? 

Je crois que je n’ai jamais autant pleuré en montant sur un podium que lors de cette victoire à 17 ans. C’était une compétition extraordinaire, c’était inattendu, c’était si beau. Être championne de France à nouveau, j’en rêve. C’est un titre, un très beau titre, et un honneur !

Ce dont je rêve, c’est de parvenir à grimper avec 100 % de mes capacités, de pouvoir tout donner, et sans regret. Je suis une passionnée ! Que la meilleure gagne !


J’ai peur, je suis stressée, c’est un fait. Pourquoi ? Parce que ça me tient à coeur tout simplement ! »


Comment se sont déroulés tes entraînements ces derniers temps ? Te sens-tu bien en forme ? 

Cette année, je me suis vraiment beaucoup entraînée. J’ai mis en place de nouvelles choses, afin de diversifier ma pratique et résoudre mes problématiques, notamment avec le parkour grâce à Thomas Dudoué, que je remercie grandement, car c’est un coach en or ! J’ai également fait un peu de préparation mentale. Et ce évidemment, en plus de ma pratique quotidienne, qui alterne sur différentes salles avec comme QG principaux Vertical’Art Nantes, Innsbruck chez mon frère… et mon garage !

Dernièrement, je suis montée sur Paris pour un gros week-end d’entraînements dans différentes salles, et ce, entre amis, dont Guillaume Bouju, photographe professionnel et ami de longue date…  La forme est là, je me sens prête. Après ce seront les voies, mes décisions au moment T, mon état de forme et d’esprit sur chaque tour qui feront la différence !

Nolwenn Arc s’est entraînée de longs mois pour arriver en forme ce week-end © Guillaume Bouju

Justement, dans quel état d’esprit vas-tu aborder ce Championnat de France ?

Plaisir… et bataille ! Je rêve de vibrer, de vivre un moment riche en émotions, d’avoir des étoiles plein les yeux.
J’aime grimper, j’aime les compétitions, même si la pression est fortement présente. Je suis super motivée, j’ai envie, j’ai les crocs. Je suis prête à me battre. Prise après prise.


Un jour, on m’a dit : « à chacun son parcours pour son propre sommet ». Je ne sais pas jusqu’où j’irai, je ne me fixe ni limites, ni objectifs. »


Tu disais avoir une pression « surdimensionnée » lors du dernier sélectif équipe de France à Voiron. Mentalement, as-tu mis des choses en place pour gérer cette pression en compétition ?

Je suis de nature stressée, mais ce stress est aussi un grand moteur ! Je ne cherche pas à le canaliser ou à le gérer. Je l’accepte. J’ai peur, je suis stressée, c’est un fait. Pourquoi ? Parce que ça me tient à coeur tout simplement ! J’ai envie de bien faire, pour moi, mais aussi pour tous les gens qui me soutiennent. Je sais qu’ils ne seraient pas déçus de moi, mais j’ai envie de les faire rêver avec moi. Ils m’aident à aller au bout de mes projets, de mes rêves. Et du fond du coeur, je leur dis merci. Alors je vais jouer aussi avec ce stress !

Le fait de venir sur les Coupes de France me permet justement d’apprendre à le gérer, à le transformer en quelque chose de positif. Venez un moment en isolement/transit avec moi, vous verrez, je suis inarrêtable en paroles ! Extérioriser me fait du bien.

Gérer le stress fait partie du quotidien des sportifs de haut niveau © Guillaume Bouju

Quels sont tes objectifs cette saison ? 

Cette saison, j’ai plusieurs objectifs. Le plus important est d’intégrer une finale en Coupe du Monde, puis d’aller y jouer ! Évidemment, j’aimerais également en faire une aux Championnats d’Europe ! Le Championnat de France en est également un. Il me tient d’autant plus à coeur qu’il offre une sélection pour les Coupes du Monde d’Innsbruck et de Villars. Mon grand frère habitant à Innsbruck, cette sélection m’importe beaucoup. Je vais régulièrement chez lui m’entraîner, nous avons partagé des moments forts ensemble, et je ne dirais pas non d’en vivre un à nouveau ! Chaque Coupe du Monde est une incroyable nouvelle aventure ! Et ça vaut le coup de s’investir pleinement pour ça. Je ne suis pas prête à arrêter de me battre pour ! Vous pouvez encore compter sur moi un moment… !

Un jour, on m’a dit : « à chacun son parcours pour son propre sommet ». Je ne sais pas jusqu’où j’irai, je ne me fixe ni limites, ni objectifs. Je suis passionnée, je sais ce que je veux, et je me battrai pour. Allons voir où la route me mènera !

Les Jeux Olympiques sont dans le viseur de Nolwenn Arc © Guillaume Bouju

Et à plus long terme, les J.O. de Paris 2024 sont-ils dans ta ligne de mire ? 

Paris 2024 ? Los Angeles 2028 ? J’aime le bloc, j’aime la difficulté, j’aime grimper. Alors pourquoi pas ? Je suis bien allée à aux Jeux Olympiques de la jeunesse à Buenos Aires en faisant 18 secondes en vitesse !

Je m’entraîne beaucoup en bloc, j’adore ça. J’ai le parkour pour progresser en dynamique, j’ai des amis et une famille au top pour me soutenir, dont mon frère Kevin Arc, ouvreur et coach à Vertical’Art Nantes. J’ai une situation stable qui me permet de tout concilier, et je fais partie d’équipes au top, notamment Michelin, Vertical’Art et Gautier Supper avec Supperclimbing. Alors en avant !

Le mot de la fin ?

Je suis une passionnée, de la grimpe, de la course à pied, de l’entraînement… mais aussi de mes boulots, au sein de la diététique et d’un collège où je fais du soutien scolaire. C’est important pour moi de m’investir à 100% au sein de chaque domaine qui me tient à coeur. Alors j’ai juste envie de me faire plaisir, de profiter de chaque instant, et de me battre jusqu’au bout.

Et un grand merci, à tous mes amis, ma famille, mes équipes : Michelin, Vertical’art, Supperclimbing, tous ceux qui me suivent et soutiennent… Vous êtes au top !

Interview : Mejdi Schalck nous dit tout sur sa première victoire en Coupe du Monde !

Le week-end dernier, Mejdi Schalck, 18 ans, faisait sensation en remportant la Coupe du Monde de bloc de Salt Lake City. Un véritable rêve de gosse qui se réalisait pour le jeune Chambérien, qui avoue avoir encore du mal à y croire.

Il faut dire que sa progression est fulgurante. Il y a deux ans, il disputait sa première finale de Coupe du Monde, à Briançon. L’année dernière, il montait sur son premier podium international, décrochant l’argent à Salt Lake City. Un an plus tard jour pour jour, il se hissait cette fois sur la plus haute marche du podium, entonnant avec fierté la Marseille. C’était le week-end dernier à Salt Lake City. Au terme d’une finale formidable, où il enchaînait les quatre blocs, Mejdi Schalck s’imposait devant deux Japonais, pour la première fois de sa carrière.

Mejdi Schalck a accepté de nous raconter les coulisses de cette victoire, alors qu’il s’apprête à disputer une nouvelle manche de Coupe du Monde ce week-end, à Salt Lake City toujours.

Rencontre avec le phénomène français.


Ça y est Mejdi, tu l’as fait ! Tu as remporté ta première Coupe du Monde le week-end dernier à Salt Lake City. Qu’est-ce que l’on ressent quand on décroche l’or pour la première fois de sa carrière, à seulement 18 ans ?

C’est assez difficile de se dire que c’est vraiment arrivé, c’est un rêve depuis tout petit ! Ça me fait tellement plaisir.

Il y a deux ans, tu prenais part à ta première Coupe du Monde. Puis, il y a un an jour pour jour, tu montais sur ton premier podium. Et cette année voilà que tu remportes ta première médaille d’or mondiale. T’attendais-tu à progresser si rapidement ?

Non je ne pensais pas du tout avoir de la réussite aussi tôt et surtout aussi vite.
Déjà, participer aux Coupes du Monde me semblait juste fou, alors faire un podium et même gagner, c’est clair que je ne m’y attendais pas.

Tu prenais la dernière place qualificative pour les finales, en te classant 6ème des demis. Est-ce que le fait d’être le premier grimpeur à t’élancer en finale t’a permis de t’ôter de la pression ?

C’est vrai que c’est toujours plus facile quand on s’élance premier sur une finale, on a moins de pression. Ça m’a aussi rappelé l’année dernière où j’avais la même place et où le scénario avait plutôt bien tourné.


J’avais vraiment envie d’en découdre dans les blocs, et de faire de mon mieux ! »

Mejdi Schalck


En voyant les blocs de finale à la lecture, savais-tu déjà que tu avais une carte à jouer ?

Je savais que les blocs pouvaient me convenir mais qu’il fallait que je me laisse grimper. Je sais qu’en plus, en général, en finale, j’arrive à me surpasser et à augmenter mon niveau grâce à toute l’excitation, le public etc.. Donc oui, je me disais que tout était possible !

On a vu dans ton regard que tu étais extrêmement concentré en arrivant devant le premier bloc des finales. Dans quel état d’esprit étais-tu ?

J’avais vraiment envie d’en découdre dans les blocs, et de faire de mon mieux !

Après avoir enchaîné le bloc 4, tu exploses de joie sur les tapis. Savais-tu as ce moment-là que quoi que les autres fassent, tu avais remporté cette Coupe du Monde ? 

Je savais que si je le faisais à vue, j’étais sûr de gagner. Mais je ne savais qu’en deux essais, c’était aussi bon. Quand j’ai enchaîné le bloc, je me suis dit que j’étais au pire deuxième, donc c’était déjà fou. Mais je savais aussi que le bloc était vraiment difficile et que j’avais mis un gros run…. Donc que j’avais quand même une grosse probabilité de gagner.

Qu’est-ce qui a fait la différence selon toi sur cette compétition ?

Je pense que le fait d’être jeune et de n’avoir rien à perdre joue quand même beaucoup. Aussi le scénario de finale à jouer en ma faveur : ce n’est pas facile à gérer quand dans une finale les deux premiers à passer (le Japonais Rei Kawamata et moi-même) sortent assez rapidement les blocs, ça rajoute pas mal de pression aux autres.

As-tu une anecdote, une petite histoire, à nous raconter sur cette compétition ?

Le jour des qualifs, j’arrive derrière le mur dans l’isolement avant de grimper, et 5 minutes avant de partir, je me rends compte que j’ai oublié mon dossard dans l’autre isolement (à 5 minutes de voiture). On me dit donc de partir dans le premier bloc mais que je prendrai un carton jaune et que si je n’avais pas mon dossard dans le deuxième c’était carton rouge et exclusion de la compète. Heureusement, j’ai réussi à avoir mon dossard 3 minutes avant de partir dans mon bloc 2 !

Tous les regards seront tournés sur toi ce week-end pour la deuxième étape à Salt Lake City. Ressens-tu plus de pression que la semaine dernière ?

Non, pas de pression ! Je vais juste me faire plaisir et prendre de l’expérience, j’ai encore beaucoup à apprendre !

Quelle est la suite pour toi cette saison ? En diff, quels sont tes objectifs ?

L’un de mes objectifs principaux est le Championnat d’Europe à Munich en bloc et en diff. Sinon en terme de calendrier de compétitions, je pense faire la Coupe du Monde d’Innsbruck en bloc et diff et sûrement la Coupe du Monde de difficulté de Chamonix, qui sera suivie des World Games aux US.


Les blocs de finale de Mejdi Schalck en images :

 

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Jules Marchaland nous parle de son premier 9a, « Trip Tik Tonik »

Le 14 mai dernier, Jules Marchaland enchaînait Trip Tik Tonik dans les Gorges du Loup. Cette voie sur pinces cotée 9a et déversante à 60°, constitue le premier enchainement dans le neuvième degré du grimpeur niçois de 20ans.


Tu viens d’enchaîner ton premier 9a. Quel est ton ressenti ? Tu réalises ?

Ça fait un moment que j’attendais de passer le cap du 9eme degré. Je savais que j’en étais capable mais je n’arrivais pas à concrétiser. C’était vraiment le bon moment pour enchaîner Trip Tik Tonik.  J’attaquais un gros chantier de 10 jours sous le soleil bien violent le lendemain, donc grosse fatigue et impossible d’aller à la falaise. Après 10 jours je réalise que c’est fait, et je suis vraiment satisfait et soulagé d’avoir croité.

Pourquoi avoir choisi Trip Tik Tonik comme premier 9a ?

Trip Tik Tonik c’est un peu la ligne de rêve de chez nous (vers Nice) : des colos dans du gros dévers, tout naturel, pas loin de la maison. Tout est parfait dans la voie, les mouvs sont tellement classes !

En 2017 tu as enchaîné tes deux premiers 8c+. Tu as attendu 2021 avant d’en réenchainer un et 2022 avant d’enchaîner ton premier 9a. Comment expliques-tu ce long processus de progression ?

Entre 2017 et 2021 je n’ai jamais vraiment arrêté de grimper. Je faisais encore les compétitions, mais j’arrivais un petit peu moins en forme au moment de la saison en falaise, et je me faisais rouster dans les voies qui me restaient à faire ; c’était dur mentalement. J’ai donc préféré profiter de l’été avec mes potes plutôt que d’aller poncer la falaise…

Comment fais-tu pour grimper à haut niveau tout en exerçant ton travail de constructeur de scènes/structures d’événements ?

Mon travail me laisse beaucoup de temps libre. J’ai le statut d’intermittent et il n’y a pas énormément de boulot de septembre à mai. Ça me permet de pouvoir m’entraîner assez souvent. Seul bémol, la période la plus remplie de travail c’est l’été… J’essaye de faire au mieux pour trouver un juste milieu entre le travail et l’escalade et essayer de bien gérer la fatigue.

Quels sont les sacrifices à faire / l’entraînement pour atteindre un tel niveau de grimpe ?

Pour moi il n’y a pas de sacrifices obligatoires à faire, mais selon l’hygiène de vie des grimpeurs certains sacrifices peuvent être vraiment bénéfiques, c’est sûr. Pour ma part, je me suis beaucoup plus entraîné cette année. Je suis passé de 3-4 séances à plutôt 6-8 séances par semaine. Je n’ai pas de planning précis d’entraînement. Je m’entraîne quand j’en ai envie et quand j’ai le temps. J’ai aussi arrêté de manger des kebabs, pizza, mcdo et sucreries depuis 1 mois, et j’ai perdu 3 kg assez facilement ; je pense que ça m’aide vraiment. La clef pour la performance c’est l’entraînement !

Peux-tu décrire la voie et son crux ?

La voie commence par 10-12 mètres dans un panneau à 60°, cette partie doit valoir 8b/8b+ sur de belles pinces. Après ça, il y a un léger genoux où on peut à peine délayer, puis on attaque le crux. Quatre beaux mouvements sur pinces, jusqu’à atteindre ce ballant mythique avant d’aller dans une bonne prise; suivent une dizaine de mouvements pas très durs pour rejoindre un bon repos. Et la fin doit valoir 8a+ ou 8b sur de belles colos dans un dévers moins prononcé qu’au début

Quel était ton état d’esprit en rentrant dans le 8b rési qui suit le crux ?

J’étais vraiment déterminé à la plier, mais j’avais vraiment peur de l’échec et une bonne montée de stress est arrivée… C’est un peu ma spécialité de me la coller en haut des voies. Mais là, j’ai su bien gérer, aucune erreur et j’étais calé à la perfection. J’ai même pas tremblé et j’étais vraiment confiant dans la fin. C’était vraiment une sensation incroyable de savoir que j’allais enchaîner !

Tu es également très présent en compétitions. Qu’est-ce qui te plaît le plus entre le travail de voie en falaise et la compétition ?

Je n’ai pas vraiment de domaine préféré. Je ne savais même pas si j’allais faire la saison de compétitions quelques semaines avant, puis je me suis lancé. Ça faisait longtemps ! J’adore l’ambiance des compétitions et le petit stress. Mais la récompense d’enchaîner un projet en falaise c’est vraiment top. J’aime bien faire les deux, puis les deux se complètent vraiment bien je trouve!

En ce début de saison, enchaîner ton premier 9a en seulement 5 sessions est très prometteur. Que prévois-tu pour la suite ?

C’est sur que 5 séances c’est pas énorme mais j’ai beaucoup essayé l’an dernier. J’ai pas mal de projets dans les Alpes-Maritimes (un peu toutes les voies dures du coin à vrai dire…) mais je pense me lancer dans « Kinematix » et « Kick Ass », deux 9a dans le secteur de Déversé. Et puis pourquoi pas aller faire quelques trips à Saint-Léger pour aller essayer « Super Crakinette » la saison prochaine !

Nolwen Berthier: « C’est une de ces voies qui te laissent miroiter au premier abord que c’est jouable »

Suite à sa grosse performance en début de semaine avec l’enchaînement de « Supercrackinette », 9a+ à Saint Leger, nous avons posé quelques questions à Nolwen Berthier pour en savoir un peu plus…


Quand, et pourquoi avoir choisi de te mettre dans ce projet de supercrackinette?

J’ai essayé Supercrackinette pour la première fois il y a 2 ans. Pour me lancer dans un ultime projet, je voulais trouver une voie pas trop morpho, si possible dans mon style, pas trop loin de la maison … et avant tout qui me motive ! Et bien vous le croirez ou non, mais malgré les nombreuses falaises et belles voies du Sud de la France, ce n’est en réalité pas si facile de tout combiner ! “Supercrack” rassemble un peu de tout cela, et même si je n’ai jamais fait de 9a, pourquoi pas me lancer dans cette aventure ? Dès les premières montées, j’avais bien compris que c’était une de ces voies qui te laissent miroiter au premier abord que c’est jouable, mais que quand venait l’heure d’empiler tous les mouvs, ce n’était pas le même game… Peu importe, l’aventure était lancée !

Quelles ont été les principales difficultés pour toi dans cette voie?

Physiquement, c’est sans aucun doute, d’avoir le niveau de force requis pour le premier crux ! Rien que pour faire ce mouvement intrinsèquement, il m’a fallu quelques séances. Après, comme dans tout projet dur, il y a également un challenge mental. A partir du moment où tu comprends que tu peux enchainer, tout bascule. L’enjeu peut vite prendre le dessus et il faut arriver à conserver un équilibre entre l’envie de grimper et celle de clipper le relais. Combiner ceci avec la gestion de la météo, de l’entrainement, du repos, des contraintes d’emploi du temps, …

Comment es-tu restée motivée et engagée tout ce temps pour ce projet?

Dès le commencement, j’ai pris soin de cette motivation. Je savais que ce serait un projet qui ne se ferait pas en quelques semaines alors j’ai alterné périodes de travail de la voie et temps d’entraînement, pour ne pas tomber dans la monotonie et attiser cette envie profonde de mettre des runs gagnants. Je me suis aussi fixé de nombreux objectifs intermédiaires : faire le mouvement du crux, puis faire le mouvement en partant 5 mouvs en dessous, puis partir du même endroit et empiler les 2 crux, faire le crux lestée à 3 kg, puis toute la section, … Toutes ces étapes m’ont permis de matérialiser un réel avancement et de conserver une forme de complicité avec la voie, où chaque séance reste un jeu qui ne laisse pas s’instaurer la frustration de tomber toujours au même mouvement.

© Antonin Rhodes

Raconte nous comment s’est passé l’enchaînement (le détail de la journée et du run)…

Lundi de Pâques. Météo annoncée: nuageux toute la journée, 18°C, 15 km/h de vent, 24% d’humidité. Bref, les condi idéales. 9h30, petit déjeuner, il fait en fait grand soleil. Génial… Peut être que ça va se couvrir dans l’aprem ? Essayons de ne pas trop trainer quand même … on sait jamais ! 11h, c’est parti pour le classique 7b d’échauffement. J’ai jamais autant forcé. On va dire que c’était à cause du soleil. Message des copains : « Au fait, ça te dit un resto ce soir ? » Pourquoi pas, on verra ce soir … 11h45, la deuxième classique, 8a+. J’ai quand même pris des bonnes bouteilles aujourd’hui … Bon, il était en plein soleil aussi. La forme ne s’annonce pas incroyable … D’un autre côté, tout le monde grimpe à l’ombre, c’est ptet un signe ? Bon au moins j’aurais pas l’onglée … 12h30, la voie est encore à l’ombre. Le fameux petit vent du pilier de Praniania souffle, les dégaines bougent. C’est peut être pas si mal ? Quelques tractions, je ne me sens pas très échauffée. Tirons un peu sur l’élastique. 13h, le crux commence à passer au soleil. Là faut y aller. Quelques suspensions sur la poutre, La chasse au neuf de pâques est ouverte ! Noeud de 8, chausson gauche, chausson droit, sac à pof, magnésie liquide. A nous deux Supercrack !

Les mouvs s’enchainent, je me laisse grimper, les prises sont fraiches sous mes doigts. J’arrive dans l’approche du premier crux, première relance, je me sens plutôt solide physiquement. Deuxième relance, j’attrape parfaitement l’arquée du crux. Je prends l’inter, je bouge les pieds, je ferme le bras. Et … j’attrape le mono !!!!! Wow, le mouv’ m’a presque semblé facile, c’est ouf. Bon, restons concentrée. Me voilà sur la tempo. Ce n’est pas très confortable mais je délaie bien. J’ai quand même pris une petite pétée et mes doigts sont un peu froids. Il faut que le sang revienne si je veux avoir des bonnes sensations dans le crux qui m’attend au dessus. Mais pourquoi mes jambes se mettent à trembler ? Si ça continue je vais pas réussir à charger les pieds… ! Respire, ça va se calmer. Je reste plus longtemps que prévu sur le repos pour gérer tout ça. Je me remémore tous les petits détails à avoir en tête, je souffle deux grands coups, Tchii, Tchii, c’est reparti ! L’approche se passe bien, je place bien mes doigts sur la prise de mise en place, je monte les pieds, je pourfends la prise du crux et … Waaa ! je donne tout ce que j’ai pour aller dans la boite aux lettres… Je l’ai. Incroyable. Je ne suis pas tombée. Il me reste quelques mètres avant la sortie, j’assure les quelques mouvements restants et je clippe le relais !!! Whouhooooooo !! 13h15, mes pieds retouche le sol. Je tombe dans les bras de mon assureur. Je ne réalise pas encore tout à fait … vraiment, c’est fait ? 13h30, Les copains arrivent juste à la falaise. On peut réserver le resto pour ce soir !

Comment se sent-on après la réalisation d’un tel projet ?

J’aimerai dire que ça m’a fait grandir … mais je ne crois pas Blague à part, ces périodes de transition sont toujours un peu particulières. Clipper le relais d’un projet à long terme c’est souvent une immense satisfaction mais passée l’euphorie de l’instant, il y a aussi toujours un peu de vide qui s’installe. Après avoir passé des mois à tout mettre en oeuvre pour un objectif, on est un peu comme déboussolé. Il faut se projeter vers le futur !

Et maintenant, quels sont les futures lignes que tu as en tête ?

J’ai plein de projets en tête, mais après cette période à rester focalisée sur une seule voie, j’ai surtout envie d’explorer plein de falaises différentes, me faire plaisir en variant les voies, brasser des mouvs ! On verra où le vent me portera !

Un dernier mot à ajouter?

Un immense MERCI à toutes celles et ceux qui ont pris part à ce projet ! Vous avez cru en moi, vous m’avez encouragée de près ou de loin, vous vous êtes bien caillés, on a bien rigolé. Bref, vous avez été incroyables !

Jérémy Tonneau, chef ouvreur sur le Championnat de France jeunes, analyse la compétition

Les 19 et 20 février dernier, plus de 360 jeunes bloqueurs, répartis en trois catégories (U16, U18 et U20) se donnaient rendez-vous à Sartilly, pour se disputer le titre national 2022. Après deux ans sans Championnat de France en raison de la crise sanitaire, la pression était à son comble, tant pour les grimpeurs que pour les ouvreurs. Ces hommes de l’ombre, qui créent les blocs sur lesquels s’affrontent les compétiteurs, participent grandement à la réussite (ou non) d’un événement.

Si les qualifications de ce Championnat de France se sont déroulées avec succès, les finales ont fait couler un peu d’encre sur les réseaux sociaux, étant jugées trop difficiles. En effet, toutes catégories confondues, les tops n’ont pas été nombreux.

Pour en savoir un peu plus, nous sommes allés à la rencontre de Jérémy Tonneau, le chef ouvreur de cette compétition. Il revient en détails sur les tours de toutes les catégories et nous livre son ressenti sur ce qui a bien marché et ce qui a moins bien fonctionné.


Salut Jérémy, tout d’abord, peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?

Bonjour PG, je m’appelle Jérémy Tonneau, j’ai 36 ans, et je pratique l’escalade depuis l’âge de 12 ans, sport pour lequel je me suis très vite passionné.

J’ai commencé la grimpe dans le Pas-de-Calais. J’ai ouvert mes premières compétitions dans le Nord pour la ligue sur des compétitions régionales, sur les championnats de France UNSS ou encore les inter-régions à partir de 2004. Pendant cette période je me suis également initié à la construction et au montage de structures et de murs d’escalade de bloc et de difficulté dans des gymnases pour Escatech en 2006. En 2007, j’ai obtenu mon diplôme ouvreur national avec Jacky Godoffe et Raphaël Cabane.

En 2009, après une saison d’été en Corse où j’ai rencontré ma femme, j’ai été embauché par le CAF Causses et Cévennes à Millau, en tant que moniteur/ouvreur à la salle Couleur Caillou, où je travaille encore. Je suis tombé amoureux de la région, des gorges du Tarn, de la Dourbie et de la Jonte. En parallèle de cette activité salariée j’ai développé mon activité en tant qu’ouvreur, formateur et instructeur pour le CREPS de Montpellier et la Ligue Occitanie.

Lors de ma première année au sein du club, j’ai ouvert ma première Coupe de France à Millau en 2010 en tant que chef ouvreur en bloc aux côtés de Romain Cabessut et Géraud Fanguin. Puis tous les ans, j’ai ouvert des compétitions de blocs et de voies de plus en plus importantes avec différents ouvreurs de toute la France.

2011 : Championnats de France seniors de bloc.
2012 : Championnats de France jeunes et seniors de bloc.
2013 : Coupe du Monde de bloc.
2014 : j’ai ralenti la cadence car j’avais l’impression d’avoir fait le tour et je ne trouvais plus l’inspiration de mes débuts. Je suis parti aux États-Unis pour me ressourcer et grimper sur les highballs de Bishop et au Yosemite.
2015 : j’ai repris le chemin des ouvertures en compétition, avec la Coupe de France de bloc et le sélectif équipe de France jeunes à Beyrède, l’Open international des Natural Games et les 24 heures du Mur (10ème édition).

Les années suivantes, je continue à ouvrir sur les plus belles compétitions en France :

2016 : Championnats de France jeunes de bloc à Toulouse, Vertical Océan Camp en deep water solo et bloc chez The Roof à la Rochelle, l’Open international des Natural Games, les 24 heures du Mur (11ème édition)

2017 : Championnats de France seniors de bloc à La Baconnière, chef ouvreur sur les Championnats de France jeunes de difficulté à Quimper, chef ouvreur sur l’Open international des Natural Games, chef ouvreur sur la Coupe de France de difficulté jeunes et vétérans ainsi que sur le sélectif équipe de France jeunes à Briançon, 24 heures du Mur (12ème édition) et ouverture sur le stage pour l’équipe nationale seniors de difficulté au pôle France à Voiron.

2018 : Open régional de difficulté pour le CAF La Roche Bonneville, championnats de France seniors de bloc à Massy, chef ouvreur sur les Championnats de France jeunes de difficulté à Tournefeuille, chef ouvreur sur l’Open national de bloc à BO Montpellier, chef ouvreur sur l’Open international des Natural Games, chef ouvreur sur la Coupe de France de difficulté jeunes et vétérans à Briançon, championnats de France vétérans de bloc et Coupe de France de bloc seniors à BO Toulouse, 24 heures du Mur (13ème édition).

2019 : Open régional de difficulté pour le CAF La Roche Bonneville, chef ouvreur sur les Championnats de France seniors de bloc à la Baconnière, chef ouvreur sur les Championnats de France vétérans de bloc et Coupe de France de bloc seniors à BO Bordeaux, Coupe de France de difficulté jeunes et vétérans à Briançon, 24 heures du Mur (14ème édition).

2020 : Championnats de France jeunes de blocs à la Baconnière.

2021 : Coupe de France de difficulté jeunes et vétérans à Briançon, 24 heures du Mur (15ème édition).

Plus que cette liste exhaustive, ce qui me semble important de souligner c’est que ce sont des amitiés fortes qui ont été construites (notamment avec Romain Cabessut). Le parcours d’un ouvreur est en effet étroitement lié à ses qualités humaines et relationnelles. Ce sont toutes les rencontres que j’ai eu la chance de faire, les moments de galère partagés, les « déconnades » entre potes, les déplacements un peu partout en France, les surprises (qu’elles soient bonnes ou mauvaises) qui font que je suis passionné et toujours motivé pour ouvrir. Il ne suffit pas d’exceller en escalade ou d’avoir ouvert des compétitions de haut niveau pour être un bon ouvreur, il faut accepter de se remettre en question et d’évoluer.

Comment as-tu géré le rôle de chef ouvreur sur le Championnat de France jeunes 2022 ? 

Généralement, pour un Championnat de France jeunes, nous sommes quatre ouvreurs nationaux et un stagiaire ouvreur national. Le rôle du chef ouvreur c’est aussi de savoir proposer une équipe d’ouvreurs complémentaires et qui, potentiellement, peuvent bien s’entendre.

Pour ce Championnat, les ouvreurs étaient Julien Sage, Antoine Hosting (le local de l’étape), Christophe Cazin et le stagiaire Tristan Chaudière. Malheureusement, Antoine n’a pas pu ouvrir à cause d’un souci de santé. Nous en avons eu connaissance le lundi matin et Émilie Gheux, responsable au service compétition FFME, a heureusement réussi à trouver un remplaçant pour nous sortir la tête de l’eau. Ça fait partie des aléas de l’ouverture ! C’est Blaise Jaffré (ouvreur national) qui a remplacé Antoine. Là encore, ce fut une belle rencontre. Antoine est tout de même venu bénévolement pour tester les blocs de qualification.


Le rôle d’un chef ouvreur, c’est également de savoir pousser son équipe à donner le meilleur d’eux même et faire face aux situations parfois stressantes. »


Pour moi, le Championnat de France jeunes, c’est la compétition nationale la plus difficile à ouvrir. Il y a tellement de blocs à tracer qu’il faut être en forme et avoir de la peau sur les doigts tout au long de la semaine. Il faut également être au fait du niveau général de beaucoup de jeunes et être capable d’adapter le niveau pour chaque catégorie. Le moindre retard durant la semaine d’ouverture ou entre les tours de la compétition peut mettre en péril la réussite de l’événement.

Au-delà de ses compétences en ouverture, le rôle d’un chef ouvreur, c’est aussi de savoir gérer le timing et les imprévus. Le rôle d’un chef ouvreur, c’est également de savoir pousser son équipe à donner le meilleur d’eux même et faire face aux situations parfois stressantes. Il faut donc savoir faire preuve de calme et de sang-froid pour respecter les délais impartis sans stresser son équipe.

L’équipe d’ouvreurs : Tristan Chaudière, Jérémy Tonneau, Christophe Cazin et Julien Sage

Après deux ans sans Championnat de France, comment avez-vous fait pour jauger le niveau des jeunes ?

Pas facile pour moi, car cela faisait plus d’un an que je n’avais pas ouvert une compétition nationale de bloc à cause de la pandémie. Il fallait d’ailleurs prendre en compte le niveau hypothétique des jeunes en considérant également qu’eux aussi avaient été privés d’un certain nombre de compétitions d’envergure, et donc, d’entraînements en situation. Car on sait bien évidemment que grimper en compétition ce n’est pas la même chose que grimper en entraînement.

En plus de se renseigner sur les classements nationaux, il est donc important de communiquer entre ouvreurs et de relever les avis de chacun sur les jeunes. Julien Sage, qui avait été chef ouvreur sur la Coupe de France jeunes de bloc à Chambéry, et Christophe Cazin chef ouvreur sur la Coupe de France de Rungis, m’ont ainsi aidé à me faire une idée plus précise du niveau général des jeunes.


En finale, pas grand chose ne s’est déroulé comme nous l’avions prévu. »


Les qualifications se sont plutôt bien déroulées, avec un classement homogène. Mais en finale, les blocs semblaient un peu trop durs et il n’y a eu que peu de tops. Comment analyses-tu cela après coup ?

Effectivement, les qualifications se sont très bien passées, les blocs ont plutôt bien fonctionné, mis à part un bloc chez les U18 garçons (trop facile) et un bloc chez les U20 garçons (trop dur, mais la zone a fait le travail). Même si ce n’est pas facile de faire grimper les derniers du classement avec les meilleurs, nous étions globalement satisfaits de notre travail.

En finale, pas grand chose ne s’est déroulé comme nous l’avions prévu.

Chez les U16 garçons, il n’y a pas eu de top dans bloc 1. Samuel R. et Max B. n’ont pas réussi à s’exprimer correctement sur les plats. Ils ont fait quelques erreurs et cela n’a pas pardonné. Ils n’ont pas su gérer leurs essais dans le temps. Il ne manquait pas grand chose pour que ça marche. De plus, la zone était mal placée, j’aurais dû la mettre une prise plus basse pour qu’elle soit accessible. C’était le bloc le plus difficile de leur circuit. Il y avait trop d’exigence dans ce bloc.

Le bloc 2 a très bien marché pour ma part, il était moins complexe à déchiffrer et les compétiteurs ont pu s’exprimer.

Dans le bloc 3, il y a deux grimpeurs qui se sont fait arrêter au temps, un sur la prise finale et l’autre sur la dernière prise. Le début n’était pas trop complexe en lecture, mais quelques grimpeurs se sont embarqués dans des méthodes peu conventionnelles, ce qui rendait le bloc beaucoup plus difficile que la méthode classique.


Les filles m’ont impressionnées dans les mouvements de coordination. Il y a cinq ans, je n’aurais pas pu leur proposer de tels mouvements. »


Chez les U16 filles, même constat que chez les garçons. Le bloc 1, avec le jeté comme premier étage, était vraiment bien calibré pour elles, mais le bac de fin était trop incliné de 5 degrés. De plus, certaines n’ont pas vu l’appui pour la main sur le volume, rendant le mouvement final bien plus dur que ce qu’il était en réalité.

 

Le bloc 2 a été topé deux fois, mais il aurait pu être enchaîné par plus de grimpeuses si le pied sur le volume noir ne les avait pas induites en erreur. Pourtant on s’est posé la question plusieurs fois, mais avec le pied vertical, on s’est dit qu’elles comprendraient qu’il faille d’abord chercher la prise de main avant le pied… Mais ce n’est pas ce qu’elles ont fait.

Le bloc 3 en fin de circuit était trop difficile pour l’ensemble des compétitrices, elles n’avaient plus assez de ressources pour s’exprimer dans le bloc le plus dur du circuit de finale.

Pour résumer les catégories U16, on ne peut pas trop mettre d’exigence dans les blocs (risques, intensité et complexité) car ils sont « à vue » en 4 min et que les grimpeurs n’ont pas beaucoup d’expérience en compétition. Même les U16 deuxième année, car à cause du Covid, ils n’ont pas fait beaucoup de compétitions en 2020/2021 au niveau national. Ils ont aussi plus de difficulté à gérer la pression d’une finale en Championnat de France. De plus, nous ne les connaissions pas beaucoup, voire pas du tout. Pour moi c’est la catégorie la plus difficile à gérer au niveau de l’ouverture, à cause des différences de morphologie. On essaye de gérer au maximum les gabarits pour ne désavantager personne, et faire en sorte que les blocs ne se soient pas « shuntés ». Pourtant quand j’ai demandé avant l’ouverture de cette compétition aux différents chefs ouvreurs des Coupes de France jeunes, c’est les U16 qui avaient le plus impressionnés. Le positif, c’est qu’ils ont quand même pu s’exprimer car les blocs étaient grimpants. Cela a fait le spectacle. Les filles m’ont impressionnées dans les mouvements de coordination. Il y a cinq ans, je n’aurais pas pu leur proposer de tels mouvements.


Je n’aurais pas dû prendre ce risque, mais si cela avait marché, l’ambiance de la salle aurait été survoltée. »


Chez les U18 garçons, même scénario : un peu trop dur, mais alors de rien. Le bloc 1 ne sort qu’une seule fois. C’était le bloc le plus complexe en lecture du circuit. Le passage dans le toit était trop long à déchiffrer, ils ont passé trop de temps à comprendre le passage, pas assez de temps pour faire la deuxième partie.

Le bloc 2, il y avait une première partie en coordination physique et le deuxième étage était un gros mouvement d’épaule. C’était sûrement le mouvement le plus dur et le plus physique du circuit. Je pense que le premier étage aurait pu être moins physique. Malheureusement deux grimpeurs tombent sur le bac final.

Le bloc 3 était calibré pour eux, de la coordination comme ils aiment, pas mal de grimpeurs arrivent au dernier mouvement du bloc, mais le pied est trop petit et placé trop à droite, il les fait donc tourner de trop, ils n’arrivent pas à contrôler le mouvement assez longtemps pour arriver au bac final avec moins de vitesse. Le pied aurait dû être 5 cm plus à gauche, ou juste un peu plus gros et le bloc sortait.

 

Nous savions que chez les U18 garçons, le niveau des grimpeurs était très élevé car 12 grimpeurs pouvaient rentrer potentiellement en finale. Donc il fallait que les blocs soient un minimum durs pour que les grimpeurs se départagent correctement dans des styles très variés. Encore une fois, on a manqué un peu de lucidité et de réussite malgré mes intentions.

Le circuit des U18 filles était un peu mieux calibré même si le bloc 3 n’a pas été sorti.

Quatre filles avaient validé les 8 blocs en qualification, donc une forte densité de grimpeuses fortes qui pouvaient monter sur le podium. Le bloc 1 est fait deux fois alors que c’était le bloc le plus facile du circuit et où les mouvements étaient typés pour les filles. Par contre il demandait une bonne lecture.

Le bloc 2 a bien marché aussi puisqu’il est sorti trois fois.

Le bloc 3 était difficile. C’était une volonté de ma part parce que je voulais qu’il y ait maximum deux tops pour que cela fasse le spectacle. De plus, nous avions la compétitrice Lily Abriat, qui avait gagné le sélectif jeunes la semaine d’avant, donc pour moi, nous étions assurés d’un top. J’avais bien facilité le mouvement difficile pendant l’ouverture et encore plus lors du remontage des finales. Mais les deux meilleures sont passées à la trappe, pas de réussite sur ce bloc. Dommage, car le bas n’était vraiment pas très difficile, le bloc se jouait uniquement sur le dernier mouvement. Je n’aurais pas dû prendre ce risque, mais si cela avait marché, l’ambiance de la salle aurait été survoltée. Et je l’ai déjà fait plusieurs fois quand il y a une différence de niveau entre la première et la dernière et ça marche bien.

 

Pour les U20 garçons, la compétition a plutôt pas mal marché sur ces finales.

Les trois blocs sont sortis, ce n’est pas toujours le même qui enchaînait les trois blocs, il y a eu du spectacle et de la bagarre entre les compétiteurs pour le podium.

Je pense qu’il fallait que je prenne un peu plus en compte que les deux meilleurs Français U20 n’étaient pas là (Paul Jenft et Mejdi Schalk). Je me suis basé sur leur niveau que je connais assez bien.

Pour les U20 filles, mon bilan reste mitigé. Il y avait une grosse différence de niveau entre la première et la sixième. J’avais vraiment peur que les trois dernières filles restent sur le tapis car les débuts des blocs étaient trop durs. On a donc pas mal facilité le circuit, surtout dans le bloc 1 et 3. Après les deux premiers tours de finale, je n’avais pas envie de reproduire les mêmes erreurs avec des blocs trop durs, qui du coup ne sortaient pas.

J’aurais peut-être dû laisser le circuit comme il était initialement prévu pour qu’il y ait plus de bagarres dans les blocs et sur le podium, mais à ce moment là, je n’avais plus confiance en moi pour prendre un tel risque.

L’ouverture est quelque chose de tellement dur à maîtriser. Souvent l’échec est le côté le plus dur à encaisser pour un ouvreur. Encore plus quand tu es chef, car c’est toi qui mets le curseur du niveau et l’intention.

Si c’était à refaire, que ferais-tu de différent ?

Quand la compétition ne se déroule pas comme prévu, tu te dis toujours : « j’aurais dû » mais ça n’enlève pas grand chose à la frustration que tu ressens à l’intérieur de toi.

La seule chose que j’aurais dû faire avant la saison, c’est de demander à être ouvreur sur une compétition nationale jeunes avant le Championnat de France, pour me remettre dans le bain en terme de niveau. Pour être plus pertinent sur les réglages des blocs lors de la compétition.

Avez-vous débriefé avec l’ensemble de l’équipe à la fin de la compétition ? 

Oui, bien sûr que nous avons débriefé avec l’ensemble des ouvreurs et le stagiaire. De plus, après chaque compétition, le chef ouvreur rédige un rapport à la FFME et donne un compte-rendu sur les compétences du stagiaire en compétition.

Le point positif de ce Championnat de France, c’est que ça fait du bien de renouer avec la compétition et l’événementiel. Le club était au top au niveau de l’accueil et de l’organisation. Merci aux bénévoles et tout particulièrement à Adrien Bourget. Le point négatif, c’est que ma rentrée s’est faite sur une note en demi-teinte.

Une petite anecdote d’ouvreur à nous raconter sur cette compétition ?

Le samedi midi, il y a eu un cas école lors du changement de tour entre les U16 et U18 sur le placement d’un scotch de départ, car trois prises se touchaient et se chevauchaient. Carole Majewki, présidente du jury sur la compétition et à l’international, nous a expliqué comment placer le scotch et nous a fait un petit point sur le règlement.

Elle se demandait ce qu’on allait lui réserver pour les prochains tours du dimanche. Le samedi soir, après le remontage des finales U16, pour la chambrer, nous lui avons fait croire un instant qu’il y avait un bloc U20 fille avec un jeté descendant (ce qui est interdit dans le règlement). On lui a ensuite expliqué que s’il y avait une réclamation, il n’était pas obligatoire et que l’on pouvait s’arrêter sur la première prise.

Fanny Gibert revient avec beaucoup d’émotion sur son sixième titre de Championne de France

Il y a une semaine jour pour jour, Fanny Gibert fondait en larmes en montant sur le podium du Championnat de France de bloc 2022. Pour cause, elle remportait pour la sixième fois de sa carrière le titre national. Malgré son gros palmarès à l’international, la Réunionnaise de 29 ans avoue que cette compétition reste l’une de ses préférées.

Un sixième titre de Championne de France est la preuve que Fanny Gibert est d’une régularité incroyable. Alors que le niveau augmente chaque année, que les jeunes poussent de plus en plus fort, et que le style de grimpe évolue tout aussi vite, continuer à dominer la scène nationale relève du domaine de l’incroyable selon la numéro 1 française.

Rencontre avec Fanny Gibert, qui revient avec beaucoup d’émotion sur cette édition 2022 du Championnat de France, une compétition qu’elle n’est pas près d’oublier.


Les titres de Championne de France, ça te connaît ! Mais cette sixième victoire a-t-elle une saveur particulière ?

C’est bien plus que ça… Je ne sais pas si tu te rends compte de ce qu’est un Championnat de France. C’est LA compet, tout le monde arrive au top de sa forme le couteau entre les dents notamment pour choper sa sélection en équipe de France. Chaque année le niveau augmente. Il y a tellement de grimpeurs HYPER forts qui n’ont jamais gagné un Championnat de France.

En gagner un, c’est déjà une consécration. Mais six… (le tout, sur une période de huit ans). Je me dis juste que c’est pas croyable, personne n’est à l’abri d’un jour de moins bien, d’une petite erreur qui coûte cher, d’une blessure, d’un craquage mental, d’une méforme…

Monter six fois tout en haut de cette put*** de boîte et entendre « Fanny Gibert Championne de France ! »… J’en pleure, c’est inévitable.

© FFME

Tu nous confiais juste avant la compétition que c’était l’une de tes préférées. Cette édition 2022 a-t-elle confirmé ton sentiment ? 

Les rideaux noirs, les projecteurs, la tension générale palpable, des ouvertures hyper soignées, la compet est suivie au niveau international : elle ne déçoit pas. Et cette édition 2022… Comment dire… Y a gagner une finale et gagner une finale à la dernière seconde de la compet, en étant la seule à enchaîner le dernier bloc. En ayant sorti des runs de malade pour sortir deux blocs dans les dernières secondes. L’art et la manière de vibrer fort ! C’est sûrement ma nouvelle édition préférée.


Ce dernier run était tellement puissant. C’était le parfait équilibre entre force, technique et tactique. Il représente ce pour quoi je m’entraîne tellement dur. »


Reviens d’abord sur le tour de demi-finale, particulièrement exigeant en fin de circuit. Qu’en as-tu pensé ?

J’ai déjà eu quelques soucis pour capter la méthode dans le premier bloc que j’arrive à sortir sur le fil… Belle frayeur (il m’a fallu un gros mental). Je lâche trop d’essais à mon goût dans le deuxième bloc. Le suivant, je ne comprends pas, je reste clouée en bas du bloc, frustrée. Je comprends après le circuit que je n’ai pas vu une préhension sur la prise violette juste avant la zone (belle boulette). Je monte très vite tout en haut du bloc 4, mais je zippe du talon pour choper la dernière prise. Or, c’était un bloc long et physique, je n’avais qu’une seule autre chance. Je monte encore en haut du bloc, j’étais bien, sûre de le faire cette fois, mais je zippe d’un autre pied.

© FFME

Fin du tour : j’avais 2 blocs et 3 zones. Gros moment de doute… Je pensais que ça ne suffirait pas pour passer en finale (trop d’erreurs sur ce tour), donc gros soulagement quand on me dit que je passe large.

C’était donc un tour un peu spécial… Car il y a deux blocs très durs, très peu répétés, qui sont dans des profils physiques, donc tout se joue sur les deux premiers blocs (profil vertical/dalle). Au final, le tour départage bien, tous les blocs marchent, pas de trucs morpho et des blocs classes et cool à grimper. Un tour un peu dur, mais perso je préfère.

Puis il y a eu les finales, comment as-tu trouvé les blocs à la lecture ?

Franchement le 1 je l’ai trouvé incompréhensible, mais classe parce qu’il était tout rose 🤪
Le 2 me semblait très cool, il me parlait bien. Finalement, il était bien dur et compliqué à grimper, mais je m’en suis super bien sortie.
Le 3 me plaisait aussi : un skate plutôt technique et à timing (pas morpho à priori), ça m’a motivé grave !
Et le 4 trop woouuaah j’avais trop trop hâte !

© FFME

Oriane Bertone était en tête après les trois premiers blocs avec 7 essais de moins que toi, mais tu as renversé le scénario de ces finales en étant la seule à toper le dernier bloc très physique. Qu’est-ce qui a fait la différence selon toi ?

Je ne faisais pas la compet contre Oriane. Bien sûr, je calculais le classement et je savais que c’était mal engagé. Mais je ne pensais pas à la victoire ou à défendre mon titre. Je me battais pour faire les blocs ! Et alors que je topais sur le fil, le public était en délire (c’était donc réconfortant, même si ça signifiait que j’avais mis trop d’essais).

Dans le dernier bloc, j’ai simplement fait ce que je savais faire. J’étais déterminée, appliquée et là-haut, j’ai laissé parler ma grimpe à l’instinct. Ce dernier run était tellement puissant. C’était le parfait équilibre entre force, technique et tactique. Il représente ce pour quoi je m’entraîne tellement dur. Faire la différence sur le bloc physique a un goût spécial. Eh oui, la petite Fanny a bien grandi !

 

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Cette compétition t’a-t-elle servi à régler quelques paramètres à l’approche de la saison internationale qui arrive à grands pas ? 

Cette compet me remplit de confiance et de bonheur. Ça lance ma saison sur la note la plus positive qu’il soit ! 👊🏽


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Interview : Paul Jenft nouveau Champion de France de bloc

Interview : Paul Jenft nouveau Champion de France de bloc

Dimanche dernier, un nouveau Français s’emparait de la couronne de Champion de France de bloc. Son nom ? Paul Jenft. Le chambérien de 18 ans a quasiment tout gagné dans les catégories jeunes. Multiple Champion d’Europe de bloc et de difficulté, il est également multi-médaillé sur le dernier Championnat du Monde jeunes qui s’est tenu l’été dernier en Russie.

Lui qui se considère d’abord comme un spécialiste de la difficulté (il disputait sa première finale en Coupe du Monde seniors l’an dernier), a toutefois réalisé la meilleure prestation sur le Championnat de France de bloc cette année.

Rencontre avec Paul, un jeune homme calme et discret, plein de projets pour l’avenir.


Salut Paul ! Tout d’abord, qu’est-ce que l’on ressent quand, à 18 ans seulement, on remporte le titre de Champion de France de bloc ?

Je pense que c’est l’un des moments les plus forts que j’ai vécu en compétition. Il y avait beaucoup de monde dans la salle pour soutenir les finalistes et j’ai vraiment eu l’impression qu’ils avaient passé un bon moment. Le fait d’avoir contribué un peu à ça m’a vraiment fait plaisir. Je remercie tous les gens qui étaient là, ou devant leur ordinateur, pour nous avoir encouragés à fond.

Comme Mejdi Schalck ou encore Oriane Bertone, tu as fait le choix de ne pas participer aux France jeunes cette année ? Etait-ce un choix tactique pour être plus en forme sur la compétition seniors ?

J’ai décidé de ne pas participer au Championnat de France jeunes parce que j’avais déjà une sélection chez les jeunes et j’ai préféré me préserver pour les épreuves seniors qui suivaient. C’est un choix qui n’a pas été facile parce que quand tu décides de ne pas aller sur la compétition la plus importante au niveau jeunes, les gens t’attendent sur celle d’après. Si tu te plantes, c’est dur de justifier le fait de prendre des sélections sans aller se confronter aux autres. Mais j’ai un calendrier de compétitions très chargé, donc forcément, il faut faire des choix et prendre des risques.

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Quel était ton objectif en te rendant à Plougoumelen ?

Je n’aime pas vraiment me fixer d’objectifs de résultat avant les compétitions. Mon but était de mettre en place tout ce que je savais faire et de tout donner sur la compet. La motivation vient en fonction de l’importance de la compétition et de l’investissement que je mets dessus. Et là j’étais sur-motivé !


Avant le dernier bloc, je savais ce qu’il fallait faire pour gagner et ça m’a ajouté une émulation incroyable. »


Dans quel état d’esprit et de forme as-tu abordé cette compétition ?

Je suis vraiment arrivé dans un bon état d’esprit, j’étais frais mentalement et physiquement et j’avais vraiment envie de voir ce que ça allait donner dans les blocs. J’ai eu la chance que mon pic de forme soit arrivé assez tardivement, ce qui a fait que je n’étais pas super en forme les semaines avant la compet. Ça m’a permis de ne pas être trop attendu et donc, j’ai moins eu à gérer le regard des autres par rapport aux favoris.

Tout au long du week-end, tu n’as cessé d’améliorer ton rang : d’abord troisième de ton groupe de qualification, tu terminais deuxième des demi-finales, pour finir par une première place en finale. Avec un peu de recul maintenant, comment analyses-tu la compétition dans sa globalité ?

Plus les tours passaient, plus j’étais fatigué. Je n’avais pas énormément de réserve sur la compet. Mais la fatigue m’a aussi permis de mieux grimper au fil des tours. Quand physiquement ça devient plus dur, c’est plus facile d’être relâché et de mieux se placer, donc ça peut avoir un impact bénéfique sur la grimpe. Je pense que le relâchement m’a bien aidé sur ces finales.

© FFME

Justement, parlons maintenant des finales. Qu’as-tu pensé des blocs à la lecture ? Savais-tu que tu avais une bonne carte à jouer ?

C’est assez dur de connaître le niveau des blocs à la lecture, donc ce n’est pas facile de se projeter sur la place qu’on peut espérer. Dès le premier bloc j’ai vu que j’étais dans le match et plus les blocs passaient plus je voyais l’opportunité se dessiner.


J’ai moins de temps que les autres pour m’entraîner, alors je fais des séances plus qualitatives et donc, je m’investis à fond dès que je grimpe. »


Tu as failli être le seul grimpeur à enchaîner tous les blocs de finale, et tu réalises d’ailleurs un très beau flash des deux derniers blocs. Qu’as-tu pensé de ces finales ?

Les finales ont vraiment tenu leurs promesses ! Il y a eu du suspense jusqu’au dernier moment. Quand tu es derrière le rideau, tu peux assez facilement calculer ta position dans le classement en fonction de ce que tu entends. Il y en a qui n’aiment pas le faire et qui mettent leur casque, mais moi ça m’a vraiment servi. Avant le dernier bloc, je savais ce qu’il fallait faire pour gagner et ça m’a ajouté une émulation incroyable.

© FFME

As-tu changé quelque chose cette année dans ta façon de t’entraîner ? Sur quoi axes-tu ton entraînement ?

Il y a eu beaucoup de changements pour moi cette année : je suis parti de chez mes parents pour aller à Grenoble pour mes études. J’ai donc dû m’organiser différemment et j’ai changé mes lieux d’entraînements. J’ai complètement bousculé la routine que j’avais mise en place depuis plusieurs années et je craignais un peu que ça se ressente sur mes performances. Mais j’ai vraiment trouvé un bon équilibre à Grenoble et je peux maintenant vraiment m’investir dans l’escalade.

Pour ce qui est de mes contenus de séance, j’ai continué sur ce que je faisais l’année dernière, en m’adaptant aux structures et aux gens dispos pour s’entraîner avec moi. J’aime bien rester assez libre dans ma planification, je travaille donc uniquement avec un préparateur physique. Je passe 80% de mon entraînement à grimper. Je vais chercher de l’émulation dès que je peux en m’entraînant avec du monde. J’ai de la chance d’avoir des colocs (Nao Monchois et Louison Burtin) qui s’entraînent avec moi et on se tire vraiment vers le haut.

Mon volume d’entraînement est vraiment dépendant de mes cours (j’aménage mes études à Polytech Grenoble). J’ai moins de temps que les autres pour m’entraîner, alors je fais des séances plus qualitatives et donc, je m’investis à fond dès que je grimpe. Peut-être qu’un jour je souhaiterais m’investir dans un plus gros objectif et donc, je devrais m’entraîner plus. Pour l’instant j’essaye de ne pas brûler les étapes, j’ai encore beaucoup de temps devant moi pour me consacrer 100% à mon sport.

Il y a une bonne émulation entre Mejdi Schalck et toi. As-tu hâte d’aller jouer à l’international avec lui ?

On se complète vraiment bien avec Mejdi parce qu’on est chacun spécialiste dans notre discipline (lui en bloc et moi en diff). On a chacun des trucs à s’apporter dans notre façon de s’entraîner. On est assez proche pour qu’on installe une sorte de compétition entre nous, sans que ce soit malsain. L’année dernière on s’est tiré vers le haut toute la saison, j’avais envie de faire en diff ce qu’il avait fait en bloc et ça a bien marché pour nous deux. Je suis donc bien motivé pour retourner avec lui surtout si je m’aligne sur les mêmes compétitions que lui.

Une petite anecdote à nous raconter sur ce Championnat de France ?

Deux semaines avant le Championnat de France, mon partenaire de chaussons (EB) m’a donné un modèle prototype pour que je l’essaye. J’ai tellement accroché que je leur en ai demandé une paire plus à ma taille pour la compet. Ils les ont produits en urgence et je les ai reçus cinq jours seulement avant la compétition. J’ai donc grimpé avec alors que je m’étais entraîné avec des chaussons différents tout l’hiver ! Les détails font la différence et je les remercie infiniment pour l’effort que toute l’équipe a fait pour me produire ces chaussons.

Quels sont tes objectifs cette année ?

L’objectif de cette année, c’est le même que celui de l’année dernière et ça sera le même l’année prochaine : je sélectionne en début d’année les compets qui me tiennent le plus à cœur et j’essaye d’arriver le plus en forme possible sur ces événements. Une fois à la compétition, il y a trop de paramètres qui rentrent en compte pour que je m’accroche à une place précise.

Cette année les compétitions que j’ai sélectionnées sont les Coupes du Monde de diff de cet été, c’est mon principal objectif. Après il y aura les Coupes du Monde de bloc et les Championnats du Monde jeunes à la fin de l’été. Tout ça avec quelques sorties en falaise dès que j’aurais un moment !

Rencontre avec Mejdi Schalck, l’un des Français les plus attendus du week-end !

Poursuivons notre série d’interviews des favoris du Championnat de France de bloc 2022 avec Mejdi Schalck. Ce jeune grimpeur s’était révélé l’an dernier sur le circuit des Coupes du Monde, en trustant la médaille d’argent sur la Coupe du Monde de Salt Lake City. Puis, il était rentré dans le top 15 de ses premiers Championnats du Monde seniors en fin de saison, à Moscou.

Depuis, le jeune Français ne cesse de progresser et est l’un des plus grands espoirs pour les années à venir. Demain, il prendra part au Championnat de France de bloc, et pourrait bien venir bouleverser le classement. Rencontre avec Mejdi Schalck.

Salut Mejdi, d’une manière générale, comment te sens-tu à quelques heures du Championnat de France de bloc 2022 ?

Je me sens bien frais physiquement et je suis hyper excité à l’idée de refaire une compétition, puisque ma dernière compétition en date est le Championnat du Monde de Moscou.

La semaine dernière se tenait le Championnat de France jeunes, mais tu as décidé de ne pas y participer. Pourquoi ce choix ?

Cette année j’ai fait le choix d’axer ma préparation sur les compétitions du circuit seniors. L’année dernière, j’ai voulu tout cumuler et ça m’a beaucoup coûté. Le Championnat de France jeunes étant en plus à 8h de route de chez moi, l’aller-retour m’aurait beaucoup fatigué, alors que je suis en pleine période d’entraînement.

En 2020, tu participais à ton premier Championnat de France seniors, où tu avais terminé 13ème. Quel souvenir en gardes-tu ?

Je me rappelle très bien de la fin de mon tour de qualif : quand on m’a appris que je passais en demi-finale, c’était un exploit à mes yeux, j’étais comme un gosse (d’ailleurs, j’étais un gosse) 🤣 Mais c’est vrai que j’étais vraiment content de ma perf ! Et quand j’ai vu Paul [Jenft] en finale, à rien de gagner, je me suis dit que tout était possible et que l’année d’après moi aussi je pouvais arriver à ce niveau.

Dans quel état d’esprit abordes-tu la compétition cette année ? Te sens-tu en forme ?

Évidemment, il y a une petite pression car je sais que je suis un peu plus attendu que les années précédentes… Mais je veux surtout me faire plaisir dans les blocs et grimper en étant moi-même. Avec tout l’entraînement que je fais en ce moment, dire que je me sens au top de ma forme serait un peu inquiétant, mais je me sens quand même assez costaud.

Manu Cornu, tenant du titre, nous a confié que tu étais l’un de ceux qu’il redoutait le plus. As-tu quelque chose à lui dire ? 😉

Je pense qu’il faut un peu partager la couronne, étant donné qu’il l’a déjà en diff. Non plus sérieusement, tous les scénarios sont possibles et j’ai bien moins d’expérience que les autres participants, donc on verra bien ce qu’il se passe le jour J.

L’année dernière, tu t’étais révélé sur le circuit de Coupe du Monde. Quel est ton objectif cette saison ?

Je souhaiterais arriver à mon meilleur niveau sur les étapes de Coupe du Monde bloc, et refaire un podium en bloc. En difficulté, j’aimerais faire une meilleure saison que l’année dernière et faire une finale. Je vise également un podium aux Championnats d’Europe de bloc et de difficulté.


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Interview avec Manu Cornu, 24 heures avant le Championnat de France de bloc

Interview avec Manu Cornu, 24 heures avant le Championnat de France de bloc

Alors que le Championnat de France de bloc seniors 2022 débute demain à Plougoumelen, nous sommes allés à la rencontre du tenant du titre : Manu Cornu. Lui qui avait clôturé sa saison 2021 par une belle médaille de bronze aux Championnats du Monde de Moscou a depuis, repris le chemin de l’entraînement depuis le début de l’année 2022.

Demain, il se prépare à défendre son titre national. Rencontre avec Manu Cornu.

Hello Manu, comment te sens-tu quelques heures avant le début du Championnat de France de bloc 2022 ?

Hello PG ! Je me sens bien mentalement, un peu emprunté physiquement, mais content de retrouver la compétition.   

Tu as repris un entraînement intensif depuis le début de l’année. Comment cela se passe-t-il ?

Oui on a repris l’entraînement le 6 janvier avec Nico Januel. On repart sur une longue période, le travail depuis plus d’un mois est intense physiquement mais se passe très bien, on a encore du temps devant nous pour préparer les objectifs importants de l’année.

Puis, quelques jours après avoir repris l’entraînement, tu as attrapé le Covid … T’es tu bien remis ?

Ouais… Pour la troisième fois… J’ai pris tarif ce coup là, ça m’a mis 10 jours d’arrêt, alors qu’on venait de reprendre… Ça a un peu décalé la préparation, mais je m’en suis très bien remis.

L’année dernière, le Championnat de France de bloc avait été annulé à cause de la crise sanitaire. Ça fait quoi de revenir sur un championnat de France ? 

Pour moi ça ne fait pas de différence c’est comme si c’était hier.

Manu Cornu, lors du Championnat de France en 2020.

Tu es l’actuel tenant du titre. Qui sont les rivaux que tu redoutes le plus ?

Je pense qu’il y a un noyau d’une quinzaine de grimpeurs forts qui peuvent faire la différence, mais sans manquer de respect à personne, Mejdi Schalck se détache. Si je veux garder mon titre, il y aura plusieurs menaces, un circuit ça va très vite, nous ne sommes pas dans un affrontement direct, il faudra surtout que je développe ma grimpe du mieux possible.

À un peu plus de 30 jours du lancement de la saison internationale, dans quel état d’esprit abordes-tu ce Championnat de France ? 

J’aborde ce Championnat de France comme j’abordais les championnats précédents, et comme n’importe quelle autre compétition, mais sûrement avec plus de relâchement que d’habitude. Je n’ai pas de sélection à aller chercher, je ne suis pas prêt comme je peux l’être sur mes objectifs définis, mais je me sens plutôt bien, alors j’y vais pour défendre mon titre et le ramener à la maison.  

Plus globalement, quel est ton objectif cette saison ?

Cette année on a choisi de se focaliser sur les Championnats d’Europe qui auront lieu a Munich en août.


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Rencontre avec Jonathan Bel Legroux, préparateur mental en escalade

Jonathan Bel LeGroux, ce nom ne vous évoque pas grand chose? Pas de panique, il n’y a pas si longtemps que nous avons fait connaissance de ce préparateur mental, spécialisé dans l’hypnose (entre autre), et qui suit quelques grimpeurs de haut niveau français dont notre athlète PG Camille Pouget. Bien que cela évolue dans le bon sens, la préparation mentale reste encore parfois une science obscure dans le domaine du sport en général, et c’est donc tout naturellement que nous avons voulu partir à la rencontre de Jonathan Bel Legroux qui nous raconte un peu son histoire tout en parlant prépa mentale. 


Peux-tu te présenter en quelques mots? 

Je m’appelle Jonathan Bel Legroux. Je suis coach mental de sportif, ou préparateur mental comme on dit depuis 2011. J’ai en spécialité, l’hypnose moderne que j’enseigne dans différentes formations et écoles. Je forme aussi en préparation mentale. Je suis auteur de livres sur l’hypnose et le sportif depuis 2018. Et j’ai créé des stages, les Mental Camp qui permettent aux sportifs d’entraîner leur mental dans l’action. On y aborde aussi d’autres thématiques comme la pression, le regard des autres, la communication. J’interviens en tant que consultant pour différents pôles de haut niveau, et fédération.

Quel a été ton cursus pour devenir préparateur mental? 

A la base, je viens des STAPS. D’abord à Paris 5, pour une licence EM, puis à Grenoble. Éducateur sportif, je me suis toujours intéressé au mental. Mais à l’origine, je devais plutôt être prof d’EPS, que j’ai fais en remplacement, avant de bifurquer vers la montagne.

J’avais envie de faire guide. Mais quelques accidents m’ont invité à reconsidérer mes choix pour revenir à un sujet qui m’a toujours animé, le mental, et notamment l’hypnose.

Comme nous n’avions pas la TV à la maison, on était mon frère et moi libres de tout préjugés sur le domaine. Comme une tante anésthésiste pratiquait l’hypnose à l’hopital, c’était un sujet sérieux avec des résultats qui nous semblaient toujours incroyables. (L’hypnose en anesthésie est pratiquée depuis 200 ans). Du coup, je m’y suis toujours un peu intéressé en autodidacte jusqu’au jour où je suis allé me former dans une école française. J’ai poursuivi ma formation chez nos amis anglo-saxons, qui eux, avaient de l’avance notamment dans le lien entre hypnose et sport. En 2011, j’étais le seul à mêler les deux en France, alors qu’aux USA, c’était courant dans le haut niveau depuis les années 70. Après, j’ai passé des diplômes de préparation mentale dans différents cursus pour continuer d’apprendre et avoir un avis plus complet sur les enseignements à notre disposition en France.

On te connaît car tu suis quelques grimpeurs de près, mais interviens-tu dans d’autres sports également? 

En effet, l’escalade et moi, en tant que coach mental, ça fait un moment. Jamais rattaché à un pôle ou un club, ca a commencé dès 2012, d’abord avec l’équipe de France jeunes d’escalade sur Glace pendant 3 ans. Après j’interviens dans de nombreux sports toujours individuels : la natation, le squash, le tennis, le ski de fond, la gymnastique, le triathlon, l’athlétisme, le judo, et récemment à Tokyo, l’escalade… Toujours en haut niveau sur les trois dernières olympiades d’été ou sur les compétitions de niveau international. Après, avec des amateurs, le spectre est encore plus large, et les objectifs toujours passionnants. Chacun sa perf, du moment qu’il y a un rêve et de l’ambition. Après, en grimpe, c’est vrai que depuis des années j’interviens auprès de jeunes, et des seniors, toujours avec les d’entraîneurs présents autour du projet des grimpeurs. L’escalade c’est mon univers de cœur.

© Aurele Bremond

Où en est-on aujourd’hui sur la prépa mentale en France? Penses-tu que ce domaine soit suffisamment développé chez les sportifs de haut niveau? Et chez les grimpeurs en particulier? 

Je pense que nous avons beaucoup avancé. Après 3 olympiades par exemple, je remarque clairement que le travail mental se fait de plus en plus tôt. Comme je le dis avec un rire jaune : « je suis le gars qu’on appelle à la denrière minute quand tout ne va plus ». C’est parfois encore un peu vrai. Mais les choses ont évolué. Certains athlètes ont revendiqué cette partie de leur entrainement, je pense à Teddy Riner, Emilie Andéol, Camille Serme. L’escalade avait même un peu d’avance sur d’autres sports plus « classiques », parce qu’elle a cette dimension de lecture, d’imagerie, de duel entre soi-même et soi-même contre un élément immobile, le rocher. Les grimpeurs arrivent plus facilement à reconnaître les freins qu’ils peuvent avoir mentalement. Par contre, peu savent que des techniques existent pour les dépasser et les transcender aisément. On est encore en train de voir des écoles de chutes, ou des « n’ai pas peur, regarde pas en bas », plein de bonnes volonté mais infructueuses. Au niveau neuro, on peut faire plus simple.

Après, mon constat global en France reste que nous sommes en retard. Déjà, je déteste le terme de préparation mentale utilisé à tout va. Le mental ne se prépare pas comme un sac, il s’entraîne tous les jours tout autant que le corps. En plus, on va souvent voir un préparateur mental souvent dans une démarche de dépassement d’une difficulté : on ne fait pas de la préparation mentale, on tente de la réparation mentale. Mais ça avance. Après, pas simple aujourd’hui de se situer en tant que sportif lorsqu’on veut faire appel à quelqu’un, puisqu’en regardant les professionnels du mental, on va du fast food à la grande gastronomie. On voit des formations en ligne en 30 h pour devenir préparateur mental, alors que pour d’autres nous sommes à 300 h en 2 années. Donc, ça bouge, mais c’est encore en chantier.

Selon toi, à quel point le mental intervient-il dans la performance? 

J’ai entendu en staps en 2005,  » à niveau égal, le mental est responsable à 80 % de la performance »… dixit qui? On ne sait pas. Je recherche encore l’auteur.

Je pense que limiter le mental et la performance à la compétition serait réducteur. Il faut un mental de dingue pour mettre des essais dans un projet comme le fond des grimpeurs comme Hugo Parmentier. Il faut un mental incroyable pour revenir d’une blessure au haut niveau comme un entraîneur français bien connu. Est ce que c’est de la performance? Oui. La part du mental est essentielle tout autant que le physique. Imaginez, une formule 1, qui serait le corps, avec un pilote, remplit de doutes et de peurs, qui représenterait le mental, ça donnerait quoi? La motivation, la volonté, la concentration, sont parfois des apprentissages invisibles des entraînements. Mais si on ne les conscientise pas, si on n’apprend pas à les optimiser, ils peuvent nous faire défaut.

Peut-on gagner en niveau de perf avec de la prépa mentale sans augmenter ses capacités physiques ou techniques? 

On peut faire en sorte de laisser les capacités physiques et techniques s’exprimer au mieux. Prenons un exemple classique en escalade que les lecteurs ont déjà vécu . La session grimpe touche à sa fin, la peau commence à manquer sur le bout des doigts, et les biceps sont déjà sur le sentier du retour. Et là, arrive l’idée du dernier run. Celui où physiquement, on s’est déjà pardonné de ne pas être à fond. Celui où on a déjà accepté d’être imparfait. D’être juste avec le niveau qu’on a. On ne grimpe pas en imaginant le niveau qu’on aimerait avoir. On ne se juge pas. On va voir. Et là… Que se passe-t-il? On s’épate. Combien ont sorti leur projet dans ces conditions? Combien diront « j’ai jamais aussi bien grimpé de ma vie ». (cet exemple fonctionne aussi avec la météo et le run de dernière minute 😉

Est ce que le mental a rendu plus fort? Non, il a permis d’être aussi fort que ce qu’on peut être. Mais souvent, on passe trop de temps à ne pas connaître ses atouts et à trop regarder ses manques.

Tu as aussi écrit un livre sur le sujet de la prépa mentale, tu peux nous en parler? 

J’ai écrit « Autohypnose et performance sportive en 2018″ aux éditions Amphora. Il a reçu un super accueil. Il aborde les techniques d’autohypnose pour un travail de fond sur l’estime, les émotions. Pour moi, c’est un bouquin qui a comblé un manque. C’était le premier en langue française sur l’hypnose et le sport.

Puis, avec le recul, et presque 5 ans de plus, j’ai commencé à croire que je pouvais faire mieux, plus simple et plus complet. Sur le premier, mon éditeur a eu le courage de me suivre dans ce projet, mais il voulait limiter les risques en faisant un livre assez court. Avec les 15.000 exemplaires vendus et la traduction dans d’autres langues, il m’a demandé si j’avais des choses à rajouter. Et j’en avais plein. Il y avait pas mal de domaines que je n’avais pas pu traiter. Et puis, j’avais la volonté de rendre à porter de main une méthodologie que j’utilise avec le haut niveau, directement sur le terrain d’entraînement. Alors, on a décidé de sortir l »Incontournable de l’autohypnose pour la performance ».

Où et quand peut-on se le procurer? 

Il va sortir en juin dans toutes les librairies grand public. Je suis d’ailleurs en discussion avec quelques directeurs de salles d’escalade pour faire des sessions de dédicaces, démos et conférences dans toute la France. Ce sera l’occasion de croiser quelques lecteurs de PG avec plaisir.

Comment imagines-tu l’avenir pour toi?

Assez ouvert ;). Depuis presque 12 ans, je tente de faire bouger les choses dans le domaine mental, progressivement et avec mes moyens principaux que sont ma motivation et mes convictions. Trop de sportifs talentueux arrêtent pour des raisons de blocages dans la tête parce qu’on ne sait pas les accompagner. Ça me bouleverse. Un sportif est un rêveur qui agit. Que ce soit pour gravir son premier 6A, ou gagner l’or aux Jeux, ces rêves sont précieux.

Alors pour moi, je me vois comme celui qui défriche et qui tente de faire un chemin que d’autres pourront arpenter par la suite. Avec quelques athlètes, nous sommes sur 2024, et sur 2028. Donc, il y a ça d’un côté, et de l’autre, former les coach mentaux de demain.

Un dernier mot à ajouter? 

Quel que soit votre niveau, ou si vous faites du bloc, de la salle, de la falaise, de la grande voie… Ne laissez pas vos peurs vous limiter, sans elle, le courage n’existerait pas. Celui de prendre la prise d’après par exemple.
Nous pratiquons l’escalade parce qu’il existe cette dominante émotionnelle à gravir en même temps que notre ascension. Mais attention à ne pas se faire avoir, si nous ne pilotons pas, si nous ne jouons pas avec notre mental, c’est lui qui se jouera de nous et nous pilotera. Alors, à vous de jouer 😉

Qui est Lily Abriat, cette jeune cadette qui vient défier les seniors?

Du haut de ses 15 ans, la jeune Lyonnaise entre cette année dans sa première année de cadette. Et c’est tout naturellement qu’elle tente de venir se frotter au circuit seniors, dans un premier temps sur les coupes de France de bloc. Loin de démériter, cette jeune grimpeuse issue du club de La Degaine a tout le potentiel pour venir bousculer la hiérarchie nationale. D’ailleurs, lors de la dernière étape de coupe de France qui se tenait à Climb Up Paris, elle se hissait en finale aux côtés de quelques grimpeuses de renom: Fanny Gibert, Chloé Caulier, Camille Pouget ou encore Oriane Bertone. Et pour ceux qui seraient passés à côté de l’info, elle terminait 4ème lors des derniers championnats du monde jeunes qui se déroulaient à Voronezh (Russie) en 2021. Rencontre avec une jeune grimpeuse bourrée de talent. 


Salut Lily, on commence par le début, présente-toi à nos lecteurs.

Salut à tous! Je m’appelle Lily Abriat, j’ai 15ans, j’habite à Lyon mais je suis au pôle espoir et au lycée à Voiron 🙂

Quand et comment as-tu débuté l’escalade ?

Grâce à mes parents qui sont des falaisistes ! Depuis toute petite, je suis plongée dans le monde de l’escalade mais j’ai commencé réellement dans un club à côté de chez moi à l’âge de 8ans. À la base ce n’est pas le sport en lui même qui m’a plu, mais plutôt l’ambiance des compétitions qui étaient commentées par Bastien de Lattre !

Qu’est-ce qui te plait dans ce sport ? Que représente la grimpe pour toi ?

Déjà, je pense que depuis toute petite, j’aime prendre de la hauteur. Mais ce que j’aime par dessus tout, c’est vraiment le fait de pouvoir avoir des objectifs toujours plus fous, se fighter à la muerte, apprendre et jouer à chaque séance et tout ça avec une ambiance de dingue avec tous les petits potes !

On commence à te voir régulièrement venir jouer avec les seniors en bloc alors que tu n’es encore que cadette, comment le vis-tu ?

C’est dééément ! Je me régale à grimper avec toutes ces fortes grimpeuses, ça m’apporte beaucoup d’expérience et c’est que du positif pour la suite !

Tu peux nous faire un petit récap de tes meilleurs résultats jeunes et seniors ?

Pour commencer, j’ai terminé 2ème lors de ma première coupe d’Europe de bloc à Graz ce qui m’a permis de me qualifier aux championnats du monde où j’ai finis avec une belle 4ème place en bloc. Et chez les seniors, j’ai réussi à monter sur le podium de la coupe de France à Chaumont !

Plutôt bloc ou diff et pourquoi ?

Je dirais le bloc parce que je trouve ça plus rigolo et j’arrive plus à me faire plaisir qu’en diff mais parfois j’adore me mettre des gros fight dans les voies aussi et je m’entraîne tout de même pour réussir dans les deux disciplines.

Comment es-tu restée motivée après ces 2 années compliquées avec la crise sanitaire ?

Pendant le confinement, j’ai eu la chance d’avoir un petit pan chez moi avec quelques vieilles prises récupérées, et mon frère pour la motivation donc je ne me suis jamais ennuyée, et j’ai pu vite reprendre les entraînements avec le pôle espoir et faire de la falaise par ci par là !

Et la grimpe en extérieur du coup, ça donne quoi ?

Avec tous ces entraînements, c’est compliqué de trouver du temps pour aller en falaise mais je suis toujours contente de retoucher du caillou et de rentrer avec quelques croix dans le 8 !

As-tu des grimpeuses ou des grimpeurs qui t’inspirent ? Si oui lesquel(le)s et pourquoi ?

Évidemment ! Je regarde les coupes du monde depuis toute petite donc Akiyo Noguchi et Janja Garnbret sont des grimpeuses qui m’inspirent énormément, surtout dans leur gestuelle de grimpe. Luce douady est aussi un grand exemple pour moi, elle grimpait avec facilité, rythme, combativité et rendait tout ce qu’elle faisait incroyable à regarder.

Quels sont tes objectifs à court terme ? Et à plus long terme ?

Pour l’instant je m’entraîne pour les sélectifs et les championnats de France seniors et jeunes. En jeune, je veux me qualifier pour la saison internationale et en seniors, je veux juste me faire plaisir, tout donner et on verra ce que ça donne… Sur le long terme, pour l’instant, je ne sais pas trop. Mais j’avoue que je rêverais de faire « le tour du monde » et découvrir tous les spots de grimpe sympa !

© Planetgrimpe

Comment t’entraînes-tu (avec qui, nombre d’entraînement, organisation, …) ?

Je m’entraine à Voiron avec le pôle espoir depuis 3ans où je suis suivie par Tanguy Topin et Fabien Viguier. Je grimpe tous les jours après les cours sauf le vendredi où je rentre chez moi et j’ai deux séances de prépa physique entre midi et deux la semaine. Et le week end c’est soit salles lyonnaises, soit falaise + footing.

Un petit mot pour ton club, la Dégaine Escalade ?

Ils me soutiennent depuis le début et même à distance ils sont toujours là et je les remercie !
D’ailleurs, ils organisent le LAB (Lyon à bloc), c’est une petite compétition super fun avec des beaux blocs et une superbe ambiance !

Le mot de la fin ?

Je voulais remercier mes parents, mes amis, mes entraîneurs et toutes les personnes bienveillantes que j’ai rencontré et qui me soutiennent et me permettent de grandir dans ce que j’aime faire et me donnent le sourire tous les jours !

Pablo Recourt, un tour de France des 8a à vélo – Pablo Recourt, a tour of French 8a’s by bike

2 février 2022 à 11:52

En octobre, le grimpeur Belge Pablo Recourt est parti en trip en vélo depuis le plat pays, avec l’objectif de découvrir une bonne partie des 8a classiques et mythiques de France. “En quête du Saint 8a” est alors née, avec Gaspar, sa belle monture à deux roues en guise de compagnie. Nous avons questionné Pablo pour en savoir plus sur son voyage itinérant relativement original.

– Peux tu te présenter ?
Salut ! Je m’appelle Pablo, j’ai 24 ans et je suis un grimpeur belge. J’ai commencé à grimper quand j’avais 7 ans dans une petite salle Bruxelloise. Tu serais étonné de voir la grosse culture escalade qu’il y a au plat pays. Il y a une émulation de fou ! À côté de l’entraînement en salle, j’ai commencé à grimper dehors à Freyr (Belgique), connu comme l’épicentre de l’univers. J’ai vite compris que je préfère être dehors et du coup je fais principalement de la falaise. Accessoirement j’ai aussi fait des études d’ingénieur architecte, mais pour le moment je grimpe. J’aime beaucoup le rocher belge mais on ne va pas se mentir, on fuit souvent la pluie pour aller grimper plus dans le Sud (France et Espagne). Merci les voisins !

– Raconte-nous le concept de ton voyage.
Mon gros projet du moment, c’est un voyage de grimpe. Je fais un tour des falaises de France à vélo. Accompagné de mon fidèle destrier à deux roues, nommé Gaspar, j’ai une petite quête : je cherche le plus beau 8a français !

8a vélo France

– Comment t’est venue l’idée de ce tour de France des falaises en vélo et pourquoi ce trip ?
Après mes études, je voulais voyager. J’imaginais acheter un van et partir grimper. Mais avec cette mode du van, il y a quelque chose qui me dérange. Premièrement, ça reste une manière de voyager pas très respectueuse de l’environnement. Bof en accord avec mes valeurs et choix de vie. Et puis en van il y a un peu cette dynamique de “consommation” des falaises. Tu roules, tu arrives à un spot, tu grimpe, tu dors sur le parking, et puis tu t’en vas. Pour moi, ça ne colle pas avec ce que je voulais vivre en voyage. J’ai donc commencé à penser au slow travel, manière de voyager plus lente et proche de ton environnement. Prendre le temps, s’imprégner de l’énergie des endroits que tu visites et intégrer le déplacement dans la performance. Vivre le chemin plus que la destination. Et puis en parlant de destination, j’avais du mal à mettre le doigt sur une seule destination de grimpe. Après réflexion, j’ai arrêté de penser au lointain. Pourquoi partir loin si je ne connais pas les merveilles proches de chez moi? Ça reste des découvertes et des nouveautés à explorer. J’ai alors pensé à la France. Une des meilleures destination d’escalade du monde, à côté de chez moi. Et d’un coup, tout était connecté: le voyage à vélo, la destination de rêve pour l’escalade, et une furieuse envie de grimper dans tout ces beaux endroits! Ça ressemble bien à un tour des falaises de France à vélo. Presque comme un pèlerinage de la grimpe. Une quête. Tiens, et si j’essayais de trouver la plus belle voie de France? Ou mieux, le plus beau 8a de France? Pour ajouter un peu de challenge. Et c’est comme ça que quelques préparatifs plus tard, je donnais mon premier coup de pédale pour un voyage de 6 mois.

– Pourquoi la France?
Si tu demandes à un Américain quelle est sa destination de grimpe de rêve, il te répondra bien probablement la France : Céüse, Fontainebleau, le Verdon, Buoux, Chamonix, etc. Que de merveilles ! Une diversité de rochers, de styles, une richesse de paysages, sans compter l’historique ancré dans toutes ces falaises mythiques. Sous prétexte qu’on habite à côté, devrait-on s’en priver ? La destination reste tout autant savoureuse selon moi, si pas plus.

– Tu dors en tente ? (il doit faire un peu froid non ?), tu trouves facilement des gens pour grimper ?
Ça m’arrive de dormir sous tente oui. Mais je suis aussi parfois hébergé par des grimpeurs, des amis ou des inconnus. J’avoue que c’est un peu au jour le jour, et c’est ça qui me plait : être libre et prendre ce que le voyage m’offre. Être content quand les gens m’invitent chez eux, mais m’émerveiller de dormir sous les étoiles autrement. Au niveau du froid j’ai eu des conditions dures oui, mais en général je suis plutôt bien équipé et j’arrive à bien gérer les basses températures. Les mauvaises condis par contre c’est plus embêtant au niveau de la grimpe. Mis à part que c’est plus challengeant, c’est surtout plus difficile de motiver des gens à venir grimper avec moi. C’est un des problèmes les plus ennuyant avec la météo : elle affecte vite la motivation des grimpeurs locaux ! Mais à part ça, je trouve toujours quelqu’un content de me montrer les belles lignes de sa falaise. Et c’est ça que je cherchais en voyageant seul : être obligé de trouver des gens avec qui partager une cordée.

8a vélo France

– Où en es tu de ton trip, et quelle sera la suite ?
Cela fait presque 5 mois que je suis parti, et il m’en reste encore un pour clôturer mon tour. J’ai parcouru tout l’Est de la France, avec 2500km de vélo, 32 secteurs visités et 35 8a enchaînés. Actuellement je suis dans les Gorges du Tarn. Je vais ensuite dans le Lot et puis je remonte en Belgique en passant par les Eaux Claires et la Normandie. Moins d’escalade et plus de vélo prévu pour la suite donc, mais ça me tient à cœur de faire une vraie boucle.

– Ta falaise préférée, jusqu’à présent ?
Mmh difficile de répondre, j’ai vu tellement de merveilles… Si je devais vraiment choisir je dirai Buoux pour la grimpe et les Gorges du Tarn pour la beauté du paysage. Mais ça se joue à pas grand chose, je pourrai tout à fait te répondre autre chose si tu me reposes la question dans quelques jours !

– Si on comprend bien, l’idée est de réaliser un 8a sur chaque falaise visitée, alors que tu n’as souvent que très peu de temps sur place (2/3 jours), tu as réussi ce challenge à chaque fois ?
En vérité c’est plutôt 1 ou 2 jours par falaise. C’est sûr que c’est challengeant. Heureusement, j’ai un peu de marge et généralement j’arrive à faire 1 ou 2 classiques avant de repartir, souvent à la journée. Mais pour être honnête, le challenge ce n’est pas juste d’enchainer un 8a. C’est de faire la croix en étant fatigué de la nuit dehors, des 80km de vélo de la veille, et des 5 mois de voyage dans les pattes. C’est ça qui est dur et j’ai énormément appris en termes de gestion de fatigue et d’écoute de mon corps. Maintenant je fais quasiment tout le temps un 8a par secteur, mais ça n’a pas été toujours le cas notamment en début de voyage, quand j’avais encore tout à apprendre!

8a vélo France

– Comment as- tu choisi les voies que tu essaies ?
En laissant traîner mes oreilles, en discutant avec les locaux, en me renseignant sur les voies historiques. Généralement il y a toujours une conjecture qui détermine la ou les plus belles voies à essayer du secteur.

– Pourquoi 8a, et pas 7c+ par exemple ?
Clairement, c’est un choix personnel. C’est un niveau dans lequel je me sens à l’aise tout en étant challengé. Je fais généralement 8a à la séance, mais ça me demande de me battre et c’est ce que j’aime. Et puis pourquoi 8? Je sais pas vraiment, probablement la symbolique du niveau 8, c’est une porte vers le haut niveau. Et puis c’est classe le chiffre 8, c’est l’infini vertical !

– Ta voie préférée jusqu’à présent ?
Il y en a beaucoup, mais là comme ça j’ai envie de dire “Les Ailes du Désir” dans le Tarn.

– Tu restes peu de temps sur chaque falaise avant de reprendre la route, ce n’est pas trop fatiguant d’enchainer vélo + grimpe ? Tu te reposes de temps en temps ?
Je vais pas vous mentir, c’est épuisant. C’est ça qui est le plus dur à gérer dans ce voyage, la constante fatigue physique. Mais j’ai appris à m’écouter et il m’arrive de prendre des jours off. Mais pas trop, car ça veut dire moins de grimpe !

– On peut te suivre sur les réseaux sociaux ?
Bien sûr, venez rejoindre l’aventure et hésitez pas à m’inviter chez vous où à m’écrire, je suis très gentil et j’aime bien raconter des histoires !


Facebook : En Quête du Saint 8a
Instagram : pablorecourt

8a vélo France

In October, Belgian climber Pablo Recourt went on a cycling trip from the flat country with the main goal of discovering a good part of the French classic and legendary 8a’s. “En quête duSaint 8a” was born, with Gaspar, his beautiful two-wheeled bike as company. We asked Pablo about his original climbing trip.

– Can you introduce yourself?
My name is Pablo, I’m 24 years old and I’m a Belgian climber. I started climbing when I was 7 years old in a small gym in Brussels. You’d be surprised to see the huge climbing culture there is in the flat country. There’s a crazy emulation! Next to indoor training, I started climbing outdoors in Freyr (Belgium), known as the epicenter of the universe. I quickly understood that I prefer to be outdoors and so I mainly practice rockclimbing. Incidentally, I also studied architectural engineering, but for the moment I’m climbing. I really like the Belgian rock but I’m not going to lie to each other, we often flee the rain to go climb further in the South (France and Spain). Thank you neighbours!

– Tell us about the concept of your trip.
My big project at the moment is a climbing trip. I am cycling around the crags of France. With my faithful two-wheeled steed, named Gaspar, I have a little quest: I’m looking for the most beautiful French 8a!

– How went the idea of ​​this tour of French crags by bike?
After my studies, I wanted to travel. I imagined buying a van and going climbing. But with this fashion of the van, there’s something that bothers me. First, it remains a way of traveling that is not very respectful of the environment. Ok in accordance with my values ​​and life choices. And then in a van there is a bit of this dynamic of “consumption” of the crags. You ride, you get to a spot, you climb, you sleep in the parking lot, and then you leave. For me, it doesn’t fit with what I wanted to experience while traveling. So I started thinking about slow travel, a way to travel slower and closer to your environment. Take the time, imprint the energy of the places you visit and integrate movement into the performance. Live the journey more than the destination. And then speaking of destination, I had trouble putting my finger on a single climbing destination. After reflection, I stopped thinking about the distant. Why go far away if I don’t know the wonders close to home? There are still discoveries and novelties to explore. I then thought of France. One of the best climbing destination in the world, near my home. And suddenly, everything was connected: the bike trip, the dream destination for climbing, and a furious desire to climb in all these beautiful places! It looks like a tour of the cliffs of France by bike. Almost like a climbing pilgrimage. A quest. Here, what if I tried to find the most beautiful route in France? Or better, the most beautiful 8a in France? To add a little challenge. And that’s how some preparations later, I gave my first pedal stroke for a 6 month trip.

8a vélo France

– Why France?
If you ask an American what his dream climbing destination is, he will probably answer France: Céüse, Fontainebleau, Verdon, Buoux, Chamonix, etc. How wonderful! A diversity of rocks, styles, a variety of landscapes, not to mention the history anchored in all these mythical cliffs. Under the pretext that we live next door, should we deprive ourselves of it? The destination remains just as tasty in my opinion, if not more.

Do you sleep in a tent? (it must be a bit cold, right?), do you easily find people to climb?
I sometimes sleep in a tent yes. But I am also sometimes hosted by climbers, friends or strangers. I admit that it’s a bit day-to-day, and that’s what I like: being free and taking what travel offers me. Being happy when people invite me to their homes, but marveling at sleeping under the stars otherwise. In terms of the cold, I had some tough conditions, yes, but in general I have a good equipment and I manage to manage stay quite good in the low temperatures. Bad conditions, on the other hand, are more annoying when it comes to climbing. Apart from the fact that it’s more challenging, it’s especially more difficult to motivate people to come and climb with me. This is one of the most annoying problems with the weather: it quickly affects the motivation of local climbers! But other than that, I always find someone happy to show me the beautiful lines of their home crag. And that’s what I was looking for when traveling alone: ​​to have to find people to share a climbing day.

– Where are you in your trip, and which destination will be next?
It’s been almost 5 months since I left, and I still have one month to close my tour. I traveled all over Eastern France, with 2500km of cycling, 32 sectors visited and 35 8a sent. Currently I’m in the Gorges du Tarn. I then go to the Lot and then I go back to Belgium via the Eaux Claires and Normandy. Less climbing and more cycling planned for the future, but it’s my wish to do a real loop.

– Your favourite cliff so far?
Mmh difficult to answer, I saw so many gems… If I really had to choose I would say Buoux for the climbing and the Gorges du Tarn for the beauty of the landscape. But malking a choice is hard, I could quite answer you something else if you ask me the question again in a few days!

– If we understand correctly, the idea is to send an 8a on each crag visited, when you often have very little time at the crag (2/3 days), have you succeeded in this challenge each time?
In truth it’s rather 1 or 2 days per cliff. It sure is challenging. Fortunately, I have a little margin and generally I manage to do 1 or 2 classics before leaving, often during a day. But to be honest, the challenge is not just to send an 8a. It’s to send the route while being tired from the night outside, from the 80km of cycling the day before, and from the 5 months of travel. That’s why it’s hard and I learned a lot in terms of tiredness management and listening to my body. Now I always do an 8a per sector all the time, but that wasn’t always the case, especially at the start of the trip, when I still had everything to learn!

– How did you choose the routes you try?
By opening my ears, talking with the locals, learning about historical routes. Generally there is always a conjecture which determines the most beautiful route(s) to try in the sector.

8a vélo France
photo: Mathieu Pisaniello

– Why 8a, and not 7c+ for example?
Clearly, this is a personal choice. It’s a level in which I feel comfortable while being challenged. I usually do 8a in the session, but it asks me to fight and that’s what I like. And then why 8? I don’t really know, probably the symbolism of level 8 is a door to the top level. And then it’s class the number 8, it’s vertical infinity!

– Your favourite route so far?
There are many, but here like that I want to say “Les ailes du désir” in the Gorges du Tarn.

– You stay on each cliff for a short time before hitting the road again, isn’t it too tiring to cycle + climb? Do you sometimes rest?
I’m not going to lie to you, it’s exhausting. That’s what’s hardest to manage on this trip, the constant physical fatigue. But I learned to listen to myself and sometimes I take days off. But not too much, because that means less climbing!

– Can we follow you on social networks?
Of course, come and join the adventure and don’t hesitate to invite me to your home or to write to me, I’m very kind and I like to tell stories!
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8a vélo France



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Interview: Lucien Martinez, irréductible acharné – Interview: Lucien Martinez, inveterate and tenacious

27 janvier 2022 à 11:19

(English below)

Tous ceux qui l’ont rencontré et côtoyé confirmeront, Lucien Martinez n’est pas un grimpeur qui laisse indifférent. Personnage sympathique et ouvert, assumant parfois des prises de position tranchées, ayant une approche très personnelle et originale de l’activité, à l’instar de ses potes Charles Albert ou Nico Pelorson, Lucien fait figure d’OVNI dans le paysage de la grimpe hexagonale. Longue interview avec l’intéressé.

– Tu viens du Sud-Ouest, précisément de Montauban, peux-tu te présenter et raconter tes débuts en escalade ?

Avant Montauban, j’ai habité à Toulouse jusqu’à 8 ans et c’est là où j’ai commencé la grimpe. Ma mère nous avait inscrits, mon frère et moi, à un cours hebdomadaire avec Mathieu Gallot Lavallée. Il y avait des gens à la salle qui m’avaient dit que Mathieu était super fort et qu’il avait fait une voie en falaise incroyablement dure, que seuls trois grimpeurs avaient réussie, et que l’un d’entre eux avait dit que cette voie était 8c+. Sur le moment, cette histoire m’avait fasciné, et j’ai compris peut-être 10 ans plus tard qu’il s’agissait en fait de Baston à la Maison à Saint Géry (falaise lotoise) et que le grimpeur qui avait parlé de 8c+ n’était autre que Dave Graham.
Pour autant, je n’étais pas spécialement doué ni très motivé à cette époque. Ma passion, c’était le rugby. J’en ai fait pendant trois ans et j’étais super fort, bien plus qu’à l’escalade. Ceux qui me connaissaient à l’époque pourront en témoigner même si je reconnais que ça peut paraître dur à croire vu mon physique squelettique. En arrivant à Montauban, il n’y avait plus de place au club de rugby, et la salle de grimpe, en parallèle, était juste à côté de chez moi. Il y avait une formule accès libre qui nous permettait d’y aller tout seul le soir après l’école ce qui fait que je me suis mis à y aller plus ou moins tous les soirs. Je ne pensais plus qu’à ça. Je me morfondais toute la journée en attendant de retourner essayer les blocs qui m’avaient résisté la veille. Je ne cherchais qu’à m’amuser, pas du tout à m’entraîner, mais la progression venait d’elle-même et j’ai franchement muté en l’espace de 2 ou 3 ans. À ce moment, Hervé Peyre, notre moniteur, s’est mis à amener régulièrement les jeunes du club en falaise à Saint Antonin. Il nous montait des cordes, nous aidait à choisir des voies, nous donnait des méthodes aux petits oignons, nous racontais des histoires sur la réputation des lignes et les grimpeurs du coin… Et à force, peut-être aussi aidé par le fait que je n’arrivais jamais à battre mon pote François Kaiser (que je salue !!) en compétition, j’y ai pris goût et je me suis passionné de caillou. À 13 ou 14 ans, j’étais à peu près autonome. J’avais amassé une pile de numéros de téléphone de grimpeurs que je connaissais, et le samedi soir, je les faisais tous un par un jusqu’à trouver quelqu’un qui voulait bien m’amener en falaise.

– Un diplôme d’agronomie en poche, tu as tout plaqué pour l’escalade, pourquoi ?

En terminale, j’étais plus passionné de grimpe que jamais, plus ou moins obsédé. Mais après le Bac je suis rentré dans une prépa et je ne grimpais plus qu’une mini séance le samedi aprem en falaise. Ça a été terrible de frustration. Je voyais les gens faire des perf, progresser, se régaler et j’étais super jaloux. En école d’ingé, je me suis mis à grimper beaucoup plus et à retourner en falaise les deux jours du week-end, mais c’était pas si facile que ça de valider les semestres alors j’ai quand même dû faire des compromis sur l’escalade.
Une fois le diplôme en poche, en fait, je n’avais pas du tout l’intention de tout plaquer, je voulais juste faire une année sabbatique pour me concentrer à 100% sur deux voies qui me faisaient rêver, “Fight or Flight” et “3 Degrees of Separation”, pour essayer de les enchaîner avant de chercher un boulot d’ingénieur potentiellement très prenant. Le problème, c’est que malgré toute ma motivation, mon investissement et mes essais, je n’en ai réussi aucune des deux. J’ai pris conscience de deux choses. Premièrement, que pour réussir mes rêves il faudrait progresser et pas qu’un peu. Deuxièmement, que l’escalade était mon monde, que je ne pourrais jamais m’en lasser et qu’il serait bête de ne pas bosser là-dedans compte tenu de cela. J’ai beaucoup réfléchi à ce qu’il fallait que je fasse et finalement j’ai décidé de tenter le coup dans le journalisme, avec en tête la possibilité de revenir en arrière si ça ne fonctionnait pas. Finalement, je me sens à ma place, je fais vraiment quelque chose qui me passionne et je pense que je fais mieux dans mon travail à Grimper que ce que j’aurais pu faire comme ingé.

Interview Lucien Martinez
Dans la 2e répétition de “Three Degrees of Separation” (coll. Sam Bié)

– Tu t’es intéressé très tôt à la haute-difficulté en escalade ? Pourquoi ce sujet t’anime particulièrement ?

Tu me demandes de faire ma propre psychanalyse ma parole ! La haute difficulté sur le caillou a, je trouve, quelque chose de fascinant. Il y a des mystères, des ragots, des rivalités, des combats épiques de plusieurs années, des grimpeurs qui réussissent à faire des exploits incroyables en étant plus malins que les autres, des premières ascensions qui s’apparentent à des quêtes de Graal avec plusieurs protagonistes… Le tout, et c’est ça qui est incroyable, sans aucun cadre officiel !

– Tu t’intéresses beaucoup aux cotations, et tu estimes que le slash ne devrait pas exister, pourquoi ?

Je sais pas si je vais réussir à expliquer mais je vais essayer ! Les souvenirs de mes cours de prépas me permettent de dire que les cotations sont une discrétisation d’un ensemble continu. C’est-à-dire qu’une cotation n’est pas du tout une valeur précise de la difficulté d’une voie, mais une plage de difficulté. Si on reprend l’image d’une « échelle » de cotations, il faut donc bien comprendre qu’une cotation, le 7a par exemple, n’est pas un barreau mais l’espace entre deux barreaux, barreaux qui représentent les limites entre le 7a et le 7a+ en haut et le 7a et le 6c+ en bas.
Si on dit qu’une voie est un 8c+/9a, ça ne peut pas vouloir dire que la difficulté se situe pile au niveau du barreau séparant le 8c+ et le 9a car c’est mathématiquement impossible (la probabilité que la difficulté d’une voie tombe pile poil sur un barreau est nulle, cf mes cours de maths). Pour dire que la cotation d’une voie est 8c+/9a, il faut donc considérer qu’on a ajouté une nouvelle plage entre le 8c+ et le 9a dans l’échelle de cotations. Admettre les cotations slashées, c’est accepter de redisposer tous les barreaux de l’échelle de cotation (et d’en rajouter) pour dégager de la place et doubler le nombre de plages de cotations. Rien ne l’interdit, mais cela voudrait dire qu’il faudrait reconsidérer les cotations de toutes les voies. Les 8a solides deviendraient des 8a/+, les petits 8a+ idem et ainsi de suite pour toutes les lignes du monde.
En plus de ce problème, je trouve que le niveau de précision de l’actuelle échelle de cotation n’est pas si mal et qu’il n’est déjà pas facile de trouver des consensus. Il ne me paraît donc pas spécialement pertinent de tout chambouler en doublant le nombre de cotations sur l’échelle.
Mais, car il y a un mais, je ne suis pas spécialement contre les slashs dans leurs deux utilisations d’origine. À la base, ils ne servaient pas à rajouter une cotation dans l’échelle, mais à manifester une hésitation entre deux cotations, en laissant aux répétiteurs suivants la charge d’ajuster la difficulté. Il me semble que cet usage du slash est le bon, et c’est pour cela que lorsque je répète une voie dure slashée, je tente de donner mon avis avec le plus d’honnêteté possible entre les deux cotations concernées.
L’autre usage historique du slash, qui est intéressant aussi (je sais par exemple que c’était le cas pour le topo de Saint Antonin), concernait les voies morpho, et donnait une indication sur le fait que la voie n’a pas la même difficulté pour tout le monde.

– En tant que grimpeur, tu t’obstines particulièrement dans des projets extrêmes après-travail comme “Fight or Flight”. Pourquoi tout le temps repousser tes limites ?

Alalala, cette question met le doigt sur un énorme problème. Pour moi, ça fonctionne comme une quête avec des péripéties et une fin incertaine. Une voie dure qui me fait rêver, c’est un Graal que j’essaie d’atteindre. Je ne sais pas si je vais y arriver, mais j’en rêve, parfois même au sens propre. Et j’ai envie de donner le maximum pour réussir.
C’est bien beau sur le papier, mais à partir du moment où on assume le fait de vraiment vouloir faire des trucs très durs, on s’enferme un peu là-dedans…
On ne peut plus partir grimper n’importe où n’importe quand parce qu’on est asservi à nos objectifs et nos entraînements. On ne voit presque plus l’escalade que sous le prisme de notre quête, au point qu’on en oublie l’amusement, le même qui m’avait fait aimer l’escalade à mes débuts. Je n’aime pas être monomaniaque, pas du tout. Il y a plein d’autres sports que j’adore et que je ne pratique malheureusement plus, sans parler de sollicitations de copains que je décline… Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Vouloir faire Fight or Flight tout en restant ouvert, disponible, en pratiquant plein d’autres sports et en prenant le temps de faire de beaux magazines Grimper, je sais très bien que ce n’est pas dans mes cordes. Donc pour le moment, je reste à fond sur la perf, mais je suis fortement tiraillé parce que je n’aime pas trop cet état de rigidité dans lequel elle m’enferme.

Un bon flight dans “Fight or flight” (coll. Pierre Trolliet)

– Depuis quelques années, au lieu d’aller répéter des voies dures emblématiques, tu t’es plutôt tourné vers des voies du terroir, avec des ouvertures ou des répétitions de voies peu classiques (“Beyond”, “3 degrees”, “FFF”, “Hugh”,…). C’est voulu ?

Ça aussi, c’est quelque chose de très important. Ce n’est pas une difficulté, qui me fait rêver, mais un contexte global dont la difficulté fait partie. C’est vraiment très important pour moi.
Si je m’investis dans une voie, il faut qu’elle ait un sens particulier, par son histoire, sa localisation où je ne sais quoi d’autre… Pour FFF, la voie n’est pas spécialement belle mais elle se situe à Supermanjoc, ma falaise de cœur, et je suis passé au pied pendant des années en levant la tête et en me disant que ça avait l’air impossible. Pour Hugh, c’était le mystère, j’étais extrêmement curieux d’aller y mettre les doigts et de voir en vrai comment c’était. Pour Beyond, c’était juste que la voie était très sympa à grimper et qu’elle me convenait bien. Pour “Three Degrees”, c’était un rêve depuis que j’avais vu la vidéo de Sharma, une des meilleures qui existent. Arriver à Céüse plus de 10 ans après avoir vu la vidéo pour la première fois, apercevoir les 3 colos jaunes du départ en montant le dernier raidillon de la marche d’approche, toucher les prises pour la première fois, essayer les mouvements en me demandant s’ils sont conformes à ce que j’imaginais, puis mettre des runs et encore des runs pour finalement réussir… Tout ça était une expérience incroyable et infiniment mieux que s’il y avait la même voie sans le contexte, sans la vidéo de Sharma et sans le dizaines de visionnages à 12 ans les yeux écarquillés devant l’ordi de mon père.
Pour résumer, je n’ai aucune volonté de ne pas répéter les voies emblématiques, au contraire, j’aime bien ça, mais d’autres éléments de contexte comme le mystère ou le terroir du Sud-Ouest ont aussi de l’importance dans les voies sur lesquelles je choisis de m’acharner, le plus important étant que cela ait du sens pour moi.

– Quelle est ta vision de l’escalade en France à l’horizon 2022 ?

J’imagine que cette question pourrait être abordée sous plein d’angles différents (salle, gestion des falaises, grimpeurs etc.) mais le seul pour lequel je crois avoir un truc intéressant à dire concerne le haut niveau en falaise : j’ai l’impression que la France est en train de redevenir le centre du monde, comme elle l’était fin 90 début 2000 avant que Sharma ne le déplace en allant s’installer en Catalogne. On a toutes les voies de Seb Bouin (à la Ramirole mais pas seulement) qui sont majeurissimes et pour lesquelles les Ondra, Megos, Schubert et Ghisolfi ne pourront pas s’échapper éternellement, et en plus on a Céuse et Saint Léger avec plein de nouvelles voies extrêmes et des projets majeurs un peu partout. On observe une nouvelle dynamique pour la France depuis 2-3 ans et je fais le pari que cette tendance va s’accentuer et que la décennie des années 2020 sera celle de la France comme celle des années 2010 (et fin 2000) a été celle de la Catalogne.

– Quel regard portes-tu sur la presse escalade en général, et particulièrement sur la presse web ?

Paradoxalement, je trouve que la presse web va assez mal parce qu’elle est vampirisée par Instagram. Avant, à l’époque où tu faisais les news Kairn, on attendait avidement les news des croix parce que c’était vraiment là où on apprenait ce qui se passait. Maintenant, c’est Instagram qui a volé la vedette et presque toutes les informations clef de notre petit monde y arrivent en premier. Et nous, pour les news web, on se retrouve obligés de reprendre en le reformulant comme on peut les « communiqués officiels » que font les athlètes sur Insta, ou alors de leur demander des précisions intéressantes, mais dans tous les cas c’est sur Instagram que l’info arrive en premier. L’utilité de la presse web devient alors d’être une sorte d’entonnoir des réseaux sociaux qui filtre les informations et performances d’importance pour le lectorat. Ça reste intéressant parce tout le monde ne suit pas à fond ce qui se passe sur Instagram, et donc il reste pas mal de gens qui apprennent quand même plein de choses sur la presse web, mais c’est plus tout à fait pareil.

– Les réseaux sociaux ont révolutionné et accéléré la communication des informations. Est-ce une bonne ou mauvaise chose ? Qu’en retiens-tu ? Comment les utilises-tu ?

Comme le laisse deviner ma réponse précédente, je suis d’accord avec le constat ! J’aurais tendance à dire que ce n’est ni une bonne ni une mauvaise chose, mais que c’est comme ça et qu’il faut faire avec. Je vais quand même me permettre une petite critique. Le système des réseaux sociaux est quand même fortement basé sur l’autopromotion. On a un compte et on raconte nous même nos exploits avec plus ou moins finesse et de subtilité. Je trouve qu’un système qui oblige les gens à chanter leur propre légende pour exister a quand même un problème. En tout cas moi ça me dérange, même s’il y a quelques comptes que je suis avec beaucoup de plaisir et que je serais triste de voir disparaître !
Pour ma part, je ne suis sur les réseaux sociaux que pour me tenir informé et voir ce que mettent les autres, je ne poste jamais rien. Mais j’ai bien conscience que si je n’étais pas salarié de Grimper et que je devais faire mon trou en journaliste indépendant, ou bien si j’essayais d’être grimpeur pro, je ne pourrais probablement pas faire l’économie de mon autopromotion sur les réseaux.

En plein run dans “Moksha” au Pic St-Loup (coll. Pierre Trolliet)

– On entend souvent que la presse papier va mal. Depuis que tu as démarré, quelles sont tes satisfactions, les écueils que tu as rencontrés, ou rencontres que tu as faites en tant que journaliste ?

Là, par contre, je ne suis pas d’accord avec le constat ! En ce qui concerne l’escalade, la presse papier a me semble-t-il tout ce qu’il faut pour aller plutôt bien. Je pense en particulier aux photos. La photo de grimpe, c’est quelque chose de riche et qui esthétiquement fonctionne très très bien. Il y a le grimpeur, son visage, sa position, ses préhensions, la sculpture et les couleurs du rocher, le paysage… En plus il y a pas mal de photographes qui sont passionnés et super bons. Ce serait trop dommage que toutes les belles photos de grimpe n’existent plus ou presque plus que sur les écrans. Au niveau des textes aussi, je crois que sur le papier on peut se démarquer du web en faisant, par exemple, des dossiers un peu complets comme ceux des Grimper Céüse et Fontainebleau, mais aussi apportant des analyses de fond assez complètes sur des thématiques historiques ou de progression.
Évidemment, en ce qui concerne les actualités brûlantes, ça arrive un mois après voire plus dans le magazine papier, donc la bataille est perdue d’avance, mais je crois qu’il reste et restera une grosse niche pour le papier, parce qu’en jouant sur le ressort de la qualité, le support papier apporte des choses que le web n’offre pas. Mais ça, c’est à nous de le prouver en produisant de beaux (et intéressants !) magazines.
En ce qui concerne les satisfactions et écueils, ça va bientôt faire 3 ans que je suis rédacteur de Grimper donc il y a forcément eu des choses qui ont plus ou moins bien marché. Il y a un truc en particulier dont les gens ne se rendent pas forcément compte, c’est la multiplicité des enjeux lorsqu’on sort un magazine. On veut que le lecteur soit content et faire rêver les gens, on veut que le numéro se vende bien, évidemment, mais il faut aussi éviter à tout prix de semer la zizanie sur les territoires dont on parle en oubliant par exemple d’impliquer tel équipeur ou tel grimpeur qui ont donné de leur passion et de leur temps sur les falaises concernées, ou bien en ne prenant pas de pincettes pour faire la promotion de secteurs menacés d’interdiction, etc. C’est presque impossible de cocher toutes les cases, mais c’est très satisfaisant quand, pour certains magazines, on arrive à s’en rapprocher. En revanche c’est décevant quand on n’y arrive pas.
Et sinon, j’aimerais bien qu’il y ait un peu plus d’humour et de dérision dans les magazines mais je n’ai toujours pas trouvé de formule adaptée… Gilles, si tu lis cet interview et que tu veux reprendre les fausses couvertures, la porte est ouverte !

– On sent dans tes écrits un certain intérêt pour la culture littéraire/philosophique, tu peux nous en dire plus ?

Oui, je peux en dire plus. En fait, c’est pas vraiment un intérêt particulier pour la culture littéraire ou philosophique mais beaucoup plus général que ça. Je suis tellement conditionné à penser grimpe que mon cerveau fait très souvent des parallèles entre l’escalade et des choses qui n’ont rien à voir. Je trouve ça amusant et j’aime bien partager ces parallèles dans des articles. Si c’est bien fait – j’avoue que ça ne marche pas à tous les coups – ça peut apporter de l’intérêt et de la profondeur aux textes ou bien servir d’accroche. Mais ça ne concerne pas du tout seulement la littérature ou la philosophie (disciplines dans lesquelles je précise que je n’ai aucune prétention), ça peut être des films, d’autres sports, d’autres disciplines… J’ai même fait une analogie entre la recherche de la bonne cotation et les diagrammes de phases qu’on étudiait en Chimie. J’espère qu’un de ces 4 j’aurais l’occasion de l’expliquer dans un article !

– Que répondrais-tu aux gens qui jugent que tu possèdes un côté trop élitiste ?

Que j’en assume une partie. Par autodérision, je dis parfois que je n’arrive pas à trouver antipathiques des gens qui ont de la force dans les doigts ! L’excellence, quel que soit le domaine, est je trouve très intéressante, voire fascinante. Je ne serais pas capable de donner la source, mais je me souviens d’Adam Ondra disant que plus on monte en niveau, plus la pratique de l’escalade est intéressante parce qu’elle se complexifie. Je suis assez d’accord avec ça.
En ce qui concerne mes amitiés, par contre, je nie en bloc. Certes, vu que je passe tout mon temps à grimper, je suis forcément amené à fréquenter des gens passionnés et donc un peu forts, mais ce serait faire insulte à mes copains que de les apprécier pour leur niveau en grimpe. Je suis amis avec des gens parce que j’aime bien discuter avec eux, que je les trouve sympathiques, qu’ils me font marrer ou je ne sais quoi d’autre.
Autant l’excellence est assez fascinante, autant, quand on se met à bien connaître les gens, elle perd énormément en importance dans la relation jusqu’à finir par s’effacer presque complètement.

– Quelle est la plus grande démonstration d’escalade à laquelle tu aies assisté ?

De temps en temps, je vois des gens faire des trucs où je ne comprends même pas comment c’est possible. Allez, trois-quatre exemples pour le plaisir. L’échauffement d’Adam Ondra à Entraygues avant qu’il ne rate le flash dans “la Moustache qui Fâche”. Il faisait des 8a/b à vue (ou peut-être qu’il les avait déjà faits 10 ans avant) en randonnant tellement que je me suis dit sur le moment que même dans un 6c je me serais plus mis au taquet. C’était incroyable.
Autre exemple, la première fois ou j’ai mis les pieds à Oliana, Ramon a fait le 8c+ Joe Blau en randonnant complètement et en se reposant partout même dans les crux. Sur le moment il grimpait avec tellement peu de rythme qu’on a cru qu’il l’avait faite à vue, mais en fait on a appris qu’il avait mis une montée la semaine d’avant. Incroyable.
À Bleau, j’ai vu Charles à de multiples reprises faire des choses abracadabrantesques que j’aurais presque jugées impossibles si je ne les avais pas vues. Du genre des ouvertures flash ou en très peu d’essais de 8A sur 1 mouv dans lesquels personne d’autre ne bouge, ou bien des 7B dalle en basket en atomisant des grattons avec les ongles…
Un dernier pour la route. Dans le dévers à 65° de Blocage, le petit pan de Bleau, Nico Pelorson avait ouvert un bloc (prises rouges !) avec un mouvement de pure tenue et gainage qui me semblait ne pas marcher. Ce mouvement, Nico l’a réussi et même avec les 2 mouvs de mise en place. C’était vers le moment où il a fait Big Island assis et il était sacrément en forme. Les grimpeurs qui passaient à la salle et voyaient ce bloc pensaient même que c’était une blague tellement il avait l’air impossible.

“L”insoutenable” à Bleau (coll. Stephan Denys)

– Toutes choses étant égales par ailleurs, tu dois parier sur la personne qui décrochera la première du “Bombé bleu”: sur qui est ton argent ? Et la première répétition de “Silence”?

Les meilleurs profils pour faire cette voie sont à mon avis Alex Megos et Jakob Schubert parce qu’ils ont probablement le niveau de force de faire le premier pas de bloc, mais aussi suffisamment de consistance pour grimper le 9a qui suit avec de la sécurité. Adam Ondra, je sais que la voie lui fait peur parce qu’il a des gros doigts et que c’est un handicap dans ce style, mais je pense que s’il décide de s’investir il va la faire, d’autant qu’il a peut-être l’allonge pour faire la méthode de droite beaucoup plus facile. Dans les outsiders, les deux Nico, Pelorson et Januel, ont démontré qu’ils savent concrétiser de gros projets, et pourraient tirer leur épingle du jeu s’ils trouvent la solution du premier mouv. Je pense qu’un Simon Lorenzi s’il se motive peut avoir une chance, Charles aussi mais j’y crois pas trop…
Bref, je réponds maintenant à la question : si je dois en garder un, ce sera Megos, talonné par Ondra. Mais par contre, ça me ferait plus plaisir que ce soit un Français !
Pour “Silence”, pas facile non plus ! Je dirais Seb Bouin ou Stefano Ghisolfi, avec une petite option sur Seb.

– Tu essaies d’avoir une démarche écolo en privilégiant le vélo et le train pour te déplacements en falaise. Décris ton raisonnement.

Bigre, par où commencer ? En fait, il faut que je sois honnête : je ne fais quasiment aucun effort pour avoir un mode de vie écolo et je vais la plupart du temps grimper en voiture.
Je suis pourtant assez persuadé, comme pas mal de gens maintenant, qu’il faudrait que tout change pour des raisons écologiques. Mais je vois plutôt ça comme une transition politique, avec des centaines de milliers d’ingénieurs missionnés par l’état qui feraient des consultations populaires, réfléchiraient et aideraient à organiser la mise en œuvre d’une transition en urgence, pour essayer de diviser par 5 ou 10 la consommation générale d’énergie (fossile) tout en essayant de laisser aux gens la possibilité d’être à peu près libre et heureux. Par contre, je crois que c’est un énorme piège de penser que la solution viendrait des individus qui changeraient radicalement de mode de vie chacun dans leur coin. Ça n’a strictement aucun sens parce que la société est organisée de manière à ce qu’on doive choisir entre polluer et s’aliéner soi-même pour ne pas polluer. Il faut offrir un autre choix aux gens que ce dilemme affreux.
Cela étant dit, en attendant le tournant politique, je pense qu’il faut faire preuve de décence dans nos comportements individuels et ne pas se déresponsabiliser totalement non plus, d’autant que cela nous prépare à accepter l’idée d’un changement politique.
Quand la transition se fera, ça m’étonnerait beaucoup que notre modèle de grimpe en falaise puisse subsister tel quel. Plein de jeunes grimpeurs n’auront probablement plus de voiture individuelle, ou alors elles seront minuscules et rouleront à 50, ou alors on ne pourra plus faire autant de kilomètres mais je vois bien les trips train/vélo gagner en parts de marché dans les années à venir.
On en vient à ce pourquoi j’ai fait quelques trips de grimpe sans voiture : pour l’expérimentation. Je voulais voir si c’était bien, agréable, compatible avec la performance…
Je donne quelques résultats en vrac de ces expérimentations : le lendemain d’une journée de vélo, un corps pas trop entraîné n’est pas prêt du tout à perfer, le surlendemain ça va déjà mieux. Ça donne une dimension esthétique au trip (et aux performances si elles surviennent) qui est vraiment incroyable : ça augmente fortement la saveur de l’expérience. Ça demande un surplus de temps si c’est juste un trip vélo et d’argent si c’est train/vélo ce qui n’est pas compatible avec certains travails et certains budgets…
Bref, je trouve que c’est un sujet très intéressant, il y a plein de solutions à trouver et à mettre en œuvre, mais encore une fois, il faudrait vraiment un appui politique. Parce que même avec la meilleure volonté du monde, s’il n’y a pas de place dans les trains pour les vélos ou si la SNCF fait du pricing sur votre dos pour vous faire cracher le plus d’argent possible, eh bien vous ne pourrez rien faire d’autre que l’avoir dans l’os.

– Tu partages ta vie depuis quelques années avec Caroline Sinno, spécialiste de bloc. Comment s’organise votre équilibre de couple de grimpeurs ?

Caro, elle est au moins aussi fanatique que moi. Elle se met des énormes projets en bloc dans lesquels elle ne fait toujours pas les mouvs au bout de 10 séances, mais elle lâche rien et elle finit par réussir alors que personne n’aurait parié un centime sur elle au début. En fait, même si elle c’est en bloc et moi en voie, on a exactement la même approche de l’escalade : ce qui nous anime vraiment c’est le après travail très long. Du coup on se comprend. Moi je sais à quel point c’est important pour elle d’avoir de la parade dans ses projets donc je fais de gros efforts pour la soutenir. Elle, elle sait que j’ai besoins de faire souvent des trips falaise d’une ou deux semaines voire plus pour essayer du dur, du coup elle me laisse m’organiser comme je veux et ne me fait jamais culpabiliser même si parfois, pour elle comme pour moi, c’est pas facile de passer du temps sans se voir. Puis si elle n’a pas trop de travail avec Crimp Oil elle vient avec moi en falaise.

“A la limite de la rupture”, Supermanjoc (coll. Julia Cassou)

– Tu sembles davantage intéressé par la falaise et pourtant tu habites en forêt de Fontainebleau. Pourquoi ce choix ?

Bleau, c’est vraiment un choix de couple. Caro rêvait de rester habiter là, et moi, ça m’allait pas trop mal parce qu’à Bleau, quand tu as un emploi du temps un peu flexible, tu peux aller toucher le caillou même en semaine dès que tu as un petit créneau de 2 ou 3h. Et puis en habitant sur place, c’est très rare de prendre des buts météo en réalité. Et de toute façon, les salles sont bien pour s’entraîner.
En fait, c’est bête à dire, mais ce qui me manque en habitant là-haut c’est plus l’ambiance du Sud-Ouest. Les amis (même si j’en ai aussi à Bleau !), la famille, les départs groupés en falaise et les arrêts boulange du samedi matin…

– Les grimpeurs qui t’inspirent et pourquoi ? Qu’est-ce qui t’inspire chez un grimpeur ?

Il peut y avoir plein de choses qui m’inspirent chez des grimpeurs. Leur vision, leur mental, leurs qualités physiques, leur virtuosité… Du coup il y a plein de grimpeuses et de grimpeurs qui m’inspirent à leur manière. Mais il y en où ça va plus loin. Il y en a sans qui ma vision et mon approche de l’escalade auraient probablement été très différentes. Je vais citer en citer trois, les trois mêmes que lorsqu’Émilien m’avait posé la question pour l’interview d’Escalade9.
D’abord, Chris Sharma. Toujours imité, jamais égalé. Les first ascent de “Jumbo Love” et “Es Pontas”, avec en plus des films parfaits à la clef, sont à mon sens les trucs les plus cool qui ont jamais été fait en grimpe et j’ai l’impression que c’est, au moins inconsciemment, le modèle après lequel je cours…
Ensuite, il y a mon pote toulousain Pierre Trolliet. C’est lui qui m’a appris à réfléchir la grimpe à contre-courant, c’est-à-dire en ayant honte de réussir une voie facilement. C’est la leçon la plus précieuse qui m’a été donné en escalade.
Enfin, il y a Charles Albert. Je raconte déjà suffisamment cet ovni dans mes articles sur Grimper, mais ce qui est incroyablement inspirant chez lui, c’est sa capacité à se détacher complètement de la finalité d’une action pour se concentrer exclusivement sur la manière, sans jamais céder à la tentation de perdre en élégance pour un meilleur résultat. C’est vrai en grimpe, mais pour tout le reste aussi. S’il cuisine, par exemple, il va s’appliquer énormément pour le faire dans les règles de l’art, il va mettre toute son énergie à l’exécution parfaite de la recette. Et le résultat gustatif ne sera qu’une conséquence dont il ne se préoccupe qu’à la fin, au moment de manger.
Je n’ai pas du tout cette prétention à titre personnel, mais, grâce à Charles, c’est quelque chose sur laquelle j’aspire à progresser.

– Si il ne devait rester qu’une ligne en escalade (falaise/bloc/grande-voie/deep water), qu’est-ce que tu choisirais ?

Vue la réponse faite au-dessus, “Es Pontas” ou “Jumbo Love”, mais on va dire “Es Pontas”. Parmi les voies que j’ai enchaîné, je garderais Donkey Kong, 8c+ à Supermanjoc pour toute l’émotion qu’elle m’a procuré, autant dans le travail de la voie qu’au moment de clipper la chaîne. S’il ne fallait en garder qu’une, je garderais celle là.

– Quels sont les projets que tu aimerais mener dans le futur ?

Tout d’abord, il faut que je réussisse à finir “Fight or Flight”. Maintenant, après tout le temps que j’ai passé dedans et surtout après en avoir tellement rêvé, je ne peux plus abandonner ! Je pense que cette voie, en termes de difficulté, est probablement à la limite de ce que je serai capable de faire dans ma vie. Au moins dans ce style. Peut-être que dans une escalade un peu moins à condi je serai capable de faire un peu plus dur, mais là, j’ai vraiment l’impression de jouer à ma limite tellement l’effort est long, soutenu, et demande d’être très en forme dans toutes les filières en même temps. Je vais y aller en mars, j’espère que je serai suffisamment en forme et qu’il fera le plus froid possible avec le plus de vent du Nord possible (le vent du Nord, c’est presque un biscuit pour cette voie tellement ça aide).
Et sinon, avec le grimpeur toulousain Fabrice Landry, on a dessikaté (avec la bénédiction de l’équipeur Éric Siguier !) un vieux 8c+ de Supermanjoc, ce qui donne un nouveau projet dans ma falaise de cœur, naturel, exceptionnellement beau et je pense à peu près du même niveau que “Fight or Flight”, mais dans un style un tout petit peu plus haché qui me convient un poil mieux. Trouver une telle voie à Saint-Antonin, avec en plus un pote aussi motivé que moi pour l’essayer, c’est juste le rêve. Ce sera mon objectif principal cette année.

Photo de couverture : Arthur Delicque

Interview Lucien Martinez
Portrait (coll. Arthur Delicque)

ENGLISH VERSION

All those who have met and talked with him will confirm that Lucien Martinez is not a climber who leaves you indifferent. A friendly and open character, sometimes taking clear-cut positions, having a very personal and original approach of the sport, like his friends Charles Albert or Nico Pelorson, Lucien is an UFO in the French climbing scene. Long interview with him.

– You’re from the South-West of France, precisely Montauban. Can you introduce yourself and tell us about your beginnings in climbing?

Before Montauban, I lived in Toulouse until I was 8 years-old and that’s where I started climbing. My mother had enrolled my brother and me in a weekly class with Mathieu Gallot Lavallée. There were people at the gym who told me that Mathieu was super strong and that he had done an incredibly hard outdoor route that only three climbers had sent, and that one of them had said this route was an 8c+. At the time this story fascinated me, and I understood perhaps 10 years later that the route was in fact “Baston à la Maison” in Saint Géry (in the Lot), and that the climber who had suggested 8c+ was none other than Dave Graham.
However, I was not particularly gifted or even motivated at the time. My passion was rugby. I played rugby for three years and was super strong, much more than at climbing. Those who knew me at the time will be able to testify to this, even if I admit that it may seem hard to believe given my rather skinny physique now. Arriving in Montauban, there was no more spots at the rugby club, while at the same time the climbing gym was close to my house. There was a free access formula that allowed us to go alone in the evening after school, so I started going there more or less every evening. I started thinking only about that. I bid my time all day waiting to go back and try the boulders that had resisted me the day before. I was only looking to have fun, not to train at all, but I improved nonetheless and my level increased progressively in the next 2 or 3 years. At that time Hervé Peyre, our instructor, began to regularly take the club’s youngsters to the crag of Saint Antonin. He put top-ropes up for us, helped us choose routes, gave us advice and beta, told us stories about the lines and the climbers in the area… And by the by, perhaps helped by the fact that I never managed to beat my good friend François Kaiser (whom I hereby salute!!) in competition, I fell in love with rock climbing. At 13 or 14 I had become pretty much independent. I had a list of phone numbers of climbers I knew, and on Saturday evenings I would call them all one by one until I found someone to take me to the cliff.

– Once you graduated in agronomics, you dropped everything for climbing, why?

In my last high school year, I was more hungry for climbing than ever, more or less obsessed. But after my Bac (end of high school exam) I got into a Prépa (preparatory class) and could only squeeze in Saturday afternoons at the crag. I was extremely frustrated. I could see everyone grabbing hard ticks, improving, loving life and I was so envious. As soon as I got into my Engineering School I was able to climb more and spend the whole weekend outdoors, but it wasn’t that easy to juggle both so I still had to find some kind of compromise regarding climbing.

With my diploma in the bag, in actual fact, at first I had no desire to throw it all away, I just wanted to take a year off in order to focus 100% on the two lines that I was fantasising about, ‘Fight or Flight’ and ‘3 Degrees of Separation’. The idea was to send them before looking for a rather busy engineering job. The problem is that regardless of my motivation, my single mindedness and my attempts, I couldn’t send either. I realised two things. First, that to make my dreams come true I had to improve, and not just a little. Second, that climbing was my world, that I would never get bored of it and it’d be silly not to work in climbing given all the above. I thought long and hard about what to do and in the end decided to give journalism a go, with the safety net of going back to engineering if it didn’t work out. Overall I feel at home where I am now, I do something I’m passionate about and I think I bring more with my job at Grimper (main French climbing magazine) than I would have an engineer.

– You were interested in high level climbing very early on. Why does this subject particularly interest you?

Oh my God, you’re asking me to do my own psychoanalysis ! High difficulty in climbing has, I find, something fascinating. It has its mysteries, gossip, rivalries, epic fights lasting several years, climbers who manage to perform incredible feats by being very clever, first ascents that are akin to Grail quests with several protagonists… All of this, and that’s what’s incredible, without any official framework!

– You’re very interested by grades, and you think that the slash shouldn’t exist, why?

I don’t know if I’ll manage to explain myself but I’ll give it a shot! What little recollection I have of my preparatory class time is that grades are a discretisation of a continuous whole. Meaning that a grade is no way near a precise value for the difficulty of a route, rather a range. If we take the notion of a ‘grading scale’, we must understand that a grade, say 7a, is not a rung but the space between two rungs, where the rungs represent the limits between 7a and 7a+ at the top, and 7a and 6c+ at the bottom. If we say that a route is 8c+/9a, it cannot mean that its difficulty is located bang on the rung separating 8c+ from 9a, because it’s mathematically impossible (the probability that the difficulty of a route lies right on a rung is zero, cf. my math classes). To say that a route is 8c+/9a implies adding a new gap between 8c+ and 9a in the grading scale. To use slash grades is to accept the rejigging of all the rungs on that scale (as well as adding some) in order to make way for new ones and effectively double that number. Nothing forbids it, but it would entail a reassessment of the grade of each line. The hard 8a would become 8a/+, the easy 8a+ likewise and so on and so forth for all the routes in the world.

On top of this issue, I think that the current level of accuracy in the grading scale is not that bad, and that it’s already tricky getting a consensus. It’s therefore not that pertinent to shuffle everything around by doubling the current number of grades.

But, for there is a but, I am not against slashes in their two original uses. At the beginning, they weren’t used to add a grade to the scale, but to express a doubt between two grades, thereby leaving repeaters to refine it. I think this is a good use of the slash, and that’s why when I repeat a slashed route I try to give my opinion with the most honesty and openness possible.

The other use of the slash, historically, and which is also interesting (I know it was for instance the case for the Saint Antonin topo) had to do with morphology-dependent routes: it gave an inkling that the route wasn’t the same difficulty for everyone.

Interview Lucien Martinez
Climbing in Font – Red Rocket (coll. Stephan Denys)

– As a climber, you are particularly stubborn on extreme redpoint projects such as “Fight or Flight”. Why try to push your limits all the time?

Well, this question points to a huge problem. For me, it works like a quest with twists and turns and an uncertain end. A hard route that makes me dream, it’s a Grail that I’m trying to reach. I dunno if I’ll get there, but I dream of it, sometimes even literally. And I want to give it my all to succeed.
It’s all very well on paper, but from the moment you accept the fact of really wanting to do very hard things, you tie yourself up to them…

We can no longer go climbing wherever, whenever because we are enslaved to our goals and our training. We no longer see climbing other than through the prism of our quest, to the point that we forget the fun, precisely what made me love climbing in the first place. I don’t like being a monomaniac, not at all. There are plenty of other sports that I love and that I unfortunately no longer practice, not to mention requests from friends that I decline… But you can’t have everything. Wanting to do “Fight or Flight” while remaining open, free, practicing lots of other sports and taking the time to make beautiful Climbing magazines, I know very well that it’s not possible for me. So for the moment, I’m staying fully focused on performance, but I’m very torn because I don’t really like this state of rigidity in which I find myself in.

– In the last few years, instead of repeating famous hard routes you’ve turned to local crags, with unusual first ascents and repetitions (“Beyond”, “3 degrees”, “FFF”, “Hugh”…). Is it planned?

If I invest myself in a route, it has to have a particular meaning, through its history, its location and whatever else… For ‘FFF’, it’s clearly not a beautiful line but it’s located in Supermanjoc, my childhood crag, and for years I walked past it, looking up, telling myself it would impossible. For ‘Hugh’ the mystery attracted me, I was very curious to get my fingers on it and see what was what. For ‘Beyond’, the route was nice and in my style. For ‘3 Degrees’ it had been a dream ever since watching Sharma’s video, one of the very best. Getting to Ceüse more than 10 years after watching it, catching a glimpse of the three yellow tufas at the start as you walk up the last steep part of the path, touching the holds for the first time, trying the moves wondering if they are like what I imagined, then throwing attempt after attempt before finally succeeding… All this was an incredible experience, and so much nicer than for a route without context, without Sharma’s video and the dozen viewings, aged 12, mouth agape in front of my dad’s computer screen.

For short, it’s not that I don’t want to repeat the more fashionable lines, on the contrary I like it, but other contextual elements such as the mystery or the South-West crags also matter in the routes I decide to focus on. For me, the most important is what has meaning for me.

What’s your vision of climbing in France for 2022?

I imagine that this question could be approached from many different angles (gyms, management of crags, climbers etc.) but the only one for which I think I have something interesting to say concerns the high level in rock climbing: in my opinion France is once again becoming the center of the world, as it was at the end of the 90s and the beginning of the 2000s, before Sharma moved it by living in Catalunya. We have all the routes by Seb Bouin (at La Ramirole but not only) which are extremely huge and from which Ondra, Megos, Schubert and Ghisolfi will not be able to avoid forever… And in addition we have Céüse and Saint-Léger with lots of new extreme routes and major projects everywhere. We have been witnessing a new dynamic in France in the last 2-3 years and I am betting that this trend will increase and the decade of the 2020s will be the one of France, like that of the 2010s (and the end of the 2000s) was for Catalunya.

– What do you think about the climbing press in general, and particularly the climbing websites?

Paradoxically, I find the web press is doing quite badly because it’s vampirized by Instagram. Before, when you were writing for Kairn.com some years ago, we were eagerly awaiting news of the new sends because that was really where we learned what was going on. Now, instagram has stolen the show and almost all the key information in our small world arrives there first. And we, the media, find ourselves forced to summarise by reformulating the “official press releases” that the athletes publish on Insta, or to ask them for interesting details, but in any case it’s on Instagram that the info comes first. The usefulness of the web press then becomes a kind of funnel of social networks that filters information and performances by importance to its readership. It’s still interesting because not everyone follows what’s happening on Instagram, and so there are a lot of people who still learn a lot of things from the web press, but it’s not quite the same anymore

– The advent of social media has revolutionised and sped up the sharing of information. Is it good or bad? What is your take? And how do you use them?

As my previous answer suggests, I am in complete agreement with your statement! I tend to say that it’s neither good nor bad, but that is it what it is and we have to make-do. Yet I’m going to allow myself a slight criticism. The social media logic is strongly biased towards self-promotion. You have an account and share your exploits with more or less subtlety. I think that a system forcing people to sing their own praises to exist has a problem. At any rate it does bother me, even if I follow a number of accounts with pleasure and would be sad to see them go!

As for me, I’m only on social media to keep up-to-date and see what others share, I never do. But I am aware that if I didn’t make a living with Grimper and had to find my feet as an independent journo, or if I’d tried to become a pro climber, I would probably not be able to skip the self-promotion on social networks.

Interview Lucien Martinez
FFF, Supermanjoc (coll. Sam Bié)

– We often hear that paper magazines are not doing very well. Since you started, what are your satisfactions and also the pitfalls that you have encountered or still encounter as a journalist?

Here, however, I don’t agree with this statement! As far as climbing is concerned, the paper press seems to me to have everything needed to do pretty well. I’m thinking in particular of photos. Climbing photography is something rich and aesthetic and is working very well. There is the climber, his/her face, position, the holds, the shape and the colors of the rock, the landscape… Besides, there are quite a few photographers who are passionate and super good. It would be too bad if all the beautiful climbing photos no longer or almost no longer existed except for screens. For the texts too, I believe that on paper we can stand out from the web by making, for example, somewhat complete topics like those of Grimper for Céüse and Fontainebleau, but also by providing fairly complete background analyses on historical themes.
Obviously, as far as fresh news are concerned, it happens a month later or even more with paper magazines, so the battle is lost in advance, but I believe that there remains and will remain a big opportunity for the paper, because by playing on the angle of quality, paper magazines bring things that the web doesn’t. But that’s up to us to prove it by producing beautiful (and interesting!) magazines.
Concerning satisfactions and pitfalls, it will soon be 3 years since I’ve made editor-in-chief of Grimper so there have necessarily been things that have worked more or less well. There is one thing in particular that people don’t necessarily realise, it is the multiplicity of issues when you release a magazine. We want the reader to be happy and make people dream, we want the issue to sell well, of course, but we must also avoid at all costs sowing discord in the territories we are talking about by forgetting, for example, to involve such bolter or climber who has given their passion and their time on the crags concerned, or by not raising the issue of sectors threatened with a ban, and so on. It’s almost impossible to tick all the boxes, but it’s very satisfying when, for certain issues, you can get close. At the same time, it’s disappointing when you can’t.
And if not, I would like there to be a little more humour and derision in magazines, but I still haven’t found a suitable formula… Gilles, if you’re reading this interview and you want to take up the fake covers, the door is wide open!

– In your writing, we can often feel something vaguely literary/philosophical, can you tell us more?

Yes I can. In fact, it’s not really out of a particular interest for literature or philosophy, it’s much more wide-ranging. I’m so conditioned to thinking about climbing that my brain often finds parallels between climbing and things that are completely foreign. I find it amusing and like to share them in my articles. If it’s well done-I’ll admit it doesn’t always work-it can add to the interest and the depth of my writing, or just serve as a hook. But it doesn’t only concern literature or philosophy (areas in which I want to stress I have zero ambitions), it can be movies, other sports or disciplines… I’ve even made a comparison between grades and the tables we used to study in Chemistry… I hope that one day I’ll have the opportunity to explain myself in an article!


– How would you answer people who think you have too elitist an approach?

That I take part of it. In self-mockery, I sometimes say that I can’t find people who have strong finger power unsympathetic! Excellence, whatever the field, is very interesting, even fascinating. I wouldn’t be able to give the source, but I remember Adam Ondra saying that the higher the level you reach, the more the practice of climbing is interesting because it becomes more complex. I pretty much agree with that.
As far as my friendships are concerned, on the other hand, I totally deny it. Honestly, since I spend all my time climbing, I’m used to associate with people who are passionate and therefore a bit strong, but it would be an insult to my friends to appreciate them for their level in climbing. I’m friend with people because I like talking to them, I find them friendly, they make me laugh or whatever.
As much as excellence is quite fascinating, when you get to know people well, it loses a lot of importance in the relationship until it ends up disappearing almost completely.

– What’s the most outrageous climbing feat you’ve been privy to?

From time to time, I see people do stuff that I don’t even understand are possible. Ok, so 3-4 examples for the fun of it. Adam Ondra’s warm-up at Entraygues before missing out on the flash of ‘La moustache qui fâche’. He was onsighting 8a and 8b (unless he’d climbed them 10 years previous) with such ease I thought I’d get more pumped climbing a 6c. It was incredible.

Another example, the first time I set foot in Oliana, Ramon chilled his way up Joe Blau (8c+) resting everywhere, even in the cruxes. Because the rhythm of his climb was so broken we thought at the time he was onsighting it, but we learnt that he’s gone up it once the week before. Insane.

In Font, many times I saw Charles Albert do things so out of this world I would have called them impossible without having been a witness. Like flash FAs or in a handful of runs of 8A on a move that no one else can get anywhere near, or 7B slabs in trainers by simply annihilating miserable grains of sand with his nails…

A last one for the road. In the 65° overhang of Blocage, the small ‘gym’ in Font, Nico Pelorson opened a boulder (red holds) with a move of pure crimping and core strength that seemed to me not to work. Yet Nico managed to do it, and even adding the two moves prior. It was around the time he made Big Island sit and he was a monster. The climbers who passed by the gym and saw his boulder thought it was so impossible as to be a joke.

– All other things being equal, you have to bet on the person who will free the “Bombé bleu” first: who is your favorite? And for the first repeat of “Silence”?

The best profiles to do “Bombé bleu” are in my opinion Alex Megos and Jakob Schubert because they probably have the level of strength necessary to solve the first boulder crux, but also enough resistance to climb the 9a that follows with safety. Adam Ondra, I know that the route scares him because he has large fingers and that’s a handicap in this style, but I think that if he decides to get involved he’ll do it, especially since he may have the ape index to be able to choose the easier starting beta to the right. For the outsiders, the two Nicos, Pelorson and Januel, have demonstrated that they know how to tick big projects, and could send it if they find the solution for the first move. I think that Simon Lorenzi, if he motivates himself, stands a chance, Charles too but I don’t really believe it.
In short, I’m now answering the question: if I have to keep one guy, it will be Megos, followed by Ondra. But on the other hand it would make me happier if it were a Frog!
As regards “Silence”, not easy either! I would say Seb Bouin or Stefano Ghisolfi, with a small advantage to Seb.

Interview Lucien Martinez
Brushing in Font (coll. Arthur Delicque)

– You’re trying to have a greener approach to climbing by favouring bicycles and trains to go cragging. Can you expand for us?

Phew, where should I start?! In fact, I have to be honest here: I make very little effort to be greener, and most of the time I drive to my crags.
Yet I am quite convinced, as many others now, that all this needs to change, for ecological purposes. But I see it mostly as a political transition, with hundreds of thousands of engineers tasked by the government to survey the people, to think and help organise the urgent transition in order to divide by 5 or 10 the overall consumption of fossil energy while giving people the opportunity to still be free and happy. On the other hand, I believe it’s an enormous trap to think that the solution will come from individuals who would radically change their modus operandi in isolation. It makes no sense because society is organised in such a way that people have to choose between pollute and deny themselves in order to stop polluting. What must be offered people is another choice than this awful dilemma. Having said that, as we wait for this political shift, I think that we must show decency in our personal behaviours and not think we can’t do anything either, if only because it prepares us to accept the idea of a political sea change.

When this transition will take place, I’d be surprised if our current outdoor climbing model could survive. A lot of young climbers probably won’t have a private car, or they’ll be tiny and only do 50 kph, or we won’t be able to drive as many kilometres; so I do see the train/bicycle trips gaining in popularity in years to come.

Which brings us back to why I tried a few trips without cars: for the sake of experimentation. I wanted to know if it was nice and compatible with performance… Let me give you a few personal conclusions: the day after a day on the saddle, a body that is not so trained for it is not at all ready to perform, but two days after it improves. It adds a certain aesthetical dimension to your trip (and to the sends if they happen) that is truly magical: it strongly increases the flavour of the experience. It also requires added time if it’s only by bike, and money if a combo train/bicycle that is just not compatible with certain budgets or jobs…

In short, I think it’s a great topic, there are a lot of solutions to be found and put in place, but again, what’s really needed is political support. Because even with the best will in the world, if there’s no room on trains for your bicycle or if the SNCF (train company) decides to make money out of you, well there’s nothing you can do can you!

– You’ve been in a relationship with Caroline Sinno, a bouldering addict, for a few years now. What does the life of a high flying climbing couple looks like?

Caro, she’s at least as fanatical as me. She invests herself a lot on huge bouldering projects in which she still does not move after 10 sessions, but she never gives up and often ends up succeeding when no one would have bet a penny on her at the beginning. In fact, even if she is only bouldering and I’m mostly rock climbing, we have exactly the same approach: what really drives us is the very long redpoint projects. So we understand each other. I know how important it’s for her to have a spot on her projects so I do my best to support her. And on the other hand she knows that I often need to do rock climbing trips of one or two weeks or more in order to try hard, so she lets me organise myself as I want and never makes me feel guilty even if sometimes, for her as for me, it’s not easy to spend time without the other. Then if she doesn’t have too much work with Crimp Oil she also comes with me at the crag.

– You seem more interested by rock climbing and yet you live in the forest of Fontainebleau, far from the crags. Why this choice ?

Font is really a couple’s choice. Caro was dreaming of living there, and me, it didn’t suit me too badly because in Font, when you have a somewhat flexible schedule, you can go and touch the rock even during the week as soon as you have a little time slot. 2 or 3 hours. And then by living there, it is actually quite rare to be turned down by the weather. And anyway, the gyms are good for training.
In fact, it may be silly but what I miss living up there is more the atmosphere of the Southwest. Friends (even if I also have some in Font!) family, group start for the cliff, and Saturday morning bakery stops…


– Which climbers inspire you and why? What inspires you in a climber?

There can be lots of things that inspire me in climbers. Their vision, their mind, their physical qualities, their virtuosity… So there are plenty of climbers who inspire me in their own way. But there are some where it goes further. There are some without whom my vision and my approach to climbing would probably have been very different. I am going to quote three of them, the same three as when Émilien asked me the question for the Escalade9 interview.
First, Chris Sharma. Always imitated, never equalled. The first ascents of “Jumbo Love” and “Es Pontas”, and perfect films, are in my opinion the coolest things that have ever been done in climbing and I have the impression that it’s, at least unconsciously, the model I go after…

Then there is my buddy from Toulouse Pierre Trolliet. It was him who taught me to think about climbing against the current hype, and to put my limits further, for example by being ashamed of succeeding in a route easily. This is the most valuable lesson that has been given to me in climbing.
Finally, there is also Charles Albert. I already tell enough about this UFO in my articles on Grimper Magazine, but what is incredibly inspiring about him is his ability to completely cut himself off from the finality of an action and focus exclusively on the move, without falling into the temptation to lose elegance for the sake of a better result. This is true in his climbing, but for everything else too. If he cooks, for example, he will apply himself enormously to do it according to the rules of the art, he will put all his energy into the perfect execution of the recipe. And the taste result will only be a consequence that he only cares about at the end, when eating.
I cannot claim any of this personally but, thanks to Charles, it is something on which I aim to improve.

– If there was only one climbing line left (route/boulder/multipitch/deep water), which one would you choose?

According to the answer made above, “Es Pontas” or “Jumbo Love”, but I will choose “Es Pontas”. Among the routes I have sent, I would keep “Donkey Kong”, 8c+ at Supermanjoc for all the emotion it gave me, both during the work on the route and when clipping the chain. If I had to keep only one line, I would keep this one.

– Which projects would you like to accomplish in the future?

First of all, I have to manage to finish “Fight or Flight”. Now, after all the time I’ve spent on it and especially after dreaming about it so much, I can’t give up! I think this route, in terms of difficulty, is probably at the limit of what I will be able to do in my lifetime. At least in this style. Maybe on a climb slightly less condition-dependent I’ll be able to do a little harder, but here, I really feel like I’m playing at my upper limit as the effort is so long, sustained, and requires me to be very fit in all aspects at the same time. I’m going to go back again on it in March, I hope I’ll be in good enough a shape and that it will be as cold as possible with as much North wind as possible (the North wind is almost a big help for this route).
And otherwise, with Fabrice Landry, we got rid of some sika holds (with the agreement of the bolter, Éric Siguier!) on an old 8c+ of Supermanjoc, which gives me a new project at my beloved crag, natural, exceptionally beautiful and I think pretty much of the level as “Fight or Flight”, but in a slightly more bouldery style which suits me a bit more. Finding such a route in Saint-Antonin, with a friend as motivated as me to try it, is just a dream. This will be my main goal this year. for sure!

Cover Pic: Arthur Delicque

Interview Lucien Martinez
Portrait (coll. Arthur Delicque)





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Rencontre avec Jean-Raymond Manent, fondateur de BOMA

Voici déjà quelques temps que nous avions entendu parler des produits BOMA au travers des storys Instagram d’un certain Romain Desgranges, et, plus récemment, directement par notre athlète PG, Camille Pouget. Et c’est finalement lors du salon de l’escalade à Lyon en novembre dernier que nous avons réellement fait la découverte de cette petite marque, BOMA, et de son fondateur, Jean-Raymond. Alors plutôt que de vous présenter la marque et les produits, on a préféré lui laisser la parole avec quelques questions auxquelles il a accepté de répondre… Rencontre. 


Qui es-tu ? 

Bonjour, je m’appelle Jean-Raymond MANENT, j’ai 36 ans et je suis le fondateur de la micro-entreprise BOMA Authentique Cosmétique qui a vu le jour en Mars 2020.

Je suis né dans le Val de Saône, près de Lyon où je vis encore actuellement.

J’ai fait mes études à l’Ecole d’Architecture de Lyon mais j’ai aussi été formé en Cuisine, en Menuiserie d’Agencement et plus récemment en Cosmétologie ; tout m’intéresse, en fait !

J’aime aussi à croire que rien n’est impossible, à condition de s’en donner les moyens !

J’ai découvert l’Escalade tardivement, il y a 5 ans, un peu par hasard même si de mon point de vue, rien n’arrive par hasard !

Présente nous la marque que tu as créée… et les différents produits ! 

BOMA, c’est un peu une utopie ; mais une utopie qui pourrait devenir réalité !

L’idée, c’était avant tout de vouloir faire sa part pour plus de partage et d’altruisme en offrant du soin à sa mesure ; d’arrêter de critiquer ce qui ne va pas et d’agir concrètement pour proposer des solutions à des problèmes simples et courants comme des mains et des pieds abîmés, entre autres.

L’Humanité est un système, une grande Famille ; dès lors qu’un de ces membres agit positivement, chacune de ses actions rejaillit inéluctablement sur les autres de façon vertueuse.

BOMA, c’est cela : faire de son mieux pour contribuer au bien-être de tous ; devenir exemplaire !

La gamme a été conçue en privilégiant la simplicité, l’efficacité et bien évidemment l’authenticité ; j’entends par là être vrai, transparent et rassurant pour l’usager.ère final.e.

Actuellement, 7 produits la constituent ; à savoir, 3 baumes hydratants pour la peau (Lavande, Romarin et Reine des Prés) ayant chacun des spécificités d’emploi.

Un déodorant crémeux aux 2 huiles essentielles ; produit leader de la gamme avec le BOM Lavande.

Un baume à lèvres et 2 savons surgras saponifiés à froid.

Prochainement arriveront un savon-shampoing, un baume visage contre l’acné et un baume visage jour/nuit.

Tous les ingrédients sont d’origine biologique et lors des formulations, les critères déterminants sont leur provenance (proximité géographique privilégiée) et leur qualité.

Comment en es-tu arrivé à créer BOMA ? 

C’est un aboutissement ou plutôt la concrétisation de nombreuses et difficiles années de reconstruction personnelle.

En 2012, je suis hospitalisé en urgence et l’on m’apprend alors brutalement qu’il va falloir désormais apprendre à vivre avec un trouble bipolaire ; une maladie mentale aux conséquences véritablement handicapantes.

Il aura fallu dix ans d’errance thérapeutique pour établir ce diagnostic ; dix ans seront également nécessaires pour se reconstruire.

Il faut dès lors tout recommencer ; apprendre à s’équilibrer, à gérer ses émotions, à aménager son travail, à reprendre confiance en soi, à apprivoiser son corps, à dompter son mental et surtout à oser retourner vers les autres.

Ensuite, le retour au Sport est devenu une priorité et une personne que j’admire profondément pour sa positivité, Philippe BERGER, co-fondateur avec Thierry BOURCIER du Club d’Anse, l’AL-Escalade ; mon club de cœur, devient le déclencheur de l’aventure : « Tu sais JR, les baumes que tu fabriques en mode DIY, je suis convaincu qu’ils plairaient aux grimpeurs ! »

Qu’est-ce qui te différencie des autres crèmes réparatrices qui existent déjà sur le marché ? 

Lors du Salon de l’Escalade de Lyon en Novembre 2021, j’ai pris un grand soin à étudier les offres de mes confrères.soeurs et je dirais que les produits qu’ils proposent sont très bons.

Cependant, ce qui me différencie, c’est tout simplement l’intention d’Amour et la Passion que je mets dans la fabrication de chacun de mes pots ; ils sont un peu comme chargés énergétiquement (influence de la Culture Amérindienne et de l’enseignement du Tai Chi).

Les ingrédients sont tous bio et leur provenance est la plus locale possible ; ce qui complique, je Vous l’assure, la recherche de fournisseurs engagés et responsables ; ces « courageux invisibles » !

L’objectif est d’utiliser à terme des ingrédients majoritairement d’origine française (ce qui est déjà presque le cas) ou issus des pays limitrophes ; bien que pour les savons cela reste cependant encore très compliqué.

En effet, pourquoi utiliser, même si elle est excellente l’huile essentielle de Tea tree (Afrique du Sud ou Australie) alors que l’huile essentielle de Thym (France ou Espagne) peut répondre à des problématiques tout à fait analogues.

Et sur ce plan-là, nos politiques divergent incontestablement.

Comment imagines-tu l’avenir ? As-tu des objectifs pour ta boite à court, moyen ou long terme ? 

J’aimerais répondre : « Sereinement ! » mais les défis sont nombreux et la quantité de travail à fournir est colossale ; on est tout seul chez BOMA !

Ce que j’ai cependant appris au fil des années ; c’est que tout long voyage, commence toujours par un premier pas.

Alors, plutôt que d’avoir le vertige en regardant tout ce qu’il reste à faire, je me concentre chaque jour sur cet unique petit pas à réaliser et je donne le meilleur de moi-même pour l’effectuer de mon mieux.

En Avril, Mai et Juin de cette année, j’accueille pour la première fois une stagiaire en Communication Digitale, Eva VINCENT.

J’espère pouvoir lui transmettre la passion de mes quelques expériences ; elle semble très motivée et en adéquation avec les valeurs humaines que lui inspirent BOMA ; j’ai hâte !

Participer aussi en tant qu’exposant à une étape de la Coupe du Monde 2022 à Chamonix en Juillet est une priorité ; de même que de renouveler notre présence au Salon de l’Escalade 2022 à Grenoble en Novembre.

Déménager pour des locaux plus adaptés au second semestre de l’année reste aussi un objectif important.

Pour finir, évidemment, à long terme ; créer de l’emploi sera évidemment un ultime aboutissement !

BOMA ne court pas après l’argent même si cette ressource reste nécessaire ; partager, transmettre, prendre soin, apprendre et se renouveler demeureront toujours les valeurs structurantes de l’entreprise.

Romain Desgranges semble apprécier tes produits, comment l’as-tu converti ? 

Alors ça, c’est un peu un miracle de la Vie !

Invité au club Vertige d’Arnas par Maciek KNUTELSKI et Serge VAUVERT, président à l’époque, pour ma première exposition test lors d’une étape de Coupe de France (il y a 2 ans environ) avec en guest-star Romain DESGRANGES ; je me retrouve aux côtés de Pauline CALANDOT, co-fondatrice de Redeem Equipement.

Hésitant, je sens pourtant bien en moi qu’il faudrait oser lui parler et lui offrir un pot de BOM Lavande pour qu’il puisse peut-être le tester ; mais comment faire pour accéder à lui parmi tous ses fans.

Je me motive (grâce à Pauline) et j’arrive à lui parler 1 minute ; je lui explique les vertus du produit et l’efficacité pour réparer la peau des mains mais je me dis que de toute façon, c’est peine perdue ; il ne l’utilisera jamais…

Quelques mois plus tard, Caroline BERTHIER, nouvelle présidente du Club d’Arnas, m’informe que Romain DESGRANGES souhaite faire une recommandation du BOM Lavande dans son nouveau livre SOLIDE ! (cf. p-169).

L’extase totale !

Depuis, nous avons appris à un peu mieux nous connaître et j’avoue être profondément admiratif de la personne en plus de l’athlète.

C’est une personne saine, juste, sensible, bienveillante, déterminée, instinctive, subtile, altruiste, en constante évolution, perfectionniste et extrêmement intelligente ; un exemple indéniable de ténacité… et de ma génération en plus !

Que peut-on te souhaiter pour 2022 ? 

Du courage !

« Les gens extraordinaires sont des gens ordinaires (mais) qui croient en leur rêve. »

Moi j’y crois, même si le doute frappe souvent à ma porte !

De la visibilité serait évidemment un plus, alors je compte un peu sur Vous !

J’en profite aussi pour remercier sincèrement Camille POUGET pour son soutien et pour son aide depuis le début et sans qui cette interview n’aurait pu voir le jour : une très, très belle personne et une très grande Championne en devenir !

Le mot de la fin ? 

« Le Courage croit en osant et la Peur en hésitant. »

Je pense que tout.e grimpeur.se comprendra ces mots car ce que j’aime dans l’Escalade (et même à mon tout petit niveau) ce sont ces rendez-Vous hebdomadaires avec celle-ci ; peut-être est-ce une manière pour moi de lui montrer que même si Elle a bien souvent gagné durant mon parcours de soin, désormais, je suis SOLIDE !

Pour finir, je citerai aussi Sœur Emmanuelle qui lors d’une interview a dit ceci : « Dans la vie, il faut trouver un but, et c’est une vielle femme qui vous le dit, et il faut s’acharner encore et encore et encore ; sinon, ça n’a pas de sens ! »

BOMA, ce n’est pas une fin mais un chemin ; celui de l’espoir et de l’envie de dire à ceux touchés par une quelconque forme de handicap que ce dernier peut paradoxalement nous connecter à quelque chose de grand, à notre propre puissance personnelle et nous rendre incroyablement fort et résilient.

Merci Planetgrimpe pour cet échange !

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