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Brésil : Grimpe sur fond de carte postale et leçon de vie

Notre ambassadrice PG, Svana Bjarnason, a embarqué il y a quelques mois sur le voilier Maewan (plus d’infos ci-dessous) direction le Brésil pour un projet escalade, surf et ateliers environnementaux et éducatifs avec des jeunes défavorisés. Elle nous raconte son périple hors du commun. 


Mai 2021. Le virus du COVID 19 bat son plein. Le nombre de cas augmente dans le monde entier et les variants exotiques font rage. On dit que la situation au Brésil est catastrophique. Et pourtant, lorsque j’apprends qu’Erwan (Le Lann) cherche des gens pour son prochain projet avec le voilier Maewan, au Brésil donc, je m’empresse de lui dire que je suis motivée. Un trip combinant ateliers environnementaux et éducatifs avec des jeunes défavorisés, escalade et surf (mes deux sports préférés au monde), au Brésil (un pays que j’avais adoré lorsque j’y avais été il y a quelques années), le tout en vivant sur un voilier ? J’avoue que je n’ai pas hésité très longtemps, c’était une de ces opportunités qui ne se reproduisent pas. Beaucoup ont désapprouvé, d’autres non, en ayant autant marre que moi de ce satané virus. Qu’importe, c’était ma décision et je ne la regrette pas une seule seconde. Je n’ai jamais eu le sentiment de risquer plus au Brésil qu’en France et d’ailleurs tout s’est très bien passé et personne n’a été malade.
Le porteur de ce projet (et ce qui aura été ma maison pour 3 semaines et demi) c’est le bateau et association Maewan, et plus précisément Erwan Le Lann (capitaine du bateau) et Marion Courtois (présidente de l’association). Si vous n’avez jamais entendu parler de cette asso je vous invite vivement à visiter leur site. Sa mission ? « Repositionner l’homme au cœur de son environnement pour répondre à un enjeu : Comment bien vivre ensemble dans un espace aux ressources limitées ?« . Support d’actions éducatives et environnementales animées par des sportifs de renommée, Maewan navigue autour du monde depuis maintenant 6 ans et demi. Le but est de s’arrêter dans des lieux précis afin de combiner pratiques sportives et actions locales, éducatives et/ou environnementales.

En juin 2021 le voilier est au Brésil, n’attendant que son équipage pour une aventure depuis Florianopolis jusqu’à Rio de Janeiro. Pour ma part j’ai rejoint le bateau aux abords de São Paulo. Pour cette étape brésilienne, l’équipage était initialement composé de Erwan, Marion, Monica Dalmasso (photographe), Juliana Petters (grimpeuse Brésilienne vivant actuellement au Yosemite), Lani, sa fille de 11 ans et moi-même. Ensuite à Rio nous fûmes rejoints par Antony Newton et Pablo Signoret (tous deux high liners et base jumpers) ainsi que Julie Mailhé, une française vivant au Brésil, experte du climat et travaillant pour des ONG.

Première étape – Ilha Bela

Fin juin 2021, fraîchement vaccinée, je m’envole donc pour São Paulo, mon ordre de mission avec Maewan et une bonne cargaison de masques dans la poche. Julie me récupère à São Paulo et, avec une de ses amies, nous prenons directement la route pour Ihla Bela, une petite île à quelques heures de route. C’est là que j’embarquerai sur Maewan, censé arriver le lendemain. Après une petite moqueca végétarienne, une baignade dans l’océan au coucher de soleil, une caipirinha (il faut bien se mettre dans le bain), et une tonne d’anti moustique local (cette île est peuplée de moustiques sortis droit des enfers, il faut vraiment un produit spécifique et il faut en remettre toutes les 2 heures. Sinon voilà le résultat (cf. photo), des boutons par dizaine qui démangent pendant plusieurs semaines), nous nous endormons dans une charmante pousada. Un réveil très tôt avec le décalage horaire, un petit déjeuner local avec un suco de abacaxi à tomber (jus d’ananas), puis nous retrouvons le voilier et l’équipage au Yacht club de Ilha Bela.

Ma première impression du bateau ? « C’est super petit, comment on va tenir à 6 là-dedans pendant 4 semaines ? Et pourquoi derrière les portes où il est écrit douche et WC il y a plein de matos et aucun équipement sanitaire ? Et pourquoi ça bouge AUTANT ?! » Bref je me dis que je ne vais jamais survivre. Mais finalement tout s’est passé à merveille, il faut juste s’habituer ! Bon j’avoue que le premier soir je n’ai pas fait la maline, j’ai refusé l’offre resto et caipirinhas et ai décidé de rester seule avec Maewan pour faire plus ample connaissance, en tête à tête. J’ai tenu environ 3min45 à l’intérieur avant d’avoir envie de vomir et de sortir sur le pont. Heureusement j’étais partie avec le remède magique dans mes affaires : la Nautamine. Des cachets contre le mal des transports qui m’auront sauvé le trip. Vraiment très efficaces, je recommande ! Cela aura tout de même pris une bonne semaine avant que je puisse rester assise à l’intérieur et 2 semaines avant de pouvoir couper des légumes (la tête baissée c’est la pire position). En revanche, il aura suffi d’une nuit pour avoir le mal de terre et 1min15 sur le haut du mat pour re-avoir le mal de mer. Mais c’est le jeu lorsque l’on vit sur une maison flottante !

Nous avons passé quelques jours sur l’île, à espérer trouver quelques spots encore vierges de toute ascension. Malheureusement nous n’aurons pas réussi, étant bloqués dans un périmètre assez restreint au Nord et Ouest de l’île, à cause des vents et du swell. Nous aurons quand même grimpé quelques blocs dans un environnement paradisiaque, mais rien d’incroyable. Pour info il existe un topo des spots de bloc sur l’île.

Deuxième étape – Ubatuba et Parati

Après ce temps d’exploration notre envie de grimper – pour de vrai – commençant à se faire ressentir, nous mettons le cap sur Pontão da Fortaleza, le petit paradis brésilien du bloc. Situé à Ubatuba, au bout de la plage de Fortaleza, cet endroit nous en met plein les yeux et l’arrivée en bateau rend ces moments encore plus magiques. Le rocher est incroyable, l’environnement exceptionnel et nous grimpons sur des blocs de pure qualité. Le grain est plus que broutant, la peau a rapidement mauvaise mine. Cependant, ne pouvant y rester que deux petits jours, nous essayons de grimper à fond et nous ne savons plus où donner la tête tant nous voulons tout essayer. La session coucher de soleil fut mémorable, la chute à l’eau d’Erwan arrivant sur le spot en paddle aussi. Bon à savoir, il y a plus de 100 passages ouverts et il existe également un topo. C’est un spot que je recommande vivement, je ne suis pas une grande amatrice de bloc à la base mais cet endroit m’a réellement donné envie d’y passer plus de temps.
Nous nous dirigeons ensuite vers la ville de Parati, située au sud de l’Etat de Rio de Janeiro, sur la Costa verde. Parati est une petite ville historique, témoin de l’époque coloniale portuguaise. L’architecture y est magnifique, des maisons colorées séparées par de larges rues pavées dans lesquelles s’engouffre l’eau lors des grandes marées et inondations. Le port est rempli de bateaux tous plus colorés les uns que les autres, l’endroit vaut vraiment le détour, il est très agréable de s’y balader. Anecdote marquante, il paraît que les rues étaient pavées comme cela pour empêcher les esclaves de s’enfuir. Effectivement je ne vois pas quelqu’un courir dans ces rues, il est déjà très difficile d’y marcher sans trébucher (et je n’ose même pas imaginer après quelques capirinhas).

Pour la petite histoire j’avais été il y a quelques années, en tant que touriste, et je me souvenais de blocs énormes sur la plage de Cepilho, sans toutefois savoir s’ils étaient grimpables ou non. Cepilho étant également un gros spot de surf nous décidons de nous y rendre afin de combiner escalade et glisse dans la même journée. C’est ainsi qu’un matin, nous partons du bateau en annexe puis prenons le bus à Parati, bien encombrés avec nos planches de surf, les affaires d’escalade, la crème solaire et le crash-pad. Il y a effectivement un énorme champ de blocs sur la plage mais malheureusement peu de possibilités de grimpe, le grès étant bien trop lisse. N’étant pas du genre à se laisser abattre, Erwan et moi enfilons tout de même les chaussons et nous amusons sur quelques blocs, dont cette belle fissure en high-ball. Ayant encore un peu d’énergie en nous, nous troquons ensuite les chaussons pour la combi pour une petite session de surf, suivie de quelques pão de queijo les pieds dans le sable.

Troisième étape – Secret spot

Pour cette troisième étape, le but était d’explorer un endroit découvert par Juliana quelques années auparavant, et de voir s’il était possible d’y développer un spot de voies. Nous arrivons sur place un matin, après une difficile remontée d’ancre (à la main, le petit plaisir d’Erwan) et une longue nav de nuit. Ayant fait mon quart assez tard je mets un peu de temps à émerger mais, lorsque je sors sur le pont, je n’en crois pas mes yeux. Cette falaise que nous apercevons est époustouflante. Nous sommes trop éloignés pour savoir si le rocher est bon ou pas, mais nous sommes super excités à l’idée d’aller voir. Erwan décide d’envoyer le drone pour déterminer la hauteur de la face, que nous approximons à 350 m. De quoi faire ! S’en suivent ensuite plusieurs jours dans les environs à explorer, discuter avec les locaux pour savoir comment accéder au pied de la falaise. Notre première option était de passer par la mer, en accostant au pied d’une dalle pour tenter de se frayer un chemin dans la jungle jusqu’au mur. Finalement, après discussions avec des pêcheurs locaux, nous réalisons qu’il y a une sorte de chemin qui mène au sommet et pourrait éventuellement servir pour aller au pied. Une première team composée de Juliana, Erwan et Monica décide d’ouvrir le bal et de s’y rendre, accompagnés par des locaux et des machettes. La conception brésilienne du chemin est légèrement différente de la nôtre puisqu’ils avanceront très lentement, au rythme de la machette coupant la tonne de branches, arbres, herbes et autres végétaux fous de la jungle. Erwan s’en donne à cœur joie, se sentant tout à fait dans son élément avec sa machette, trouvant n’importe quelle excuse pour décapiter la moindre branche dépassant. Arrivée au sommet la team hallucine. Un mélange de rocher noir, mousse verte fluo, cactus saillants et mer bleue en contrebas, les contrastes sont saisissants, c’est une vision magique. Pas de possibilité d’atteindre le pied de la falaise mais le bartassage dans la jungle en valait largement le détour.

Le lendemain, Erwan est déterminé pour refaire une tentative, ayant repéré un début de semblant de chemin pouvant éventuellement mener à notre Graal. Monica et moi l’accompagnons, et le roi de la machette fait son grand retour, se régalant pour nous créer un chemin. Mais la partie de rigolade est de courte durée et notre espoir s’en va lorsque nous arrivons au milieu de la jungle très sombre, remplie d’arbres beaucoup trop hauts et de lianes beaucoup trop emmêlées. Impossible de se repérer, nous avançons à tâtons, en marquant notre chemin via des coups de machette sur les écorces pour ne pas passer la nuit au milieu de la jungle. Finalement, après plusieurs heures et tentatives d’abandon, notre persévérance est récompensée car nous apercevons enfin un bout de rocher ! Du rocher noir strié de fissures horizontales, le tout formant de magnifiques dalles noires qui pourraient être grimpables si elles n’étaient pas couvertes de mousse. Avec un bon nettoyage, nous nous disons qu’il serait tout à fait envisageable d’équiper de belles lignes. Nous longeons encore la falaise en descendant, jusqu’à arriver à un point où nous ne pourrons aller plus loin. Le rocher que nous apercevons est hallucinant, complètement différent de son voisin. Nous faisons face à des sortes de taffoni s’étendant sur une longueur indéterminable. A côté un beau mur vertical qui pourrait être rempli de réglettes. N’ayant aucun matériel avec nous, il nous est malheureusement impossible de nous approcher plus (nous ne voyons qu’une infime partie de la face) et donc difficile de déterminer à quel point c’est grimpable ou pas. Mais au vu du rocher nous ne doutons pas que le secteur pourrait devenir un spot de dingue, avec beaucoup de matos, de nettoyage et de volonté. Pour le prochain trip Maewan ? En tout cas nous gardons ces images au coin de la tête, en espérant que cela mène à quelque chose un jour. Le dernier jour nous ne résistons pas à l’envie de retourner au sommet de la falaise, pour montrer l’endroit à ceux qui n’ont pas été et pour profiter une dernière fois de cette atmosphère irréelle.

Quatrième et dernière étape – Rio de Janeiro

Des étoiles plein les yeux, nous repartons en fin de journée direction Rio de Janeiro, ultime étape du trip. Nous avons environ 16 heures de navigation devant nous et du swell de travers, la nuit risque d’être longue. Heureusement les températures sont encore douces même en pleine nuit, les cuistots nous font un repas 3 étoiles, la mer est remplie de plancton phosphorescent qui s’illumine dans la trainée du bateau et les dizaines de cargos géants sont trop loin pour nous embêter. La traversée se passe donc sans encombre, et nous nous régalons des desserts lyophilisés Lyofood sous un ciel étoilé bien différent de notre ciel français.

Après 2 semaines passées dans des endroits peu, voire pas fréquentés, au milieu de la nature sans autre bruit que celui du clapotis de l’eau, l’arrivée sur Rio est écrasante. D’autant plus que nous posons le voilier au Yacht Club de Rio, au pied du Pao de Azucar et donc dans un endroit plutôt surpeuplé. J’avais passé 10 jours à Rio il y a 6 ans, sans y grimper mais j’en avais gardé un très bon souvenir, étant plutôt une fille de la ville à la base. Ce mélange d’urbanisation, de jungle, d’océan et de montagne m’avait paru à l’époque assez incroyable, le sentiment n’avait pas changé.

Cette fois-ci nous avions un beau programme : escalade dans la ville et ateliers éducatifs et environnementaux dans la favela de Babilonia et Chapeu Mangueira, située à proximité de notre voilier. Pour un peu d’histoire, les premières favelas datent de 1897, créées par les soldats fraichement rentrés de la guerre. Supposées être un lieu de vie provisoire, ces constructions en pleine colline sont pourtant toujours présentes de nos jours. Ces communautés tiennent leur nom d’une plante, la favela, qui était à l’époque très présente dans la région. Les favelas ont mauvaise réputation à l’étranger mais aussi dans leur propre pays. Constructions précaires, misère, insalubrité, violence et j’en passe. Alors oui, tout cela est vrai et pourtant j’ai découvert dans la favela de Babilonia et Chapeau Mangueira un monde merveilleux, coloré, vivant, dynamique, joyeux et plein de chaleur humaine. Il est vrai que certains jours sont agrémentés de tirs de balle, de cris de peur et douleur, mais les nôtres furent plutôt accompagnés des cris de joie des enfants, de rires et d’étoiles dans les regards.

Notre favela est séparée en deux parties, la partie Babilonia et la partie Chapeau Mangueira. Elles sont chacune dirigées par un cartel de drogue et comme ils le disent là-bas, au milieu se trouve le troisième cartel, les policiers corrompus. De nuit comme de jour, il y a en permanence une voiture de policiers à l’entrée de la favela, gyrophare clignotant et fusils apparents. La favela, c’est un art de vie purement brésilien, une expérience unique. Je suis infiniment reconnaissante d’avoir pu vivre cette aventure avec les locaux.

Le but de notre mission était de réaliser des ateliers éducatifs et environnementaux avec des enfants de la communauté, les sensibiliser à l’éco-citoyenneté. En parallèle nous allions aider des adultes (également de la favela) à monter des projets professionnels / sportifs. Pour ce séjour nous avons travaillé avec deux associations locales, Favela Sonha et Mawon du Monde, qui nous auront beaucoup aidé dans ce projet.

La veille de notre premier jour d’intervention, nous avons rencontré deux des dirigeants de Favela Sonha, Nativo et Daniel. Ils nous ont mis dans le bain tout de suite en nous montrant des vidéos très violentes, où l’on voyait des tirs de balle, des femmes pleurant et des mares de sang dans les escaliers. Ma première impression de cette favela a donc été de la crainte. Je savais que nous avions la protection du cartel, nous avions toutes les autorisations pour intervenir dans la communauté mais j’avoue qu’en voyant cela je me suis demandée ce que je faisais là. Pourtant le lendemain matin, lorsque nous sommes arrivés au gymnase où nous allions travailler, toute crainte s’est évanouie d’un coup en voyant tous ces enfants aux visages rieurs, jouant avec tout et n’importe quoi et essayant tant bien que mal de nous dire bonjour en français. A partir de ce moment-là tout n’a été que bonheur et une grande leçon de vie. La semaine est rapidement passée, dans la joie et la bonne humeur avec des enfants pleins d’énergie et des adultes très motivés par notre intervention. Nous avons pu faire une session de surf avec les enfants car un club de surf a été monté dans la favela, le Leme surf club, dirigé par Wendel. J’ai aussi réussi à trainer Erwan pour quelques sessions de surf aux aurores avec Lula et Bimba, deux enfants de la favela sur-motivés. Nous avons également pu faire grimper quelques enfants à proximité de la communauté, au bord de la plage. Une première pour eux et ils se sont régalés ! Pendant que certains grimpaient d’autres surfaient ou sautaient dans l’eau, toujours en riant.

Cette semaine s’est terminée par une expérience unique pour tous, la vision de Pablo et Anto marchant sur une highline installée au-dessus de la favela. Une première à Rio de Janeiro. L’organisation fut très compliquée, il a fallu demander plein d’autorisations et jusqu’au dernier moment nous n’étions pas sûrs de pouvoir installer la highline. Pourtant, à force de détermination et de négociations Erwan, Pablo et Anto ont réussi à trouver une solution et monter cette sangle au-dessus de Babilonia, aidés par les locaux. C’est un moment dont je garde un souvenir très émouvant car tout le monde était dehors pour les regarder, tout le monde s’est arrêté de vivre pour les encourager, même les policiers. Il y avait une ambiance de folie, tout le monde criait, c’était unique et magique. Je revois encore les regards impressionnés des habitants de la favela. S’en est suivie une soirée mémorable de fin de séjour, sur le rooftop à l’arrivée de la highline. Coucher de soleil, vue sur tout Copacabana et j’ai même pu prendre les platines avec Fred, un suisse exilé au Brésil. Bref, une expérience exceptionnelle et inoubliable.

En parallèle de cette aventure dans la favela, nous avons tout de même profité de tout moment de break pour aller tater le rocher de Rio. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on n’a pas été déçus ! En un week-end nous avons pu faire une session de bloc de nuit, une grande voie sur le Pain de sucre et une session de couenne. Et tout ça sur du rocher de dingue, j’ai vraiment été étonnée par sa qualité. Rio est une ville qui offre énormément de possibilités de grimpe, sans jamais devoir aller trop loin. Depuis le yacht club il était possible d’aller faire du bloc ou des grandes voies à pied.

Pour aller au secteur de couennes, Barrinha, cela nous a pris environ 25 min en uber (et un prix ridiculement bas). Ce spot est petit mais la grimpe y est magnifique, plutôt de type rési sur petites prises, pour pas mal de voies dans le 8. Malheureusement les conditions étaient très moyennes lorsque nous y avons été, nous n’avons pas trop pu nous exprimer avec la chaleur et l’humidité. Mais je garde en tête quelques belles voies à cocher avec des températures plus fraiches !

Concernant les grandes voies j’ai pu en faire deux sur le pain de sucre, dont la célèbre et classique Via dos italianos + Segundo, 270 m de pur granite en 6a max. Sur les conseils des locaux (vu que nous y allions un week-end), nous sommes partis très tôt afin d’éviter de faire la queue dans la voie. A 5h30 c’est donc peu réveillés mais motivés que Marion, Erwan, Monica, Victor (un grimpeur local) et moi-même sommes partis en direction de Pain de sucre. Nous avons fait la marche d’approche dans le noir et sommes arrivés au pied de la voie au lever du soleil, un timing parfait. Et là, encore une fois, nous en avons pris plein la vue. Les longueurs étaient toutes plus belles les unes que les autres, celles en 6 pas si évidentes et la vue était juste indescriptible. Et quel plaisir d’arriver au sommet du célèbre Pain de sucre sans avoir pris le téléphérique comme tous les touristes ! Pour ma part j’ai profité d’une après-midi de libre pour faire une autre grande voie sur ce Pain de sucre, cette fois-ci de l’autre côté, en face Nord. Une voie plus courte et parsemée de plantes mais également superbe à grimper. Des pures dalles en 5, dans lesquelles il fallait impérativement savoir poser les pieds.

Enfin, côté bloc, nous avons été très agréablement surpris par notre séance nocturne au pied du Pain de sucre. Ayant eu vent d’une session organisée par les locaux, nous avons décidé de les rejoindre un soir. Il aura été très compliqué de trouver les blocs, il fallait d’abord entrer illégalement dans le parc Urca gardé par les militaires. Après hésitation nous avons donc escaladé le portail fermé et nous sommes engagés sur le chemin, sans trop savoir ce que nous faisions. Après coup nous avons su que le parc fermait mais que les grimpeurs et pêcheurs étaient tolérés la nuit et que nous ne risquions donc rien. Trouver les blocs tout seuls aurait été impossible pour nous dans la nuit noire, n’ayant jamais été auparavant.  Heureusement nous sommes tombés sur des grimpeurs qui rentraient de grande voie et qui nous ont gentiment accompagnés aux spots, où nous avons retrouvé la bande de bloqueurs locaux. S’en est suivie une session de grimpe à la frontale, dans une atmosphère humide mais très agréable et divertissante. Les blocs ne payaient pas de mine de nuit mais étaient en réalité super à grimper, je recommande !

Je regrette un peu de ne pas avoir eu plus de temps libre à Rio car cette ville m’a vraiment fait bonne impression pour la grimpe. Je ne m’attendais vraiment pas à cela, trouver autant de spots au milieu de la ville, qui plus est sur du rocher de telle qualité. Et le fait qu’il y ait de tout, bloc, grande voie, couenne, trad, est encore plus motivant. J’ai déjà envie de réorganiser un trip de grimpe là-bas, et dans le reste du Brésil.

Deux mois après être rentrée de Rio, j’ai encore du mal à atterrir. Je suis rentrée de cette aventure avec des étoiles plein les yeux et super inspirée. Il est difficile de mettre des mots sur ce qu’on a vécu dans la favela, mais j’en garde un souvenir de dingue. Les enfants et adultes que l’on a rencontrés étaient tout simplement époustouflants, avec une énergie incroyable, une motivation à toute épreuve et toujours le sourire aux lèvres. Ce sont nous, avec Maewan, qui étions venus leur apprendre des choses sur l’écologie, sur comment mener à bien un projet et poursuivre ses rêves, mais eux nous auront appris tout autant. Entendre ces rires jour après jour, malgré la violence et la misère dans laquelle ils vivent, c’est plus qu’inspirant. Cela aura été, je crois, une expérience très enrichissante pour nous tous. Merci du fond du cœur.

Je profite de cet article pour remercier mes partenaires sans qui ce trip n’aurait pas été possible : Edelrid, Looking for Wild, Tenaya et Planetgrimpe. Merci également à Symbioz et Looking for Wild pour les cadeaux pour les enfants (casquette, tee-shirts et sacs à pof qui, s’ils ne serviront évidemment pas pour l’escalade, ont direct été adoptés en tant que sacs à main !). Merci aussi à Nutripure pour des compléments alimentaires qui vont permettre à un sportif de la favela d’améliorer ses capacités.

Soja omniprésent : quelles conséquences pour la santé du sportif ?

Reconnu pour la qualité de ses protéines, le soja est entré progressivement dans les garde-manger pour ensuite coloniser les cantines en remplacement de la viande, y compris dans certaines écoles maternelles. Du côté des sportifs, le soja est un ingrédient devenu quasiment incontournable des compléments alimentaires promettant performance ou meilleure récupération.
Il faut dire que lorsqu’il entre dans la composition d’un complément, son origine végétale est systématiquement mise en avant tandis que le marketing se charge d’indiquer « naturel » et « végétarien », deux termes qui sont fortement connotés « sans danger », voire « santé ».

Pourtant, le soja et ses dérivés sont soupçonnés d’entraîner des perturbations importantes du système endocrinien chez les hommes comme chez les femmes. Dans les années 70, les premières études portant sur le soja se sont focalisées sur sa richesse en isoflavones – qu’on nomme aussi phyto-oestrogènes – et leur intérêt dans la prévention de l’ostéoporose et du cancer du sein.
Cependant, des études complémentaires ont montré que ces composés ont la capacité de bloquer ou favoriser la sécrétion d’œstrogènes en fonction des differents tissus ou organes concern’s, des doses et de l’âge des sujets concernés. En d’autres termes, la consommation de soja a la capacité de perturber le système endocrinien, ce qui a conduit l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) à recommander d’éviter la consommation de soja et de ses dérivés par les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans.

La population générale ainsi que les sportifs sont tout autant concernés par les perturbateurs endocriniens, la recommandation auprès des populations dites vulnérables étant simplement un principe de précaution de base.
L’étude Siepmann et son équipe, parue en 2011 dans la revue scientifique Nutrition met en évidence le lien entre la consommation de grandes quantités de soja et les troubles de l’érection [1]. Une étude plus ancienne, menée par Kalman en 2007 et complétée par les travaux de Borrione publiés en 2012 dans le Journal of the International Society of Sports Nutrition [2], montre que le taux d’oestrogènes est anormalement augmentés chez les sportifs [3] qui consomment des suppléments alimentaires à base de soja. Ce dernier conclut d’ailleurs sur la nécessité d’engager des études à moyen et long terme afin d’en connaître la toxicité et les dommages sur les organes.

En effet, les cancers hormono-dépendants et les anomalies de la fertilité sont des processus longs à se mettre en place, il suffit de se pencher sur le scandale du Distilbène pour en avoir un aperçu[4].
Actuellement, la difficulté d’émettre des préconisations pour toutes les catégories de population provient en premier lieu du mode d’action des oestrogènes et donc des isoflavones, dont l’effet ne peut être prédit qu’en connaissant la dose circulant dans l’organisme.  Les études parlent de la consommation d’une « grande quantité de soja » or il est quasiment impossible d’estimer la teneur moyenne en phyto-oestrogènes des aliments contenant du soja. En effet, la variation peut aller de 1 à 100 entre deux produits issus du même lot de fabrication. En cause : les procédés industriels de fabrication qui réduisent le temps de trempage des fèves de soja.

Le trempage et le rinçage sont des habitudes traditionnelles qui, on le sait aujourd’hui, évacuent les isoflavones. Cela explique d’ailleurs comment les populations asiatiques ont pu consommer du soja pendant des siècles sans problème particulier. Mais actuellement, on peut par exemple retrouver jusqu’à l’équivalent d’un comprimé de pilule contraceptive dans 15 ml (une cuiller à soupe) d’huile de soja, ce qui est loin d’être anecdotique. De plus, la consommation de soja n’est pas forcément aussi évidente que le fait de manger un curry au tofu ou d’ajouter des fèves d’edamame dans sa salade. Parfois la consommation est indirecte, notamment lorsque les animaux qui finissent dans nos assiettes ont été nourris aux tourteaux de soja[5]. En résumé, même un grimpeur non végétarien peut se retrouver avec des doses de phyto-oestrogènes ingérées qu’il ne soupçonne pas.
Raison de plus pour sensibiliser à cette problématique les sportifs qui sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des alternatives à la viande ou celles et ceux qui recherchent une amélioration de leurs performances via des compléments alimentaires. Comme souvent, la juste mesure pour limiter les apports en isoflavones est sans doute l’étude attentive de la composition des produits manufacturés pour éviter l’effet cumulatif lié aux dérivés du soja (farine, huile, isolats de protéines, lécithine, etc) utilisés comme additifs ou ingrédients et la consommation d’aliments transformés le plus possible à la maison afin de réserver au soja une place visible sous forme de tofu, yaourt ou boisson et donc plus facilement maîtrisable.

Texte: Amandine Verchère


[1] Hypogonadism and erectile dysfunction associated with soy product consumption, Siepmann et al., Nutrition, 2011

[2] Borrione, P., Rizzo, M., Quaranta, F. et al. Consumption and biochemical impact of commercially available plant-derived nutritional supplements. An observational pilot-study on recreational athletes. J Int Soc Sports Nutr 9, 28 (2012). https://doi.org/10.1186/1550-2783-9-28

[3] L’hormone est présente chez les hommes comme les femmes, seules les quantités diffèrent, ainsi que le cycle de production.

[4] Le Distilbène est un oestrogène de synthèse qui a été beaucoup utilisé pour prévenir les fausses-couches https://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-distilbene-des-consequences-sur-trois-generations_15002.html

[5] Voir l’étude menée par Que choisir https://www.quechoisir.org/comparatif-preparations-a-base-de-soja-n67055/

Légèreté: Svana Bjarnason nous livre son expérience sur les troubles alimentaire du grimpeur…

J’ai enfin pris le temps de regarder le documentaire Light qui traite des troubles alimentaires dans la grimpe. Comme pas mal de grimpeurs / grimpeuses, j’ai été, à petite échelle, touchée par ça et, pour être complètement honnête, je le suis toujours. C’est génial qu’il y ait enfin des personnes qui en parlent ouvertement parce qu’on a tendance à trop le cacher donc un grand merci @carolinelovesphotos et toutes les personnes qui ont rebondi sur le sujet. J’ai mis un peu de temps à me décider, à donner mon avis / expérience car je ne pense pas avoir un gros poblème, je n’estime pas être ou avoir été dans l’extrême. Mais il me semble tout de même qu’il y a quelque chose, en écrivant cet article je me suis bien rendue compte que tout n’était pas normal. Et tout témoignage peut aider.

C’est un sujet très délicat à aborder, mais je pense qu’il est primordial d’en parler. Parce que, si l’on ouvre un peu les yeux, on est plus nombreux qu’on ne le croit à le vivre de plus ou moins loin, que cela nous touche nous directement ou quelqu’un de notre entourage. On le sait tous, le principe de l’escalade c’est de soulever son corps. Donc évidemment c’est très dépendant de notre poids, ce n’est pas une surprise. Et malheureusement c’est un fait, se sentir léger(e) est une sensation de dingue, on se sent voler sur les prises, on a l’impression que rien ne peut nous arrêter, on se sent plus fort que jamais. Le constat est là, il ne faut pas se mentir, oui ça marche à court terme, je pense qu’on a tous fait cette expérience. MAIS ce n’est pas pour autant que perdre trop de poids soit la clé, MAIGRIR N’EST PAS LA SOLUTION. Fort heureusement, l’escalade ne se résume pas à ça et il y a des moyens beaucoup plus sains et safe de progresser : la technique, le mental, la force, la puissance, la souplesse, … et le fait de se sentir bien dans son corps, et dans sa tête. Je vous invite d’ailleurs à lire le post très pertinent de Caro Minvielle sur ce sujet.

Lorsque je faisais encore de la compétition, j’ai entendu beaucoup, beaucoup d’histoires dérangeantes : une athlète qui devait peser ses céréales le matin parce qu’elle n’était pas assez fine par rapport aux autres, l’interdiction de prendre les escaliers ou d’aller courir parce que cela muscle les jambes et pèse trop lourd, une athlète qui se faisait vomir en coupe du monde, une autre à qui on disait qu’elle ne serait jamais forte si elle ne perdait pas plusieurs kilos, … Qu’est ce qui est vrai, qu’est-ce qui ne l’est pas, je n’en sais rien. Mais il y a des questions à se poser.

Mon expérience personnelle en tant que compétitrice est beaucoup plus « soft ». J’ai juste souvenir qu’on nous disait que ce serait bien de perdre un peu de poids avant les échéances importantes. Cela peut paraître anodin et pas trop abusé mais, mine de rien, c’est une réflexion qui reste dans un coin de ta tête et qui s’ancre doucement dans ta manière de vivre : pour perfer c’est bien de maigrir. Quand tu as 16 ans tu ne te demandes pas si c’est normal ou pas, si c’est bien ou pas, tu le fais. Lorsqu’on allait au restaurant en équipe je me souviens d’ailleurs avoir eu honte de prendre des pâtes plutôt qu’une salade comme beaucoup d’autres, honte de commander un dessert. Et puis j’ai finalement fait l’expérience ultime. J’ai récemment retrouvé un carnet chez mes parents dans lequel j’écrivais tous les repas que je prenais à cette période, et parfois à côté il y avait un (V), qui signifait « vomi ». Cela n’a pas duré très longtemps, j’avais probablement entendu des histoires de grimpeurs forts qui faisaient ça et l’adolescente que j’étais a simplement voulu l’expérimenter. Caprice d’adolescente qui se cherche, influence du sport ? Je n’en sais rien, mais c’est quelque chose qui s’est passé et que je retiens.

Tout cela était à petite échelle pour moi, à mon époque de compétitrice. On ne m’a jamais dit que j’étais trop maigre, je n’ai pas atteint d’extrêmes comme certaines personnes ont pu ou peuvent le vivre. En vérité j’ai plutôt eu des périodes plus compliquées bien plus tard, après avoir arrêté les compétitions. Lorsque je me suis blessée à la cheville il y a un an j’ai eu le pire raisonnement : « je ne peux plus faire de sport, je vais grossir donc quand je pourrai reprendre l’escalade je n’arriverai plus à me soulever, je serai nulle. » Donc, au lieu de prendre soin de mon corps et de lui apporter l’énergie dont il avait besoin pour guérir, j’ai mal et beaucoup moins mangé. Résultat, évidemment j’étais très forte en tractions et suspensions sur la poutre (je n’ai d’ailleurs pas encore réussi à retrouver ce niveau) mais je n’avais aucune énergie, mes ligaments n’allaient pas bien, j’avais les traits tirés, le visage fatigué et triste, je dormais mal. Et j’avais les mêmes jambes qu’un flamant rose. A cette époque une personne très proche m’a écrit « Il me semble relativement urgent d’attirer ton attention et te faire réfléchir sur ton extrême minceur et ta mauvaise mine. Ton sourire ne cache pas ta pâleur. » Je n’avais pas perdu 10 kg non plus mais, étant d’une nature déjà plutôt fine, cela se remarquait beaucoup.

Ce raisonnement ce n’est pas la première fois que je l’ai eu, le fait est que je l’ai eu à chaque blessure ou à chaque fois que je ne grimpais pas pendant plus de 3 jours, pensant donc que j’allais régresser. Dans ces moments je me sentais mal si je faisais 3 repas par jour, je n’acceptais d’en faire que 2. Il me semble que je n’ai jamais complètement abusé mais j’ai fait beaucoup de yoyo avec mon poids, ce qui n’est pas très sain. Et avoir ce raisonnement, ce n’est définitivement pas normal. Oui, bien sûr que si j’arrête le sport je risque de prendre un peu de poids mais non, cela ne veut pas dire que je n’arriverai plus à grimper. Encore une fois l’escalade ne se résume pas à un poids, il y a d’autres moyens de ne pas perdre son niveau.

Aujourd’hui je suis à + 3-4 kg de mon poids de forme, + 6-7 kg de mon poids flamant rose de l’année dernière (et j’écris cet article en mangeant du chocolat à l’orange). En toute honnêteté je ne suis pas complètement à l’aise et je redoute évidemment le moment où je vais renfiler les chaussons et devoir me soulever. Parfois je me dis que je ne pourrai pas regrimper fort en étant comme ça et qu’il faut absolument que je m’affûte (le mot préféré du grimpeur). MAIS en même temps j’ai pris du muscle (et oui, effectivement les biceps et les quadriceps ça pèse lourd), en ce moment je fais entre 5 et 6h d’exercice par jour en centre de rééducation, les journées sont très intenses et mon corps tient merveilleusement bien le coup. Je me sens en PLEINE FORME et physiquement FORTE. Et je fais 3 repas complets par jour. Alors on verra bien ce que cela donne sur le rocher la semaine prochaine mais, ce qui est sûr, c’est que je ne compte pas m’affamer pour gagner 5 mouvements dans mon projet. Je le redis, il y a énormément d’autres angles pour progresser.

BREF, tout ça pour dire que le problème existe bel et bien, il faut en être conscient et être vigileant. Il ne touche heureusement pas tout le monde, loin de là, mais on peut le rencontrer chez tous types de grimpeurs : les jeunes, les moins jeunes, les femmes, les hommes, les débutants, les plus expérimentés, les pros, les grimpeurs de loisir, … Cela peut être sans conséquence mais cela peut aussi en avoir de désastreuses. Perdre un petit peu pour se sentir mieux dans sa grimpe peut être acceptable, perdre plusieurs kilos à chaque fois que l’on se sent moins fort ne l’est pas. Moi j’ai la chance d’avoir une mère géniale qui me pèse à chaque fois que je rentre à la maison (oui, même à 29 ans) pour contrôler tout ça et qui m’engueule dès que je suis trop maigre donc je m’en sors bien. Merci Mams <3

Et enfin je terminerai sur cette note, je vous conseille également de lire l’article d’Alizée Dufraisse qui aborde ce sujet sous un autre angle. Je la rejoins totalement sur ce point, comme je l’ai dit c’est un problème qui existe mais il ne concerne pas tout le monde. Certaines personnes sont minces de nature, on a tous un métabolisme différent et être très mince ne veut pas forcément dire que l’on a un problème. Donc ouvrons l’oeil sans pour autant abuser !

Le Documentaire « Light »

Restrictions sanitaires : les enfants grimpeurs en souffrance

La fermeture des salles de grimpe fait couler beaucoup d’encre et user beaucoup de salive. Reflet du monde actuel, les avis sont évidemment polarisés, au point que le dialogue devient parfois impossible entre des personnes qui pourtant partagent la même passion. Qui soulève le problème de l’impossibilité de pratiquer l’escalade en milieu couvert se trouve systématiquement face à un contradicteur qui rétorque « Oui mais l’escalade c’est avant tout une pratique extérieure ! » Et clôt le débat.

Cependant, pour bien comprendre la situation, il faut d’abord élargir sa vision du grimpeur du XXIe siècle. N’en déplaise aux puristes, l’escalade en tant que sport de masse est devenue aussi un sport d’intérieur. Le développement des salles l’a rendue accessible dans toutes les régions de France, y compris les plus plates. On peut aujourd’hui être bon grimpeur et habiter en Vendée.

L’escalade s’est aussi démocratisée. On peut aujourd’hui devenir bon grimpeur en ayant des parents qui ne jurent que par la plage l’été et la raclette l’hiver. Tout cela est rendu possible par la multitude de clubs présents sur tout le territoire, les bénévoles des petits clubs et les salariés des clubs moins petits. Donc l’escalade avant tout une pratique extérieure ? Non. Pas pour tout le monde. Pas en 2021. Et à l’instar des adultes adeptes de la grimpe, les restrictions actuelles ont des conséquences bien réelles sur les enfants grimpeurs.

Tous les grimpeurs n’ont pas la chance de grandir au pied d’une falaise ni d’avoir des parents eux-mêmes grimpeurs. Les restrictions sanitaires ont donc signé l’arrêt pur et simple du sport pour certains enfants, comme en témoigne Alexandre*, un petit citadin de 10 ans. « Normalement entre l’escalade et l’escrime je fais du sport tous les jours mais là, plus rien. » Entre nervosité accrue et difficultés d’endormissements, son père pense qu’il n’est pas assez fatigué, ou plutôt uniquement nerveusement par sa journée d’école. Selon lui, l’absence de soupape de décompression qu’offre le sport représente un manque important dans son équilibre. « De plus, ajoute-t-il, les séances de sport à l’école ont elles aussi été stoppées, les enfants ne bougent pas de la journée si ce n’est aux récréations et lors du trajet en trottinette« . Effectivement, la recommandation d’une heure d’activité physique par jour pour les enfants semble être la grande oubliée de la pandémie.

Même constat pour le père de Léo* et Lisa*, deux jeunes Picards de 11 et 14 ans. « Nous sommes à 3h de route de Fontainebleau et les quelques sites situés en Belgique sont inaccessibles. Sans parler du couvre-feu qui rend difficile la sortie à la journée ! Je suis très en colère. Nous avons l’habitude de grimper en famille, les enfants font 3 à 4 séances par semaine depuis des années et là je constate de la lassitude et même de la résignation »

Résignation, tristesse, fatigue, dégoût, absence de motivation et même dépression, les mots choisis sont forts dans les dizaines et dizaines de réponses recueillies grâce au questionnaire que nous avons diffusé via Facebook et dans deux clubs du Rhône et de Saône-et-Loire. Le constat est inquiétant : environ 23 % des enfants ont perdu leur motivation pour le sport et plus de 41% ont remplacé leur temps de sport par une activité sédentaire (dessin, bricolage, jeux vidéos, télévision, etc), soit au total 64 % – presque deux enfants sur trois – qui ne bougent plus ou pas assez.

Même si la tendance sur les réseaux sociaux est de s’exprimer surtout quand ça ne va pas, la quantité de réponses obtenues en un temps court (moins d’une semaine) permet de penser que les conséquences de l’interdiction du sport en milieu couvert est un sujet de préoccupation très important.

À la question « Constatez-vous un changement de comportement chez votre enfant depuis le dernier confinement et notamment depuis l’interdiction des sports en milieu couvert ? », seuls 19% des répondants n’ont pas vu de changement notable chez leur enfant. Dans leur grande majorité, les parents qui ont répondu au questionnaire l’ont fait car ils constatent chez leur enfant une nervosité accrue et de la tristesse, ainsi que des difficultés à s’endormir et de la fatigue.

La mère d’Axelle*, 11 ans, confirme : « Nous habitons dans la Vienne (Nouvelle Aquitaine), il existe bien une falaise mais je ne suis pas grimpeuse donc je ne peux pas l’accompagner. Elle ressent de l’injustice et se chamaille beaucoup avec sa soeur qui a le droit de pratiquer son sport (le foot), sans parler des histoires de cour de récréation. Elle passe beaucoup de temps devant les écrans, n’a plus la possibilité de se changer les idées et est coupée de ses amies de l’escalade. Si seulement l’escalade pouvait recommencer ! »

Pour 76% des parents interrogés, il est difficile de ne plus voir leurs enfants s’épanouir dans son sport et avec ses amis. Leurs enfants ont globalement entre 7 et 12 ans (63% des répondants), l’âge où les bases de la socialisation sont bien acquises mais où les amitiés se consolident, l’âge où on rigole parce que le copain a atterri dans le panier de corde en redescendant de sa voie, l’âge où on encourage la copine à se battre dans deux mouv’ qui restent avant le relais et où on admire celle qui tente un jeté engagé dans le gros dévers de la mort…

Mais actuellement, rien de ces récits épiques de retour de séance. A la place, les parents ne peuvent que constater que leur enfant « manque de relations sociales », « reste dans sa chambre à ne rien faire », « manque d’évacuation mentale » et qu’il est « difficile d’absorber son stress ».  Certains confient qu’ils vivent eux aussi très mal de voir leur enfant « pleurer de tristesse et de frustration » et passer à côté d’une activité qui lui permettait d’acquérir « un peu de confiance soi et de nouvelles aptitudes ».

L’inquiétude porte aussi sur la crainte d’un impact sur la santé physique de leur enfant. Car l’enfance, c’est aussi le moment où on prend des habitudes d’hygiène de vie qu’il est très difficile de modifier par la suite. L’inquiétude semble généralisée car elle est aussi exprimée par les parents d’enfants qui pratiquent un sport en plus de l’escalade.

Les effets du sport sur la santé sont pourtant bien connus, entre réduction du stress, diminution du risque de maladie cardiovasculaire et d’obésité, les bénéfices sont nombreux, valables à l’instant T comme pour le futur. Selon une étude anglaise publiée en mars 2018 dans la revue Aging cell, la pratique régulière d’un sport permet aussi de conserver un système immunitaire performant. Interrogés par le magazine Sciences et Avenir, les auteurs sont formels : « nos résultats apportent maintenant des preuves solides pour encourager les gens à faire de l’exercice régulièrement tout au long de leur vie »

La sédentarité à long terme, c’est exactement ce que craint la mère de Maëlis*, 8 ans et demi, qui pratique normalement l’escalade et la gymnastique dans la région de Clermont-Ferrand. Elle aussi est en colère : « Avec des masques et du gel, on peut toujours s’adapter, on l’a fait tant que c’était permis« . Sa fille est passée « de six heures de sport par semaine à rien, alors qu’elle a un fort besoin de bouger. »

Est-il nécessaire de rappeler que la sédentarité reste le fléau du siècle ? Selon la Fédération Française de Cardiologie (FFC), chaque année la sédentarité tue plus que le tabac. Et selon les épidémiologistes de l’Université de Cambridge (GB), la sédentarité serait responsable d’environ 670 000 morts par an en Europe, ce qui en ferait la première cause de mortalité dite évitable.

Mais le restera-t-elle – évitable – encore longtemps si rien n’est fait pour encourager les enfants à bouger ?
Il ne s’agit pas seulement de fustiger les jeux vidéos ou de juger les parents qui laissent leurs enfants regarder la télé pendant des heures. Il s’agit plutôt d’un problème de fond, de considération et de valeur qu’on donne à l’activité physique.

Parmi les personnes interrogées, 43% ont répondu que l’école de leur enfant avait purement et simplement cessé toute activité sportive en classe, pourtant obligatoire dans le programme scolaire. A la place, double dose de français, de maths, de dessin ou de théâtre. Certes les enfants ont des lacunes qui se sont accentuées à cause du premier confinement, certes les activités artistiques sont importantes, indispensables même.

Mais ce faisant, entre interdiction de pratiquer en gymnase et dévalorisation de la pratique scolaire, n’est-on pas en train d’inculquer aux enfants l’idée que l’activité physique n’est pas essentielle ?

Nous sommes capables d’écouter et de suivre les recommandations des scientifiques pour nous protéger du coronavirus. Ne pourrions-nous pas faire de même lorsqu’ils s’accordent pour dire que l’activité physique, par ses bienfaits sur le système immunitaire, le métabolisme et la santé psychique, est capitale pour l’organisme humain ?

Texte: Amandine Verchère

Un grand merci à toutes les personnes qui ont répondu au questionnaire et aux nombreux parents de grimpeurs qui ont laissé leurs coordonnées pour témoigner.

Escalade et nutrition – Arrêt du sport et réconfort : quand le grignoter remplace grimper

Avec la fermeture des salles d’escalade, beaucoup d’entre nous ont perdu leur activité sportive hebdomadaire et avec elle, un précieux défouloir. Si certains ont compensé avec la course à pieds ou le vélo, d’autres se sont retrouvés privés de leur sport favori, sans rien pour évacuer le stress habituel auquel s’ajoute celui de la situation sanitaire. Dans ces circonstances, il n’est pas rare d’entendre les copains se plaindre de tomber dans le chocolat ou le comté à intervalles réguliers, comme si manger devenait le seul moyen d’obtenir sa dose de bien-être.

Lorsque nous sommes soumis à des stresseurs qui génèrent de l’anxiété ou d’autres émotions négatives comme la colère, nous sommes en réalité face à deux types de situation : soit nous pouvons mettre en place une stratégie permettant de résoudre le problème initial, soit il n’existe pas de solution immédiate. Dans ce cas, nous devons recourir à des solutions palliatives pour diminuer notre niveau d’adrénaline et de cortisol. Et avec la pandémie, l’accès à la plupart de nos solutions de réconfort nous est interdit. Chacun d’entre nous possède un répertoire d’activités réconfortantes et quand il n’y a plus de sorties entre amis, plus de cinéma, plus de shopping, plus de concert, plus d’escalade, plus rien, il reste encore la nourriture. Et ce n’est pas grave.

Il faut comprendre que ce lien entre réconfort et nourriture, nous le construisons dès la naissance. Lorsque le bébé passe en quelques heures d’un milieu aquatique, nourri-logé au chaud, lumière tamisée et sons atténués à l’environnement de la salle de naissance, son organisme est soumis à un stress intense. Or dans ses premiers instants, le bébé est aussi nourri, enveloppé dans les bras de sa mère et c’est là que la relation entre nourriture et réconfort se crée.

C’est pourquoi quand on cherche du réconfort et que toutes nos stratégies sont hors de portée, il reste encore le chocolat et le comté. Ou le saucisson. Ou les gâteaux apéro. Ou le quatre-quarts de mamie.

Un aliment réconfortant, c’est souvent un aliment gras et si possible sucré mais surtout, il est indispensable que ce soit un aliment particulièrement affectionné afin d’activer le circuit de la récompense. Ce groupe de neurones cérébraux produisent ainsi de la dopamine et des endorphines…c’est à dire les mêmes neurotransmetteurs que lorsqu’on pratique son sport préféré.

Alors c’est normal d’avoir pris du poids pendant le confinement à cause du grignotage de réconfort ? Oui, et le coeur du sujet n’est pas le nombre de kilos pris. En réalité, le plus important est de savoir si votre relation avec les aliments a changé à cause de cette crise.

L’arrêt brutal du sport n’entraîne pas immédiatement de modification de l’appétit, ce qui fait que la balance apports/dépenses énergétiques est temporairement favorable à la mise en réserve.

Mais si vous êtes un mangeur qui écoute sa régulation naturelle, qui laisse aux aliments leur chance de jouer leur rôle réconfortant Il y a de fortes chances que vous n’ayez pas faim (ou moins faim au repas) suivant un grignotage. De fait, vous ne vous forcez pas à manger et on peut parier que vous retrouverez votre affutage dès la reprise de l’escalade.

En revanche, si en plus d’avoir pris quelques kilos ce grignotage envahit votre mental, si vous vous mettez à table sans faim car « il ne faut jamais sauter un repas » ou bien « je vais manger de la salade pour annuler les rillettes » et surtout, si les aliments ne jouent pas leur rôle réconfortant mais génèrent encore plus d’anxiété, alors votre rapport à l’alimentation n’est plus serein et il vous faudra probablement un peu d’aide pour revenir en arrière.

Texte: Amandine Verchère

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