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Interview | Rencontre avec Bassa Mawem, au coeur de sa préparation olympique

Ce jour-là, Bassa Mawem a réussi ce qui semblait presque impossible. Lors du Tournoi de Qualification Olympique, en décembre dernier, Bassa Mawem décrochait son ticket pour les Jeux Olympiques de Tokyo, rejoignant ainsi son frère, Micka, qu’il entraîne et qui était déjà qualifié. L’aventure des Jeux Olympiques, les Frères Mawem allaient la vivre à deux.

Ayant élu domicile en Nouvelle-Calédonie depuis quelques années maintenant, Bassa Mawem, spécialiste de la vitesse, s’entraîne chaque jour sans relâche. Quintuple Champion de France, vice Champion du Monde en 2018, vainqueur du classement général des Coupes du Monde cette même année, le grimpeur de 36 ans a maintenant fait des Jeux Olympiques son objectif numéro 1.

Rencontre avec Bassa Mawem, en pleine préparation pour sa saison 2021. Une année qu’il espère à la hauteur de ses ambitions. Car oui, le français compte bien poser son nom lors des premiers Jeux Olympiques de l’Histoire de notre sport.


Salut Bassa, tout d’abord comment vas-tu ?

Salut, je vais très bien ! Je suis quand même pas mal fatigué parce que je travaille beaucoup, je m’occupe de ma famille, et je m’entraîne énormément. C’est très intense, très dur, du coup mes journées sont vraiment bien remplies.

Comment se passe la vie actuellement en Nouvelle-Calédonie en cette période de crise sanitaire ?

Il n’y a aucun cas de Covid sur le territoire calédonien. Dès le début de la crise en mars, la Nouvelle-Calédonie a fermé ses frontières et a confiné tout le monde pendant environ un mois. Ainsi, en confinant, en fermant les frontières et en déconfinant progressivement, ils ont éradiqué le virus sur l’île et depuis début mai on vit normalement : les salles de sport sont ouvertes, les restaurants aussi, tout est ouvert, il n’y a pas de restrictions, personne ne porte de masque, on vit une vie normale.

La seule chose qui est compliquée c’est pour sortir du territoire. Comme les frontières sont fermées, si des calédoniens veulent sortir de l’île, ce n’est pas sûr qu’ils puissent revenir. Mais je ne me plains pas, je trouve qu’on est plutôt chanceux d’être ici, et la situation est malheureuse pour le reste du monde. J’ai eu la chance de pouvoir faire venir mes parents depuis août. Ça me soulage énormément de savoir qu’ils sont ici, sur l’île, en toute sécurité.

Avec aucun cas de Covid en Nouvelle-Calédonie, la vie n’a rien à voir avec celle en métropole.

Ta dernière compétition remonte au TQO en novembre dernier, quand tu prenais ta place pour les Jeux Olympiques. Avec du recul maintenant, tu réalises l’exploit que c’est de t’être qualifié pour les premiers Jeux Olympiques de l’Histoire de l’escalade, aux côtés de ton frère ?

Le TQO fut ma dernière compétition en date. C’est l’un de mes plus beaux souvenirs de compétition, c’était la cerise sur le gâteau ! Mais d’une manière générale, mon plus beau souvenir c’est l’ensemble de cette année 2019. Une année qui fut très longue et énormément dure pour tous les athlètes, car ce n’était pas facile de faire autant d’étapes de Coupe du Monde, que ce soit en bloc, en difficulté ou en vitesse. En plus de toutes ces étapes mondiales, j’ai participé aux Championnats de France, aux Championnats du Monde, et au TQO pour terminer.

Beaucoup de compétitions donc cette saison-là, c’était vraiment une année où il ne fallait pas craquer et tenir le coup jusqu’au bout. Il y a eu des hauts et des bas, mais même quand on ne se sent pas en forme, même quand on est dans le dur, il faut tenter d’être plus fort que les autres, c’est important car c’est ce qui fait la différence à la fin selon moi.

Le Tournoi de Qualification Olympique a marqué un tournant dans la carrière de Bassa Mawem © Rémi Fabregue – FFME

Il y a eu beaucoup de remises en question sur ma capacité à aller au bout, à réussir, et dans ces moments-là, il faut réussir à se reprendre, pour atteindre les objectifs que l’on s’est fixé. C’est ce que j’ai fait, je me suis concentré jusqu’au bout, je n’ai rien lâché et c’est passé ! Donc oui, c’est clairement ma plus belle année de compète. Avec une fin en beauté lors du TQO qui restera dans les annales ! Avec mon frère on a vécu quelque chose d’exceptionnelle en se qualifiant tous les deux. Déjà quand il s’est qualifié avant moi, c’était déjà quelque chose de très particulier à vivre. La réussite dans la famille, ça procure tout le temps plein d’émotions. Ce jour-là j’étais très ému et très fier de mon frère.


Je m’entraîne sans relâche pour préparer d’abord Tokyo 2021, mais aussi les saisons d’après, car je compte bien continuer jusqu’à Paris 2024, donc ce n’est pas le moment de se relâcher.


Me battre ensuite pour tenter de continuer l’aventure, de poursuivre avec lui, c’était une mission que je me devais de réussir. C’est ce que j’ai fait et ça a payé ! Aujourd’hui je suis fier pour mon frère, fier pour moi, fier pour ma famille et toutes les personnes qui ont cru en nous, d’avoir réussi cette performance. C’est juste la folie. La fédé a beaucoup misé sur les athlètes qui avaient la possibilité de se qualifier pour les J.O, que ce soit du temps, de l’argent, ou du soutien. Du soutien, j’en ai également beaucoup reçu de la part de mon patron, Philippe Bocquet, président de la ligue FFME en Nouvelle-Calédonie. Il m’a énormément soutenu et me laisse m’entraîner sans relâche pour que je puisse atteindre mon objectif, qui est devenu son objectif à lui aussi.

Le jour du TQO, quand j’ai fait mon deuxième run de vitesse, quand j’ai réussi à faire ce qui semblait presque impossible, c’est-à-dire battre mon concurrent de quelques centièmes, je me suis vraiment senti porté par toutes ces personnes qui me soutiennent, par tout le public de Toulouse qui m’a accueilli pendant un mois là-bas (car je me suis préparé pendant plus d’un mois avant le TQO en étant sur place), j’ai pu rencontrer du monde et il y a eu un vrai échange entre les toulousains et moi. Donc un grand merci à toutes ces personnes.

« Réussir l’impossible », Bassa Mawem l’a fait lors du Tournoi de Qualification Olympique à Toulouse © Rémi Fabregue – FFME

Justement, en parlant de compétition, est-ce qu’après cette saison blanche, les compétitions te manquent ? En tant que sportif de haut-niveau, comment vis-tu cette situation ?

Personnellement ça ne me dérange pas trop. J’adore m’entraîner et je profite de ce temps pour le faire. Ça me permet de faire des cycles d’entraînement supplémentaires. Car en temps normal, quand on fait des compètes, notre saison se termine fin octobre, en novembre on se repose de toute notre saison et on reprend l’entraînement en décembre, car dès le mois de mars on se retrouve avec les premiers sélectifs et le Championnats de France, donc on n’a finalement pas beaucoup de temps pour s’entraîner…

Le fait d’avoir une année blanche me permet donc de pouvoir m’entraîner à fond. Et c’est ce que je fais ! J’espère que j’ai la bonne méthode, car je m’entraîne seul, je fais mes propres choix, sur mes planifs, sur l’intensité, sur toutes mes séances. Jusqu’à maintenant ça a toujours fonctionné mais je teste de nouvelles choses, je gère différemment et j’espère que ça va payer. Je m’entraîne sans relâche pour préparer d’abord Tokyo 2021, mais aussi les saisons d’après, car je compte bien continuer jusqu’à Paris 2024, donc ce n’est pas le moment de se relâcher.

Un jour de plus à l’entraînement, un jour de moins avant les J.O

Spécialiste de la vitesse, ton entraînement a dû beaucoup évoluer ces derniers temps. Comment as-tu abordé ce changement ?

Dans ma semaine, je fais 85% de grimpe spécifique en vitesse, 10% de préparation physique, récupération, mobilité et renforcement et 5% de difficulté. Je fais plutôt de la diff, car le bloc, généralement, si j’en fais trop, ça me tasse le dos, donc je préfère faire de la diff et aller dans des voies bien dures. Je dose l’intensité en fonction de ma fatigue. Bien sûr, je ne tente pas de rattraper un Alex Megos, un Adam Ondra ou un Jakob Schubert, car c’est juste improbable. En bloc aussi il y a un paquet de monde, Tomoa Narasaki, Kai Harada, mon frère… Je ne pourrai jamais les atteindre.

L’idée c’est aussi d’arriver aux J.O sans avoir subi de blessure en amont. Deux mois avant d’arriver au TQO, je m’étais fait une poulie partielle, donc je n’avais pas pu faire de diff ou de bloc durant les deux mois avant la compétition. J’étais dégoûté car avant cette blessure, je me sentais fort en bloc et en diff, à mon niveau en tout cas, mais j’ai dû tout arrêter à cause de cette poulie. J’ai continué la vitesse, parce que les préhensions ne sont pas traumatisantes, je strappais mes doigts et je serrais les dents. Donc mon premier objectif, c’est d’arriver à Tokyo 2021 sans m’être blessé en amont. J’essaye de faire très attention et de ne pas reproduire les mêmes erreurs que j’ai pu faire dans le passé. Pour ça, j’ai une équipe de kinés qui me suit 4h/semaine.

Dans le cadre du combiné, Bassa Mawem a intégré des séances de difficulté à son programme d’entraînement © Rémi Fabregue -FFME

Le plan c’est donc de faire en sorte d’être à mon meilleur niveau en vitesse, d’être le plus fort, c’est pour ça que j’axe en grande partie mon entraînement sur la vitesse, pour enlever la place au doute, et derrière l’idée c’est de retrouver mon niveau max en bloc et en diff, c’est-à-dire pouvoir grimper du 8b/+ en diff et du 8A en bloc. Si j’arrive à faire ça, à tout moment il peut se passer des choses…

Donc ma stratégie c’est vitesse à fond ! Surtout que c’est la première fois qu’il y aura de l’escalade au J.O, il y a donc un record à poser et si je peux inscrire mon nom au premier record olympique de vitesse, ça serait un véritable honneur.

Dans cette préparation au combiné, quelle est la principale difficulté auquel tu es confronté ?

Non pas spécialement, il n’y a pas d’imprévu. Je m’entraîne, j’avance, je fais de mon mieux chaque jour à l’entraînement. Il n’y a pas de surprise particulière.

Comment as-tu réagi suite à l’annonce du report des J.O ? Pour toi, pourront-ils avoir lieu cet été ?

Le report des J.O a vraiment été une bonne nouvelle pour moi. Pourquoi ? Car à cette époque, il y avait pas mal d’incertitudes sur les Jeux Olympiques : on ne savait pas s’ils allaient être maintenus en août, on ne savait pas si ça allait être décalé en septembre/octobre 2020, c’était vraiment rempli d’incertitudes. Je suis totalement d’accord avec le fait d’avoir décalé les Jeux d’un an. Lors du premier confinement en mars, toute l’Europe était confinée, mais l’Asie avait déjà passé la première vague, ils n’étaient plus confinés et pouvaient donc s’entraîner de nouveau. Certains n’ont même jamais arrêté de s’entraîner d’ailleurs ! C’est le cas de la Chine, où certaines écoles d’escalade se sont cloîtrées et les grimpeurs ont pu s’entraîner non-stop. Ça n’aurait donc pas été une compétition équitable. Reporter les J.O d’un an était donc la plus sage des décisions, ça a permis aux gens de se concentrer sur leur santé et de laisser un peu de côté l’entraînement, car on parlait bien de notre santé, de notre vie. Dans ce cas-là, le sport passe après.

Concernant le maintien des Jeux cet été, je pense que la compétition va avoir lieu oui. Il y a eu le Championnat d’Europe qui s’est déroulé, ainsi que la Coupe du Monde de Briançon cet été. D’après les dernières informations, si jamais la situation n’évoluerait pas dans le bon sens, les Jeux devraient être maintenus mais il n’y aurait pas de public autre que les japonais. En tant qu’athlète on serait confiné dans le village olympique, donc je n’ai pas d’inquiétude par rapport au maintien des J.O cet été.

Le report des Jeux Olympiques laisse plus de temps à Bassa Mawem pour se préparer © Rémi Fabregue

Comment gères-tu ta préparation et ton calendrier, alors que les prochaines compétitions se font de plus en plus incertaines…?

Avant la crise sanitaire, j’avais décidé de ne faire aucune compétition en 2020. Je déteste m’entraîner en me disant « peut-être, peut-être pas ? », il y avait trop de points d’interrogation. Sur l’année 2021, mon souhait est de faire le Championnat de France fin mars, si bien sûr il se fait et si j’ai le droit de revenir en Nouvelle-Calédonie juste après, sans être mis en quarantaine, car je ne peux pas me permettre ça.

Si les Championnats de France ne se font pas ou si je suis obligé de rester isoler à mon retour, je ne viendrai pas en métropole avant le mois de juin, pour ensuite faire le maximum d’étapes de Coupe du Monde avant les Jeux. Ça me permettrait de retoucher à la compétition avant d’atterrir à Tokyo et faire la plus grosse compète au monde.

Un mot sur la vitesse: la discipline a beaucoup évolué ces derniers temps, avec de nouvelles méthodes, mais aussi de nouveaux records notamment chez les femmes. De ton oeil d’expert, comment vois-tu l’évolution de la discipline ?

Pour moi c’est logique que la discipline évolue. Elle évolue parce qu’il y a de plus en plus de grimpeurs qui font de la vitesse, car c’est plus accessible que le bloc ou la difficulté. Ces deux dernières disciplines demandent énormément de moyens matériels. Pour un petit pays, c’est compliqué de s’équiper d’un gros mur de diff et de renouveler ses prises chaque année, il faut avoir un budget monstre ! La vitesse demande beaucoup moins de moyens, donc cette discipline se démocratise, c’est un accès particulier pour certains pays qui ne sont pas ancrés dans le monde de l’escalade de compétition. L’accès est plus simple et plus rapide. On peut devenir fort très vite. Il suffit de bien s’entraîner, et on atteint un bon niveau mondial, comme un top 20 en Coupe du Monde au bout de 4/5 ans. Contrairement à la difficulté ou le bloc, où il faut avoir commencé très jeune et s’entraîner perpétuellement dans des voies et des blocs variés.


Ça serait bien qu’un jour les gens comprennent que le sport, c’est le sport, quelle que soit la discipline, que ce soit de l’escalade de vitesse, du bloc, du surf, du judo, peu importe ! Un sportif reste un sportif.


La vitesse est très intéressante pour tous les pays : ça ne demande pas un gros investissement et les retombées peuvent être plutôt bonnes. C’est le cas avec l’Indonésie. Ils ont commencé sur un vieux mur, avec un seul set de prises officielles. Mais ils se sont entraînés dur, ça a payé, et maintenant ils ont une structure énorme parce que leur gouvernement a reconnu l’activité grâce aux résultats qu’ils ont faits. Donc ça laisse la place et des pays et des athlètes qui n’ont pas les moyens de s’offrir des structures de bloc ou de difficulté digne de ce nom.

Du coup, la discipline évolue, et les records tombent. Les grimpeurs deviennent de plus en plus forts, de plus en plus coordonnés, de plus en plus experts. Il y a des centres d’entraînement qui se montent en Chine, nous on a le pôle France à Voiron. Il commence aussi à y avoir de l’ancienneté dans la discipline, j’en suis moi-même la preuve: j’ai gravi les échelons, je suis monté, je suis monté, et aujourd’hui je commence déjà à transmettre mes valeurs et mon expérience aux personnes qui m’entourent.

La réussite des grimpeuses asiatiques en vitesse a permis le développement de grosses structures d’escalade, comme ici, à Jakarta en Indonésie.

Tu gères aussi l’entraînement de ton frère Micka, comment cela se passe-t-il ?

Je gère toute la planification de mon frère, je m’occupe de son programme d’entraînement en bloc, en diff et en vitesse. Il fait principalement de la vitesse et du bloc. La diff pour le moment c’est un plus, ça viendra après les Jeux de Tokyo, car il compte se lancer un dernier challenge avec Paris 2024, qui proposera un combiné bloc/difficulté. Mais pour l’instant, ses points forts c’est le bloc et la vitesse, alors on met l’accent là-dessus.

Je fais de mon mieux pour qu’il soit le plus fort possible. En vitesse c’est assez facile de voir quand on progresse, mais en bloc et en difficulté, c’est plus compliqué. Il faut qu’il y ait de la confrontation et pour le moment, vu la situation, il n’y en a pas trop… Mais il a de bonnes sensations, c’est déjà un bon indicateur, donc il va continuer de s’entraîner à fond jusqu’aux premières compètes pour voir réellement tous les progrès qu’il a fait.

Une complicité fraternelle qui fait la force des Frères Mawem.

Si tu devais résumer cette année 2020 un mot ?

Bizarre ! Il n’y a pas d’autres mots. C’était une année particulière, où il a fallu tout revisiter pour aller droit vers ses objectifs.

Et enfin, le mot de la fin est à toi !

Le mot de la fin, je le dédicace d’abord à toutes les personnes qui dénigrent la vitesse. Ça serait bien qu’un jour les gens comprennent que le sport, c’est le sport, quelle que soit la discipline, que ce soit de l’escalade de vitesse, du bloc, du surf, du judo, peu importe ! Un sportif reste un sportif. Un sportif est engagé dans ce qu’il fait, il met beaucoup d’énergie et ça, ça mérite le respect. Tout simplement. C’est un message que je balance à toutes les personnes qui dénigrent la vitesse. Généralement je leur réponds sur les réseaux, pour défendre l’activité, pour défendre notre esprit, pour défendre le sport et les athlètes qui s’entraînent. À ces personnes, je leur demande juste de respecter chaque athlète, quelle que soit la discipline, le genre, la différence. On doit respecter chaque sportif qui s’investit dans ce qu’il aime faire. Point.

Et j’ai un dernier message, pour les jeunes et moins jeunes, les filles, les garçons, et toutes les personnes qui s’entraînent pour atteindre leurs objectifs, que ce soit en bloc, en diff, en vitesse, en falaise, à Bleau ou en compétition: croyez en vos rêves, croyez en vous et arrachez-vous pour y arriver ! La seule chose que vous pouvez faire pour ça, c’est d’essayer, alors faites le à fond, comme ça vous n’aurez aucun regret. Les Frères Mawem sont à fond derrière vous !

Merci à tous, et merci à Planetgrimpe, sans des médias comme vous, personne ne serait au courant de ce qu’il se passe dans le monde de l’escalade, alors merci à vous et à bientôt !

L’objectif de Bassa Mawem: établir le premier record olympique de vitesse © Rémi Fabregue – FFME

Interview: Camille Pouget et le rêve olympique

Après une année compliquée dans le milieu sportif, nous sommes allés à la rencontre d’une jeune athlète très prometteuse, Camille Pouget. Alors qu’elle comptabilise d’ores et déjà de nombreux titres nationaux et internationaux du haut de ses 18 ans, Camille commence à rêver plus loin, avec notamment la perspective des JO de Paris 2024. 


Salut Camille, pour commencer comment vas-tu ? Tu peux nous faire un petit bilan global de cette année 2020 ?

Hello PlanetGrimpe, tout va bien pour moi, 2021 est enfin arrivée et j’ai hâte de découvrir ce qu’elle nous réserve (en espérant plus de positif haha). Pour faire un petit recap de cette année un peu bizarre, c’était : -> trop peu de compette -> du doute et de la tristesse -> du soutien de la part de la famille/copain/amis/coach Mais aussi -> une vision nouvelle sur la vie -> un gain de motivation -> apprendre à aimer les choses simples -> et surtout de l’adaptation, Sinon j’ai fait un petit recap plus détaillé sous forme de vidéo sur mon Insta! (camille.pgt31)

Comment as-tu vécu cette année en tant que grimpeuse, et plus globalement à titre personnel ?

Globalement, c’était un peu une année pourrie, deboussolante et triste il faut le dire. Elle nous a tous mis une claque je pense. Mais pour ma part, le fait de sortir de ma zone de confort pour les entraînements, de devoir me recentrer sur moi-même pour ne pas perdre la motiv et de devoir accepter aussi la perte d’une amie m’a permis de tirer des leçons de vie énormes. Je pense que ça m’a fait grandir et que ça m’a rendu plus forte. Je sors de cette année avec de nouvelles armes pour progresser en escalade et pour plus kiffer la vie en général.

Tu nous avouais récemment que tu envisageais peut-être de te mettre dans le projet des JO de Paris 2024. Tu peux nous en dire plus ?

C’est une question qu’on me pose souvent, et souvent j’ai eu du mal à répondre. Viser les Jeux me paraît fou et loin en même temps. Mais ce projet Paris 2024 colle parfaitement à mon rêve de pousser ma passion et d’élever mon niveau le plus loin possible. Je suis sûre de trouver dans ce chemin, une source de motivation de folie. J’y crois de plus en plus, mais je me dit que j’ai le temps de rêver d’une médaille olympique mais qu’en attendant, je me lance dans le projet 2024 pour me permettre de progresser et de croire en cette médaille le moment venu 😉

Comment choisit-on de se lancer dans ce projet fou ? Qu’est-ce qui te motive ?

Chacun à sa propre manière de se lancer dans un projet aussi grand : certains en rêve depuis tout petit et n’attendent que ça, d’autre sont fortement attirés par ce projet sans trop savoir pourquoi au début mais en étant sûr d’y trouver le progrès, le dépassement de soi et un rêve par la suite. Moi je fais plutôt partie de cette catégorie. Ce qui me motive énormément, c’est de rentrer dans une autre dimension d’entraînement : plus intense, plus complète, mieux suivie. En d’autre termes, ce projet m’offre de meilleures armes pour me permettre de devenir plus forte, et j’ai hâte de m’en servir !

Et à l’inverse qu’est-ce qui te fait peur ?

En me lançant dans ce projet, je vais avoir plus de responsabilités envers moi-même, et si je fais des Jeux mon rêve, je m’y mettrais à 200%. Avoir un très gros objectif et en tenir soi-même les rênes va me demander beaucoup de sacrifices et de détermination. Mais je sais que je pourrais m’appuyer sur un soutien de mon entourage lorsque je traverserais ces périodes difficiles.

Qu’est-ce que ce projet va changer pour toi concrètement ? Comment imagines-tu ces 4 prochaines années ?

Comme je le disais, rentrer dans ce projet me propulse sur une autre planète en terme d’entraînement. Et c’est aussi toute ma vie qui va se tourner progressivement vers un nouveau cap : entraînement, détermination, progression, sacrifice mais aussi davantage de rêve et de passion, voilà comment je vois mes 4 prochaines années.

2021, des projets / objectifs en tête ?

Cette année étant ma dernière année en junior, l’objectif qui me tient le plus à cœur et de monter pour la première fois sur un podium de championnat du monde jeune. J’aimerais aussi rentrer en équipe de bloc jeune pour pouvoir participer au championnat du monde de bloc également. En sénior, je vise de rentrer en finale de coupe du monde pour 2021 et je souhaite aussi rentrer en équipe de bloc. J’ai aussi pas mal de croix qui m’attendent en falaise et je compte bien y faire un tour pour cocher un 8b+, et pourquoi pas me mettre le fight dans un 8c ou 8c+.

Le mot de la fin ?

Pour conclure, j’aimerais partager mon espoir à tous vis a vis de 2021. Je pense que les compétitions vont reprendre plus ou moins rapidement, mais dans tous les cas, nous aurons prochainement une chance de se réunir autour de notre passion. Ce jour là il faudra être prêt !! Alors bon entraînement, ne lâchez rien et bonne année !

Des hauts et des bas en 2020, mais un nouvel objectif pour Nao Monchois: les JO 2024

Après une année 2020 difficile moralement, « des montagnes russes » comme il le dit, Nao Monchois nous parle de ses nouvelles ambitions, avec notamment en ligne de mire les JO de Paris 2024. 


Alors 2020, que dire !

Je pourrais la comparer à des montagnes russes : des hauts très haut et des bas très bas. Pour sûr une année qui m’a fait grandir en temps que personne.

Que cela commençait bien! Je m’étais investi à 12000% dans les championnats d’Europe de difficulté et la première étape se déroula pour le mieux, en prenant ma place en Équipe de France lors d’un sélectif plus que stressant, car il n’y avait que 2 tickets. Malheureusement, les Championnats d’Europe furent reportés, et nous étions bien loin de nous imaginer l’ampleur du COVID.

Il s’en est suivi un 1ier confinement magique, où nous nous sommes retrouvés avec Hugo Parmentier, Mathieu Miquel, et Luce dans une grande maison à la montagne (chez ses parents), où régnait une atmosphère paisible, entre entraînements à muerte et jardinage, on se sentait comme en autarcie (presque à vivre nu caché par une feuille de vigne). Nous décidions par la suite de concrétiser notre entraînement dans un projet à Céuse, en découvrant le travail de voie : la gestion de l’état de forme, de l’envie, de la peau, des conditions, la patience (très compliqué pour moi) … tout un tas de paramètres nécessaire pour LE run. Ce n’est plus comme en compet, il faut ne faut plus « juste » s’arracher et bien se classer, il faut enchaîner la voie. Ainsi que je réalisa mon premier 9a « le cadre », en en apprenant énormément sur moi et en faisant de très belles rencontres.

Le 14 juin, la tempête

Le 14 juin, en falaise avec des amis à côté de Besancon, je descends d’une voie et regarde mon téléphone par curiosité. Une dizaine d’appels manqués de mon entraîneur Mike Fuselier, Luce est décédée sur l’approche de Tetard Park, à 2 pas de chez elle. Nous retournions par la suite passer une semaine de deuil à Céuse avec mes parents et de proches amis, lieu où nous avons vécus tant de belles choses. Malgré tout, nous passons des moments incroyablement forts. Un déferlement d’attentions, de tendresse, de soutien de la part de mes proches et amis, je ne les remercierai jamais assez.

J’aimais bien heureusement trop l’escalade et la vie pour me morfondre dans mon lit, et je me suis dit que mes hommages seraient en accomplissant de belles choses. La coupe du monde de Briancon, tenue fin août, en faisait partie. Une préparation épicée par des stages chamoniards sauce harissa extra forte chez Momo (Romain desgranges), une motivation décuplée, j’ai grimpé libéré et heureux et réalise ma première finale en Coupe du Monde.

Et 2021 alors ?

Je m’entraîne d’arrache-pied pour progresser en bloc et en difficulté en rêvant des Jeux de Paris 2024. La première partie de saison est consacrée au bloc, où je dois apprendre la gestuelle typique de la discipline et également acquérir la force et la mobilité pour être compétitif. Je travaille depuis un moment avec Williams Belle en mobilité et les effets commencent à arriver, je peux lever la papatte plus haut! 😉 Et il est certain que ce gain physique et gestuel m’apportera en difficulté, où je compte accrocher des finales et podiums internationaux (dès qu’il y en aura….) Pleins d’objectifs de progression, mais j’ai tellement hâte de revenir en compétition pour voir ce que cela donne!

En tout cas un grand merci à ma famille, mes amis, et à mes partenaires sans qui cette aventure ne serait pas possible : Planetgrimpe, La Sportiva, Beal, la Fondation INP, Grandes Heures Nature et Myleore.

Après 2 ans de pause forcée, Salomé Romain revient plus déterminée que jamais…

Après une blessure en 2019 et une année 2020 sous le feu d’une crise sanitaire mondiale, il était temps pour Salomé Romain de se recentrer sur l’essentiel, l’escalade. Salomé remonte la pente, doucement mais surement, et tout laisse penser que nous devrions la revoir bientôt sur le devant de la scène internationale… Nous lui avons donc posé quelques questions sur les 2 dernières années écoulées, ainsi que sur ses objectifs futurs.


Salut Salomé, comment vas-tu depuis le temps ? 

Je fais du mieux que je peux pour faire sortir quelques rayons de soleil dans ces moments difficiles de la vie.
Sûrement semblable au bilan de 80% de la population française, mon année 2020 a été très douloureuse.
La situation sanitaire face au Covid-19 fait partie des éléments qui ont contribué à cette année noire ; mais aussi la perte tragique de Luce puis celle de mon grand-père quelques semaines plus tard et enfin celle de mon plus fidèle compagnon de vie il y a 3 semaines …
Je ne crois pas qu’on puisse dire que je vais bien, ce serait mentir, mais mon caractère de battante ne laissera pas la vie me mener par le bout du nez. Alors je continue d’avancer, de grimper et c’est bien là que j’y trouve mon havre de paix.

Après une année « off » en 2019, et une année « Covid » en 2020, que deviens-tu ? 

2019, une année « off » non voulue. J’ai malheureusement été très limitée en compétition puisque je me suis bien amochée la cheville 1 semaine avant le Championnat de France de diff’ et donc 3 semaines avant le début du circuit des Coupes du Monde. Jackpot ! Plâtre, puis botte, puis rééducation intensive puis entrainements à 1 pied ont rempli mon agenda pendant 4 mois.
La fédération m’a tout de même offert l’opportunité de participer à la coupe du monde de Xiamen en Chine. C’était un report de la sélection en Equipe de France que j’avais, sur la fin de saison. Je termine 10ème, aux portes de la finale. C’était très encourageant, mais dommage c’était la seule pour moi !

Puis voilà 2020, on ne va pas revenir dessus … Je pense qu’en répondant à la première question on a déjà un bel aperçu. Mais il faut toujours garder des pensées positives, et cette année elles sont dédiées à ma saison de bloc ! Ayant abandonné cette discipline dès ma première année minime, j’ai finalement réinvesti le bloc à fond pour des raisons bien évidentes. Etonnement, je m’éclate ! Chaque séance dans une salle, chaque stage Equipe de France, chaque compétition, c’est une nouvelle entrée dans un gigantesque parc d’attractions ! Je joue, je progresse constamment et ça me plaît énormément !

Alors que tu n’étais pas dans la préparation des JO de Tokyo, tu nous a annoncé te lancer dans les jeux de Paris 2024, pourquoi ce choix? 

Effectivement j’ai choisi, dès l’annonce de l’intégration de l’escalade au JO de Tokyo, de ne pas m’investir dans ce projet. Le niveau à atteindre dans les 3 disciplines ne me semblait pas réalisable en si peu de temps. J’ai préféré continuer de m’investir pleinement dans ma discipline, la difficulté, où j’avais déjà de superbes projets de haut-niveau à réaliser.

Mais maintenant que le combiné bloc/diff’ au Jeux de Paris 2024 est annoncé, tout a changé. C’est devenu mon objectif suprême. Tout mon investissement tourne autour de lui. Je reste toujours aussi passionnée par ma discipline de prédilection, la diff’, dans laquelle mes progrès sont à nouveau visibles cette dernière saison. Mon niveau était un peu stagnant depuis 2 ans mais aujourd’hui les choses ont changé et ça repart de plus belle. Le bloc y est-il pour quelque chose ?

Quant au bloc, discipline que j’avais totalement abandonné, je m’investis à ce jour à 3000%. Et ce qui est agréable c’est que ça marche, je suis récompensée de mon travail alors c’est encore plus motivant pour continuer et aller encore plus loin.
Tous ces éléments positifs me font prendre conscience que je suis capable d’aller prendre ma place au JO de Paris 2024 ! Aujourd’hui, je suis dans le « game » et je compte bien y rester.

Qu’est-ce que cela implique pour toi en tant que grimpeuse? Et dans ta vie en général? 

Cela implique un énorme investissement, beaucoup de remise en question aussi, parfois des choix difficiles sur les stratégies d’entraînements puisqu’il y a maintenant non pas 1 discipline à préparer mais 2 ! ça implique beaucoup de peau aussi, haha, le bloc ça ponce bien !

Aussi, en Juin prochain, je serais normalement diplômée ergothérapeute si la soutenance de mon mémoire se passe bien … C’est donc le début de la vie active. Il va falloir que j’organise ma vie de manière à pouvoir tout concilier et cela avec brio. Mais l’organisation c’est plutôt mon truc alors j’ai déjà mes petites idées.

Pour Paris, il ‘agira de combiner le bloc et la difficulté. On a souvent entendu que tu n’étais pas pré destinée pour le bloc du fait de ta petite taille, qu’en penses-tu? Comment vas-tu relever le défi et faire mentir tout le monde? 

Tous ceux qui pensent cela sont des gens pessimistes mais moi je suis conquérante ! Ces pensées négatives ne m’atteignent pas parce que j’ose, je relève le défi et moi j’y crois ! Et je sais qu’il y a quelques personnes autour de moi qui y croient aussi. Ça a toujours été plus dur pour moi, par rapport à ma taille, tout le monde le sait. Et ça continuera de l’être, jusqu’à Paris, mais c’est comme ça et je m’entrainerais dur pour aller au bout de mon projet. J’ai d’autres qualités qui compenseront autant qu’elles le pourront ces centimètres manquants …

Comment s’organisent tes entraînements actuellement ? 

Avec ce nouveau projet en tête, les stratégies d’entraînements ont été bousculées et finalement je me rends compte que c’est une bonne chose ! Il y a notamment beaucoup plus de bloc et de travail gestuel. Je dois en faire +++ pour rattraper mon absence de plusieurs années dans cette discipline et donc mon manque d’expérience. Je ne suis pas encore très à l’aise dans le nouveau style (coordo, skate, …), ce qui me demande tout un apprentissage, un peu en retard face à la nouvelle génération.

 On te voit beaucoup plus régulièrement sur le rocher, et notamment en bloc, une nouvelle passion? 

Arthur Ternant, mon copain, fait également parti de l’une des raisons pour lesquelles j’investis beaucoup le bloc. Il est même peut-être l’élément déclencheur qui m’a redonné goût à cette discipline que j’avais presque fini par détester. Et évidemment Arthur apprécie beaucoup le caillou, alors c’est vrai que je suis amenée à le suivre régulièrement. Cette année, j’ai fait mon premier 8A bloc, à Rioupéroux (« Shifumi »), les sensations que j’ai vécues étaient incroyables. C’est fou de grimper depuis l’âge de 6 ans et de pouvoir ressentir des choses pareilles 18 ans plus tard.

Si tu devais retenir quelque chose de positif pour cette année 2020, ce serait quoi?

Mes progrès en bloc et en diff’.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2021? 

Si tu proposes …  je crois que j’aimerais que la vie soit plus douce avec moi en 2021 parce que c’est quand même ce qui permet de se sentir bien dans ses climbing shoes 😊. J’aimerais que tous les progrès que je réalise depuis quelques mois en bloc et en diff’ continuent encore et encore parce que ça représente une bonne part de mon bonheur. Ce sont aussi quelques pas de plus qui me rapprochent doucement mais sûrement de mes rêves …

Un dernier mot à ajouter? 

En illustration à cette interview, en doigt d’honneur à 2020, en réponse à ce qui ne croient pas en moi et en mémoire de Luce :  « Conquérant qui ne se prends pas la tête, rêveur qui n’a pas lâché » (Luce DOUADY 2003-2020).

Légèreté: Svana Bjarnason nous livre son expérience sur les troubles alimentaire du grimpeur…

J’ai enfin pris le temps de regarder le documentaire Light qui traite des troubles alimentaires dans la grimpe. Comme pas mal de grimpeurs / grimpeuses, j’ai été, à petite échelle, touchée par ça et, pour être complètement honnête, je le suis toujours. C’est génial qu’il y ait enfin des personnes qui en parlent ouvertement parce qu’on a tendance à trop le cacher donc un grand merci @carolinelovesphotos et toutes les personnes qui ont rebondi sur le sujet. J’ai mis un peu de temps à me décider, à donner mon avis / expérience car je ne pense pas avoir un gros poblème, je n’estime pas être ou avoir été dans l’extrême. Mais il me semble tout de même qu’il y a quelque chose, en écrivant cet article je me suis bien rendue compte que tout n’était pas normal. Et tout témoignage peut aider.

C’est un sujet très délicat à aborder, mais je pense qu’il est primordial d’en parler. Parce que, si l’on ouvre un peu les yeux, on est plus nombreux qu’on ne le croit à le vivre de plus ou moins loin, que cela nous touche nous directement ou quelqu’un de notre entourage. On le sait tous, le principe de l’escalade c’est de soulever son corps. Donc évidemment c’est très dépendant de notre poids, ce n’est pas une surprise. Et malheureusement c’est un fait, se sentir léger(e) est une sensation de dingue, on se sent voler sur les prises, on a l’impression que rien ne peut nous arrêter, on se sent plus fort que jamais. Le constat est là, il ne faut pas se mentir, oui ça marche à court terme, je pense qu’on a tous fait cette expérience. MAIS ce n’est pas pour autant que perdre trop de poids soit la clé, MAIGRIR N’EST PAS LA SOLUTION. Fort heureusement, l’escalade ne se résume pas à ça et il y a des moyens beaucoup plus sains et safe de progresser : la technique, le mental, la force, la puissance, la souplesse, … et le fait de se sentir bien dans son corps, et dans sa tête. Je vous invite d’ailleurs à lire le post très pertinent de Caro Minvielle sur ce sujet.

Lorsque je faisais encore de la compétition, j’ai entendu beaucoup, beaucoup d’histoires dérangeantes : une athlète qui devait peser ses céréales le matin parce qu’elle n’était pas assez fine par rapport aux autres, l’interdiction de prendre les escaliers ou d’aller courir parce que cela muscle les jambes et pèse trop lourd, une athlète qui se faisait vomir en coupe du monde, une autre à qui on disait qu’elle ne serait jamais forte si elle ne perdait pas plusieurs kilos, … Qu’est ce qui est vrai, qu’est-ce qui ne l’est pas, je n’en sais rien. Mais il y a des questions à se poser.

Mon expérience personnelle en tant que compétitrice est beaucoup plus « soft ». J’ai juste souvenir qu’on nous disait que ce serait bien de perdre un peu de poids avant les échéances importantes. Cela peut paraître anodin et pas trop abusé mais, mine de rien, c’est une réflexion qui reste dans un coin de ta tête et qui s’ancre doucement dans ta manière de vivre : pour perfer c’est bien de maigrir. Quand tu as 16 ans tu ne te demandes pas si c’est normal ou pas, si c’est bien ou pas, tu le fais. Lorsqu’on allait au restaurant en équipe je me souviens d’ailleurs avoir eu honte de prendre des pâtes plutôt qu’une salade comme beaucoup d’autres, honte de commander un dessert. Et puis j’ai finalement fait l’expérience ultime. J’ai récemment retrouvé un carnet chez mes parents dans lequel j’écrivais tous les repas que je prenais à cette période, et parfois à côté il y avait un (V), qui signifait « vomi ». Cela n’a pas duré très longtemps, j’avais probablement entendu des histoires de grimpeurs forts qui faisaient ça et l’adolescente que j’étais a simplement voulu l’expérimenter. Caprice d’adolescente qui se cherche, influence du sport ? Je n’en sais rien, mais c’est quelque chose qui s’est passé et que je retiens.

Tout cela était à petite échelle pour moi, à mon époque de compétitrice. On ne m’a jamais dit que j’étais trop maigre, je n’ai pas atteint d’extrêmes comme certaines personnes ont pu ou peuvent le vivre. En vérité j’ai plutôt eu des périodes plus compliquées bien plus tard, après avoir arrêté les compétitions. Lorsque je me suis blessée à la cheville il y a un an j’ai eu le pire raisonnement : « je ne peux plus faire de sport, je vais grossir donc quand je pourrai reprendre l’escalade je n’arriverai plus à me soulever, je serai nulle. » Donc, au lieu de prendre soin de mon corps et de lui apporter l’énergie dont il avait besoin pour guérir, j’ai mal et beaucoup moins mangé. Résultat, évidemment j’étais très forte en tractions et suspensions sur la poutre (je n’ai d’ailleurs pas encore réussi à retrouver ce niveau) mais je n’avais aucune énergie, mes ligaments n’allaient pas bien, j’avais les traits tirés, le visage fatigué et triste, je dormais mal. Et j’avais les mêmes jambes qu’un flamant rose. A cette époque une personne très proche m’a écrit « Il me semble relativement urgent d’attirer ton attention et te faire réfléchir sur ton extrême minceur et ta mauvaise mine. Ton sourire ne cache pas ta pâleur. » Je n’avais pas perdu 10 kg non plus mais, étant d’une nature déjà plutôt fine, cela se remarquait beaucoup.

Ce raisonnement ce n’est pas la première fois que je l’ai eu, le fait est que je l’ai eu à chaque blessure ou à chaque fois que je ne grimpais pas pendant plus de 3 jours, pensant donc que j’allais régresser. Dans ces moments je me sentais mal si je faisais 3 repas par jour, je n’acceptais d’en faire que 2. Il me semble que je n’ai jamais complètement abusé mais j’ai fait beaucoup de yoyo avec mon poids, ce qui n’est pas très sain. Et avoir ce raisonnement, ce n’est définitivement pas normal. Oui, bien sûr que si j’arrête le sport je risque de prendre un peu de poids mais non, cela ne veut pas dire que je n’arriverai plus à grimper. Encore une fois l’escalade ne se résume pas à un poids, il y a d’autres moyens de ne pas perdre son niveau.

Aujourd’hui je suis à + 3-4 kg de mon poids de forme, + 6-7 kg de mon poids flamant rose de l’année dernière (et j’écris cet article en mangeant du chocolat à l’orange). En toute honnêteté je ne suis pas complètement à l’aise et je redoute évidemment le moment où je vais renfiler les chaussons et devoir me soulever. Parfois je me dis que je ne pourrai pas regrimper fort en étant comme ça et qu’il faut absolument que je m’affûte (le mot préféré du grimpeur). MAIS en même temps j’ai pris du muscle (et oui, effectivement les biceps et les quadriceps ça pèse lourd), en ce moment je fais entre 5 et 6h d’exercice par jour en centre de rééducation, les journées sont très intenses et mon corps tient merveilleusement bien le coup. Je me sens en PLEINE FORME et physiquement FORTE. Et je fais 3 repas complets par jour. Alors on verra bien ce que cela donne sur le rocher la semaine prochaine mais, ce qui est sûr, c’est que je ne compte pas m’affamer pour gagner 5 mouvements dans mon projet. Je le redis, il y a énormément d’autres angles pour progresser.

BREF, tout ça pour dire que le problème existe bel et bien, il faut en être conscient et être vigileant. Il ne touche heureusement pas tout le monde, loin de là, mais on peut le rencontrer chez tous types de grimpeurs : les jeunes, les moins jeunes, les femmes, les hommes, les débutants, les plus expérimentés, les pros, les grimpeurs de loisir, … Cela peut être sans conséquence mais cela peut aussi en avoir de désastreuses. Perdre un petit peu pour se sentir mieux dans sa grimpe peut être acceptable, perdre plusieurs kilos à chaque fois que l’on se sent moins fort ne l’est pas. Moi j’ai la chance d’avoir une mère géniale qui me pèse à chaque fois que je rentre à la maison (oui, même à 29 ans) pour contrôler tout ça et qui m’engueule dès que je suis trop maigre donc je m’en sors bien. Merci Mams <3

Et enfin je terminerai sur cette note, je vous conseille également de lire l’article d’Alizée Dufraisse qui aborde ce sujet sous un autre angle. Je la rejoins totalement sur ce point, comme je l’ai dit c’est un problème qui existe mais il ne concerne pas tout le monde. Certaines personnes sont minces de nature, on a tous un métabolisme différent et être très mince ne veut pas forcément dire que l’on a un problème. Donc ouvrons l’oeil sans pour autant abuser !

Le Documentaire « Light »

Arkose Routesetting Academy: Florian Escoffier nous en dit plus sur cette nouvelle formation d’ouvreur

Depuis quelques mois, le réseau de salle d’escalade Arkose&Co a lancé le programme « Arkose Routesetting Academy ». L’objectif? Proposer une formation d’ouvreur, dénicher les perles rares, et bénéficier d’une qualité d’ouverture irréprochable dans les salles. C’est après être tombé sur la première vidéo mettant en scène cette nouvelle formation (ci-dessous), que nous avons eu envie d’en savoir un peu plus. Et pour ça, rien de plus simple, nous sommes allés à la rencontre de l’un des protagonistes de cette formation, Florian Escoffier.


Avant d’aborder notre sujet principal, peux-tu te présenter et nous décrire un peu ton parcours de ces dernières années ?

Florian ESCOFFIER, 34 ans, ouvreur professionnel. Je partage mon temps entre mon activité (à temps partiel) au sein du groupe Arkose pour lequel je suis chef-ouvreur, et des missions en tant qu’indépendant (ouverture en compétitions, stages d’entrainements, formations) un peu partout en France et à l’étranger.

Pour Arkose, nos missions ont progressivement évolué… On s’est occupé à 2, avec Thibaut LE SCOUR, des ouvertures pour la 1ere salle à Montreuil (93). Mais dès l’arrivée de leur 2eme salle, il a fallu recruter des nouveaux ouvreurs et c’est à partir de là qu’a commencé notre mission un peu plus large de « gestion » des ouvertures.

Aujourd’hui, les formations nous prennent la majorité de notre temps, et on essaye de garder quelques journées pour le shape de prises Snap avec Yoris DELAHAYE, l’accompagnement au long cours des autres ouvreurs, les détections, les ouvertures des nouvelles salles, des journées d’ouvertures classiques…

À titre personnel, qu’est-ce qui t’attire toi dans l’ouverture ?

J’adore l’escalade, et ce depuis que je suis petit, l’ouverture est naturellement un moyen de faire partager cette passion.

Je trouve ça incroyable qu’on ait dans nos mains tous les outils pour créer des grimpeurs. A force d’ouvrir régulièrement à un même endroit, on sympathise avec des gens qui découvrent l’activité, se prennent au jeu, progressent, et deviennent de vrais bons grimpeurs. Et les entendre parler de telle ou telle réussite dehors, après les avoir vu passer par toutes les émotions en salle, ça a un côté assez satisfaisant, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on a eu un rôle à jouer, aussi minime qu’il puisse être.

Pour le cas particulier des compétitions, je retrouve systématiquement une petite décharge d’adrénaline, de stress juste avant un tour. Championnat du monde ou contest amical, les questions sont les même avant chaque tour… « est ce qu’on s’est planté ? », « On a bien fait de faire telle ou telle modif ? ».

Plus généralement, j’adore l’idée que, comme le grimpeur qui arrivera au pied du bloc et aura un problème à résoudre pour aller en haut, on est nous aussi devant un problème avec nos prises sur le mur, qu’il faut réussir à mettre au bon endroit pour faire marcher nos idées… Et pour ça, même si l’expérience nous arme un peu, elle est loin de tout faire, et il nous reste alors nos mains, nos chaussons et notre cerveau ! Chaque journée apporte son lot de réflexions, parfois même de remise en question de ce qu’on pensait savoir faire… Bref, on continue d’apprendre continuellement. C’est super riche et stimulant !

Bon et de toi à moi, c’est quand même un sacré bon prétexte pour passer autant de temps à grimper !

Qu’est-ce qu’un bon ouvreur selon toi? Quelles sont les qualités requises ?

Pas facile de faire une liste exhaustive des qualités utiles pour un ouvreur… J’en mets 5, qui me viennent comme ça : Empathique, communicant, curieux, créatif, consciencieux.

D’un point de vue très personnel, je trouve ça assez rigolo qu’il faille gérer 2 attitudes plutôt antinomiques dans une même journée : Si on veut proposer des choses un peu nouvelles, qui sortent de l’ordinaire ou de ce l’on sait faire, on se doit d’être dans un premier temps très libre, vague, se laisser porter par l’instinct, accepter de ne pas tout maitriser au moment de poser sur le mur notre trame. Pareil, au moment où on met les chaussons pour « découvrir » notre bloc/voie, il faut laisser une chance au hasard, pour percevoir des passages qu’on n’aurait pas spécialement prévu, et qui pourraient être plus sympa que ce à quoi on pensait à la base ! Et en revanche, dès l’instant ou on reprend la visseuse, il faut être capable de changer de mode, le hasard disparait totalement, on doit être plus « carré », méthodique, discipliné, ne pas perdre le fil et amener le bloc dans la direction souhaitée. Si on n’a pas ces 2 facettes, il risque de manquer des choses dans notre travail. Voilà, alors ajoutons « bipolaire » à la liste 😊

© Coll. Florian Escoffier

Faut-il nécessairement être un très bon grimpeur pour être un bon ouvreur ?

L’idée d’être un grimpeur « complet » me semble très importante. Ça permet à un ouvreur de pouvoir bouger dans des trames quelque soit le style proposé, et donc de pouvoir proposer des blocs/voies très variées, au contraire d’un ouvreur qui aurait des « trous » dans son escalade, et qui n’aurait pas d’autres choix que de calquer sa grimpe stéréotypée, qui aurait tendance à appauvrir le rendu final.

Tu as peut-être remarqué, l’idée d’être « fort » ne rentre pas dans ma liste des qualités indispensables pour être un bon ouvreur… Tout dépend du niveau exigé : Si on vise l’ouverture d’un bloc/voie moyen, je ne vois pas pourquoi l’ouvreur avec un niveau d’escalade « moyen » serait moins compétent qu’un « avion de chasse » !

Après bien sûr, plus le niveau demandé est éloigné de son propre niveau plus on va être en difficulté pour le calage…

Dans le cadre d’Arkose, un ouvreur doit être capable d’ouvrir dans tout le spectre de couleur (de jaune à violet), donc on exige un certain niveau qui permet de bouger de façon significative dans les blocs les plus durs. Mais on s’est déjà posé la question de changer ce modèle, afin de laisser une chance à des ouvreurs qui auraient beaucoup de qualités en ouverture, mais dont leur seul défaut serait de manquer de niveau.

Comment est née la formation d’ouvreur d’Arkose ? Quels en sont les objectifs ?

L’Arkose routesetting academy est le résultat logique de l’évolution du marché des salles d’escalade indoor (et plus particulièrement celui des salles de bloc) et donc du besoin de professionnel qui en a découlé.

C’est à partir de la 2eme salle (Mroc Villeurbanne, en partenariat avec ClimbUp) que la question de la formation s’est posée. Des tentatives de formalisations sont apparues, en travaillant avec les 2 associés Arkose qui étaient des grimpeurs (Steve GUILLOU et Grégoire De BELMONT), ainsi que Nelson EMO, qui a rejoint l’équipe entre-temps.

Globalement, de 2015 à 2018 on a pu gérer le rythme de développement des salles Arkose en mettant en place des journées de recrutement d’ouvreurs. L’embauche (et donc la production de blocs en autonomie) y était très rapide après la sélection, notre niveau d’exigence était donc très élevé, nous cherchions à ce moment des ouvreurs avec de l’expérience, des « presque prêt à l’emploi ». L’accompagnement qui suivait la sélection prenait la forme d’1 ou 2 semaines de formation, pour assimiler les particularités des ouvertures en salles privées et partager notre conception de l’ouverture.

Parallèlement à ces « formations initiales », on a également fait naitre avec Thibaut des « rassemblements d’ouvreurs  Arkose», journées durant lesquels les ouvreurs se retrouvent pour échanger sur leurs expériences, où on en profitait pour travailler ensemble sur des axes de progression.

Mais rapidement, au vu de l’ambition et du développement de plus en plus rapide du groupe arkose&co, il est apparu que nous devions recruter plus « large », et essayer de former de A à Z. Les associés » étaient super motivés par l’idée de créer une véritable école. Ils ont mis les moyens humains, matériels et financiers pour que le travail puisse vraiment commencer.
Tout s’est concrétisé lors de la 1ere session de formation, qui s’est terminé à l’automne 2020, et à l’issue de laquelle 6 des 8 stagiaires ont trouvé un poste d’ouvreur chez Arkose.

La formation dure 6 mois, tu peux nous en détailler le contenu ? La formation est-elle diplômante ? Y’a-t-il plusieurs niveaux/paliers pour cette formation ?

On a passé beaucoup de temps pour regrouper dans un même ensemble toutes les interventions qu’on avait pu faire sur ce sujet. Ces outils s’articulent aujourd’hui ensemble et forment un guide pour avoir une idée claire de là où on veut arriver au bout des 6 mois, et nous permettent d’établir un planning où les compétences à acquérir sont vues progressivement.

Durant les 6 mois que dure cette formation, les « apprentis » sont en CDD chez Arkose.
Pour le contenu plus spécifiquement, on le garde un peu pour nous 😉

Les évaluations qu’on propose font apparaitre plusieurs niveaux pour chaque compétence. Sur certaines d’entre elles, qu’on a jugé indispensables, un « seuil d’acceptabilité » a été fixé, seuil qui doit être dépassé pour valider la formation.

Cette validation ne permet pas l’attribution d’un diplôme, mais un « permis d’ouvrir chez Arkose » (Arkose, Murmur, Mroc), qui prend la forme d’un CDI.

Seule la FFME a mis en place de réels diplômes d’ouvreurs, mais ils ne permettent d’ouvrir que sur les compétitions fédérales. Tout récemment, leur CQP TEE option « ouverture et maintenance » permet d’ouvrir pour les structures privées. Sur ce sujet, les discussions entre la FFME et Arkose ont débuté pour créer des équivalences

Quelle différence avec les anciens ouvreurs qui eux n’avaient pas forcément suivi de formation ?

A la différence des « anciens » qui se retrouvaient confrontés tout de suite à des journées d’ouverture classiques (production de 12 blocs à 2), le planning de ces nouvelles formations prévoit un certain nombre de journées « pratiques » dans lesquels la production de blocs pour les clients n’est pas exigée. Pour ces journées où la pression temporelle est faible, les stagiaires posent des blocs, mais plutôt que de leur « donner » des réponses, on les fait se questionner encore plus. Progressivement la logique du calage se met en place et prend du sens à leurs yeux. Quand ils commencent à être un peu mieux armé, on augmente la charge de travail doucement, pour les amener au bout de 4 ou 5 mois à une journée « type ».

En plus de cette progressivité de la charge de travail, l’énorme avantage qu’ont les stagiaires de ces nouvelles formations c’est de bénéficier d’un « laboratoire » pour expérimenter, de faire des erreurs, de travailler sur leurs points faibles, de profiter d’un effet de groupe (ils sont 8) pour se nourrir des réflexions des autres, pour progressivement se former à ce métier

Qui peut s’inscrire à cette formation ? Quand ? Comment ?

La seule obligation est d’être majeur !

Même s’il n’y a pas de profil type, Il est préférable de bénéficier d’une expérience de plusieurs années de grimpe pour avoir un répertoire gestuel le plus riche possible.

Pour intégrer cette formation, il faut d’abord participer à une détection sur 2 jours qui nous permet de jauger les candidats sur leur niveau/richesse de grimpe, leur capacité d’analyse, un entretien et des ateliers d’ouvertures.

Nous lançons des campagnes de recrutement selon les besoins des salles Arkose, et la prochaine détection aura lieu fin 2021. Les inscriptions se font par mail. Il est difficile de donner une date pour le moment mais Arkose communiquera en temps voulu via leurs réseaux !

Quelques mots avec Nailé Meignan qui signe son retour sur la scène des compétitions

Après 2 ans d’absence, la jeune compétitrice Chambérienne semble plus motivée que jamais pour enfiler à nouveau ses chaussons de compétitions, avec en ligne de mire la perspective des jeux 2024 à Paris… 


Salut Naïlé, pour commencer, comment vas-tu ?

Salut ça va super merci beaucoup j’espère que toi aussi ! J’ai la chance, même en cette période très complexe de pouvoir continuer à grimper et m’entrainer et j’en suis très reconnaissante.

Peux-tu revenir avec nous quand et pourquoi tu as eu le besoin / l’envie de marquer une pause avec les compétitions ?

Je m’entraîne et je fais de la compète depuis que je suis toute petite et à force, j’ai perdu cette motivation pour l’entraînement, tout comme les compétitions que je faisais par habitude: je n’y trouvais plus de plaisir ni d’envie.  J’ai donc voulu faire une pause pour me remettre les idées en place et réussir à trouver ce qui me motive vraiment en réfléchissant à mes objectifs.

Cette pause a débuté en septembre 2019 et et ça a duré environ un an. J’ai finalement repris le chemin de l’entraînement en septembre 2020.

Y’a-t-il eu un ou des éléments déclencheurs ?

Je pense que c’était un tout, ce n’était pas la première fois que je pensais à faire un break. Je pense aussi que le fait que je n’ai pas réussi à m’exprimer sur les coupes du monde Sénior m’a motivé à dire « stop ».

Qu’en as-tu tiré ?

Cette pause était choisie et volontaire, elle m’a donc fait beaucoup de bien et m’a permis de faire le point correctement. Bilan : j’adore l’escalade. Je ne vais donc pas arrêter tout de suite! D’ailleurs durant cette année j’ai continué à grimper pas mal en falaise mais sans aucune contrainte. J’ai ensuite réfléchi à mes envies par rapport aux entrainements et aux compétitions, et me revoilà motivée plus que jamais!

Aujourd’hui, tu sembles donc avoir la volonté de revenir sur le terrain du haut niveau et de la compétition, qu’est-ce qui motive ce choix ? Qu’est-ce qui a changé pour toi ?

Après avoir beaucoup réfléchi, je me suis rendu compte que quoiqu’il arrive j’aimais l’entraînement, et que si je continuais ce serait aux côtés de mon entraîneur Kevin Arc.  J’ai décidé de m’entrainer différemment avec Kevin et de me laisser aussi des projets pour l’extérieur, avec un entrainement peut-être un peu plus diversifié, un entrainement qui me correspondrait parfaitement.

Pourquoi le choix de Kevin Arc ?

Car ça faisait un bon bout de temps que je m’entrainais déjà avec lui et on avait construit de belles choses ensemble, sur tous les plans. Pour moi c’était donc une évidence de continuer avec lui.

Tu nous confiais d’ailleurs à ce sujet vouloir t’engager dans une préparation olympique pour Paris 2024, comment imagines-tu les 4 prochaines années ?

Oui bien sur que je pense aux JO de Paris 2024 ! Les 4 prochaines années vont être rythmées par les entraînements, après c’est un peu dur de se projeter avec la situation actuelle… Mais j’espère que ce seront des années pleines de progression pour 2024.

En attendant 2024, quels sont tes objectifs intermédiaires ?

J’aimerais retrouver le niveau sur la scène nationale et internationale et j’aimerais aussi beaucoup refaire des perfs en extérieur et découvrir un peu plus le bloc dehors aussi.

Durant ta pause, tu t’es pas mal évadée en falaise, vas-tu y renoncer pour les JO ?

Oui effectivement comme je l’ai dit j’ai continué à grimper et surtout en falaise. Et cela m’as fait beaucoup de bien et m’as ramené à la pratique que je faisais le plus quand j’étais petite. Je pense que la falaise, en tout cas pour moi, est complémentaire à l’entrainement. Je ne vais donc pas y renoncer pour les JO: avec un peu d’organisation je couplerai entraînement et grimpe dehors.

Parle nous un peu de tes entraînements : comment t’entraînes-tu aujourd’hui ? et comment articules-tu tout ça avec la vie quotidienne ?

Je m’entraine sur Chambéry principalement dans la salle Ambroise Croizat avec comme entraineur Kévin Arc qui lui se trouve à Nantes. Je suis donc entrainée à distance. Je suis en terminale dans un lycée à horaires aménagés ce qui me permet d’avoir un très bon emploi du temps et donc des plages horaires pour pouvoir m’entrainer correctement.

L’entraînement à distance te convient ? Ce n’est pas trop dur de ne pas avoir la présence de ton entraîneur lorsque tu t’entraînes ? Comment tu te motives lorsque tu as un coup de mou pendant une séance ?

Oui ça me convient complètement, la première année avait été un peu dure car on est passé de tout à rien et on ne l’avait jamais fait. Mais maintenant ça se passe super bien, on s’est tous les deux amélioré.

Et puis je ne suis pas non plus tout le temps toute seule du coup ça va. Ça m’arrive rarement les petits coups de mou, mais quand c’est le cas je demande si quelqu’un veut faire la séance avec moi ou alors carrément j’appelle Kevin pour voir s’il ne peut pas me proposer un autre exo qui me motiverait.

Avec cette nouvelle ère des JO, comment cela se passe-t-il au sein de l’équipe de France, y’a-t-il plus de rivalités ?

Non je dirais au contraire que tout le monde est « excité » par cette nouvelle forme de compétition qui s’offre à l’escalade, et selon moi l’émulation et d’autant plus grande !

Le mot de la fin ?

Vite que cette épidémie cesse et que tout le monde puisse retrouver toutes ses activités… En attendant essayons de garder le sourire et de faire du mieux que l’on peut !

Micka Mawem: « C’est le jeu, c’est comme ça. Aucune erreur n’est permise »

Ce matin avait lieu les qualifications de la Coupe du Monde de bloc à Meiringen, en Suisse. Dans le cadre de sa préparation pour les Jeux Olympiques, Micka Mawem avait décidé de prendre part à cette compétition, sa première depuis quasiment deux ans.

Malheureusement, ce matin, le français n’a pas réussi à s’exprimer sur le circuit de qualification. Sur les cinq blocs, il n’en enchaîne qu’un, étant relégué à la 35ème place du classement.

À chaud, il nous livre en exclusivité ses impressions sur ce premier rendez-vous international de l’année:

Aujourd’hui, c’était la première compétition depuis quasiment deux ans. Entre temps, je me suis beaucoup entraîné, et physiquement je me suis senti bien. J’ai ressenti les bénéfices de tous mes entraînements… Sauf que j’ai été à l’envers dans toutes mes méthodes ! Les blocs étaient assez complexes à déchiffrer et c’est souvent dans mes derniers runs que j’ai réussi à bien comprendre ce qu’il fallait faire… Sauf que c’était trop tard.

Aujourd’hui, il n’y a pas le droit à l’erreur. Le niveau est tellement relevé sur le circuit international, qu’aucune erreur technique ou physique n’est permise. D’ailleurs on le voit ce matin: personne n’a randonné les doigts dans le nez ce circuit.

C’est le jeu, c’est comme ça. Ce n’est que la première compétition, il faut que je trouve ce « feeling ». Maintenant, je vais me préparer pour le prochain rendez-vous, qui aura lieu à Salt Lake City dans un mois. Toutes les compétitions qui auront lieu avant les Jeux Olympiques ne seront que des compétitions de réglages.

Mais je vais faire en sorte d’arriver sur les prochaines étapes avec plus de bagages gestuels pour réussir à mieux m’exprimer. »

Oriane Bertone: « Mon objectif premier : me faire plaisir ! »

Oriane Bertone est l’une des plus grandes espoirs françaises. À seulement 16 ans, elle a déjà tout d’une grande championne. D’ailleurs, son palmarès a de quoi impressionner: quadruple vainqueur d’étape de Coupe d’Europe, Championne d’Europe de bloc et de difficulté jeune et Championne du Monde jeune de bloc et de difficulté… Depuis ses débuts, Oriane collectionne les médailles. D’ailleurs, toutes les compétitions internationales auxquelles elle a participé se sont soldées par une médaille (d’or dans 80% des cas !).

Son entrée sur le circuit senior était donc attendu avec impatience. Ayant soufflée ses 16 bougies le mois dernier et étant en catégorie cadette 1, elle validait enfin les critères lui permettant de prendre part aux compétitions internationales seniors.

© Aurele Bremond

Tout comme Mejdi Schalck, elle faisait donc ses premiers pas en Coupe du Monde pour la première fois hier, lors des qualifications de la Coupe du Monde de Meiringen. Des premiers pas très prometteurs puisqu’elle réalisait la meilleure prestation tricolore de la journée en trustant la troisième place du classement général, juste derrière Janja Garnbret et Akiyo Noguchi !

À l’issue de ce tour de qualification, Oriane nous a confié quelques mots:

Honnêtement, j’étais assez stressée avant de me lancer ! J’appréhendais mon entrée en senior en tant que Cadette 1, et c’est vrai qu’entrer dans le monde agité des seniors fait toujours peur ! Mais je me suis fait plaisir, j’ai bien géré et ça s’est bien passé !

Avant de venir sur cette Coupe du Monde, j’ai continué mon entraînement habituel, j’ai peut-être fait un peu plus de simulations de circuits, un peu de travail vis-à-vis de la gestion du temps et des méthodes et un peu (beaucoup) de motivation 🙂

L’efficacité était de rigueur sur ce tour de qualification. Il fallait faire les blocs en peu d’essais ou rien, donc c’était assez stressant ! Je suis plutôt contente d’avoir pu mettre en place aussi vite la prise d’informations et la justesse des mouvements.

Mon objectif premier : me faire plaisir ! Le second: prendre des repères et repérer les pistes de travail pour plus tard ! Ça fait un peu bizarre de grimper aux côtés des « cadors », mais ça fait du bien de voir que j’ai ma place dans ce petit groupe de grimpeurs incroyables ! »


Lire aussi | Coupe du Monde de Meiringen: Janja Garnbret et Akiyo Noguchi en tête des qualifications !


Kuba Novotny : Apprendre à marcher pour mieux grimper ? – Kuba Novotny: Learn to walk to optimize your climbing?

11 avril 2021 à 16:57

Vous vous rappelez la vidéo de Reelrock où Adam Ondra écoute un vieil homme en blouse blanche lui expliquer comment marcher ? Bien sûr, les passages de visualisation “explosants” ont davantage marqué les esprits, mais la visualisation n’a rien de nouveau. Ce qui est novateur, par contre, est de découvrir que le meilleur grimpeur du monde a dû réapprendre à marcher pour enchainer le premier 9c de l’histoire. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?! Pour en savoir plus, un des nos rédacteurs, Denis Lejeune a approché Kuba Novotny.

“Kuba est très sympa et entraine un de mes amis mais, plus important pour nous ici, il a étudié avec Dr Čumpelík – l’homme à la blouse blanche de ReelRock – et travaille avec des sportifs professionnels dans différents sports. Et oui, il a aussi collaboré avec Adam Ondra.”

– Ahoj Kuba, merci de prendre le temps de me répondre.
Avec plaisir.

– Avant toute chose, tu peux donner un nom à l’espèce de magie que tu pratiques ?
Cela s’appelle “kinésiologie développementale’.

– Joli nom… De quoi s’agit-il au juste?
C’est étroitement lié aux neurosciences parce que, quand tout est dit, le cerveau est l’outil qui gère nos mouvements, et joue donc un rôle crucial pour nous rendre plus fort, ou rendre nos entrainements plus efficaces. La différence principale entre notre vision de l’entrainement et l’idée classique est que l’objectif de cette dernière est de rendre les muscles plus forts. Cela dit, la force dans le mouvement de grimpe n’est pas la somme de la force de tous nos muscles. C’est le cerveau qui gère chaque mouvement, qui dit quel muscle doit être activé, avec quelle intensité et dans quelle direction, et on l’oublie trop souvent. Dans le mouvement “conscientisé”, le muscle travaille pour la chaine de soutien. Par exemple, certains grimpeurs “élite” renforcent les abdos qui travaillent quand on tire vers le haut. Malin, puisque c’est la direction générale en escalade. En voyant ça, d’autres grimpeurs pourraient se dire : “c’est bien ça, je vais aussi renforcer mes abdos.” Mais leur coordination n’est pas aussi bonne à cause d’une sollicitation moins efficace de l’ensemble de leurs soutiens, et ils finissent par renforcer les abdos qui tirent vers le bas, ce qui nuit justement au mouvement qu’ils veulent améliorer. Au final ils vont affaiblir leurs bras, ce qui signifie qu’ils ont plus de chances de blesser leurs épaules, leurs coudes et leurs doigts. Ainsi que l’a dit Alex Huber dans un entretien avec un magazine tchèque il y a quelque temps : “J’ai l’impression d’être fort après de la poutre, ce qui est cool, mais l’escalade ce n’est pas être suspendu. En gros, c’est une évolution sur des murs déversants, soutenue par les pieds et les orteils. Ce qui veut dire une coordination totalement différente. Aujourd’hui je constate que mon avis est le bon. Quand je me compare sur poutre aux grimpeurs actuels du Frankenjura, je n’ai aucun espoir. Mais je suis plus fort sur le rocher. Donc je continue à penser que la suspension ne veut rien dire. Il faut acquérir une coordination spécifique du corps. L’influence de la poutre s’arrête à la poitrine, alors que les system boards descendent jusqu’en bas.” À mon avis, on peut faire de la poutre ou des suspensions et engager le corps dans son ensemble, mais c’est très difficile. À part ça, tout à fait d’accord avec Huber.

– Je croyais que les neurosciences aidaient les sportifs à améliorer leurs prises de décision dans des situations rapidement changeantes, ou raccourcir leurs temps de réaction. Quel est le rapport, tu peux m’éclairer ?
Bien sûr. Disons que tu veux devenir plus fort sur réglettes : tu vas commencer par te suspendre pendant 3-7 secondes sur des réglettes aussi petites que possible. Ça va envoyer des signaux à ton cerveau, qui vont le forcer à renvoyer des signaux encore plus forts à tes doigts. C’est le principe de base de l’entrainement classique. Mais on oublie les signaux que les doigts renvoient au cerveau, et si tes doigts, tes coudes, tes épaules ou omoplates ne sont pas bien placés (si mes omoplates sont dans la mauvaise position, ou si je suis voûté) cette information sera celle-ci : ne me renvoie jamais plus ces signaux, ou tu détruira tes articulations ou autres tendons. Par conséquent, les résultats de l’entrainement dépendent fortement d’une bonne posture de tout le corps. Par exemple, un kayakiste tchèque a amélioré son coup de pagaie de 100-110 watts à 130-140 après deux semaines de pratique au sol en position statique et un travail de rotation des côtes.

– Les côtes ?!?
Tu n’as pas idée.

On dirait de la bio-mécanique du futur…
D’un point de vue évolutionniste, notre corps est fait pour courir, marcher et les génuflexions. Du coup, si on fait ça bien et qu’on ne tombe pas d’une falaise ou autre chose du genre, notre système musculo-squelettique (os, articulations, muscles, tendons connectés aux muscles) devrait s’en tirer sans gros problème jusqu’à nos 100 ans. On peut aussi faire bien d’autres mouvements de la bonne façon, mais pour ça il faut obéir aux “lois physiologiques”, qui sont communes à tous nos mouvements sains. La clef pour bien comprendre ce point est que le corps fonctionne à partir d’une paire contralatérale de membres de station debout et de marche, ainsi que la rotation de la colonne thoracique – qui est là pour basculer le centre de gravité sur la jambe en appui. Donc, au plus basique, la locomotion humaine (la marche en avant) est simple : se tenir debout sur une jambe. Mais plus la posture est bonne, moins on a besoin d’énergie pour faire basculer notre poids sur la jambe en appui. Et voilà, tu as la définition de l’efficacité du mouvement. Quand Adam Ondra a amélioré la rotation de ses côtes, ça a eu un énorme impact sur ses performances en poutre. C’est ça qu’il travaillait avec le Dr Čumpelík dans la vidéo que tu mentionnes : apprendre à connecter les mains, les pieds et les côtes dans la marche, pour qu’il puisse l’appliquer en escalade.

– Ok, donc si je comprends ce que tu dis c’est qu’on ne devient pas plus fort en faisant des tractions à un bras, mais en améliorant la technique de la traction ?
Tu peux t’améliorer des deux façons. Tout dépend du niveau de ta technique sur tel ou tel exercice. Écoute, la plupart de ce qu’on sait de la technique en escalade vient des grimpeurs et de coaches “classiques”, donc sans une intelligence profonde du mouvement au niveau physiologique, ou des stratégies que le cerveau met en place pour gérer le mouvement. Par conséquent cette connaissance pratique marche plus ou moins. Parfois ça peut donner un gain de performance rapide, mais sur le long terme ça mène aussi souvent à des blessures, voire à des plateaux dans ta progression, qui t’empêchent d’atteindre le niveau que tu pourrais viser si tu te servais plus justement de ton corps.

– Si je te saisis, tu dis qu’en respectant la façon optimale d’utiliser son corps, en termes physiologiques, on peut améliorer sa conti, sa rési et sa force ?
Complètement. Parce que le résultat de ton entraînement de toutes ces choses dépend de l’efficacité de tes mouvements.

– Est-ce qu’on parle au moins un peu de gainage ici ?
Il y a souvent beaucoup de muscles faibles dans le gainage des sportifs, et ils doivent les travailler. Donc dans ce sens de “gainage”, je suis d’accord. Mais dans notre façon de voir les choses, un gainage déficient correspond à l’output. Si les muscles de ton gainage sont faibles, c’est parce que tu ne les utilises pas dans ton mouvement. Si tu changes ton mouvement dans le bon sens, ces muscles vont commencer à travailler et donc se renforcer. Traditionnellement, on pense que si on renforce ces muscles (séparément du mouvement) le cerveau commencera à les utiliser. Mais ça n’est pas comme ça que fonctionne le cerveau. Le cerveau, voici comme il fonctionne : il rassemble des informations sur la tenue du corps dans son entier, et à partir de là créé un “patron de mouvement” qui correspond à la situation actuelle, après quoi il envoie des instructions aux muscles pour exécuter les mouvements. Par conséquent, si tu veux ajouter des muscles à ce “patron de mouvement”, il te faut changer l’input de l’information sensorielle, c’est-à-dire changer l’idée-même du mouvement. La majorité de l’input de cette information sensorielle vient des paumes et des pieds, du coup la façon dont tu les utilises est cruciale pour le mouvement. Si tu essaies de changer la façon dont les muscles de ton gainage travaillent en les renforçant isolément, du point de vue neurologique tu es en retard, parce que le patron que suivent tes mouvements est déjà gravé dans ton cerveau. Pour être plus précis : si tu te concentres sur le bout de tes petits doigts, dans un monde parfait tes épaules devraient enclencher un mouvement de rotation externe et ta respiration monter dans ta poitrine, ce qui signifie que le travail des muscles de ton gainage a changé. Si par contre tu te concentres sur le bout de tes pouces, tes épaules devraient enclencher un mouvement de rotation interne et ta respiration se déplacer vers ton ventre. Bien sûr tu peux obtenir des gains en renforçant ton gainage pour lui-même, mais ce n’est pas le plus efficace. Je sais parfaitement que ce n’est pas facile à comprendre avec des mots, mais dès que les mesures de confinement changent je te montrerai tout ça sur ton corps en une minute. J’aime montrer aux gens comment atteindre leurs objectifs de performance, tout en leur évitant des années de douleur au niveau musculo-squelettique.

– À ce sujet, j’ai remarqué que ton site, KubaNovotny.cz insiste beaucoup sur la notion de prévention de blessure.
Oui, pour la simple raison que la performance et la prévention de blessure vont main dans la main en kinésiologie développementale. Ce ne sont pas deux choses distinctes, mais bien la même. Par exemple, le kayakiste tchèque avec lequel je travaille : lors du premier mois de notre collaboration, sa performance s’est améliorée de 20%, mais sa douleur au dos a aussi disparu. Ceci étant, ça va encore plus loin : ce n’est pas juste que tu deviens meilleur et que tu évites de te blesser ; si tu améliores ton “patron de mouvement”, tu vas aussi améliorer ta récupération, puisque de nouvelles hormones sont envoyées à ton cerveau et permettent à ton corps de récupérer plus vite après tes entrainements.

À ce moment de notre entretien, je suis abasourdi. À une époque où tout le monde semble obnubilé par les plus minuscules marges de progression, je me gratte la tête en me demandant pourquoi la kinésiologie développementale n’est pas encore un sujet de discussion chez tous les entraineurs. Si on peut améliorer 1) notre performance, 2) notre récup et 3) le temps qu’on passe sans blessure, comment se fait-ce qu’elle ne fait pas partie intégrante des recettes de base de chaque entrainement possible et imaginable ?! Est-ce le futur de l’entrainement, du coaching ? Est-ce que le Dr. Čumpelík et ses étudiants, dont Kuba, sont simplement trop en avance sur leur temps ? Tout ça me rappelle un autre athlète tchèque, qui révolutionna l’entrainement à son époque : Emil Zatopek, le coureur de fond et demi-fond, a en effet mis les intervalles en vogue.

La question se pose donc : la kinésiologie développementale est-elle l’avenir ?
Je n’ai pas de boule de cristal. Mais je peux confirmer que ça ne fait pas partie du mainstream, et ça ne sera d’ailleurs probablement jamais le cas. J’ai passé 500 heures à étudier cette discipline avec Dr. Čumpelík, et quatre fois plus à m’y intéresser par moi-même, et je suis encore loin de tout comprendre. Le mouvement complexe est… très compliqué! Le problème principal tient au fait que, comme on le voit dans cet entretien, il s’agit d’une connaissance qui passe mal en texte et même en vidéo. Tant que ton corps ne fait pas concrètement pour lui-même l’expérience d’un nouveau niveau de qualité dans le mouvement, tu ne peux pas réaliser ce que ça change, et combien c’est utile. Cela dit, 41 coachs, docteurs et physiothérapeutes prennent part à mon programme annuel (2 heures hebdomadaires), donc il y a de l’intérêt pour la discipline.

– Je peux voir un léger problème pour les grimpeurs (et autres sportifs), c’est que ta discipline ne ressemble pas à ce qu’ils ont l’habitude de considérer comme un “entrainement”. Plutôt comme du yoga ou de la physio, mais la physio est rarement prise pour de l’entrainement. C’est aussi la raison pour laquelle la technique est souvent délaissée, parce que ça ne fait pas suer et souffrir. Et pourtant, on sait aussi que ça apporte son lot de récompenses plus tard…
Oui, c’est en effet un point faible. Mais de notre point de vue, soit tu veux t’améliorer et faire ce qu’il faut, soit tu veux juste t’exploser et être courbaturé le lendemain. Ce qui est tout aussi valide, certains veulent juste s’amuser et se changer les idées après une journée de bureau. Mais si tu veux continuer à progresser et que tu es prêt à y mettre ce qu’il faut, je me ferai un plaisir de te montrer comment hisser ta grimpe au niveau supérieur. Et au fait, je ne l’ai pas mentionné mais une fois que tu améliores ton mouvement, tu peux travailler encore plus dur. Exemple : après 2h d’entrainement, mon kayakiste n’en pouvait plus, la pagaie lui tombait des mains, il était détruit. Après notre travail sur la rotation de ses côtes il pouvait en faire 40 minutes de plus, et donc fatiguer son corps en entier, pas simplement ses avant-bras.

– Hallucinant !
Encore une chose. Il y a deux zones d’apprentissage : celle d’apprentissage justement, et celle de la performance. Avec les jeunes, il est important de développer la première, pour qu’ils puissent plus tard en bénéficier dans leurs performances. Pour les athlètes à leur pic, il faut trouver le bon équilibre entre apprentissage et performance dans leur entrainement. Ce qui est unique dans cette approche est qu’on peut ajouter davantage de qualité dans la zone d’apprentissage, pour que ça soit encore plus bénéfique.

– Pfiou, tellement de choses à intégrer… Ça m’en met plein la vue. Mais bref. Tu n’entraines pas que les athlètes pro cela dit, donc quelles sont les différences principales entre eux et nous ?
Comme je le disais plus tôt, les sportifs de haut niveau sont capables d’intégrer la nouveauté beaucoup plus rapidement que nous, donc le temps nécessaire à l’absorption de l’information est une de ces différences. Ils n’ont souvent besoin que de quelques répétitions pour les faire leurs, alors que nous on a plutôt besoin de plusieurs semaines voire mois.

– Et pour ce qui est des blessures, il en va de même pour eux et nous ?
Bien sûr, les blessures sont individuelles, mais en même temps on peut dire qu’il existe à peu près 90% de blessures communes chez les gens qui viennent me voir.

La conclusion de Denis
Ah ah, tout ceci me rappelle Dave McLeod et son livre “9 grimpeurs sur 10 font les mêmes erreurs”. Les grands esprits etc…
Ainsi que le dit Kuba, il est difficile de saisir combien la kinésiologie développementale peut apporter à la performance. Pourquoi ? Parce que, en partie, elle nous force à sortir de nos habitudes de faire et de penser. J’allais dire “nous, en Occident”… Et c’est vrai que de par la façon dont cette discipline considère le corps comme un vrai tout et pas juste des membres collés ensemble par accident, elle se rapproche d’une perspective plus orientale, plus totalisante. C’est pourquoi je n’ai pas été surpris d’apprendre que le Dr. Čumpelík fait du yoga depuis plus de 40 ans.

Le meilleur moyen d’aider le lecteur à visualiser ce qu’est la kinésiologie développementale est peut-être de revenir à une de mes premières rencontres avec lui. Il assurait un ami et, sachant qu’il avait plusieurs autres séances de coaching après, je lui ai demandé pourquoi il ne portait pas de lunettes d’assurage. Il m’a répondu qu’il n’en avait pas besoin, à quoi je rétorquai en rigolant “c’est parce que tu es encore jeune”. Non. Il m’expliqua ensuite que lever la tête n’est pas nécessairement synonyme de mal de cervicales, mais pour ça il faut comprendre comment engager la chaine musculaire qui soutient la tête. Et pour ça, la meilleure solution consiste à écarter les coudes du tronc. De cette façon vous engagerez les muscles du dos, qui à leur tour contracteront les muscles à l’arrière de votre cou. Maintenant, quand vous levez la tête vous ne vous appuyez pas seulement sur les vertèbres de votre cou – ce qui met tout le stress d’une position tout sauf naturelle sur une petite partie fragile de votre corps – vous utilisez votre haut du corps dans son entier pour soutenir votre position. Résultat: moins de traumatismes du cou, pas de douleur, et renforcement musculaire.

Ça peut sembler trivial, il s’agit “juste” d’assurage. Mais imaginez ce que cette façon de penser/comprendre/faire peut apporter à la grimpe elle-même! Si vous arrivez à relier tous les points physiologiques et squelettiques ensemble de la plus façon le efficace, donc cohérente, donc naturelle possible ? À mes yeux, c’est de l’or en barre !

Photo de couverture : Bernardo Gimenez

Adam Ondra se tord dans Silence 9c
Cover Pic: Bernardo Gimenez

Do you remember the ReelRock short where Adam Ondra is listening to an old white-coated man telling him how to walk? Sure, the ‘very pumpy’ visualisation episodes grabbed the limelight, but to be fair visualisation is nothing new. What is fairly new is that the best climber in the world should relearn to walk in order to send the first 9c in history. What was that about? To find out more, one redactor of our editorial team, Denis Lejeune got in touch with one Kuba Novotny.

“Kuba is a nice chap who coaches a friend of mine, but more importantly he is a student of Dr. Čumpelík, of ReelRock fame, and works with top athletes in various sports and has collaborated with Ondra too.”

– Ahoj Kuba, thanks for taking the time.
With pleasure.

– First, what is the name of the kind of magic you do with climbers?
It’s called ‘developmental kinesiology’.

– Sounds… poetic. What is it?
It is closely related to neuroscience because, after all, the brain is the tool that manages our movements, and it plays a key role in getting us stronger, or making our training more efficient. The basic difference between this understanding of sport training and the classic ‘fitness’ one is that the objective of fitness is to make muscles stronger. But power in the climbing movement is not the sum of the power in our muscles. It is the brain that manages every movement, saying which muscle will join, how much it will pull and in which direction, and that is often forgotten. In the conscious movement, muscle works towards the support. For instance, some elite climbers are strengthening the abs which work upwards. That is convenient, as it is direction we move while climbing (up). Some other climbers may see that and think : ‘That is cool, I will strengthen my abs as well’. But their coordination is worse due to a less efficient use of their set of supports and they end up strengthening abs downwards, in opposition to the movement we want to be good at. Which in the end will weaken their arms, meaning they are more likely to injure their shoulders, elbows or fingers. As Alex Huber said in an interview with a Czech climbing magazine a while ago: “I have the impression that I am strong after campusing, which is good, but climbing is not hanging. It is mainly a movement in overhanging terrain, fixed by feet and toes. That means a different kind of coordination. Today I see that my opinion was correct. When I want to compare myself to the current Frankenjura climbers on campusboard, I have no chance at all. But I’m stronger on the rocks. So I don’t think hanging alone means anything. You have to get that specific coordination into your body. The influence of the campus ends at the chest, while the systemboard system goes all the way down.” In my opinion you can campus or deadhang and engage your whole body, but it is super hard. Otherwise I have to agree with everything he said.

– I thought neuroscience helped sportspeople improve decision-making in fast-paced environments for instance, or shorten reaction times. How does it relate here, can you develop a bit more?
Sure. So say I want to get stronger on a crimp: I start to hang for 3-7 seconds on as small a crimp as I can. It will send signals to my brain that will force it to send stronger signals back to my fingers. That is the basic principle of sport training. But there is also feedback coming from the fingers and if my fingers, elbows, shoulders, scapulas and back are not set well (if my scapula is in the wrong position, or I am hunched) the feedback to my brain will be: don’t send those strong signals ever again, or you will destroy your joints or soft tissues. Therefore, the outcome of the training will depend on the right setting of our whole body. For instance, a top Czech speed kayaker improved his paddling power from 100-110 watts on Monday to 130-140 watts on Saturday after a couple weeks of practicing static positions on the ground and trying to rotate his ribs. Positions that are very close to actual kayak paddling. 

– The ribs!?
You’d be surprised.

– It sounds like next level bio-mechanics to me…
From an evolutionary point of view, our body is designed for running, walking and squats. So if we do that right and do not injure ourselves falling off a cliff or whatsoever, our musculoskeletal system (bones, joints, muscles, soft tissues connected with muscles) will probably be alright till we die a hundred years-old. We can also do lots of other movements right but for that we have to obey the ‘physiological rules’, which are common to all our healthy movements. The main key to understand this is that the body works around a contralateral pair of standing and walking limbs, as well as rotation of the thoracic spine – which is there to shift the body center on the standing leg. So, basically, human locomotion (forward motion) is simple: stand on one leg. But the better your posture, the less power you need to shift weight on the standing leg. And that basically describes movement efficiency. When Adam Ondra improved rotation of his ribs, it had a huge impact on his campusing. And that is actually what Adam was doing with Dr. Čumpelík in the ReelRock video you mentioned: learning to connect hands, feet and ribs in the walking so he can do the same in climbing. 

– So in effect, what you’re saying is: you don’t get stronger by doing more one-armers, but by improving, basically, one-arm pull-up technique?
You can improve both ways. It always depends on the level of your technique in a given exercise. Look, a lot of the knowledge we have about climbing technique was accrued by climbers and coaches without a proper understanding of physiological movements or of the strategies the brain uses to manage movement. As a result, this practical knowledge works more or less. Sometimes it will give you fast performance improvement, but in the long term it often leads to injuries, or may even get your performance development to plateau at a level that is (way) lower than where you could get to otherwise.

– If I understand correctly, you’re saying that by respecting the best, most optimal way our body works, physiologically, we can improve our endurance/power endurance/power performance?
Exactly. the outcome of power/endurance training depends on your movement efficiency.

– Has it got to do with core as well?
There is often a lot of weak muscles in the trunk of sportsmen, and that needs to be changed. So up to that point I agree with the ‘core’ you mention. But from our point of view the weak trunk muscles are ‘output’. If your core muscles are weak it is because you don’t use them in your movement pattern. If you change your movement pattern right, they will start working and therefore get stronger. Usually, we think that if we strengthen those muscles the brain will start to use them. But this is not the way the brain works. The brain works like this: collect input information about the setting of whole body, then create an idea of movement that fits the current situation, and then send information to the muscles so they execute the movement. So if you want to add more muscles to your movement pattern, you have to change the sensory information input, i-e change the idea of movement. Most sensory information is coming from the palms and feet, so the way you work with those areas is crucial for your movement. If you are trying to change the way your trunk muscles work by strengthening those muscles, you are neurologically late, because the image according to which the movement is done has already been made in your brain. To be more specific: if you focus on the tip of your pinky, your shoulder should set into external rotation and your breath move upwards in the chest, which means the work of your core muscles has been changed. If you on the other hand focus on the tip of your thumb, your shoulder should go into internal rotation and your breath move more towards your belly. Obviously you can get some results even just by strengthening your core muscles, but it is not so efficient. All of that is hard to grasp in words, I know full well, but when the public health regulations allow I could show you on your body in a minute. I am happy to show people how they can help themselves achieve their performance goals, all the while avoiding years of lasting pain in their musculoskeletal system.

– On that, I have noticed that your website, KubaNovotny.cz puts a lot of emphasis on injury prevention.
Yes, for the simple reason that performance and injury prevention go hand in hand in developmental kinesiology. It’s not two discrete things, it’s one and the same. For instance, the Czech kayaker I work with: in our first month together his performance improved by 20%, while his back pain disappeared. Having said that, it’s even more complex: Not only do you get better and avoid injury, but the better your movement, the better also your ability to recover, insofar as different hormones will get to your brain and allow your body to start recovering sooner after training (than if your movement is not optimal).

At this point I am utterly stunned. In an era that is so keen on making the most of the marginalest gains, I wonder why on earth developmental kinesiology has not become the talk of the town in coaching circles the world over. If you can improve 1) your performance, 2) your recovery and 3) the length of your injury-freeness, just why isn’t it a staple of training?!? Is it the future of training, of coaching? Are Dr. Čumpelík and his student Kuba ahead of their time? I cannot help but recall how another Czech sportsman revolutionised training in his own era: indeed Emil Zatopek, the famous long-distance runner, put interval training on the map.

So, is developmental kinesiology the next big thing?
I don’t have a crystal ball. But I can safely say it is definitely not mainstream and may never be. I spent around 500 hours studying and four times more practicing for myself, and I am nowhere near the end. Complex movement is… really complicated! The issue I see is that this knowledge can’t be passed on by text or by video. Until you actually experience, for yourself, a new level of quality in your movement, you just cannot get an idea of how good this thing is and how useful. Having said that, there are now 41 coaches, doctors and physiotherapists attending my yearly program (weekly 2-hour classes) so there is some interest.

– One thing I could see being a slight issue with climbers (and other sporty people) is that it may not look or feel like ‘training’. More like yoga or physio, but physio is not seen as training by many. That’s also why climbing technique is sometimes overlooked, because it doesn’t make you sweat and hurt. Yet it brings massive rewards down the line…
Yes, that is another weak spot obviously. But from my point of view, you either want to get better and then do whatever it takes, or you just want to get tired and soar to feel good. Which is alright, some people just want to have fun and clean their heads after a day at work. But if you want to keep improving and are willing to focus, I will be happy to show you how to get your climbing to the next level. And by the way, after you improve your movement you can work even harder. For example, that kayaker I was talking about, after 2 hours of training his paddle would usually fall off his hands: he was pumped. Yet after we worked on the rotation of his ribs he could train 40 minutes more, hence get his whole body tired, not just his forearms.

– Pretty mind-boggling.
And there is one more thing. There are two zones for learning: the learning and performance zones. With young athletes it is important to work hard on their learning zone, so they can later benefit in their performance. For athletes at their peak you have to find the right balance between the learning and performance zones in their training. What is unique in this attitude is that we can add more quality in the learning zone training, so it is even more beneficial.

– Phew, that is so much to take in… But anyway. You don’t just coach top athletes, so what are the differences between us normal people and them?
Well, I mentioned earlier how fast top athletes are able to make something new their own, so the time required to master new skills is one massive difference. Top athletes often need only a couple of repetitions to ‘get’ something, whereas we usually need a couple of weeks or months.

– And on the injury side of things, is it the same for all of us?
Obviously it is very individual, but at the same time there are some usual issues 90% of climbers who seek my help are suffering from.

Conclusion by Denis :
Ah ah, that reminds of Dave McLeod’s 9 out of 10 Climbers Make the Same Mistakes. Great minds etc… 

As Kuba says, it is pretty difficult to realise just how helpful to a sportsperson developmental kinesiology really is. Why? Because it forces us to think in a way we are not used to. I was going to say ‘we, in the West’… Indeed, in the way it regards the body as a whole, and not just parts put together by dint of necessity, it bears a resemblance to a more Eastern perspective on things. Which is why I was not surprised to learn that Dr. Čumpelík has been a yoga devotee for 40-odd years. 

Maybe the best way to help the reader visualise it harks back to one of my first encounters with Kuba. He was belaying my friend Dave and, knowing he had quite a few coaching sessions that day, I asked him why he wasn’t wearing belay glasses. He replied he didn’t need any. ‘That’s because you’re young’ I joked. Then he explained that lifting your head up doesn’t need to hurt your neck, but for that you need to understand how to engage the whole muscle chain that supports the head. For that, the best way is, when you belay, to try and push your elbows away from your trunk. This will activate muscles in your back, which in turn will tense up the muscles in the back on your neck. Now when you lift your head up you are not relying solely on your neck vertebrae, i-e putting all the stress of the un-natural position on one small and fragile part of your body, you are relying on its whole upper half to support your position. So: less stress on the neck, no pains, and muscle reinforcement.

It may sound trivial for belaying. But imagine what this way of thinking/understanding can do for climbing itself? If you connect the physiological and skeletal dots together in the most efficient way? In my eyes, it is pure gold.

Cover Pic: Bernardo Gimenez

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Saula Lerondel: « J’étais prête pour cette compétition »

Alors qu’elle vient de décrocher la médaille de bronze sur le championnat d’Europe de diff jeune dans la catégorie cadette, Saula Lerondel a répondu à quelques questions après sa finale… 


Ça fait quoi de reprendre part à des compétitions, après toute cette période incertaine liée au covid ?

Ça fait tellement plaisir de reprendre les compétitions même si j’avais fais les sélectifs et Meiringen ce n’était pas la même chose de remettre le baudrier en compet. Le premier run n’était pas très bon, je n’ai pas mis de rythme, j’étais un peu tendue mais au fur et à mesure des runs j’ai réussi à me remettre dedans et en finale je me suis lâchée. Après un bon fight, des petits cris et une erreur d’Alexandra (première des demies) je me suis retrouvée sur le podium!

C’est ta première médaille internationale depuis 2019, qu’est ce que ça fait de remonter sur le podium ?

C’est mon premier podium sur un championnat d’Europe et ce n’est tellement pas la même satisfaction qu’une coupe d’Europe! Surtout après cette longue période sans compet je suis tellement contente que le travail paye…

Comme tu nous le disais, il y a quelque jours tu prenais part à la coupe du monde de Meiringen, l’une de tes premières expérience senior à l’international. As tu tiré des leçons de cette compétition, que tu as appliquées ce week-end en Russie ?

C’était une coupe du monde de bloc donc je dirais que cette compet m’a beaucoup apporté pour le bloc, j’ai surtout pu me situer au niveau international senior. Ici, en jeune c’est quand même bien différent, le style d’ouverture n’est pas du tout le même.

Comment as-tu abordé ce championnat d’Europe (physiquement et mentalement) ?

J’étais prête pour cette compétition, peut être plus entraînée en bloc qu’en diff. Je suis arrivée assez « décontractée » parce que je veux juste me faire plaisir et réussir à mettre en place ce que j’ai pu voir à l’entraînement avec Coco ma coach! Je n’ai pas subi mentalement, j’avais un bon stress et une envie d’aller toujours plus haut, de réussir à grimper comme Mejdi et Paulo !

Parle nous de ce run en finale, où tu chutes à seulement une prise de la victoire

Franchement je ne m’attendais pas du tout à faire podium parce que j’ai fait 7 des demies-finales et je me voyais faire 4ème avant le run de la Bulgare qui fait une erreur. Alors bien sûr je me dis que j’aurais pu mieux faire et peut-être que j’aurais pu tenir cette prise où beaucoup chutent chez les juniors aussi mais il faut savoir apprécier chaque victoire. Je n’ai jamais trop réussi à m’exprimer en compétition et cette année ça a l’air de mieux marcher alors je suis contente de chaque étape que j’arrive à franchir et je pense qu’il ne faut pas aller trop vite. J’ai encore le temps de ramener la médaille d’or!

Comment est l’ambiance au sein de cette équipe de france jeunes ?

L’ambiance est superbe! On est soudés et là pour encourager les copains qui grimpent. On a fait le voyage avec les bloqueurs et les vitesseux alors c’est encore plus une équipe et ce n’est que le début de cette aventure ! Préparez vous!

Camille Pouget: « Dans mes derniers mouvs, j’ai donné tout ce que j’avais »

Après avoir décroché le titre de vice championne d’Europe de diff en junior hier, Camille Pouget nous a livré ses impressions avant de se lancer sur l’épreuve de bloc… 


Trop contente d’avoir pu m’exprimer au maximum sur la finale de ce championnat d’Europe ! Ça commençait vraiment mal pourtant: dans toute la première section je n’arrivais pas à rentrer dans la voie, je n’arrivais pas à mettre du rythme et je me sentais stressée. Du coup j’avais du mal à avancer et j’ai eu l’impression que je pouvais tomber à tout moment. C’est en me reposant longtemps sur la section du milieu que j’ai pu me reconcentrer et récupérer de la lucidité. Finalement la troisième partie se prêtait bien au fight puisque c’était des petits mouvs avec des prises assez franches. Dans mes derniers mouvs, j’ai donné tout ce que j’avais ! C’était génial…

Les voies proposées étaient vraiment longues (entre 40 et 50 mouvs !) et pour le coup, je me suis beaucoup entraînée sur des voies plus intenses mais bien plus courtes aussi. Je n’avais pas conscience que ce mur serait aussi haut donc j’ai manqué de rési sur chaque run pour pouvoir concrétiser. En qualif et en demi, j’ai eu du mal à me mettre des gros fights et c’est ce qui fait que je termine deuxième (ex-aequo en finale, on a été départagées sur les demi finales avec la Slovène Lucija Tarkus). J’aurais pu gagner le titre si j’avais fait deux prises de plus en demi. Mais honnêtement elles étaient mieux préparées que moi pour ce style de grimpe…

C’était mon dernier championnat d’Europe jeune en diff et je suis fière de l’avoir clôturé par un mega combat, aux côtés de l’équipe de France qui m’a vraiment poussée vers le haut ! Maintenant place au championnat d’Europe de bloc, une première pour moi, j’ai mega hâte !

Nico Pelorson nous raconte l’histoire de l’enchaînement de « Soudain seul »

Fin mars, le bloqueur français Nico Pelorson réalisait « Soudain seul » à Bleau, version en départ assis de « Big Island » que Simon Lorenzi libérait quelques semaines plus tôt en estimant la cotation à 9A bloc. Malgré les 2 ans de travail acharné, Nico proposait de ramener la cotation à 8C+, et de manière très humble puisque son argument principal était de dire que d’autres grimpeurs ont fait des blocs plus durs que lui dans le monde. Ne se considérant ainsi pas comme l’un des meilleurs bloqueurs du monde, Nico ne pouvait se résoudre à laisser la cotation à 9A. 

Pour en apprendre un peu plus sur le long chemin qui a mené Nico Pelorson à la réalisation de ce bloc mythique, nous sommes allés à sa rencontre. 


Quand as-tu mis les chaussons la toute première fois dans « Big Island » ? Quel a été le processus pour venir à bout de la version en 8C ?

La première fois, c’était en 2018. A cette époque, je voulais faire le départ debout du bloc en 8C. Je l’ai réussi en 3 séances alors je me suis dit que je pouvais être un bon candidat pour le départ assis qui était à l’époque un projet.

Qu’est-ce qui t’attirait dans ce bloc ?

Déjà j’adore l’endroit ! C est une petite placette ensoleillée qui comporte un gros bloc (Big Island) qui, lui, est à l’ombre. En plus, le bloc est vraiment sympa a travailler. Ce n’est pas un bloc d’un unique mouvement où l’on fait que échouer au même endroit. Là, le mouvement le plus dur du bloc doit avoisiner le 7B bloc (je sais c’est dur à croire mais c’est bel et bien vrai).

Après avoir enchaîné le 8C, tu as tout de suite pensé à te lancer dans la version en départ assis ? Pourquoi ?

Trouver un bloc pile dans son niveau max (ni trop dur, ni trop facile) n’est pas chose facile. Après avoir fait le départ debout, je savais que j’avais au moins les capacités pour me battre dans un tel projet compte tenu du fait que les mouvements permettant d’aller du départ assis au départ debout avaient pour réputation d’être plus simples que ceux du départ debout.

© Arthur Delicque

Cette version assise aura été ton projet pendant 2 ans, comment fait-on mentalement pour tenir aussi longtemps? Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi ?

On peut aussi voir ça comme 2 ans à essayer l’un des plus beaux blocs du monde dans un endroit paradisiaque…en réalité c’était plutôt sympa. C’était ma p’tite routine d’aller à Big, mettre mes petits essais, discuter avec les potes qui essaient aussi le bloc. Le plus dur peut etre, c’était sur la fin quand j’étais très proche de le faire et que les températures commençaient doucement à remonter. Là, je n’avais quand même pas envie de repasser une troisième année dedans.

Tu as l’air d’être plutôt attiré par les projets sur la durée, et moins par les réalsiations à-vue ou flash, expliques nous…

Oui j’aime bien accomplir des gros projets qui demandent de l’investissement. La fructification de tout l’investissement, c’est ce qui me procure le plus de bonheur. Et puis dans un gros projet comme ça, simplement le fait d’aller un peu plus haut que la fois dernière, ça me rend tout aussi content que d’enchaîner quelque chose de difficile. Après, le à-vue, même en bloc, j’adore aussi. Grimper a l’instinct, faire ce qui nous semble logique… c’est trop cool! Le flash je suis moins fan mais plutôt bon dans l’exercice je pense.

Après l’enchaînement de « Soudain seul », qu’est-ce que tu t’es dit ? Qu’est-ce que tu as ressenti ?

Un immense bonheur bien sûr. Après, je crois que j’ai mis quelques minutes à réaliser l’affaire. C’était tellement devenu une routine d’aller au bloc, de rentrer bredouille en se demandant sur le chemin du retour quel jour je pourrais y retourner… Là, se dire que ça y est, le bloc est fait et je n’allais plus retourner à cet endroit, ça m’a fait un peu bizarre.

Dans l’une de tes vidéos on voit que la première personne que tu veux prévenir après l’enchaînement, c’est ta maman, pourquoi ?

Elle m’emmenait grimper partout quand j’étais p’tit pour me faire plaisir alors il faut bien dire qu’une grande partie de mon niveau actuel, je lui dois. Pouvoir grimper beaucoup en étant jeune, c’est tellement important pour développer des qualités qui persistent je pense. Et puis je trouve ça stylé d’appeler la darone plus que d’appeler une énième personne qu’on voit souvent !

© Arthur Delicque

Lors de cet appel à ta maman, tu parles cotation, et on t’entend lui dire « non mais maman, c’est très dur mais je sais qu’il y en a qui ont fait plus dur que ça », d’où vient cette humilité ? Tu ne te considères donc pas comme l’un des meilleurs bloqueurs de la planète ?

Je ne suis pas forcément humble mais plutôt réaliste et franc quand à mes capacités et sur le fait que je doute fort que « Soudain seul » soit le bloc le plus dur du monde (ou un de ceux…). J’ai reçu beaucoup de critiques sur le fait que je décot’ le bloc. A titre personnel, je n’ai aucun intérêt à décoter un tel bloc. Je serais bien plus reconnu (et riche !!!) en disant que je suis le seul à avoir fait deux 9A bloc (« Soudain seul » et « Nokpote only »). Mais ce n’est pas la vérité et je le sais très bien au fond de moi alors je préfère être franc avec moi même. Du reste, je ne sais pas comment je me considère. Je suis ma p’tite vie où je fais les p’tits blocs qui me motivent, je finis mes études de kiné, je m’entoure de ceux qui comptent pour moi… je ne me prends pas trop la tête avec ce genre de question.

Penses-tu pouvoir encore repousser tes limites ? As-tu un nouveau projet en tête ?

Je pense pouvoir faire un peu plus dur, notement en voie. D’ailleurs, je compte m’investir plus dans les les voies dès mes études de kiné sur Paris terminées (dans 1 mois!!!). Mon prochain projet : la Dura Dura (9b+). J’y ai passé deux semaines cet hiver et c’est assez prometteur.

Un dernier mot à ajouter ?

« On n’écoute pas les critiques… faut jamais écouter les critiques ! »

Corinne Theroux: « En diff et en bloc, la France est la 2ème nation mondiale chez les jeunes »

Après un championnat d’Europe jeunes qui a vu briller nos français avec pas moins de 12 médailles dont 7 titres de champion d’Europe (4 en bloc, 1 en vitesse et 2 en diff), nous avons posé quelques questions à Corinne Theroux, entraîneur national en charge de l’équipe de France jeune de diff.


Qu’as-tu pensé de ces excellents résultats sur ce championnat d’Europe ?

Pour les grimpeurs que j’ai en stage ou qui sont sur le pôle, c’est excellent en bloc comme en diff. Toutes les nations d’Europe étaient là (à part les anglais) donc on peut dire qu’ils ont pu se frotter aux meilleurs jeunes du moment. Pour l’équipe de France Diff, dont j’ai la charge : deux titres, une médaille d’argent et une de Bronze.

C’est mieux qu’attendu car nous n’étions que sept participants suite aux contraintes sanitaires du moment.

Nos jeunes sont bien préparés et ils ont un style différent des autres pays : engagés, combatifs et rapides. Ils prennent plus de risques et rythment leur grimpe.

C’est notre axe de travail depuis quelques années maintenant et ils commencent à en voir les effets. Prendre des risques, accélérer, c’est l’escalade actuelle (celle du futur?).

Et sans oublier que ce sont des grimpeurs très joueurs, Paul et Mejdi ont passé toute la compétition à compter les points entre eux….

Penses-tu que le niveau européen chez les jeunes reflète le niveau mondial ?

En diff et en bloc, la France est la 2ème nation mondiale derrière les japonais et devant les américains, depuis 3 ans maintenant. Le but est de passer première place (le jeu et le plaisir aussi).

Mais il ne faut pas se relâcher et continuer le travail : avec le projet olympique, de nouvelles nations commencent à pointer leur nez comme la Bulgarie ou les Tchèques, par exemple.

Quels sont les axes de progression selon toi pour cette équipe ?

Les axes de progression sont à individualiser. Pour chaque sportif, il faudra insister sur les points faibles et renforcer leurs qualités.

Voilà les grandes lignes du travail que l’on fait avec les jeunes :

  • Grimper à 100 %, tout donner (n’avoir ni excuse, ni regret)
  • Se faire plaisir (mais presque toujours on se fait du mal)
  • Vitesse élevée (parfois max).
  • Rythme et cadence élevés, accélération fréquente, freinage parfois nécessaire
  • Attaquer systématiquement (défendre le plus rarement possible > culture de la prise de risque)
  • Etre combatif (encore un mouv + une prise de plus + …)
  • Reculer le seuil de la douleur.
  • Tout donner (l’énergie économisée, la force économisée, ne servent plus à rien une fois au relais)

Que penses-tu de faire faire aux jeunes leurs armes en sénior ?

Nous emmenons un maximum de jeunes sur les compétitions internationales pour qu’ils se forment et apprenent le métier. Pour les meilleurs, vivre des expériences internationales chez les Séniors est obligatoire mais en faisant des choix, sans en faire trop pour laisser le temps de s’entraîner, de progresser et de se ressourcer.

Faire des allers/retours entre Jeunes et Séniors est nécessaire pour se positionner dans les deux disciplines en vu des Jeux et pour continuer à jouer la gagne !

Un dernier mot à ajouter ?

Passer une semaine avec les trois équipes était une première. Je crois que cela a renforcé cette cohésion d’équipe qui me tient à cœur depuis le début….

Merci à la fédération, à Benjamin Bouissou, Fabien Viguier et aux collègues de la Vitesse et du bloc (Esther Bruckner, Clément Cailleux, Kentin Boulay, Alban Levier).

Bravo et merci aussi aux jeunes qui nous ont donné tellement d’émotions…

Une étoile nous a tous suivi tout au long de cette semaine, elle a dû adorer.

Rencontre avec Oriane Bertone, fraîchement médaillée d’argent à Salt Lake City !

Deux Coupes du Monde à son actif, deux finales consécutives et deux médailles d’argent autour du cou.

Nous savions que la jeune Oriane Bertone, 16 ans seulement, allait frapper un grand coup lors de son arrivée sur la scène internationale senior. Mais nous ne nous attendions pas à de telles prouesses. À travers sa grimpe et sa façon d’appréhender les compétitions, Oriane Bertone nous livre une véritable leçon d’escalade. Elle nous prouve qu’en grimpant avec le coeur, sans se mettre de pression et en se concentrant sur le plaisir de vivre le moment présent, tout est possible.

Au lendemain de sa deuxième place à Salt Lake City, Oriane nous livre ses impressions et la façon dont elle a vaincu l’ensemble de cette Coupe du Monde.

C’était une super compétition, j’avais zéro stress, juste l’envie de grimper et d’en profiter pour gagner en expérience. C’était une vague de qualifications un peu compliquée pour moi, un échauffement un peu mal géré m’a coûté l’efficacité dans les blocs un peu musclés du circuit, et presque mon entrée en demi-finale. Heureusement, je me suis remobilisée mentalement pour être en forme en demi-finale le lendemain et casser du bloc !

Et justement, la vague de demi était un peu plus dans mon style et j’ai mieux géré mon échauffement. J’étais toutefois un peu plus faible mentalement, mais bien plus prête physiquement. Suspense jusqu’à la dernière grimpeuse et passage en finale avec une 6ème place bien stressante.

Enfin une nouvelle entrée en finale, c’était que du bonus, j’avais une super envie et plein d’énergie à déployer ! À la lecture des blocs, je me rends compte que tous sont super dans mon style, c’est incroyable. J’étais motivée à l’extrême, j’avais zéro stress et j’ai fait mon circuit comme à l’entraînement. Et ça a plutôt bien fonctionné 🙂

Un stress de fin et un dernier « combat » avec Brooke pour la deuxième place, je termine super satisfaite de ma grimpe en finale, et j’ai hâte de remettre ça de nouveau la semaine prochaine ! »


Lire aussi | Incroyable !! Nos deux jeunes français décrochent l’argent à Salt Lake City !


Interview: Manu Cornu dresse le bilan de son début de saison

Après trois Coupes du Monde de bloc, nous voici déjà à la mi-saison. L’heure pour Manu Cornu, membre de l’équipe de France, de dresser le bilan de son début de ses trois premières compétitions.

Une 11ème place à Meiringen, une contre-performance lors de la première manche de Salt Lake City où il finissait 35ème et une frustrante 7ème place ce week-end: le français a connu des hauts et des bas depuis le début de l’année. Toutefois, l’ensemble est plutôt positif selon lui et son objectif principal de la saison est toujours dans son viseur, puisqu’il vient de décrocher sa place pour participer aux Championnats du Monde, qui auront en septembre à Moscou.

Parole à Manu Cornu.


Salut Manu ! Tout d’abord, physiquement, comment te sens-tu ? (Manu avait ressenti des douleurs à l’épaule entre les deux manches de Coupe du Monde à Salt Lake City)

Mon épaule ça va, j’ai eu quelques alertes physiques, qui je pense sont liées au voyage, au décalage horaire, à la fatigue, à l’altitude de Salt Lake, mais tout va bien, on a géré le repos, la récup, et je ne me suis pas senti limité sur les compétitions.

Quel suspens haletant en demi-finale ! Si Kokoro Fujii, dernier compétiteur à s’élancer, n’enchaînait pas le dernier bloc, alors tu rentrais en finale pour la première fois cette saison. Après quelques essais infructueux, il finit par valider ce bloc lors de son tout dernier essai, alors qu’il ne lui restait que quelques secondes au compteur. Comment vit-on ce genre de moment, assis sur le banc des spectateurs, quand son destin tient dans les mains d’un concurrent ?

Ce sont des moments compliqués… Ce n’est pas la première fois que ce scénario arrive avec Kokoro, dans une dalle, à la dernière seconde du dernier bloc… On a envie de croire que Kokoro est mon bourreau à ce moment-là, et on aimerait qu’il tombe. Mais en vérité, ma qualif pour la finale, je la perds dans le deuxième bloc, en prenant la zone en 11 essais dans un bloc qui est censé être dans mes qualités. Je n’en veux pas à Kokoro, allez si quand même un peu, mais je m’en veux surtout d’avoir gâché ce bloc 2… On dit souvent que ça se joue à des détails: les détails aujourd’hui, c’est 1 essai de top ou 2 essais de zones. C’est triste, mais c’est comme ça.


L’objectif fixé en début d’année, c’était les Championnats du Monde de bloc, il n’a pas changé


Bilan de ce début de saison: trois Coupes du Monde, deux demi-finales et un top 10 pour Manu Cornu © Vladek Zumr

Qu’as-tu pensé des blocs de finale ? Penses-tu que tu aurais pu t’exprimer dans ces passages ?

C’est dur d’avoir une analyse lucide quand on n’y est pas vraiment, maintenant oui, la finale m’aurait plu. Trois voire même les quatre blocs me correspondaient assez bien. Savoir ce que j’aurais pu faire dans ce tour, je préfère ne même pas y penser. Et on ne le saura jamais.

Avec trois étapes mondiales de passées, nous voilà déjà à la mi-saison. Quelles conclusions tires-tu de ces trois premières Coupes du Monde ?

J’ai un bilan plutôt positif, même si je vise plus haut que ça. Je suis 13ème du classement général en passant à côté d’une des étapes et j’aurais pu passer en finale sur mes deux demies. Je pense donc que je suis dans le vrai, maintenant j’ai du mal à démarrer mes compétitions, les qualifs sont des moments compliqués. On doit travailler plus, pour se donner plus de chance.

Quels sont tes objectifs pour la suite de la saison ? Va-t-on te voir sur des compétitions de difficulté ?

L’objectif fixé en début d’année, c’était les Championnats du Monde de bloc, il n’a pas changé. J’ai décroché ma place ce week-end en finissant dans les huit premiers, donc c’est cool. Je chercherai à prendre ma place pour la diff si je suis prêt et si ça a du sens, ce n’est pas vraiment mon projet aujourd’hui.

Cette équipe de France semble avoir retrouvé un vent de fraîcheur avec l’arrivée de jeunes talents comme Mejdi Schalck ou Oriane Bertone. Quelle est la relation entre ces jeunes et les plus « anciens » ? Est-ce que ça te motive à te surpasser encore plus ?

Il y a vraiment une bonne connexion avec Mejdi, j’essaye de lui apporter mon expérience, il m’apporte sa fougue et son insouciance. Je pense qu’on forme un bon duo, on a envie de se retrouver en finale ensemble, on va bosser pour.

Alors, oui c’est sûr, j’ai l’impression d’avoir rajeuni 😅 Il va faire mal s’il continue sur sa lancée, mais évidemment que je vais me battre pour rester devant lui le plus longtemps possible !

Mejdi Schalck nous parle de son incroyable début de saison !

À Briançon l’été dernier, Mejdi Schalck enflammait la foule, en finale de sa première Coupe du Monde de difficulté. Quelques mois plus tard, il endossait le maillot de l’équipe de France de nouveau, pour faire ses premiers pas en Coupe du Monde de bloc cette fois-ci.

Après une 12ème place à Meiringen, le jeune chambérien de 17 ans faisait sensation quelques jours plus tard à Salt Lake City. Parvenant à entrer en finale pour la première fois, Mejdi réalisait alors l’impensable: se faire une place sur le podium, entre Adam Ondra et Jakob Schubert, deux cadors de la discipline. Une performance incroyable, qui a surpris Mejdi lui-même. Le jeune français ne s’attendait pas à briller aussi rapidement sur la scène internationale senior.

Entretien avec Mejdi Schalck, l’un des français les plus prometteurs de sa génération.


Lors de la première manche à Salt Lake City, tu décrochais ta première médaille en Coupe du Monde. Qu’est-ce que ça fait de monter sur le podium, entouré d’Adam Ondra et de Jakob Schubert ?

Déjà, de participer à une Coupe du Monde avec toutes mes idoles et les dieux de l’escalade, c’est fou ! Mais alors monter sur le podium à leurs côtés, c’est vraiment incroyable ! Je crois que je ne réalise toujours pas ce qui m’est arrivé…

Comment as-tu appréhendé mentalement tes premières Coupes du Monde ? 

Je ne ressentais pas de grosse pression étant donné que c’est loin d’être l’objectif principal de ma saison. Mais j’avoue qu’avant les qualifs, on peut se faire peur quand on voit la liste des inscrits… On se dit que faire une demi-finale serait déjà un miracle, surtout quand on ne connaît pas son niveau par rapport au reste du gratin international, on peut vite penser que les autres sont tous intouchables.

Du coup, globalement, je n’ai pas trop ressenti de pression. Je suis surtout resté focus sur ma grimpe et sur la prise d’expérience pour plus tard.

Un premier podium international pour Mejdi Schalck, aux côtés de ses deux idoles, devenues ses rivaux © Vladek Zumr

Quand on te voit grimper, tu parais insouciant, grimpant essentiellement à l’instinct. Est-ce vraiment le cas ?

C’est vrai que je grimpe principalement à l’instinct, sans trop réfléchir. En général, je n’hésite pas à prendre des risques ! Je pense d’ailleurs que c’est un de mes points forts.


À la base, je visais surtout des performances en seniors dans un ou deux ans, je ne m’attendais pas du tout à une telle réussite dès cette année ! »


D’une manière générale, comment analyses-tu ton début de saison ? 

Globalement, je suis vraiment content de mes résultats sur ce début de saison, étant donné que faire une demi-finale me paraissait déjà être un exploit ! J’ai vraiment une chance énorme de pouvoir participer aux Coupes du Monde de bloc, même si à chaque fois, il y a toujours un peu de regrets en demi, car la finale se joue à rien. J’ai aussi rempli mon objectif principal que je m’étais fixé en début de saison: être double champion d’Europe jeune, de bloc et de difficulté.

Pour les points à améliorer, je pense qu’il me manque un peu de physique. C’est l’un de mes points faibles pour l’instant. Et je dirais aussi progresser dans ma gestuelle, dans différents types de mouvements, différents types de placements, que je ne maîtrise pas encore parfaitement.

Une grimpe intuitive et relâchée, qui fait la force de Mejdi Schalck © IFSC

Tu pointes actuellement à la 5ème du classement général des Coupes du Monde. T’attendais-tu à réussir aussi brillamment ton entrée sur la scène internationale senior en bloc ?

Non absolument pas ! C’est vraiment une surprise pour moi. À la base, je visais surtout des performances en seniors dans un ou deux ans, je ne m’attendais pas du tout à une telle réussite dès cette année !


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La saison de difficulté va bientôt débuter: va-t-on te voir à l’international dans cette discipline également ?

La diff est aussi importante que le bloc pour moi, je serai donc présent sur la saison internationale. Je participerai aux Coupes du Monde de Villars, Chamonix et Briançon. Pour Innsbruck, je préfère y aller uniquement pour le bloc.

Un début de saison renversant pour Mejdi Schalck, qui n’en revient pas lui-même © Vladek Zumr

Quels sont tes objectifs pour la suite de la saison ?

Pour la suite de la saison, même si je ne connais pas mon niveau par rapport au niveau senior en diff, je me fixe l’objectif de faire une finale en Coupe du Monde, et je pense qu’un podium est accrochable. L’objectif premier reste le double titre de champion du Monde jeune en août, en Russie.

Et à plus long terme, quel est ton rêve de grimpeur ?

J’aimerais faire partie des meilleurs grimpeur du monde, même si le chemin est encore très long. Et comme tous les grimpeurs qui font de la compétition, un de mes rêves à long terme ce sont les Jeux Olympiques de 2024, à Paris.

Eco-responsabilité dans le textile: comment transformer les mots en actes? SNAP répond à nos questions…

Alors que de nombreuses marques se lancent dans le textile « éco-responsable », nous avons voulu en savoir plus sur cette démarche. C’est dans cette optique que nous avons envoyé quelques questions à Gregoire De Belmont, directeur général de Arkose&Co qui a racheté SNAP en 2017, et qui oriente la marque et notamment sa gamme textile vers une production éco-responsable. 


Peux-tu nous faire un petit rappel historique de la marque SNAP ?

Née dans les années 90 à Chamonix, SNAP est une marque française d’équipements et de vêtements d’escalade qui s’est faite remarquer pour sa vision indépendante et innovante. SNAP est à l’origine de nombreuses inventions : dégaines à doigt fils, crash pads pliables en quatre, système d’amorti Air Technology, etc. Aujourd’hui la marque a migré à Annecy et crée les codes d’une néogrimpe spontanée, un mode de vie décomplexé entre ville et nature.

Quand a-t-elle été reprise par Arkose, et pourquoi ?

En 2017, Patrick Delozanne, le fondateur de SNAP décide de revendre les 2/3 de SNAP au groupe arkose&co, tout en restant Directeur Général et responsable des produits d’escalade. Cette alliance permet à la marque de grimper plus haut : développer son offre commerciale sur le textile et la bagagerie, créer une gamme de prises avec SNAP HOLDS et surtout prendre un tournant écologique. Ces nouvelles ressources ont également permis d’agrandir le réseau de distribution, à l’étranger et en France notamment au sein des blocpark Arkose, où la marque se positionne aux côtés des noms les plus établis dans l’industrie.

Quelle est la ligne directrice de SNAP aujourd’hui ?

Intégrer l’éco-conception de plus en plus tôt dans le développement de nos produits tout en répondant aux besoins d’une nouvelle génération de grimpeurs qui cherchent à concilier style et technicité.

On parle pas mal d’éco-responsabilité dans le textile, mais ce n’est pas toujours simple de transformer les mots en actes, qu’en est-il pour SNAP ?

Depuis 2017, 100% des matériaux qu’on utilise sont plus respectueux de l’environnement que des matériaux standards. Nous privilégions un sourcing naturel: coton bio, chanvre, tencel (cellulose de bois), laine mérinos… Pour l’élasticité des pantalons, indispensable à la grimpe, personne n’a encore inventé de matière 100% écologique, donc nous avons fait développer des tissus qui allient l’élasthanne à des matières naturelles ou recyclées. C’est un casse-tête et un frein au développement de certains produits mais c’est un travail passionnant de recherches et un fondamental pour la marque.

Notre effort de recherche ne se limite pas aux vêtements et englobe bien la totalité des produits. Les moyens supplémentaires que nous apporte le groupe arkose&co nous permettent d’aller encore plus loin: réalisation d’un bilan carbone en 2020 qui nous a permis d’identifier les principales sources de pollution de nos produits, ainsi que l’investissement dans un outil d’analyse du cycle de vie dont le but est d’optimiser l’impact environnemental de chacun de nos produits.

Le marché de l’occasion est en plein boum ces dernières années, et notamment pour le textile. Lorsqu’on est une entreprise comme SNAP qui produit des fringues (et que la rentabilité passe forcément par le taux de vente), mais qu’on a en même temps une vision éco responsable et qu’on doit donc soutenir le « seconde main », comment ne pas se faire des noeuds au cerveau ?

C’est difficile de se proclamer écolo et d’être drivé par les ventes évidemment, mais notre mission est surtout de chercher à fabriquer les produits les plus durables possible afin de favoriser leur seconde vie. Pour éviter la surconsommation on insiste aussi sur la réparation textile/bagagerie/crash pad. SNAP étant basé à Annecy, on travaille avec un atelier de réparation du coin qui répare les produits abimés au lieu d’en renvoyer un neuf lorsqu’ils sont trop usés et nous comptons bien étendre ce service à de plus en plus de pays.

L’un des problèmes du textile aujourd’hui, et notamment chez certains grand groupes, ce sont les multi-collections annuelles qui poussent à consommer toujours plus. Ton avis la dessus ?

Bien sûr chez SNAP nous sommes totalement contre la fast fashion. C’est clairement l’idée de notre positionnement : miser sur des gammes intemporelles en réfléchissant soigneusement au choix des couleurs et aux formes pour créer des pièces faciles à garder d’année en année.

On commence à voir quelques forts grimpeurs sponsorisés par SNAP, sont-ils tous sélectionnés en fonction de leurs idées éco citoyennes ?

Oui, l’ambassadeur SNAP doit se déplacer à vélo et ne jamais mettre un pied au Mc Do ! Je caricature légèrement mais c’est presque ça : être passionné de grimpe ou d’un autre sport outdoor, être en phase avec les valeurs écologiques de SNAP, représenter la dualité d’un mode de vie équilibré entre ville et nature.

Un dernier mot à ajouter ?
SNAP reste une toute petite boîte de 7 personnes, ce qui est très peu si on se compare ne serait-ce qu’à des marques comme Picture, mais c’est beaucoup quand on sait qu’en 2017 Patrick était encore tout seul! Forcément on a un travail immense à réaliser mais on a hâte de développer tous les projets qu’on a en tête !

Salomé Romain: « Je n’ai pas su piloter la machine correctement en demi-finale »

Alors que l’étape de coupe du monde de Chamonix vient de se terminer, Salomé Romain a accepté de revenir sur sa compétition et plus particulièrement sur sa voie de demi-finale qui l’a stoppée dans son élan. Pourtant, Cocotte, comme on l’appelle dans le milieu, semble bien en canne et au niveau pour entrer en finale de coupe du monde. Peut-être dans quelques jours à domicile sur l’étape de Briançon? À suivre… 

J’avais vraiment un très bon état d’esprit sur cet évènement, ma grimpe était posée, précise. Je me sentais puissante et mes runs en qualifications le confirment. Malheureusement je n’ai pas su piloter la machine correctement en demi-finale. La voie était vraiment d’un niveau très peu élevé, je dirais 8a ou 8a+ maximum, et je n’ai pas su adapter mon escalade à ce niveau. C’est à dire que j’ai grimpé comme en qualification : dynamique, engagé… Cela m’a permis d’engloutir les 3/4 de la voie sans difficulté, mais là haut, lorsqu’il a fallut justement poser son escalade, changer de rythme, changer de style, je n’ai pas su le faire et cela m’a valut la chute alors que j’étais encore bien fraîche. La voie était trop facile, les ouvreurs en ont bien conscience et le regrettent beaucoup, mais la faute viens principalement de moi… Je me suis tellement entraînée dans des choses dures, d’un niveau d’intensité élevé, que quand je me retrouve dans des voies faciles comme hier soir, je me rends compte que je ne sais plus faire. Il me reste donc à bien adapter les curseurs et piloter la machine bien mieux que ça pour la compet’ suivante dans quelques jours.

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