Alors que le Championnat de France de difficulté 2022 est sur le point de débuter, nous avons rencontré Jérémy Bonder, afin de recueillir ses impressions à quelques heures seulement du lancement de la compétition.
On ne présente plus le Lottois de 30 ans. Présent en équipe de France de bloc depuis plus de dix ans, il compte de nombreux départs en Coupe du Monde et déjà trois titres de Champion de France de bloc. Mais depuis peu, Jérémy Bonder s’est tourné vers la difficulté, une discipline dans laquelle il prend plaisir à progresser.
S’entraînant depuis de nombreux mois, il se rend ce week-end à Laval dans le but de décrocher le titre national, bien qu’il soit blessé au doigt.
Rencontre avec l’un des favoris à la médaille d’or.
Salut Jérémy ! Tout d’abord, comment te sens-tu à quelques jours seulement du Championnat de France de difficulté 2022 ?
Je me sens super excité ! Ça fait maintenant huit mois que j’attends cette échéance, même si ces dernières semaines ne se sont pas passées comme je l’aurais souhaité.
Oui car tu t’es récemment blessé au doigt, peux-tu nous expliquer comment cela est arrivé ?
Oui, je me suis malheureusement blessé au doigt il y a cinq semaines, lors d’un séjour au pôle France de Voiron. C’est arrivé lors de mon dernier essai, durant la dernière heure, de la dernière journée de mon stage. En tombant dans mon circuit de rési, j’ai senti qu’il s’était passé quelque chose dans mon doigt. Il a gonflé et c’est devenu impossible pour moi de resserrer une prise.
C’était parti pour une série d’examens : échographies, IRM, mésothérapie, etc. Au début, j’ai essayé de trouver un équilibre pour continuer à grimper, mais je me suis vite aperçu que ce n’était pas possible, alors j’ai dû faire deux semaines de repos total.
La semaine dernière, j’ai refait une IRM et on voyait que les poulies A2 et A3 étaient encore enflammées. Malgré ces complications, j’ai pris la décision de participer à ce Championnat de France, même si ces dernières semaines n’ont pas été optimales en terme d’entraînement.
Mais ce Championnat de France est important pour moi, car il permet de se sélectionner sur des compétitions internationales. C’est ce pour quoi je m’entraîne durant toute l’année, alors je ne me voyais pas faire l’impasse sur cette échéance. Je sais que ça va être dur, je sais que je ne suis pas dans de tops conditions, mais j’ai envie d’aller jouer, d’aller me battre dans les voies. Je sais le risque que je prends d’aggraver ma blessure, et peut-être que ça ne va pas marcher, peut-être que je ne vais pas me sélectionner en équipe de France, mais au moins je n’aurais pas de regret : j’aurais tenté, et après il sera temps de prendre soin de mon doigt et de se remettre à l’entraînement pour préparer une nouvelle saison. Ça fait partie des aléas du haut niveau et je l’accepte.
Blessé au doigt, Jeremy Bonder sait qu’il n’est pas dans de parfaites conditions © Aurèle Bremond
Tu as terminé 3ème du classement général des Coupes de France, après notamment une belle médaille d’or lors de la première étape à Besançon. Peux-tu revenir sur ces quelques compétitions que tu as faites ?
Il était important pour moi de participer à ce circuit de Coupes de France pour acquérir de l’expérience. J’ai beaucoup d’expérience en bloc, mais très peu en difficulté, et il est essentiel d’avoir des sensations et des repères afin de pouvoir régler la machine.
La saison commençait bien pour moi en effet avec cette victoire à Besançon, malgré quelques petites erreurs. Sur les autres échéances, j’avais encore des choses à régler, afin de réaliser en compétition ce que j’arrivais à faire en entraînement. D’où l’intérêt de participer à toutes ces compétitions.
J’aurais voulu prendre part à la dernière manche à Troyes, pour jouer le classement général, mais mon doigt ne m’a pas permis de pouvoir participer à cette compétition. J’ai préféré me reposer afin de me donner le plus de chance possible pour le Championnat de France ce week-end.
Je veux juste aller me régaler et me mettre des combats dans les voies qui seront ouvertes, en espérant que mon doigt me laisse le plaisir d’aller m’amuser. »
Tu as déjà un gros passé de compétiteur en bloc, avec de nombreuses années passées en équipe de France, et une multitude de départs en Coupe du Monde. D’où t’es venue cette envie de te reconvertir dans la difficulté ?
Le bloc a beaucoup évolué ces dernières années, avec des ouvertures beaucoup plus gymniques, basées sur de la coordination. Moi, ça fait maintenant plus de dix ans que je fais du haut niveau, et j’ai du mal à m’exprimer dans ce style là. Ce n’est pas ce que j’ai appris à faire il y a dix ans, ce n’est pas non plus ce qui correspond à mes qualités physiques et à mon gabarit.
J’avais aussi besoin de renouveau. J’ai toujours soif d’apprendre, je prends toujours plaisir à progresser, et c’est ce que j’ai trouvé en me mettant à la diff.
La persévérance et la combativité font partie des grandes qualités de Jérémy Bonder © Maxime Naegely
Tu as déjà été trois fois Champion de France de bloc. Que représenterait un titre de Champion de France de difficulté ?
J’avoue que ce titre de Champion de France de difficulté, c’est quelque chose qui m’anime au plus profond de moi. C’est un véritable rêve que j’ai. L’atteindre serait tout simplement magnifique. J’ai déjà été Champion de France de diff en catégorie jeune. L’être en catégorie senior serait d’autant plus fabuleux. C’est quelque chose que j’aimerais m’offrir, je travaille dur pour ça et j’y pense tous les jours.
Cette année, tu as décidé d’axer ta préparation sur la difficulté uniquement. Pourquoi ce choix ?
Je suis quelqu’un qui s’investit à 1000% dans ce que je fais, je ne fais pas les choses à moitié. Pour pouvoir compenser mon manque d’expérience en difficulté, il fallait que je travaille encore plus dur, et que je laisse un peu le bloc de côté, même si j’ai quand même participé à quasiment toutes les compétitions (Coupes de France + Championnat de France). C’est tout de même important pour moi de garder contact avec cette discipline, en vue des Jeux Olympiques et de ce nouveau combiné bloc/difficulté.
Grâce à l’expérience que j’ai en bloc, en quelques semaines ou quelques mois, je peux vite me remettre à mon plus haut niveau. Par contre en difficulté, j’ai tellement de choses à apprendre, tant physiquement que techniquement, qu’il fallait que je m’y consacre à fond. C’est un choix qui est réfléchi et que j’assume totalement.
Cette saison, Jeremy Bonder a décidé de se consacrer à la difficulté © Mélanie Cannac
Dans quel état d’esprit vas-tu aborder ce Championnat de France de difficulté ?
J’aborde ce Championnat de France sereinement. À cause de mon doigt, ces dernières semaines ne se sont pas passées comme je l’espérais. Mais je prends ça comme une chance, une chance de pouvoir participer à ce Championnat de France. Je veux juste aller me régaler et me mettre des combats dans les voies qui seront ouvertes, en espérant que mon doigt me laisse le plaisir d’aller m’amuser.
Bien évidemment, je pense aux J.O, avec mes dix ans d’expérience en bloc, je jouerai ma carte sur le combiné bloc/diff à fond. »
Tu es maintenant papa d’un petit garçon depuis 8 mois. J’imagine que cet événement a bouleversé ta vie. Comment as-tu géré ce changement ?
C’est sûr que l’arrivée d’un enfant dans la vie d’un couple crée un énorme chamboulement. D’autant plus quand on a un projet sportif comme le mien, avec beaucoup de déplacements, la nécessité d’avoir une bonne hygiène de vie, et notamment de bien dormir, pour bien récupérer. C’est clair que ça fait un sacré changement dans la routine que j’avais depuis plusieurs années.
Il faut trouver un nouveau rythme, une nouvelle manière de fonctionner. Il faut un petit temps d’adaptation, mais c’est quelque chose de merveilleux et je souhaite à tout le monde de vivre ça. Quand tu as passé une dure journée d’entraînement, que tu récupères ton enfant le soir chez la nounou et qu’il est tout content de te voir, c’est une sensation unique.
J’adore ce nouveau rôle de papa, c’est comme l’entraînement : tu te remets en cause tous les jours. Ça fait relativiser sur beaucoup de choses. Quand mon entraînement ou que ma compétition ne s’est pas bien passée, j’arrive plus facilement à passer à autre chose quand je retrouve ma femme et mon petit bout de 8 mois. Je me rends compte qu’il y a aussi plein de belles choses dans la vie, et qu’il n’y a pas que l’escalade.
J’ai vécu beaucoup de beaux moments dans ma vie, mais l’arrivée de Maé a été l’une des plus belles choses qui me soient arrivées.
L’arrivée de son fils, Maé, a littéralement bouleversé ses habitudes © Arthur Delicque
Depuis quelques mois, c’est Romain Desgranges, qui fut l’un des meilleurs compétiteurs du monde, qui t’entraîne. Il était notamment connu pour être un véritable bourreau de l’entraînement. Comment cela se passe-t-il ?
En effet, j’ai la chance d’apprendre tous les jours aux côtés de Momo et de profiter de toutes ses années de compétition. Bien plus que mon entraîneur, c’est devenu mon ami, avec qui j’échange et je prends plaisir à passer du temps. On vit une belle aventure humaine ensemble.
Oui, c’est un véritable bourreau d’entraînement, mais ça colle à ma personnalité : je kiffe autant m’entraîner qu’être en compétition. Quand tu as de gros objectifs comme lui a eu, ou comme j’ai, s’entraîner dur est inévitable.
Quels sont tes objectifs cette saison ? Et à plus long terme, les J.O de Paris 2024 sont-ils dans ta ligne de mire ?
Comme toutes les autres saisons, je veux continuer à apprendre, à progresser, à élever mon niveau. Bien sûr, ce Championnat de France est un objectif important, car comme je le disais, je n’ai jamais remporté un titre de Champion de France de diff, et ça serait tout simplement incroyable de le faire. Cette compétition sert aussi de sélectif pour aller disputer des compétitions à l’international et un des objectifs que je me suis fixé cette année c’est de participer à une finale de Coupe du Monde.
Ensuite, étape après étape, je veux être capable de disputer plusieurs finales mondiales, puis d’aller accrocher un podium, avant de remporter une victoire. Bien évidemment, je pense aux J.O, avec mes dix ans d’expérience en bloc, je jouerai ma carte sur le combiné bloc/diff à fond.
Porter haut les couleurs de la France, tel est l’objectif de Jeremy Bonder © Jan Virt
Toi qui comptes des dizaines de départs en Coupe du Monde, que penses-tu de notre nouvelle génération de Français (Oriane Bertone, Mejdi Schalck, Paul Jenft) qui brille déjà à l’international ?
Je trouve ça tout simplement merveilleux ! Je fais partie de la vieille génération, je suis plus proche de la fin de ma carrière que du début, même si je me souhaite encore plein de belles années et plein de beaux résultats.
Mais je suis ravi de voir que la jeune génération est présente et que la relève est assurée. Je leur souhaite beaucoup de réussite, il faut avoir peur de rien et se donner tous les moyens d’atteindre ses rêves. Continuez à élever le drapeau bleu/blanc/rouge au plus haut niveau mondial et le plus souvent possible !