Vue normale

Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraîchir la page.
À partir d’avant-hierFanatic Climbing

Luisa Deubzer réalise Speed intégrale 9a – Luisa Deubzer climbs Speed intégrale 9a (+ interview & video)

29 juin 2022 à 08:09

La très discrète mais néanmoins redoutable allemande Luisa Deubzer (aka”Lulu”) vient de réaliser “Speed intégrale” à Voralpsee en Suisse. La seconde ascension de la voie déjà cette année, quelques jours après Mel Janse Van Rensburg, talenteux franco-Sudafricain de 20 ans. Luisa est la seconde grimpeuse à gravir la voie 4 ans après Barbara Zangerl, une entrée dans le neuvième degré aussi iconique qu’esthétique ! Depuis le début de l’année Luisa est en forme : elle avait réalisé la voie trad “Prinzip Hoffnung’ 10/10+ (8b+) en mars, et ensuite deux 8c dans la région “assez vite pour ses standards”. On ne peut que croire qu’ils étaient annonciateurs d’une arrivée à maturité pour cocher une voie de ce niveau. La suite plus en détails dans cette interview et la vidéo de la fin de l’essai gagnant.

– Tu es très discrète, peux-tu nous en dire plus sur qui tu es, ce que tu fais dans la vie ?
J’ai 28 ans, je grimpe depuis presque 20 ans, j’ai fait des compétitions dans ma jeunesse, et ma passion pour l’escalade est, à ma grande surprise, toujours en train de grandir chaque année. Au cours de la dernière année, j’ai fait de l’escalade une priorité, travaillant à temps partiel dans une salle d’escalade en tant qu’instructeur et ouvreur afin d’avoir davantage de temps. Récemment, j’ai aussi commencé à travailler pour une fondation qui promeut la durabilité et la sécurité en montagne.

– Je sais que tu es très investie dans l’environnement, comment cela se traduit-il dans ta vie de tous les jours et dans ta vie de grimpeuse ?
Bonne question… D’abord et avant tout, ça se traduit par plein de complications dans les décisions de la vie de tous les jours. Dans l’ensemble, j’essaie de réduire mon impact, mais il y a beaucoup de place pour faire plus, et mes efforts vont et viennent. Les deux choses qui ont le plus reflété mes valeurs au fil du temps sont d’être végétalienne depuis 7 ans maintenant et ne pas avoir pris l’avion au cours des 6 dernières années.
Celles-ci donnent l’impression de ne pas exiger beaucoup de moi alors qu’elles ont un impact important sur mon empreinte personnelle. Je pense qu’il est important de commencer là où cela vous semble le plus facile personnellement et à partir de là, développez ses efforts. Il est facile de se laisser décourager si vous ne pouvez pas le faire parfaitement et que vous finissez par le faire n’importe comment.
Je peux encore beaucoup m’améliorer quand il s’agit d’aller en falaise à la maison. J’essaie de réfléchir si j’ai réellement besoin de la voiture ou si c’est facilement faisable en train (quand j’ai travaillé “Prinzip Hoffnung” par exemple, c’était facile de prendre le train, et comme j’y allais seule la plupart du temps c’était souvent une non-prise de tête). Mais maintenant, surtout à la phase finale de mon projet dans “Speed”, j’allais beaucoup en voiture, parfois même seule, tôt le matin, ce qui est, à tous égards, un sacré trajet pour une excursion d’une journée.
En tout cas, je pense que c’est toujours un équilibre délicat entre motiver les gens à changer leurs habitudes de vie et de trop se concentrer uniquement sur les actions individuelles. Pour réaliser réellement une transition, nous devons aborder des changements systémiques au niveau politique. Les actions individuelles sont importantes pour montrer notre engagement et forger de nouveaux récits, mais nous ne pouvons pas résoudre cette crise uniquement en changeant notre consommation individuelle en termes de comportement. Quand bien même cela ne nous rassurerait en termes de responsabilité individuelle, nous avons besoin de changement aux deux niveaux.

Luisa Deubzer Speed intégrale 9a
Photo: José Cabrita

– Fais-tu seulement de la falaise ou t’intéresses-tu aussi aux autres facettes de notre activité ?
J’aime me faire botter les fesses et élargir ma zone de confort, c’est pourquoi j’aime le côté varié de l’escalade dans le sens large du terme. J’ai pas mal élargi mes compétences dans les autres formes d’escalade au cours des dernières années en tant que membre de l’actuel “Groupe des jeunes alpinistes” entièrement féminin de l’Alpine Club (même si je suis toujours nulle dans différentes formes d’alpinisme). Selon la saison, la météo et motivation, j’ai des périodes où je fais plus de glace et de mixte, je fais des grandes voies ou une montagne ici et là. En fin de compte, cependant, mes points forts résident dans l’escalade sportive.
Le lendemain de la réussite de “Speed”, je suis partie sur une grande-voie de difficulté modérée, pour la première fois cette saison sur du granite, et j’ai littéralement dû passer en artif les 5 derniers mètres d’une longueur en 6c +, parce que j’étais complètement épuisée et ne pouvais plus faire un seul mouvement. J’adore les jours comme celui-ci, ils t’invitent à rester humble et à garder la passion car ils sont stimulants et amusants, avec une vision différente de l’escalade sportive.

– Qu’est ce qui t’a amené à essayer cette voie, as-tu dû t’entraîner spécifiquement pour y arriver ?
Peux- tu nous en dire plus, sur comment ça s’est passé et ce que tu as dû mettre en place pour y arriver ?

Je suis allée régulièrement à Voralpsee ces dernières années car je n’habite pas très loin. J’ai toujours su que s’il y avait un endroit où je pouvais grimper fort, ce serait ici. Je pense qu’il est juste de dire que le style me convient très bien et en plus je m’y suis assez adaptée au fil des années. “Speed intégrale” m’a impressionnée dès le début, pour des raisons évidentes : elle remonte la barre sur la partie la moins prisue du mur et quand je regardais des gens essayer, ça avait l’air incroyablement dur.
Il y a 3 ou 4 ans, j’avais déjà essayé les mouvements de “Speed” ​​​​une journée et j’étais très surprise de pouvoir réaliser la plupart d’entre eux tout de suite, celà me semblait si loin de mon niveau à l’époque ! Depuis, c’était devenu un rêve de gravir cette voie un jour, mais j’étais assez convaincue que j’étais encore loin de mon but ultime en escalade sportive.

Cette année, c’était la première fois que je voulais l’essayer sérieusement à nouveau. Je savais d’avance que je devais m’y préparer cet hiver, je venais de commencer à bosser à la salle d’escalade et je me suis concoctée un plan d’entraînement de fou avec l’espoir d’amener mon escalade à un nouveau niveau.
Mais je me suis blessée à un doigt et à l’épaule avant même de pouvoir vraiment commencer mon entraînement… Tous mes projets se sont évaporés… J’étais convaincue que maintenant la chose que j’attendais tant, projeter “Speed”, était devenu totalement irréaliste.
Au cours de l’hiver, j’ai donc changé d’orientation et je suis devenue très motivée pour la glace et le mixte. Quand la saison s’est clôturée mon doigt allait mieux mais c’était pas encore parfait ; je pouvais quand même en faire plus et j’ai été motivée par “Prinzip Hoffnung”, qui s’est avéré non-traumatisant pour mes doigts et mon épaule : le projet parfait, n’exigeant pas un physique fou, mais étant assez exigeant en termes de mouvement, d’engagement au-dessus du point et de technique de coinceurs.
Quand j’ai recommencé à essayer “Speed intégrale” fin avril/début mai, mes deux épaules étaient enflammées car j’avais trop bourriné dans les dévers et mon doigt me causait encore des douleurs sur certaines prises, mais je je me sentais incroyablement bien dans mon escalade grâce à deux mois presque exclusivement en falaise. À ma grande surprise, au fil des séances de travail, mes douleurs aux épaules se sont estompées, tandis qu’avec le doigt je devais encore faire attention : pas surprenant, la voie assez sollicitante pour les phalanges n’est pas propice à la cicatrisation du doigt, et finalement, mon majeur, d’un autre côté, a commencé à me faire mal aussi… Mais en voyant un kiné (merci à Kathrin Dettling pour son incroyable soutien et à Klaus Isele pour avoir développé le traitement qui vraiment aidé mes doigts !) j’ai pu continuer de gérer et empêcher l’inflammation de se propager et devenir trop handicapante. Pourtant, c’était une inquiétude majeure car je devenais plus solide dans la voie et je me posais sans cesse la question de peut-être arrêter si mes douleurs dans les doigts s’aggravaient encore.
À mon grand étonnement, je continuais de progresser lors du travail de la voie. Je faisais des progrès lents mais réguliers de semaine en semaine. Je suis passée du travail dégaine par dégaine en me battant à des enchaînements de sections jusqu’en haut. Finalement, la section bloc avant la 3ème dégaine est devenue moins faible en pourcentage de réussite et après quelques séances supplémentaires, je me suis retrouvée soudainement au dernier crux de la première partie et je suis tombée.
Les températures devenaient vraiment très chaudes et je commençais à me demander si je n’avais pas raté le coche. Puis le lendemain j’y suis allée, comme ça, sans zipper des pieds ou tâtonner, j’ai de nouveau passé la partie dure du bas, j’ai fait le le mouvement où j’étais tombée la veille d’une manière assez solide, et, après avoir recaké et m’être refaite comme jamais, j’ai réussi à rester compacte dans l’extension et je me suis retrouvée au relais.
C’était vraiment spécial, et il m’a fallu du temps pour comprendre que tout s’était bien passé !
Les blessures lancinantes m’ont empêché de faire un entraînement spécifique pour la voie tel que je l’avais envisagé et m’ont forcée à me reposer beaucoup plus que je ne l’aurais fait autrement. Mais d’un autre côté, cela pouvait correspondre exactement à ce dont j’avais besoin pour devenir plus forte : davantage de repos. Et puisque faire du gainage était fondamentalement le seul entraînement que je pouvais faire régulièrement, j’en ai fait beaucoup et je suis absolument sûre que cela m’a fait beaucoup progresser. Même si l’entraînement n’était pas ce que j’avais prévu, ce n’est pas comme si j’avais fait “Speed intégrale” ​​depuis mon canapé, bien sûr. J’ai beaucoup grimpé en falaise ces derniers mois car je ne travaillais pas à plein temps. De plus, je pense que cela a aidé principalement à me libérer mentalement pour penser escalade et diminuer beaucoup d’autres stress. J’ai passé aussi pas mal de temps à faire de la visualisation quand je ne grimpais, il s’agissait de surmonter mes appréhensinos face à cette voie qui m’intimidait et aussi atténuer certaines limites autour de mes capacités.

Video: José Cabrita

– Tu es la deuxième femme a faire cette voie, pas piquée des hannetons, accordes-tu de l’importance au premières féminines ou, penses tu que c’est dépassé ?
Mhm, je ne suis pas sûre d’avoir une opinion tranchée là-dessus (ce qui est plutôt rare pour moi). Je pense que dans de nombreux cas, cela reflète encore les progrès réalisés par l’escalade féminine. Dans ce cas, relater les premières féminines a du sens à mon avis, du moins tant qu’il y a une différence générale de cotation entre les filles et les garçons en escalade.
Il y a beaucoup de premières féminines qui m’inspirent, donc je suppose que tu peux dire que je les estime, même si cela n’est évidemment pas la même chose qu’une première ascension. Mais en tout cas, cela ne s’applique pas vraiment aux secondes. 😉

– Je sais que tu aimes voyager. Où aimerais-tu aller prochainement pour pouvoir grimper et comment y intégrerais-tu la question climatique ?
Je ne dirais pas que j’aime particulièrement voyager. J’aime ce qui va avec, dormir dans la voiture/tente, être dehors toute la journée, pouvoir grimper tous les jours. Mais je n’ai pas besoin de voyager dans des endroits lointains pour cela, cette notion de voyage me suffit. Ces dernières années, j’ai séjourné principalement dans les Alpes, car c’est près et il y a encore tellement d’endroits où je veux aller (retourner). Mais la prochaine grande chose à venir l’année prochaine est l’expédition que nous prévoyons avec le Groupe de jeunes alpinistes. On s’est longtemps demandés où aller, surtout à cause de l’impact de l’avion. En fin de compte, il semble que nous nous soyons mis d’accord sur le Groenland, car même si vous voyagez un bon moment, les émissions sont la moitié de celles pour aller au Pakistan. Et vous avez la possibilité de faire potentiellement un grande partie du voyage sans voler, alors on verra…

– Qu’est-ce qui, pour toi, fait que tu as passé une bonne journée en falaise/à l’extérieur ?
Une journée en falaise peut être agréable de bien des façons. Certains jours, c’est parce que l’escalade donne une impression incroyable, vous avez fait des progrès inattendus, le rocher est stellaire, l’endroit est spécial ou la vue est belle. D’autres journées, vous avez fait beaucoup de blagues avec votre partenaire d’escalade ou avez eu une bonne conversation.
Parfois, il neige, le temps est maussade, c’était un peu tendu toute la journée, mais à la fin tu ressors avec un super feeling. Après, concrétiser aide toujours à passer une bonne journée ! 😉

– Tu es toujours super motivée et positive, d’où vient cette motivation ?
Je ne pense pas que tout un chacun reste éternellement toujours motivé et positif. Du moins personnellement je ne le suis certainement pas. je pense que nous voyons souvent les gens sous leur meilleur jour et on a tendance à oublier qu’on passe parfois par des moments plus compliqués… Cet automne par exemple j’étais assez déprimée et pas positive du tout quand je me suis blessée. Mais en général, quand ça va bien, c’est vrai que la motivation n’est pas un problème. J’avais comme habitude de me réserver une période avec moins de grimpe à la fin de chacune de mes années d’études et je pense que ce temps libre m’a beaucoup aidé à comprendre la valeur que l’escalade avait pour moi. Depuis, quand je n’ai pas été blessée, tout ce que je voulais faire, c’était grimper. De plus, je pense que cela maintient vraiment mon enthousiasme pour l’escalade, afin de pouvoir jongler avec d’autres disciplines comme la glace/l’alpin tout au long de l’année. Lorsque je ne fais que de l’escalade sportive que pendant une longue période, mes attentes augmentent généralement et le risque de frustration et donc de faible motivation est plus élevé.

Luisa Deubzer ice climbing
Photo: Dörte Pietron

– Tu n’es pas sur les réseaux sociaux et ça n’a pas l’air de te poser beaucoup de soucis.
Quelle influence cela a pour toi et comment cela t’influence ou pas ?

En fait, j’ai quand même Facebook et Twitter si cela compte toujours comme un réseau social ! 😉
Instagram, j’ai arrêté de consommer et de publier il y a un moment quand j’ai remarqué que ça me faisait me comparer à d’autres et me rendait anxieuse de rater un truc.
J’ai trouvé que beaucoup de gens que je respecte sont très discrets sur ce qu’ils font, ils ne sont pas sur les réseaux sociaux et semblent faire les choses principalement pour eux-mêmes. C’est pourquoi j’ai commencé à me demander pourquoi je publiais un certain contenu, et même s’il y avait aussi d’autres raisons, il m’a semblé que c’était de l’auto-promotion et que cela n’avait pas grand intérêt. Mais c’est bien sûr quelque chose de très personnel et qui peut être différent pour d’autres personnes.

– Qui te motive . As-tu des exemples chez les grimpeurs/grimpeuses qui t’inspirent ou te poussent à faire des voies dures ou ce n’est qu’une question de ligne qui t’inspire ?
C’est un peu cliché, mais je dirais mes partenaires de grimpe. Ils grimpent fort et ont toujours un tempérament agréable, une attitude décontractée en falaise. Aussi, j’ai grimpé plus avec des gens plus forts que moi toute l’année dernière et cela a probablement amélioré mon état d’esprit quand j’essaie des voies dures, car cela redistribue ta perception des standards de ce qui est vraiment dur. Du coup, des voies que je pensais trop dures pour moi dans ma tête depuis des années m’inspirent aujourd’hui.

Photo de couverture : DAV – Silvan Metz

Luisa Deubzer Speed intégrale 9a
Photo: José Cabrita

Very discreet but nevertheless fearsome German Luisa Deubze aka “Lulu'” has just done her first 9a, 2nd women 4 years after Barbara Zangerl, to climb “Speed intégrale” in Voralpsee, Switzerland. It’s the second ascent this year of the route after talented French-South African Mel Janse Van Rensburg (20 years old). “Speed intégrale” is also an iconic but also aesthetic route as an entry into the ninth degree. Since the beginning of the year Lulu sent the trad route “Prinzip Hoffnung” 10/10+ (8b+) in March, and then two 8c’s in the area climbed “rather fast for her standards” she said. We can only believe that they were a sign of maturity to achieve a route of this standard. More details in this interview and the video of the upper part of the route during the send.

– You are very discreet, can you tell us more about who you are, what you do in life?
I’m 28, I’ve been climbing for almost 20 years, doing comps in my youth, and my passion for
climbing is, to my own surprise, still growing every year. In the last year I have made climbing more of a priority, working part time in a climbing gym as instructor and setter in order to have more time. Recently now, I additionally started to work for a foundation that promotes sustainability and safety in the mountains.


I know that you are very invested in the environment, how does that translate into your everyday life and your climbing life?
Good question… First and foremost, it translates in the form of a lot of mindfucks about everyday life
decisions. Overall, I am trying to lessen my impact, yet there is a lot of room to do more, and my
efforts always ebb and flow.

The two things that have reflected my values the most consistently over time are being vegan for 7
years now and not taking the plane in the last 6 years.
These feel like they don’t demand a lot off me while they have a big impact on my personal footprint.
I think it is important to start where it feels the easiest for you personally and from there expand
your efforts. It is easy to let oneself be discouraged if you can’t do it perfectly and end up not do
anything.

I still can improve a lot when it comes to getting to the crag at home. I do try to think of whether I
need the car or whether it is easily feasible by train (when I projected “Prinzip Hoffnung” for example,
it was easy to take the train, and as a I was going there alone most of the time it often was a no
brainer). But now especially at the later phase of my projecting in Speed, I went a lot by car,
sometimes even alone, to be there early in the morning which is by any standards quite a drive for a
day trip.

In any case, I think it is always a tricky balance between motivating people to change the habits in
their life and to focus too much on individual actions only. To actually achieve a transition, we need
systemic changes on a political level. Individual actions are important to show commitment and to
forge new narratives, but we can’t solve this crisis only by changing our individual consumer
behaviour. Nevertheless, this does not let us off the hook in terms of individual responsibility, we
need change on both levels.

Luisa Deubzer
Photo: Daniel Benz

– Do you only do sportclimbing or are you also interested in other aspects of our activity?
I like getting my ass kicked and expanding my comfort zone, that’s why I really enjoy that climbing in
the wider sense is so varied. I have broadened my skills in the other forms of climbing quite a bit over
the last years as a member of the current all-female ‘Young Alpinist Group’ of the German Alpine
Club (although I still suck at these various forms of Alpinism). Depending on the season, weather and
motivation, I have periods where I ice and mixed climb more, do multipitches or a mountain here and
there. At the end of the day, however, my strengths do lie in sport climbing.
The day after sending Speed I went on a moderate multipitch, for the first time that season on granit,
and I literally had to aid up the entire last 5 meters of the the initial 6c+ pitch, because I was
completely spent and couldn’t do a single move anymore. I love days like this, they make it easy to
stay humble and keep the fire because they are challenging and fun in a very different way than sport
climbing.

– What led you to try this route, did you have to train specifically to achieve it?
Can you tell us more about how it happened and what you had to put in place to achieve it?

I have been to Voralp regularly over the last years because I live not too far away. I always knew that
if there was one place I can climb hard, it is here. I think it is fair to say that the style fits me very well
for some reason and in addition I have gotten quite adapted to it over the years.
Speed impressed me right from the beginning, for obvious reasons: it follows the white streak
through the blankest section of the wall and when I saw people on it, it looked incredibly hard.
3 or 4 years ago I had already tried the moves on Speed once and was very surprised that I could do
most of them right away since that was so far off my level back then. Since then, it had basically been
a lifetime dream of mine to climb this route someday, but I was pretty convinced this was far away,
my ultimate goal in sport climbing.

This year then was the first time I actually tried it again. I knew beforehand that that was the thing I
wanted to prepare myself for this winter, I had just started at the climbing gym and had big plans for
a crazy training regimen with the hopes of getting my climbing to a new level.
But I injured a finger and my shoulder even before I could really start with my plan. All my plans
evaporated. I was convinced that now the thing I had been looking forward so much, projecting
speed, had become totally unrealistic.

Over the winter I shifted focus therefore, and got very motivated for ice and mixed. When the season
was over my finger was still far from perfect, but I could do more again and got sucked into Prinzip
Hoffnung, which turned out to be very good for my fingers and shoulder and was the perfect project,
not demanding a crazy physique, but being quite demanding in terms of movement, the required
head space and gear beta.

When I started trying Speed end of April/beginning of May now both of my shoulders were inflamed
from too much steep climbing and my finger was still causing me trouble on some holds, but my
climbing felt amazing thanks to two months of almost exclusively climbing on rock.
To my surprise throughout the projecting process the shoulders became better, while with the finger
it remained a balance act: less surprising, the route was not conductive to healing the finger, and
eventually my middle finger on the other hand started hurting as well, but by seeing a Physio (Shout-
out to Kathrin Dettling for her amazing support and Klaus Isele for developing the treatment that really helped my fingers!) I was able to keep it manageable and prevent the inflammation from
spiraling out of control. Still, it was a major worry as I was getting more solid and solid on the route
that I might have to stop if my fingers got even worse.

To my amazement the projecting itself progressed quite well. I was making slow but steady progress
from week to week. From being maxed out climbing from draw to draw, soon I was making good
links to the top. Eventually the boulder section before the third draw became less low percentage
and after a few more sessions I found myself suddenly at the last crux of the first pitch and fell.
Temperatures were now actually getting really hot and I was starting to wonder whether I had
missed my shot. Then the next day I went, just like this, without further slipping of the feet or
fumbling I got through the hard bottom part again, did the move I had previously fallen on quite
solidly and, after shaking forever, managed to keep it together in the extension and found myself at
the anchor.

That was really special, and it took a while to understand that everything had actually worked out.

The nagging injuries prevented me from doing specific training for the route as I had envisioned it
and forced me to rest a lot more than I otherwise would have. But on the flip side that might have
been exactly what I needed to get stronger: more rest. And since doing core was basically the only
workout I could do regularly, I did a lot of it and I am absolutely sure this made me progress heaps.
Even though the training wasn’t what I had planned, it’s not like I did Speed off the couch, of course.
I did climb a lot on rock in the last months since I didn’t work full time. Furthermore, I think it helped
majorly that this freed me a lot of mental space to think about climbing and removed a lot of other
stress. I also spent quite a bit of time with visualization and mediation when I wasn’t climbing,
because so much was about overcoming the giant respect I had for this route and some limiting
beliefs around my capabilities.

Luisa Deubzer
Photo: Janina Reichstein

– You are the second woman to do this route, do you value female firsts or do you think it’s outdated?Mhm, I’m not sure I have a strong opinion on this (which is rather rare for me ). I do think that in
many cases it still reflects the progress female climbing is making. In this case they have their place in
my opinion, at least as long as there is a general difference in grade between the female and male
climbing population.

There are a lot of female firsts that inspire me, so I guess you could say I value them, even though it
is obviously not the same as an FA. But in any case, this doesn’t really apply to female seconds 😉.


– I know you like to travel. Where would you like to go in the near future to be able to climb and how do you integrate it the climate issue?
I wouldn’t say I like traveling particularly. I like what comes with it, the sleeping in the car/tent, being
outside the whole day, being able to climb every day. But I don’t need to travel to far away places for this, a notion traveling still has to me. The last years I have stayed mainly in the Alps, because it is
close and has still so many places I want to go (back) to.

But the next bigger thing that is coming up next year is the expedition we are planning with the
Young Alpinist Group. We pondered a long time where to go, especially because of the impact flying
has. In the end it looks like we agreed on Greenland, because even if you fly all the way, the
emissions are still half in comparison to Pakistan. And you do have the option to potentially do a
large part without flying, so let’s see…

– What, for you, makes a good day on a cliff/outside?
There are many ways in which a day at the crag can be good. Some days it is because climbing feels
amazing, you made unexpected progress, the rock is stellar, the place is special, or the view is good.
On other days you made a lot of jokes with your climbing partner or had a good conversation.
Sometimes, it is snowing, miserable weather, it was a bit tense the whole day, but at the end you
have a good feeling. Sending surely always helps. 😉

Photo: DAV- Silvan Metz

– You are always super motivated and positive, where does this motivation come from?
I don’t think anyone is always motivated and positive. At least I am certainly not. I think we just
often see people at their best and forget that that everybody struggles sometimes… This autumn for
example I was pretty down and not positive at all when I got injured.
But in general, when things are good, it is true that motivation is not an issue. I used to have a period
where I climbed a lot less after finishing school and I think this time off helped a lot to see the value
climbing had for me. Since then, when I wasn’t injured, all I wanted to do was climb.
Also, I think it really keeps my excitement for climbing alive to be able to shift the focus to different
disciplines like ice/alpine/sport throughout the year. When I only sport climb for a longer period my
expectations usually grow, and the danger of frustration and hence low motivation is higher.


– You are not on social networks and it doesn’t seem to be a big deal to you. What influence does it have on you and how does it influence you or it doesn’t?
Actually, I do have Facebook and Twitter if that still counts as social media 😉
Instagram, I stopped consuming and posting a while ago when I noticed it made me compare myself
a lot and caused constant FOMO.
I found that many of the people I respect are very low-key about what they do, they are not on social
media and seem to do things primarily for themselves. That’s why I started questioning why I was
actually posting what I was posting and even though there were other reasons as well, for me it came
down to self-presentation and didn’t add any value.
But that is of course something very personal and can be different for other people.

– Who motivates you, or do you have examples from other climbers that inspire you or push you to do hard routes or is it just a matter of the line that inspires you?
It’s a bit cliché, but I would say my rope partners. They try hard on the wall and still have a pleasant,
chilled attitude at the crag. Also, I have climbed more with people that are stronger than me in the
last year and that probably helped my attitude towards hard climbs, because it shifts your standard
of what is hard. In general, routes that years ago I had in my head as too hard inspire me.


Cover pic: DAV – Silvan Metz

L’article Luisa Deubzer réalise Speed intégrale 9a – Luisa Deubzer climbs Speed intégrale 9a (+ interview & video) est apparu en premier sur Fanatic Climbing.

Pablo Recourt, un tour de France des 8a à vélo – Pablo Recourt, a tour of French 8a’s by bike

2 février 2022 à 11:52

En octobre, le grimpeur Belge Pablo Recourt est parti en trip en vélo depuis le plat pays, avec l’objectif de découvrir une bonne partie des 8a classiques et mythiques de France. “En quête du Saint 8a” est alors née, avec Gaspar, sa belle monture à deux roues en guise de compagnie. Nous avons questionné Pablo pour en savoir plus sur son voyage itinérant relativement original.

– Peux tu te présenter ?
Salut ! Je m’appelle Pablo, j’ai 24 ans et je suis un grimpeur belge. J’ai commencé à grimper quand j’avais 7 ans dans une petite salle Bruxelloise. Tu serais étonné de voir la grosse culture escalade qu’il y a au plat pays. Il y a une émulation de fou ! À côté de l’entraînement en salle, j’ai commencé à grimper dehors à Freyr (Belgique), connu comme l’épicentre de l’univers. J’ai vite compris que je préfère être dehors et du coup je fais principalement de la falaise. Accessoirement j’ai aussi fait des études d’ingénieur architecte, mais pour le moment je grimpe. J’aime beaucoup le rocher belge mais on ne va pas se mentir, on fuit souvent la pluie pour aller grimper plus dans le Sud (France et Espagne). Merci les voisins !

– Raconte-nous le concept de ton voyage.
Mon gros projet du moment, c’est un voyage de grimpe. Je fais un tour des falaises de France à vélo. Accompagné de mon fidèle destrier à deux roues, nommé Gaspar, j’ai une petite quête : je cherche le plus beau 8a français !

8a vélo France

– Comment t’est venue l’idée de ce tour de France des falaises en vélo et pourquoi ce trip ?
Après mes études, je voulais voyager. J’imaginais acheter un van et partir grimper. Mais avec cette mode du van, il y a quelque chose qui me dérange. Premièrement, ça reste une manière de voyager pas très respectueuse de l’environnement. Bof en accord avec mes valeurs et choix de vie. Et puis en van il y a un peu cette dynamique de “consommation” des falaises. Tu roules, tu arrives à un spot, tu grimpe, tu dors sur le parking, et puis tu t’en vas. Pour moi, ça ne colle pas avec ce que je voulais vivre en voyage. J’ai donc commencé à penser au slow travel, manière de voyager plus lente et proche de ton environnement. Prendre le temps, s’imprégner de l’énergie des endroits que tu visites et intégrer le déplacement dans la performance. Vivre le chemin plus que la destination. Et puis en parlant de destination, j’avais du mal à mettre le doigt sur une seule destination de grimpe. Après réflexion, j’ai arrêté de penser au lointain. Pourquoi partir loin si je ne connais pas les merveilles proches de chez moi? Ça reste des découvertes et des nouveautés à explorer. J’ai alors pensé à la France. Une des meilleures destination d’escalade du monde, à côté de chez moi. Et d’un coup, tout était connecté: le voyage à vélo, la destination de rêve pour l’escalade, et une furieuse envie de grimper dans tout ces beaux endroits! Ça ressemble bien à un tour des falaises de France à vélo. Presque comme un pèlerinage de la grimpe. Une quête. Tiens, et si j’essayais de trouver la plus belle voie de France? Ou mieux, le plus beau 8a de France? Pour ajouter un peu de challenge. Et c’est comme ça que quelques préparatifs plus tard, je donnais mon premier coup de pédale pour un voyage de 6 mois.

– Pourquoi la France?
Si tu demandes à un Américain quelle est sa destination de grimpe de rêve, il te répondra bien probablement la France : Céüse, Fontainebleau, le Verdon, Buoux, Chamonix, etc. Que de merveilles ! Une diversité de rochers, de styles, une richesse de paysages, sans compter l’historique ancré dans toutes ces falaises mythiques. Sous prétexte qu’on habite à côté, devrait-on s’en priver ? La destination reste tout autant savoureuse selon moi, si pas plus.

– Tu dors en tente ? (il doit faire un peu froid non ?), tu trouves facilement des gens pour grimper ?
Ça m’arrive de dormir sous tente oui. Mais je suis aussi parfois hébergé par des grimpeurs, des amis ou des inconnus. J’avoue que c’est un peu au jour le jour, et c’est ça qui me plait : être libre et prendre ce que le voyage m’offre. Être content quand les gens m’invitent chez eux, mais m’émerveiller de dormir sous les étoiles autrement. Au niveau du froid j’ai eu des conditions dures oui, mais en général je suis plutôt bien équipé et j’arrive à bien gérer les basses températures. Les mauvaises condis par contre c’est plus embêtant au niveau de la grimpe. Mis à part que c’est plus challengeant, c’est surtout plus difficile de motiver des gens à venir grimper avec moi. C’est un des problèmes les plus ennuyant avec la météo : elle affecte vite la motivation des grimpeurs locaux ! Mais à part ça, je trouve toujours quelqu’un content de me montrer les belles lignes de sa falaise. Et c’est ça que je cherchais en voyageant seul : être obligé de trouver des gens avec qui partager une cordée.

8a vélo France

– Où en es tu de ton trip, et quelle sera la suite ?
Cela fait presque 5 mois que je suis parti, et il m’en reste encore un pour clôturer mon tour. J’ai parcouru tout l’Est de la France, avec 2500km de vélo, 32 secteurs visités et 35 8a enchaînés. Actuellement je suis dans les Gorges du Tarn. Je vais ensuite dans le Lot et puis je remonte en Belgique en passant par les Eaux Claires et la Normandie. Moins d’escalade et plus de vélo prévu pour la suite donc, mais ça me tient à cœur de faire une vraie boucle.

– Ta falaise préférée, jusqu’à présent ?
Mmh difficile de répondre, j’ai vu tellement de merveilles… Si je devais vraiment choisir je dirai Buoux pour la grimpe et les Gorges du Tarn pour la beauté du paysage. Mais ça se joue à pas grand chose, je pourrai tout à fait te répondre autre chose si tu me reposes la question dans quelques jours !

– Si on comprend bien, l’idée est de réaliser un 8a sur chaque falaise visitée, alors que tu n’as souvent que très peu de temps sur place (2/3 jours), tu as réussi ce challenge à chaque fois ?
En vérité c’est plutôt 1 ou 2 jours par falaise. C’est sûr que c’est challengeant. Heureusement, j’ai un peu de marge et généralement j’arrive à faire 1 ou 2 classiques avant de repartir, souvent à la journée. Mais pour être honnête, le challenge ce n’est pas juste d’enchainer un 8a. C’est de faire la croix en étant fatigué de la nuit dehors, des 80km de vélo de la veille, et des 5 mois de voyage dans les pattes. C’est ça qui est dur et j’ai énormément appris en termes de gestion de fatigue et d’écoute de mon corps. Maintenant je fais quasiment tout le temps un 8a par secteur, mais ça n’a pas été toujours le cas notamment en début de voyage, quand j’avais encore tout à apprendre!

8a vélo France

– Comment as- tu choisi les voies que tu essaies ?
En laissant traîner mes oreilles, en discutant avec les locaux, en me renseignant sur les voies historiques. Généralement il y a toujours une conjecture qui détermine la ou les plus belles voies à essayer du secteur.

– Pourquoi 8a, et pas 7c+ par exemple ?
Clairement, c’est un choix personnel. C’est un niveau dans lequel je me sens à l’aise tout en étant challengé. Je fais généralement 8a à la séance, mais ça me demande de me battre et c’est ce que j’aime. Et puis pourquoi 8? Je sais pas vraiment, probablement la symbolique du niveau 8, c’est une porte vers le haut niveau. Et puis c’est classe le chiffre 8, c’est l’infini vertical !

– Ta voie préférée jusqu’à présent ?
Il y en a beaucoup, mais là comme ça j’ai envie de dire “Les Ailes du Désir” dans le Tarn.

– Tu restes peu de temps sur chaque falaise avant de reprendre la route, ce n’est pas trop fatiguant d’enchainer vélo + grimpe ? Tu te reposes de temps en temps ?
Je vais pas vous mentir, c’est épuisant. C’est ça qui est le plus dur à gérer dans ce voyage, la constante fatigue physique. Mais j’ai appris à m’écouter et il m’arrive de prendre des jours off. Mais pas trop, car ça veut dire moins de grimpe !

– On peut te suivre sur les réseaux sociaux ?
Bien sûr, venez rejoindre l’aventure et hésitez pas à m’inviter chez vous où à m’écrire, je suis très gentil et j’aime bien raconter des histoires !


Facebook : En Quête du Saint 8a
Instagram : pablorecourt

8a vélo France

In October, Belgian climber Pablo Recourt went on a cycling trip from the flat country with the main goal of discovering a good part of the French classic and legendary 8a’s. “En quête duSaint 8a” was born, with Gaspar, his beautiful two-wheeled bike as company. We asked Pablo about his original climbing trip.

– Can you introduce yourself?
My name is Pablo, I’m 24 years old and I’m a Belgian climber. I started climbing when I was 7 years old in a small gym in Brussels. You’d be surprised to see the huge climbing culture there is in the flat country. There’s a crazy emulation! Next to indoor training, I started climbing outdoors in Freyr (Belgium), known as the epicenter of the universe. I quickly understood that I prefer to be outdoors and so I mainly practice rockclimbing. Incidentally, I also studied architectural engineering, but for the moment I’m climbing. I really like the Belgian rock but I’m not going to lie to each other, we often flee the rain to go climb further in the South (France and Spain). Thank you neighbours!

– Tell us about the concept of your trip.
My big project at the moment is a climbing trip. I am cycling around the crags of France. With my faithful two-wheeled steed, named Gaspar, I have a little quest: I’m looking for the most beautiful French 8a!

– How went the idea of ​​this tour of French crags by bike?
After my studies, I wanted to travel. I imagined buying a van and going climbing. But with this fashion of the van, there’s something that bothers me. First, it remains a way of traveling that is not very respectful of the environment. Ok in accordance with my values ​​and life choices. And then in a van there is a bit of this dynamic of “consumption” of the crags. You ride, you get to a spot, you climb, you sleep in the parking lot, and then you leave. For me, it doesn’t fit with what I wanted to experience while traveling. So I started thinking about slow travel, a way to travel slower and closer to your environment. Take the time, imprint the energy of the places you visit and integrate movement into the performance. Live the journey more than the destination. And then speaking of destination, I had trouble putting my finger on a single climbing destination. After reflection, I stopped thinking about the distant. Why go far away if I don’t know the wonders close to home? There are still discoveries and novelties to explore. I then thought of France. One of the best climbing destination in the world, near my home. And suddenly, everything was connected: the bike trip, the dream destination for climbing, and a furious desire to climb in all these beautiful places! It looks like a tour of the cliffs of France by bike. Almost like a climbing pilgrimage. A quest. Here, what if I tried to find the most beautiful route in France? Or better, the most beautiful 8a in France? To add a little challenge. And that’s how some preparations later, I gave my first pedal stroke for a 6 month trip.

8a vélo France

– Why France?
If you ask an American what his dream climbing destination is, he will probably answer France: Céüse, Fontainebleau, Verdon, Buoux, Chamonix, etc. How wonderful! A diversity of rocks, styles, a variety of landscapes, not to mention the history anchored in all these mythical cliffs. Under the pretext that we live next door, should we deprive ourselves of it? The destination remains just as tasty in my opinion, if not more.

Do you sleep in a tent? (it must be a bit cold, right?), do you easily find people to climb?
I sometimes sleep in a tent yes. But I am also sometimes hosted by climbers, friends or strangers. I admit that it’s a bit day-to-day, and that’s what I like: being free and taking what travel offers me. Being happy when people invite me to their homes, but marveling at sleeping under the stars otherwise. In terms of the cold, I had some tough conditions, yes, but in general I have a good equipment and I manage to manage stay quite good in the low temperatures. Bad conditions, on the other hand, are more annoying when it comes to climbing. Apart from the fact that it’s more challenging, it’s especially more difficult to motivate people to come and climb with me. This is one of the most annoying problems with the weather: it quickly affects the motivation of local climbers! But other than that, I always find someone happy to show me the beautiful lines of their home crag. And that’s what I was looking for when traveling alone: ​​to have to find people to share a climbing day.

– Where are you in your trip, and which destination will be next?
It’s been almost 5 months since I left, and I still have one month to close my tour. I traveled all over Eastern France, with 2500km of cycling, 32 sectors visited and 35 8a sent. Currently I’m in the Gorges du Tarn. I then go to the Lot and then I go back to Belgium via the Eaux Claires and Normandy. Less climbing and more cycling planned for the future, but it’s my wish to do a real loop.

– Your favourite cliff so far?
Mmh difficult to answer, I saw so many gems… If I really had to choose I would say Buoux for the climbing and the Gorges du Tarn for the beauty of the landscape. But malking a choice is hard, I could quite answer you something else if you ask me the question again in a few days!

– If we understand correctly, the idea is to send an 8a on each crag visited, when you often have very little time at the crag (2/3 days), have you succeeded in this challenge each time?
In truth it’s rather 1 or 2 days per cliff. It sure is challenging. Fortunately, I have a little margin and generally I manage to do 1 or 2 classics before leaving, often during a day. But to be honest, the challenge is not just to send an 8a. It’s to send the route while being tired from the night outside, from the 80km of cycling the day before, and from the 5 months of travel. That’s why it’s hard and I learned a lot in terms of tiredness management and listening to my body. Now I always do an 8a per sector all the time, but that wasn’t always the case, especially at the start of the trip, when I still had everything to learn!

– How did you choose the routes you try?
By opening my ears, talking with the locals, learning about historical routes. Generally there is always a conjecture which determines the most beautiful route(s) to try in the sector.

8a vélo France
photo: Mathieu Pisaniello

– Why 8a, and not 7c+ for example?
Clearly, this is a personal choice. It’s a level in which I feel comfortable while being challenged. I usually do 8a in the session, but it asks me to fight and that’s what I like. And then why 8? I don’t really know, probably the symbolism of level 8 is a door to the top level. And then it’s class the number 8, it’s vertical infinity!

– Your favourite route so far?
There are many, but here like that I want to say “Les ailes du désir” in the Gorges du Tarn.

– You stay on each cliff for a short time before hitting the road again, isn’t it too tiring to cycle + climb? Do you sometimes rest?
I’m not going to lie to you, it’s exhausting. That’s what’s hardest to manage on this trip, the constant physical fatigue. But I learned to listen to myself and sometimes I take days off. But not too much, because that means less climbing!

– Can we follow you on social networks?
Of course, come and join the adventure and don’t hesitate to invite me to your home or to write to me, I’m very kind and I like to tell stories!
Facebook: En quête du Saint 8a
Instagram: pablorecourt

8a vélo France



L’article Pablo Recourt, un tour de France des 8a à vélo – Pablo Recourt, a tour of French 8a’s by bike est apparu en premier sur Fanatic Climbing.

Interview: Lucien Martinez, irréductible acharné – Interview: Lucien Martinez, inveterate and tenacious

27 janvier 2022 à 11:19

(English below)

Tous ceux qui l’ont rencontré et côtoyé confirmeront, Lucien Martinez n’est pas un grimpeur qui laisse indifférent. Personnage sympathique et ouvert, assumant parfois des prises de position tranchées, ayant une approche très personnelle et originale de l’activité, à l’instar de ses potes Charles Albert ou Nico Pelorson, Lucien fait figure d’OVNI dans le paysage de la grimpe hexagonale. Longue interview avec l’intéressé.

– Tu viens du Sud-Ouest, précisément de Montauban, peux-tu te présenter et raconter tes débuts en escalade ?

Avant Montauban, j’ai habité à Toulouse jusqu’à 8 ans et c’est là où j’ai commencé la grimpe. Ma mère nous avait inscrits, mon frère et moi, à un cours hebdomadaire avec Mathieu Gallot Lavallée. Il y avait des gens à la salle qui m’avaient dit que Mathieu était super fort et qu’il avait fait une voie en falaise incroyablement dure, que seuls trois grimpeurs avaient réussie, et que l’un d’entre eux avait dit que cette voie était 8c+. Sur le moment, cette histoire m’avait fasciné, et j’ai compris peut-être 10 ans plus tard qu’il s’agissait en fait de Baston à la Maison à Saint Géry (falaise lotoise) et que le grimpeur qui avait parlé de 8c+ n’était autre que Dave Graham.
Pour autant, je n’étais pas spécialement doué ni très motivé à cette époque. Ma passion, c’était le rugby. J’en ai fait pendant trois ans et j’étais super fort, bien plus qu’à l’escalade. Ceux qui me connaissaient à l’époque pourront en témoigner même si je reconnais que ça peut paraître dur à croire vu mon physique squelettique. En arrivant à Montauban, il n’y avait plus de place au club de rugby, et la salle de grimpe, en parallèle, était juste à côté de chez moi. Il y avait une formule accès libre qui nous permettait d’y aller tout seul le soir après l’école ce qui fait que je me suis mis à y aller plus ou moins tous les soirs. Je ne pensais plus qu’à ça. Je me morfondais toute la journée en attendant de retourner essayer les blocs qui m’avaient résisté la veille. Je ne cherchais qu’à m’amuser, pas du tout à m’entraîner, mais la progression venait d’elle-même et j’ai franchement muté en l’espace de 2 ou 3 ans. À ce moment, Hervé Peyre, notre moniteur, s’est mis à amener régulièrement les jeunes du club en falaise à Saint Antonin. Il nous montait des cordes, nous aidait à choisir des voies, nous donnait des méthodes aux petits oignons, nous racontais des histoires sur la réputation des lignes et les grimpeurs du coin… Et à force, peut-être aussi aidé par le fait que je n’arrivais jamais à battre mon pote François Kaiser (que je salue !!) en compétition, j’y ai pris goût et je me suis passionné de caillou. À 13 ou 14 ans, j’étais à peu près autonome. J’avais amassé une pile de numéros de téléphone de grimpeurs que je connaissais, et le samedi soir, je les faisais tous un par un jusqu’à trouver quelqu’un qui voulait bien m’amener en falaise.

– Un diplôme d’agronomie en poche, tu as tout plaqué pour l’escalade, pourquoi ?

En terminale, j’étais plus passionné de grimpe que jamais, plus ou moins obsédé. Mais après le Bac je suis rentré dans une prépa et je ne grimpais plus qu’une mini séance le samedi aprem en falaise. Ça a été terrible de frustration. Je voyais les gens faire des perf, progresser, se régaler et j’étais super jaloux. En école d’ingé, je me suis mis à grimper beaucoup plus et à retourner en falaise les deux jours du week-end, mais c’était pas si facile que ça de valider les semestres alors j’ai quand même dû faire des compromis sur l’escalade.
Une fois le diplôme en poche, en fait, je n’avais pas du tout l’intention de tout plaquer, je voulais juste faire une année sabbatique pour me concentrer à 100% sur deux voies qui me faisaient rêver, “Fight or Flight” et “3 Degrees of Separation”, pour essayer de les enchaîner avant de chercher un boulot d’ingénieur potentiellement très prenant. Le problème, c’est que malgré toute ma motivation, mon investissement et mes essais, je n’en ai réussi aucune des deux. J’ai pris conscience de deux choses. Premièrement, que pour réussir mes rêves il faudrait progresser et pas qu’un peu. Deuxièmement, que l’escalade était mon monde, que je ne pourrais jamais m’en lasser et qu’il serait bête de ne pas bosser là-dedans compte tenu de cela. J’ai beaucoup réfléchi à ce qu’il fallait que je fasse et finalement j’ai décidé de tenter le coup dans le journalisme, avec en tête la possibilité de revenir en arrière si ça ne fonctionnait pas. Finalement, je me sens à ma place, je fais vraiment quelque chose qui me passionne et je pense que je fais mieux dans mon travail à Grimper que ce que j’aurais pu faire comme ingé.

Interview Lucien Martinez
Dans la 2e répétition de “Three Degrees of Separation” (coll. Sam Bié)

– Tu t’es intéressé très tôt à la haute-difficulté en escalade ? Pourquoi ce sujet t’anime particulièrement ?

Tu me demandes de faire ma propre psychanalyse ma parole ! La haute difficulté sur le caillou a, je trouve, quelque chose de fascinant. Il y a des mystères, des ragots, des rivalités, des combats épiques de plusieurs années, des grimpeurs qui réussissent à faire des exploits incroyables en étant plus malins que les autres, des premières ascensions qui s’apparentent à des quêtes de Graal avec plusieurs protagonistes… Le tout, et c’est ça qui est incroyable, sans aucun cadre officiel !

– Tu t’intéresses beaucoup aux cotations, et tu estimes que le slash ne devrait pas exister, pourquoi ?

Je sais pas si je vais réussir à expliquer mais je vais essayer ! Les souvenirs de mes cours de prépas me permettent de dire que les cotations sont une discrétisation d’un ensemble continu. C’est-à-dire qu’une cotation n’est pas du tout une valeur précise de la difficulté d’une voie, mais une plage de difficulté. Si on reprend l’image d’une « échelle » de cotations, il faut donc bien comprendre qu’une cotation, le 7a par exemple, n’est pas un barreau mais l’espace entre deux barreaux, barreaux qui représentent les limites entre le 7a et le 7a+ en haut et le 7a et le 6c+ en bas.
Si on dit qu’une voie est un 8c+/9a, ça ne peut pas vouloir dire que la difficulté se situe pile au niveau du barreau séparant le 8c+ et le 9a car c’est mathématiquement impossible (la probabilité que la difficulté d’une voie tombe pile poil sur un barreau est nulle, cf mes cours de maths). Pour dire que la cotation d’une voie est 8c+/9a, il faut donc considérer qu’on a ajouté une nouvelle plage entre le 8c+ et le 9a dans l’échelle de cotations. Admettre les cotations slashées, c’est accepter de redisposer tous les barreaux de l’échelle de cotation (et d’en rajouter) pour dégager de la place et doubler le nombre de plages de cotations. Rien ne l’interdit, mais cela voudrait dire qu’il faudrait reconsidérer les cotations de toutes les voies. Les 8a solides deviendraient des 8a/+, les petits 8a+ idem et ainsi de suite pour toutes les lignes du monde.
En plus de ce problème, je trouve que le niveau de précision de l’actuelle échelle de cotation n’est pas si mal et qu’il n’est déjà pas facile de trouver des consensus. Il ne me paraît donc pas spécialement pertinent de tout chambouler en doublant le nombre de cotations sur l’échelle.
Mais, car il y a un mais, je ne suis pas spécialement contre les slashs dans leurs deux utilisations d’origine. À la base, ils ne servaient pas à rajouter une cotation dans l’échelle, mais à manifester une hésitation entre deux cotations, en laissant aux répétiteurs suivants la charge d’ajuster la difficulté. Il me semble que cet usage du slash est le bon, et c’est pour cela que lorsque je répète une voie dure slashée, je tente de donner mon avis avec le plus d’honnêteté possible entre les deux cotations concernées.
L’autre usage historique du slash, qui est intéressant aussi (je sais par exemple que c’était le cas pour le topo de Saint Antonin), concernait les voies morpho, et donnait une indication sur le fait que la voie n’a pas la même difficulté pour tout le monde.

– En tant que grimpeur, tu t’obstines particulièrement dans des projets extrêmes après-travail comme “Fight or Flight”. Pourquoi tout le temps repousser tes limites ?

Alalala, cette question met le doigt sur un énorme problème. Pour moi, ça fonctionne comme une quête avec des péripéties et une fin incertaine. Une voie dure qui me fait rêver, c’est un Graal que j’essaie d’atteindre. Je ne sais pas si je vais y arriver, mais j’en rêve, parfois même au sens propre. Et j’ai envie de donner le maximum pour réussir.
C’est bien beau sur le papier, mais à partir du moment où on assume le fait de vraiment vouloir faire des trucs très durs, on s’enferme un peu là-dedans…
On ne peut plus partir grimper n’importe où n’importe quand parce qu’on est asservi à nos objectifs et nos entraînements. On ne voit presque plus l’escalade que sous le prisme de notre quête, au point qu’on en oublie l’amusement, le même qui m’avait fait aimer l’escalade à mes débuts. Je n’aime pas être monomaniaque, pas du tout. Il y a plein d’autres sports que j’adore et que je ne pratique malheureusement plus, sans parler de sollicitations de copains que je décline… Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Vouloir faire Fight or Flight tout en restant ouvert, disponible, en pratiquant plein d’autres sports et en prenant le temps de faire de beaux magazines Grimper, je sais très bien que ce n’est pas dans mes cordes. Donc pour le moment, je reste à fond sur la perf, mais je suis fortement tiraillé parce que je n’aime pas trop cet état de rigidité dans lequel elle m’enferme.

Un bon flight dans “Fight or flight” (coll. Pierre Trolliet)

– Depuis quelques années, au lieu d’aller répéter des voies dures emblématiques, tu t’es plutôt tourné vers des voies du terroir, avec des ouvertures ou des répétitions de voies peu classiques (“Beyond”, “3 degrees”, “FFF”, “Hugh”,…). C’est voulu ?

Ça aussi, c’est quelque chose de très important. Ce n’est pas une difficulté, qui me fait rêver, mais un contexte global dont la difficulté fait partie. C’est vraiment très important pour moi.
Si je m’investis dans une voie, il faut qu’elle ait un sens particulier, par son histoire, sa localisation où je ne sais quoi d’autre… Pour FFF, la voie n’est pas spécialement belle mais elle se situe à Supermanjoc, ma falaise de cœur, et je suis passé au pied pendant des années en levant la tête et en me disant que ça avait l’air impossible. Pour Hugh, c’était le mystère, j’étais extrêmement curieux d’aller y mettre les doigts et de voir en vrai comment c’était. Pour Beyond, c’était juste que la voie était très sympa à grimper et qu’elle me convenait bien. Pour “Three Degrees”, c’était un rêve depuis que j’avais vu la vidéo de Sharma, une des meilleures qui existent. Arriver à Céüse plus de 10 ans après avoir vu la vidéo pour la première fois, apercevoir les 3 colos jaunes du départ en montant le dernier raidillon de la marche d’approche, toucher les prises pour la première fois, essayer les mouvements en me demandant s’ils sont conformes à ce que j’imaginais, puis mettre des runs et encore des runs pour finalement réussir… Tout ça était une expérience incroyable et infiniment mieux que s’il y avait la même voie sans le contexte, sans la vidéo de Sharma et sans le dizaines de visionnages à 12 ans les yeux écarquillés devant l’ordi de mon père.
Pour résumer, je n’ai aucune volonté de ne pas répéter les voies emblématiques, au contraire, j’aime bien ça, mais d’autres éléments de contexte comme le mystère ou le terroir du Sud-Ouest ont aussi de l’importance dans les voies sur lesquelles je choisis de m’acharner, le plus important étant que cela ait du sens pour moi.

– Quelle est ta vision de l’escalade en France à l’horizon 2022 ?

J’imagine que cette question pourrait être abordée sous plein d’angles différents (salle, gestion des falaises, grimpeurs etc.) mais le seul pour lequel je crois avoir un truc intéressant à dire concerne le haut niveau en falaise : j’ai l’impression que la France est en train de redevenir le centre du monde, comme elle l’était fin 90 début 2000 avant que Sharma ne le déplace en allant s’installer en Catalogne. On a toutes les voies de Seb Bouin (à la Ramirole mais pas seulement) qui sont majeurissimes et pour lesquelles les Ondra, Megos, Schubert et Ghisolfi ne pourront pas s’échapper éternellement, et en plus on a Céuse et Saint Léger avec plein de nouvelles voies extrêmes et des projets majeurs un peu partout. On observe une nouvelle dynamique pour la France depuis 2-3 ans et je fais le pari que cette tendance va s’accentuer et que la décennie des années 2020 sera celle de la France comme celle des années 2010 (et fin 2000) a été celle de la Catalogne.

– Quel regard portes-tu sur la presse escalade en général, et particulièrement sur la presse web ?

Paradoxalement, je trouve que la presse web va assez mal parce qu’elle est vampirisée par Instagram. Avant, à l’époque où tu faisais les news Kairn, on attendait avidement les news des croix parce que c’était vraiment là où on apprenait ce qui se passait. Maintenant, c’est Instagram qui a volé la vedette et presque toutes les informations clef de notre petit monde y arrivent en premier. Et nous, pour les news web, on se retrouve obligés de reprendre en le reformulant comme on peut les « communiqués officiels » que font les athlètes sur Insta, ou alors de leur demander des précisions intéressantes, mais dans tous les cas c’est sur Instagram que l’info arrive en premier. L’utilité de la presse web devient alors d’être une sorte d’entonnoir des réseaux sociaux qui filtre les informations et performances d’importance pour le lectorat. Ça reste intéressant parce tout le monde ne suit pas à fond ce qui se passe sur Instagram, et donc il reste pas mal de gens qui apprennent quand même plein de choses sur la presse web, mais c’est plus tout à fait pareil.

– Les réseaux sociaux ont révolutionné et accéléré la communication des informations. Est-ce une bonne ou mauvaise chose ? Qu’en retiens-tu ? Comment les utilises-tu ?

Comme le laisse deviner ma réponse précédente, je suis d’accord avec le constat ! J’aurais tendance à dire que ce n’est ni une bonne ni une mauvaise chose, mais que c’est comme ça et qu’il faut faire avec. Je vais quand même me permettre une petite critique. Le système des réseaux sociaux est quand même fortement basé sur l’autopromotion. On a un compte et on raconte nous même nos exploits avec plus ou moins finesse et de subtilité. Je trouve qu’un système qui oblige les gens à chanter leur propre légende pour exister a quand même un problème. En tout cas moi ça me dérange, même s’il y a quelques comptes que je suis avec beaucoup de plaisir et que je serais triste de voir disparaître !
Pour ma part, je ne suis sur les réseaux sociaux que pour me tenir informé et voir ce que mettent les autres, je ne poste jamais rien. Mais j’ai bien conscience que si je n’étais pas salarié de Grimper et que je devais faire mon trou en journaliste indépendant, ou bien si j’essayais d’être grimpeur pro, je ne pourrais probablement pas faire l’économie de mon autopromotion sur les réseaux.

En plein run dans “Moksha” au Pic St-Loup (coll. Pierre Trolliet)

– On entend souvent que la presse papier va mal. Depuis que tu as démarré, quelles sont tes satisfactions, les écueils que tu as rencontrés, ou rencontres que tu as faites en tant que journaliste ?

Là, par contre, je ne suis pas d’accord avec le constat ! En ce qui concerne l’escalade, la presse papier a me semble-t-il tout ce qu’il faut pour aller plutôt bien. Je pense en particulier aux photos. La photo de grimpe, c’est quelque chose de riche et qui esthétiquement fonctionne très très bien. Il y a le grimpeur, son visage, sa position, ses préhensions, la sculpture et les couleurs du rocher, le paysage… En plus il y a pas mal de photographes qui sont passionnés et super bons. Ce serait trop dommage que toutes les belles photos de grimpe n’existent plus ou presque plus que sur les écrans. Au niveau des textes aussi, je crois que sur le papier on peut se démarquer du web en faisant, par exemple, des dossiers un peu complets comme ceux des Grimper Céüse et Fontainebleau, mais aussi apportant des analyses de fond assez complètes sur des thématiques historiques ou de progression.
Évidemment, en ce qui concerne les actualités brûlantes, ça arrive un mois après voire plus dans le magazine papier, donc la bataille est perdue d’avance, mais je crois qu’il reste et restera une grosse niche pour le papier, parce qu’en jouant sur le ressort de la qualité, le support papier apporte des choses que le web n’offre pas. Mais ça, c’est à nous de le prouver en produisant de beaux (et intéressants !) magazines.
En ce qui concerne les satisfactions et écueils, ça va bientôt faire 3 ans que je suis rédacteur de Grimper donc il y a forcément eu des choses qui ont plus ou moins bien marché. Il y a un truc en particulier dont les gens ne se rendent pas forcément compte, c’est la multiplicité des enjeux lorsqu’on sort un magazine. On veut que le lecteur soit content et faire rêver les gens, on veut que le numéro se vende bien, évidemment, mais il faut aussi éviter à tout prix de semer la zizanie sur les territoires dont on parle en oubliant par exemple d’impliquer tel équipeur ou tel grimpeur qui ont donné de leur passion et de leur temps sur les falaises concernées, ou bien en ne prenant pas de pincettes pour faire la promotion de secteurs menacés d’interdiction, etc. C’est presque impossible de cocher toutes les cases, mais c’est très satisfaisant quand, pour certains magazines, on arrive à s’en rapprocher. En revanche c’est décevant quand on n’y arrive pas.
Et sinon, j’aimerais bien qu’il y ait un peu plus d’humour et de dérision dans les magazines mais je n’ai toujours pas trouvé de formule adaptée… Gilles, si tu lis cet interview et que tu veux reprendre les fausses couvertures, la porte est ouverte !

– On sent dans tes écrits un certain intérêt pour la culture littéraire/philosophique, tu peux nous en dire plus ?

Oui, je peux en dire plus. En fait, c’est pas vraiment un intérêt particulier pour la culture littéraire ou philosophique mais beaucoup plus général que ça. Je suis tellement conditionné à penser grimpe que mon cerveau fait très souvent des parallèles entre l’escalade et des choses qui n’ont rien à voir. Je trouve ça amusant et j’aime bien partager ces parallèles dans des articles. Si c’est bien fait – j’avoue que ça ne marche pas à tous les coups – ça peut apporter de l’intérêt et de la profondeur aux textes ou bien servir d’accroche. Mais ça ne concerne pas du tout seulement la littérature ou la philosophie (disciplines dans lesquelles je précise que je n’ai aucune prétention), ça peut être des films, d’autres sports, d’autres disciplines… J’ai même fait une analogie entre la recherche de la bonne cotation et les diagrammes de phases qu’on étudiait en Chimie. J’espère qu’un de ces 4 j’aurais l’occasion de l’expliquer dans un article !

– Que répondrais-tu aux gens qui jugent que tu possèdes un côté trop élitiste ?

Que j’en assume une partie. Par autodérision, je dis parfois que je n’arrive pas à trouver antipathiques des gens qui ont de la force dans les doigts ! L’excellence, quel que soit le domaine, est je trouve très intéressante, voire fascinante. Je ne serais pas capable de donner la source, mais je me souviens d’Adam Ondra disant que plus on monte en niveau, plus la pratique de l’escalade est intéressante parce qu’elle se complexifie. Je suis assez d’accord avec ça.
En ce qui concerne mes amitiés, par contre, je nie en bloc. Certes, vu que je passe tout mon temps à grimper, je suis forcément amené à fréquenter des gens passionnés et donc un peu forts, mais ce serait faire insulte à mes copains que de les apprécier pour leur niveau en grimpe. Je suis amis avec des gens parce que j’aime bien discuter avec eux, que je les trouve sympathiques, qu’ils me font marrer ou je ne sais quoi d’autre.
Autant l’excellence est assez fascinante, autant, quand on se met à bien connaître les gens, elle perd énormément en importance dans la relation jusqu’à finir par s’effacer presque complètement.

– Quelle est la plus grande démonstration d’escalade à laquelle tu aies assisté ?

De temps en temps, je vois des gens faire des trucs où je ne comprends même pas comment c’est possible. Allez, trois-quatre exemples pour le plaisir. L’échauffement d’Adam Ondra à Entraygues avant qu’il ne rate le flash dans “la Moustache qui Fâche”. Il faisait des 8a/b à vue (ou peut-être qu’il les avait déjà faits 10 ans avant) en randonnant tellement que je me suis dit sur le moment que même dans un 6c je me serais plus mis au taquet. C’était incroyable.
Autre exemple, la première fois ou j’ai mis les pieds à Oliana, Ramon a fait le 8c+ Joe Blau en randonnant complètement et en se reposant partout même dans les crux. Sur le moment il grimpait avec tellement peu de rythme qu’on a cru qu’il l’avait faite à vue, mais en fait on a appris qu’il avait mis une montée la semaine d’avant. Incroyable.
À Bleau, j’ai vu Charles à de multiples reprises faire des choses abracadabrantesques que j’aurais presque jugées impossibles si je ne les avais pas vues. Du genre des ouvertures flash ou en très peu d’essais de 8A sur 1 mouv dans lesquels personne d’autre ne bouge, ou bien des 7B dalle en basket en atomisant des grattons avec les ongles…
Un dernier pour la route. Dans le dévers à 65° de Blocage, le petit pan de Bleau, Nico Pelorson avait ouvert un bloc (prises rouges !) avec un mouvement de pure tenue et gainage qui me semblait ne pas marcher. Ce mouvement, Nico l’a réussi et même avec les 2 mouvs de mise en place. C’était vers le moment où il a fait Big Island assis et il était sacrément en forme. Les grimpeurs qui passaient à la salle et voyaient ce bloc pensaient même que c’était une blague tellement il avait l’air impossible.

“L”insoutenable” à Bleau (coll. Stephan Denys)

– Toutes choses étant égales par ailleurs, tu dois parier sur la personne qui décrochera la première du “Bombé bleu”: sur qui est ton argent ? Et la première répétition de “Silence”?

Les meilleurs profils pour faire cette voie sont à mon avis Alex Megos et Jakob Schubert parce qu’ils ont probablement le niveau de force de faire le premier pas de bloc, mais aussi suffisamment de consistance pour grimper le 9a qui suit avec de la sécurité. Adam Ondra, je sais que la voie lui fait peur parce qu’il a des gros doigts et que c’est un handicap dans ce style, mais je pense que s’il décide de s’investir il va la faire, d’autant qu’il a peut-être l’allonge pour faire la méthode de droite beaucoup plus facile. Dans les outsiders, les deux Nico, Pelorson et Januel, ont démontré qu’ils savent concrétiser de gros projets, et pourraient tirer leur épingle du jeu s’ils trouvent la solution du premier mouv. Je pense qu’un Simon Lorenzi s’il se motive peut avoir une chance, Charles aussi mais j’y crois pas trop…
Bref, je réponds maintenant à la question : si je dois en garder un, ce sera Megos, talonné par Ondra. Mais par contre, ça me ferait plus plaisir que ce soit un Français !
Pour “Silence”, pas facile non plus ! Je dirais Seb Bouin ou Stefano Ghisolfi, avec une petite option sur Seb.

– Tu essaies d’avoir une démarche écolo en privilégiant le vélo et le train pour te déplacements en falaise. Décris ton raisonnement.

Bigre, par où commencer ? En fait, il faut que je sois honnête : je ne fais quasiment aucun effort pour avoir un mode de vie écolo et je vais la plupart du temps grimper en voiture.
Je suis pourtant assez persuadé, comme pas mal de gens maintenant, qu’il faudrait que tout change pour des raisons écologiques. Mais je vois plutôt ça comme une transition politique, avec des centaines de milliers d’ingénieurs missionnés par l’état qui feraient des consultations populaires, réfléchiraient et aideraient à organiser la mise en œuvre d’une transition en urgence, pour essayer de diviser par 5 ou 10 la consommation générale d’énergie (fossile) tout en essayant de laisser aux gens la possibilité d’être à peu près libre et heureux. Par contre, je crois que c’est un énorme piège de penser que la solution viendrait des individus qui changeraient radicalement de mode de vie chacun dans leur coin. Ça n’a strictement aucun sens parce que la société est organisée de manière à ce qu’on doive choisir entre polluer et s’aliéner soi-même pour ne pas polluer. Il faut offrir un autre choix aux gens que ce dilemme affreux.
Cela étant dit, en attendant le tournant politique, je pense qu’il faut faire preuve de décence dans nos comportements individuels et ne pas se déresponsabiliser totalement non plus, d’autant que cela nous prépare à accepter l’idée d’un changement politique.
Quand la transition se fera, ça m’étonnerait beaucoup que notre modèle de grimpe en falaise puisse subsister tel quel. Plein de jeunes grimpeurs n’auront probablement plus de voiture individuelle, ou alors elles seront minuscules et rouleront à 50, ou alors on ne pourra plus faire autant de kilomètres mais je vois bien les trips train/vélo gagner en parts de marché dans les années à venir.
On en vient à ce pourquoi j’ai fait quelques trips de grimpe sans voiture : pour l’expérimentation. Je voulais voir si c’était bien, agréable, compatible avec la performance…
Je donne quelques résultats en vrac de ces expérimentations : le lendemain d’une journée de vélo, un corps pas trop entraîné n’est pas prêt du tout à perfer, le surlendemain ça va déjà mieux. Ça donne une dimension esthétique au trip (et aux performances si elles surviennent) qui est vraiment incroyable : ça augmente fortement la saveur de l’expérience. Ça demande un surplus de temps si c’est juste un trip vélo et d’argent si c’est train/vélo ce qui n’est pas compatible avec certains travails et certains budgets…
Bref, je trouve que c’est un sujet très intéressant, il y a plein de solutions à trouver et à mettre en œuvre, mais encore une fois, il faudrait vraiment un appui politique. Parce que même avec la meilleure volonté du monde, s’il n’y a pas de place dans les trains pour les vélos ou si la SNCF fait du pricing sur votre dos pour vous faire cracher le plus d’argent possible, eh bien vous ne pourrez rien faire d’autre que l’avoir dans l’os.

– Tu partages ta vie depuis quelques années avec Caroline Sinno, spécialiste de bloc. Comment s’organise votre équilibre de couple de grimpeurs ?

Caro, elle est au moins aussi fanatique que moi. Elle se met des énormes projets en bloc dans lesquels elle ne fait toujours pas les mouvs au bout de 10 séances, mais elle lâche rien et elle finit par réussir alors que personne n’aurait parié un centime sur elle au début. En fait, même si elle c’est en bloc et moi en voie, on a exactement la même approche de l’escalade : ce qui nous anime vraiment c’est le après travail très long. Du coup on se comprend. Moi je sais à quel point c’est important pour elle d’avoir de la parade dans ses projets donc je fais de gros efforts pour la soutenir. Elle, elle sait que j’ai besoins de faire souvent des trips falaise d’une ou deux semaines voire plus pour essayer du dur, du coup elle me laisse m’organiser comme je veux et ne me fait jamais culpabiliser même si parfois, pour elle comme pour moi, c’est pas facile de passer du temps sans se voir. Puis si elle n’a pas trop de travail avec Crimp Oil elle vient avec moi en falaise.

“A la limite de la rupture”, Supermanjoc (coll. Julia Cassou)

– Tu sembles davantage intéressé par la falaise et pourtant tu habites en forêt de Fontainebleau. Pourquoi ce choix ?

Bleau, c’est vraiment un choix de couple. Caro rêvait de rester habiter là, et moi, ça m’allait pas trop mal parce qu’à Bleau, quand tu as un emploi du temps un peu flexible, tu peux aller toucher le caillou même en semaine dès que tu as un petit créneau de 2 ou 3h. Et puis en habitant sur place, c’est très rare de prendre des buts météo en réalité. Et de toute façon, les salles sont bien pour s’entraîner.
En fait, c’est bête à dire, mais ce qui me manque en habitant là-haut c’est plus l’ambiance du Sud-Ouest. Les amis (même si j’en ai aussi à Bleau !), la famille, les départs groupés en falaise et les arrêts boulange du samedi matin…

– Les grimpeurs qui t’inspirent et pourquoi ? Qu’est-ce qui t’inspire chez un grimpeur ?

Il peut y avoir plein de choses qui m’inspirent chez des grimpeurs. Leur vision, leur mental, leurs qualités physiques, leur virtuosité… Du coup il y a plein de grimpeuses et de grimpeurs qui m’inspirent à leur manière. Mais il y en où ça va plus loin. Il y en a sans qui ma vision et mon approche de l’escalade auraient probablement été très différentes. Je vais citer en citer trois, les trois mêmes que lorsqu’Émilien m’avait posé la question pour l’interview d’Escalade9.
D’abord, Chris Sharma. Toujours imité, jamais égalé. Les first ascent de “Jumbo Love” et “Es Pontas”, avec en plus des films parfaits à la clef, sont à mon sens les trucs les plus cool qui ont jamais été fait en grimpe et j’ai l’impression que c’est, au moins inconsciemment, le modèle après lequel je cours…
Ensuite, il y a mon pote toulousain Pierre Trolliet. C’est lui qui m’a appris à réfléchir la grimpe à contre-courant, c’est-à-dire en ayant honte de réussir une voie facilement. C’est la leçon la plus précieuse qui m’a été donné en escalade.
Enfin, il y a Charles Albert. Je raconte déjà suffisamment cet ovni dans mes articles sur Grimper, mais ce qui est incroyablement inspirant chez lui, c’est sa capacité à se détacher complètement de la finalité d’une action pour se concentrer exclusivement sur la manière, sans jamais céder à la tentation de perdre en élégance pour un meilleur résultat. C’est vrai en grimpe, mais pour tout le reste aussi. S’il cuisine, par exemple, il va s’appliquer énormément pour le faire dans les règles de l’art, il va mettre toute son énergie à l’exécution parfaite de la recette. Et le résultat gustatif ne sera qu’une conséquence dont il ne se préoccupe qu’à la fin, au moment de manger.
Je n’ai pas du tout cette prétention à titre personnel, mais, grâce à Charles, c’est quelque chose sur laquelle j’aspire à progresser.

– Si il ne devait rester qu’une ligne en escalade (falaise/bloc/grande-voie/deep water), qu’est-ce que tu choisirais ?

Vue la réponse faite au-dessus, “Es Pontas” ou “Jumbo Love”, mais on va dire “Es Pontas”. Parmi les voies que j’ai enchaîné, je garderais Donkey Kong, 8c+ à Supermanjoc pour toute l’émotion qu’elle m’a procuré, autant dans le travail de la voie qu’au moment de clipper la chaîne. S’il ne fallait en garder qu’une, je garderais celle là.

– Quels sont les projets que tu aimerais mener dans le futur ?

Tout d’abord, il faut que je réussisse à finir “Fight or Flight”. Maintenant, après tout le temps que j’ai passé dedans et surtout après en avoir tellement rêvé, je ne peux plus abandonner ! Je pense que cette voie, en termes de difficulté, est probablement à la limite de ce que je serai capable de faire dans ma vie. Au moins dans ce style. Peut-être que dans une escalade un peu moins à condi je serai capable de faire un peu plus dur, mais là, j’ai vraiment l’impression de jouer à ma limite tellement l’effort est long, soutenu, et demande d’être très en forme dans toutes les filières en même temps. Je vais y aller en mars, j’espère que je serai suffisamment en forme et qu’il fera le plus froid possible avec le plus de vent du Nord possible (le vent du Nord, c’est presque un biscuit pour cette voie tellement ça aide).
Et sinon, avec le grimpeur toulousain Fabrice Landry, on a dessikaté (avec la bénédiction de l’équipeur Éric Siguier !) un vieux 8c+ de Supermanjoc, ce qui donne un nouveau projet dans ma falaise de cœur, naturel, exceptionnellement beau et je pense à peu près du même niveau que “Fight or Flight”, mais dans un style un tout petit peu plus haché qui me convient un poil mieux. Trouver une telle voie à Saint-Antonin, avec en plus un pote aussi motivé que moi pour l’essayer, c’est juste le rêve. Ce sera mon objectif principal cette année.

Photo de couverture : Arthur Delicque

Interview Lucien Martinez
Portrait (coll. Arthur Delicque)

ENGLISH VERSION

All those who have met and talked with him will confirm that Lucien Martinez is not a climber who leaves you indifferent. A friendly and open character, sometimes taking clear-cut positions, having a very personal and original approach of the sport, like his friends Charles Albert or Nico Pelorson, Lucien is an UFO in the French climbing scene. Long interview with him.

– You’re from the South-West of France, precisely Montauban. Can you introduce yourself and tell us about your beginnings in climbing?

Before Montauban, I lived in Toulouse until I was 8 years-old and that’s where I started climbing. My mother had enrolled my brother and me in a weekly class with Mathieu Gallot Lavallée. There were people at the gym who told me that Mathieu was super strong and that he had done an incredibly hard outdoor route that only three climbers had sent, and that one of them had said this route was an 8c+. At the time this story fascinated me, and I understood perhaps 10 years later that the route was in fact “Baston à la Maison” in Saint Géry (in the Lot), and that the climber who had suggested 8c+ was none other than Dave Graham.
However, I was not particularly gifted or even motivated at the time. My passion was rugby. I played rugby for three years and was super strong, much more than at climbing. Those who knew me at the time will be able to testify to this, even if I admit that it may seem hard to believe given my rather skinny physique now. Arriving in Montauban, there was no more spots at the rugby club, while at the same time the climbing gym was close to my house. There was a free access formula that allowed us to go alone in the evening after school, so I started going there more or less every evening. I started thinking only about that. I bid my time all day waiting to go back and try the boulders that had resisted me the day before. I was only looking to have fun, not to train at all, but I improved nonetheless and my level increased progressively in the next 2 or 3 years. At that time Hervé Peyre, our instructor, began to regularly take the club’s youngsters to the crag of Saint Antonin. He put top-ropes up for us, helped us choose routes, gave us advice and beta, told us stories about the lines and the climbers in the area… And by the by, perhaps helped by the fact that I never managed to beat my good friend François Kaiser (whom I hereby salute!!) in competition, I fell in love with rock climbing. At 13 or 14 I had become pretty much independent. I had a list of phone numbers of climbers I knew, and on Saturday evenings I would call them all one by one until I found someone to take me to the cliff.

– Once you graduated in agronomics, you dropped everything for climbing, why?

In my last high school year, I was more hungry for climbing than ever, more or less obsessed. But after my Bac (end of high school exam) I got into a Prépa (preparatory class) and could only squeeze in Saturday afternoons at the crag. I was extremely frustrated. I could see everyone grabbing hard ticks, improving, loving life and I was so envious. As soon as I got into my Engineering School I was able to climb more and spend the whole weekend outdoors, but it wasn’t that easy to juggle both so I still had to find some kind of compromise regarding climbing.

With my diploma in the bag, in actual fact, at first I had no desire to throw it all away, I just wanted to take a year off in order to focus 100% on the two lines that I was fantasising about, ‘Fight or Flight’ and ‘3 Degrees of Separation’. The idea was to send them before looking for a rather busy engineering job. The problem is that regardless of my motivation, my single mindedness and my attempts, I couldn’t send either. I realised two things. First, that to make my dreams come true I had to improve, and not just a little. Second, that climbing was my world, that I would never get bored of it and it’d be silly not to work in climbing given all the above. I thought long and hard about what to do and in the end decided to give journalism a go, with the safety net of going back to engineering if it didn’t work out. Overall I feel at home where I am now, I do something I’m passionate about and I think I bring more with my job at Grimper (main French climbing magazine) than I would have an engineer.

– You were interested in high level climbing very early on. Why does this subject particularly interest you?

Oh my God, you’re asking me to do my own psychoanalysis ! High difficulty in climbing has, I find, something fascinating. It has its mysteries, gossip, rivalries, epic fights lasting several years, climbers who manage to perform incredible feats by being very clever, first ascents that are akin to Grail quests with several protagonists… All of this, and that’s what’s incredible, without any official framework!

– You’re very interested by grades, and you think that the slash shouldn’t exist, why?

I don’t know if I’ll manage to explain myself but I’ll give it a shot! What little recollection I have of my preparatory class time is that grades are a discretisation of a continuous whole. Meaning that a grade is no way near a precise value for the difficulty of a route, rather a range. If we take the notion of a ‘grading scale’, we must understand that a grade, say 7a, is not a rung but the space between two rungs, where the rungs represent the limits between 7a and 7a+ at the top, and 7a and 6c+ at the bottom. If we say that a route is 8c+/9a, it cannot mean that its difficulty is located bang on the rung separating 8c+ from 9a, because it’s mathematically impossible (the probability that the difficulty of a route lies right on a rung is zero, cf. my math classes). To say that a route is 8c+/9a implies adding a new gap between 8c+ and 9a in the grading scale. To use slash grades is to accept the rejigging of all the rungs on that scale (as well as adding some) in order to make way for new ones and effectively double that number. Nothing forbids it, but it would entail a reassessment of the grade of each line. The hard 8a would become 8a/+, the easy 8a+ likewise and so on and so forth for all the routes in the world.

On top of this issue, I think that the current level of accuracy in the grading scale is not that bad, and that it’s already tricky getting a consensus. It’s therefore not that pertinent to shuffle everything around by doubling the current number of grades.

But, for there is a but, I am not against slashes in their two original uses. At the beginning, they weren’t used to add a grade to the scale, but to express a doubt between two grades, thereby leaving repeaters to refine it. I think this is a good use of the slash, and that’s why when I repeat a slashed route I try to give my opinion with the most honesty and openness possible.

The other use of the slash, historically, and which is also interesting (I know it was for instance the case for the Saint Antonin topo) had to do with morphology-dependent routes: it gave an inkling that the route wasn’t the same difficulty for everyone.

Interview Lucien Martinez
Climbing in Font – Red Rocket (coll. Stephan Denys)

– As a climber, you are particularly stubborn on extreme redpoint projects such as “Fight or Flight”. Why try to push your limits all the time?

Well, this question points to a huge problem. For me, it works like a quest with twists and turns and an uncertain end. A hard route that makes me dream, it’s a Grail that I’m trying to reach. I dunno if I’ll get there, but I dream of it, sometimes even literally. And I want to give it my all to succeed.
It’s all very well on paper, but from the moment you accept the fact of really wanting to do very hard things, you tie yourself up to them…

We can no longer go climbing wherever, whenever because we are enslaved to our goals and our training. We no longer see climbing other than through the prism of our quest, to the point that we forget the fun, precisely what made me love climbing in the first place. I don’t like being a monomaniac, not at all. There are plenty of other sports that I love and that I unfortunately no longer practice, not to mention requests from friends that I decline… But you can’t have everything. Wanting to do “Fight or Flight” while remaining open, free, practicing lots of other sports and taking the time to make beautiful Climbing magazines, I know very well that it’s not possible for me. So for the moment, I’m staying fully focused on performance, but I’m very torn because I don’t really like this state of rigidity in which I find myself in.

– In the last few years, instead of repeating famous hard routes you’ve turned to local crags, with unusual first ascents and repetitions (“Beyond”, “3 degrees”, “FFF”, “Hugh”…). Is it planned?

If I invest myself in a route, it has to have a particular meaning, through its history, its location and whatever else… For ‘FFF’, it’s clearly not a beautiful line but it’s located in Supermanjoc, my childhood crag, and for years I walked past it, looking up, telling myself it would impossible. For ‘Hugh’ the mystery attracted me, I was very curious to get my fingers on it and see what was what. For ‘Beyond’, the route was nice and in my style. For ‘3 Degrees’ it had been a dream ever since watching Sharma’s video, one of the very best. Getting to Ceüse more than 10 years after watching it, catching a glimpse of the three yellow tufas at the start as you walk up the last steep part of the path, touching the holds for the first time, trying the moves wondering if they are like what I imagined, then throwing attempt after attempt before finally succeeding… All this was an incredible experience, and so much nicer than for a route without context, without Sharma’s video and the dozen viewings, aged 12, mouth agape in front of my dad’s computer screen.

For short, it’s not that I don’t want to repeat the more fashionable lines, on the contrary I like it, but other contextual elements such as the mystery or the South-West crags also matter in the routes I decide to focus on. For me, the most important is what has meaning for me.

What’s your vision of climbing in France for 2022?

I imagine that this question could be approached from many different angles (gyms, management of crags, climbers etc.) but the only one for which I think I have something interesting to say concerns the high level in rock climbing: in my opinion France is once again becoming the center of the world, as it was at the end of the 90s and the beginning of the 2000s, before Sharma moved it by living in Catalunya. We have all the routes by Seb Bouin (at La Ramirole but not only) which are extremely huge and from which Ondra, Megos, Schubert and Ghisolfi will not be able to avoid forever… And in addition we have Céüse and Saint-Léger with lots of new extreme routes and major projects everywhere. We have been witnessing a new dynamic in France in the last 2-3 years and I am betting that this trend will increase and the decade of the 2020s will be the one of France, like that of the 2010s (and the end of the 2000s) was for Catalunya.

– What do you think about the climbing press in general, and particularly the climbing websites?

Paradoxically, I find the web press is doing quite badly because it’s vampirized by Instagram. Before, when you were writing for Kairn.com some years ago, we were eagerly awaiting news of the new sends because that was really where we learned what was going on. Now, instagram has stolen the show and almost all the key information in our small world arrives there first. And we, the media, find ourselves forced to summarise by reformulating the “official press releases” that the athletes publish on Insta, or to ask them for interesting details, but in any case it’s on Instagram that the info comes first. The usefulness of the web press then becomes a kind of funnel of social networks that filters information and performances by importance to its readership. It’s still interesting because not everyone follows what’s happening on Instagram, and so there are a lot of people who still learn a lot of things from the web press, but it’s not quite the same anymore

– The advent of social media has revolutionised and sped up the sharing of information. Is it good or bad? What is your take? And how do you use them?

As my previous answer suggests, I am in complete agreement with your statement! I tend to say that it’s neither good nor bad, but that is it what it is and we have to make-do. Yet I’m going to allow myself a slight criticism. The social media logic is strongly biased towards self-promotion. You have an account and share your exploits with more or less subtlety. I think that a system forcing people to sing their own praises to exist has a problem. At any rate it does bother me, even if I follow a number of accounts with pleasure and would be sad to see them go!

As for me, I’m only on social media to keep up-to-date and see what others share, I never do. But I am aware that if I didn’t make a living with Grimper and had to find my feet as an independent journo, or if I’d tried to become a pro climber, I would probably not be able to skip the self-promotion on social networks.

Interview Lucien Martinez
FFF, Supermanjoc (coll. Sam Bié)

– We often hear that paper magazines are not doing very well. Since you started, what are your satisfactions and also the pitfalls that you have encountered or still encounter as a journalist?

Here, however, I don’t agree with this statement! As far as climbing is concerned, the paper press seems to me to have everything needed to do pretty well. I’m thinking in particular of photos. Climbing photography is something rich and aesthetic and is working very well. There is the climber, his/her face, position, the holds, the shape and the colors of the rock, the landscape… Besides, there are quite a few photographers who are passionate and super good. It would be too bad if all the beautiful climbing photos no longer or almost no longer existed except for screens. For the texts too, I believe that on paper we can stand out from the web by making, for example, somewhat complete topics like those of Grimper for Céüse and Fontainebleau, but also by providing fairly complete background analyses on historical themes.
Obviously, as far as fresh news are concerned, it happens a month later or even more with paper magazines, so the battle is lost in advance, but I believe that there remains and will remain a big opportunity for the paper, because by playing on the angle of quality, paper magazines bring things that the web doesn’t. But that’s up to us to prove it by producing beautiful (and interesting!) magazines.
Concerning satisfactions and pitfalls, it will soon be 3 years since I’ve made editor-in-chief of Grimper so there have necessarily been things that have worked more or less well. There is one thing in particular that people don’t necessarily realise, it is the multiplicity of issues when you release a magazine. We want the reader to be happy and make people dream, we want the issue to sell well, of course, but we must also avoid at all costs sowing discord in the territories we are talking about by forgetting, for example, to involve such bolter or climber who has given their passion and their time on the crags concerned, or by not raising the issue of sectors threatened with a ban, and so on. It’s almost impossible to tick all the boxes, but it’s very satisfying when, for certain issues, you can get close. At the same time, it’s disappointing when you can’t.
And if not, I would like there to be a little more humour and derision in magazines, but I still haven’t found a suitable formula… Gilles, if you’re reading this interview and you want to take up the fake covers, the door is wide open!

– In your writing, we can often feel something vaguely literary/philosophical, can you tell us more?

Yes I can. In fact, it’s not really out of a particular interest for literature or philosophy, it’s much more wide-ranging. I’m so conditioned to thinking about climbing that my brain often finds parallels between climbing and things that are completely foreign. I find it amusing and like to share them in my articles. If it’s well done-I’ll admit it doesn’t always work-it can add to the interest and the depth of my writing, or just serve as a hook. But it doesn’t only concern literature or philosophy (areas in which I want to stress I have zero ambitions), it can be movies, other sports or disciplines… I’ve even made a comparison between grades and the tables we used to study in Chemistry… I hope that one day I’ll have the opportunity to explain myself in an article!


– How would you answer people who think you have too elitist an approach?

That I take part of it. In self-mockery, I sometimes say that I can’t find people who have strong finger power unsympathetic! Excellence, whatever the field, is very interesting, even fascinating. I wouldn’t be able to give the source, but I remember Adam Ondra saying that the higher the level you reach, the more the practice of climbing is interesting because it becomes more complex. I pretty much agree with that.
As far as my friendships are concerned, on the other hand, I totally deny it. Honestly, since I spend all my time climbing, I’m used to associate with people who are passionate and therefore a bit strong, but it would be an insult to my friends to appreciate them for their level in climbing. I’m friend with people because I like talking to them, I find them friendly, they make me laugh or whatever.
As much as excellence is quite fascinating, when you get to know people well, it loses a lot of importance in the relationship until it ends up disappearing almost completely.

– What’s the most outrageous climbing feat you’ve been privy to?

From time to time, I see people do stuff that I don’t even understand are possible. Ok, so 3-4 examples for the fun of it. Adam Ondra’s warm-up at Entraygues before missing out on the flash of ‘La moustache qui fâche’. He was onsighting 8a and 8b (unless he’d climbed them 10 years previous) with such ease I thought I’d get more pumped climbing a 6c. It was incredible.

Another example, the first time I set foot in Oliana, Ramon chilled his way up Joe Blau (8c+) resting everywhere, even in the cruxes. Because the rhythm of his climb was so broken we thought at the time he was onsighting it, but we learnt that he’s gone up it once the week before. Insane.

In Font, many times I saw Charles Albert do things so out of this world I would have called them impossible without having been a witness. Like flash FAs or in a handful of runs of 8A on a move that no one else can get anywhere near, or 7B slabs in trainers by simply annihilating miserable grains of sand with his nails…

A last one for the road. In the 65° overhang of Blocage, the small ‘gym’ in Font, Nico Pelorson opened a boulder (red holds) with a move of pure crimping and core strength that seemed to me not to work. Yet Nico managed to do it, and even adding the two moves prior. It was around the time he made Big Island sit and he was a monster. The climbers who passed by the gym and saw his boulder thought it was so impossible as to be a joke.

– All other things being equal, you have to bet on the person who will free the “Bombé bleu” first: who is your favorite? And for the first repeat of “Silence”?

The best profiles to do “Bombé bleu” are in my opinion Alex Megos and Jakob Schubert because they probably have the level of strength necessary to solve the first boulder crux, but also enough resistance to climb the 9a that follows with safety. Adam Ondra, I know that the route scares him because he has large fingers and that’s a handicap in this style, but I think that if he decides to get involved he’ll do it, especially since he may have the ape index to be able to choose the easier starting beta to the right. For the outsiders, the two Nicos, Pelorson and Januel, have demonstrated that they know how to tick big projects, and could send it if they find the solution for the first move. I think that Simon Lorenzi, if he motivates himself, stands a chance, Charles too but I don’t really believe it.
In short, I’m now answering the question: if I have to keep one guy, it will be Megos, followed by Ondra. But on the other hand it would make me happier if it were a Frog!
As regards “Silence”, not easy either! I would say Seb Bouin or Stefano Ghisolfi, with a small advantage to Seb.

Interview Lucien Martinez
Brushing in Font (coll. Arthur Delicque)

– You’re trying to have a greener approach to climbing by favouring bicycles and trains to go cragging. Can you expand for us?

Phew, where should I start?! In fact, I have to be honest here: I make very little effort to be greener, and most of the time I drive to my crags.
Yet I am quite convinced, as many others now, that all this needs to change, for ecological purposes. But I see it mostly as a political transition, with hundreds of thousands of engineers tasked by the government to survey the people, to think and help organise the urgent transition in order to divide by 5 or 10 the overall consumption of fossil energy while giving people the opportunity to still be free and happy. On the other hand, I believe it’s an enormous trap to think that the solution will come from individuals who would radically change their modus operandi in isolation. It makes no sense because society is organised in such a way that people have to choose between pollute and deny themselves in order to stop polluting. What must be offered people is another choice than this awful dilemma. Having said that, as we wait for this political shift, I think that we must show decency in our personal behaviours and not think we can’t do anything either, if only because it prepares us to accept the idea of a political sea change.

When this transition will take place, I’d be surprised if our current outdoor climbing model could survive. A lot of young climbers probably won’t have a private car, or they’ll be tiny and only do 50 kph, or we won’t be able to drive as many kilometres; so I do see the train/bicycle trips gaining in popularity in years to come.

Which brings us back to why I tried a few trips without cars: for the sake of experimentation. I wanted to know if it was nice and compatible with performance… Let me give you a few personal conclusions: the day after a day on the saddle, a body that is not so trained for it is not at all ready to perform, but two days after it improves. It adds a certain aesthetical dimension to your trip (and to the sends if they happen) that is truly magical: it strongly increases the flavour of the experience. It also requires added time if it’s only by bike, and money if a combo train/bicycle that is just not compatible with certain budgets or jobs…

In short, I think it’s a great topic, there are a lot of solutions to be found and put in place, but again, what’s really needed is political support. Because even with the best will in the world, if there’s no room on trains for your bicycle or if the SNCF (train company) decides to make money out of you, well there’s nothing you can do can you!

– You’ve been in a relationship with Caroline Sinno, a bouldering addict, for a few years now. What does the life of a high flying climbing couple looks like?

Caro, she’s at least as fanatical as me. She invests herself a lot on huge bouldering projects in which she still does not move after 10 sessions, but she never gives up and often ends up succeeding when no one would have bet a penny on her at the beginning. In fact, even if she is only bouldering and I’m mostly rock climbing, we have exactly the same approach: what really drives us is the very long redpoint projects. So we understand each other. I know how important it’s for her to have a spot on her projects so I do my best to support her. And on the other hand she knows that I often need to do rock climbing trips of one or two weeks or more in order to try hard, so she lets me organise myself as I want and never makes me feel guilty even if sometimes, for her as for me, it’s not easy to spend time without the other. Then if she doesn’t have too much work with Crimp Oil she also comes with me at the crag.

– You seem more interested by rock climbing and yet you live in the forest of Fontainebleau, far from the crags. Why this choice ?

Font is really a couple’s choice. Caro was dreaming of living there, and me, it didn’t suit me too badly because in Font, when you have a somewhat flexible schedule, you can go and touch the rock even during the week as soon as you have a little time slot. 2 or 3 hours. And then by living there, it is actually quite rare to be turned down by the weather. And anyway, the gyms are good for training.
In fact, it may be silly but what I miss living up there is more the atmosphere of the Southwest. Friends (even if I also have some in Font!) family, group start for the cliff, and Saturday morning bakery stops…


– Which climbers inspire you and why? What inspires you in a climber?

There can be lots of things that inspire me in climbers. Their vision, their mind, their physical qualities, their virtuosity… So there are plenty of climbers who inspire me in their own way. But there are some where it goes further. There are some without whom my vision and my approach to climbing would probably have been very different. I am going to quote three of them, the same three as when Émilien asked me the question for the Escalade9 interview.
First, Chris Sharma. Always imitated, never equalled. The first ascents of “Jumbo Love” and “Es Pontas”, and perfect films, are in my opinion the coolest things that have ever been done in climbing and I have the impression that it’s, at least unconsciously, the model I go after…

Then there is my buddy from Toulouse Pierre Trolliet. It was him who taught me to think about climbing against the current hype, and to put my limits further, for example by being ashamed of succeeding in a route easily. This is the most valuable lesson that has been given to me in climbing.
Finally, there is also Charles Albert. I already tell enough about this UFO in my articles on Grimper Magazine, but what is incredibly inspiring about him is his ability to completely cut himself off from the finality of an action and focus exclusively on the move, without falling into the temptation to lose elegance for the sake of a better result. This is true in his climbing, but for everything else too. If he cooks, for example, he will apply himself enormously to do it according to the rules of the art, he will put all his energy into the perfect execution of the recipe. And the taste result will only be a consequence that he only cares about at the end, when eating.
I cannot claim any of this personally but, thanks to Charles, it is something on which I aim to improve.

– If there was only one climbing line left (route/boulder/multipitch/deep water), which one would you choose?

According to the answer made above, “Es Pontas” or “Jumbo Love”, but I will choose “Es Pontas”. Among the routes I have sent, I would keep “Donkey Kong”, 8c+ at Supermanjoc for all the emotion it gave me, both during the work on the route and when clipping the chain. If I had to keep only one line, I would keep this one.

– Which projects would you like to accomplish in the future?

First of all, I have to manage to finish “Fight or Flight”. Now, after all the time I’ve spent on it and especially after dreaming about it so much, I can’t give up! I think this route, in terms of difficulty, is probably at the limit of what I will be able to do in my lifetime. At least in this style. Maybe on a climb slightly less condition-dependent I’ll be able to do a little harder, but here, I really feel like I’m playing at my upper limit as the effort is so long, sustained, and requires me to be very fit in all aspects at the same time. I’m going to go back again on it in March, I hope I’ll be in good enough a shape and that it will be as cold as possible with as much North wind as possible (the North wind is almost a big help for this route).
And otherwise, with Fabrice Landry, we got rid of some sika holds (with the agreement of the bolter, Éric Siguier!) on an old 8c+ of Supermanjoc, which gives me a new project at my beloved crag, natural, exceptionally beautiful and I think pretty much of the level as “Fight or Flight”, but in a slightly more bouldery style which suits me a bit more. Finding such a route in Saint-Antonin, with a friend as motivated as me to try it, is just a dream. This will be my main goal this year. for sure!

Cover Pic: Arthur Delicque

Interview Lucien Martinez
Portrait (coll. Arthur Delicque)





L’article Interview: Lucien Martinez, irréductible acharné – Interview: Lucien Martinez, inveterate and tenacious est apparu en premier sur Fanatic Climbing.

Janja Garnbret : Oliana interview + video

11 novembre 2021 à 19:38

Suite à la réalisation à vue de “Fish Eye” et “American Hustle”, tous deux 8c, par Janja Garnbret la semaine passée à Oliana, nous sommes allés poser quelques questions à la championne olympique. En bonus sous l’interview, on vous offre la vidéo de Janja à vue dans les principales difficultés de “American Hustle”.

– Quel était l’objectif de ta venue à Oliana ?
Je voulais essayer quelques voies et voir comment je me sentais en grimpant ici et je voulais aussi voir ce que je pouvais donner à vue.

– Comment t’es venue l’idée d’essayer “Fish Eye” ?
Je ne pensais pas vraiment essayer un 8c à vue, mais plus tard ce jour là j’ai juste décidé de mettre un essai dans “Fish Eye”. Pas de pression, juste de l’escalade.

– Comment ça s’est passé pendant le à vue ? Peux-tu décrire ton escalade ?
Je me sentais super bien, relâchée et concentrée. Je n’ai pas paniqué si je ne comprenais pas à une séquence tout de suite, je me sentais bien. Je pense que j’ai grimpé assez vite, et cela était assez approprié. J’ai pris du temps dans la dalle finale car il n’y avait pas trop de magnésie et je ne voulais vraiment pas me la coller.

– Tu étais pétée ? Quand as-tu compris que tu pouvais la faire ?
Dans la première partie difficile je n’étais pas si pétée. Jusqu’au dernier bac de la partie déversante j’ai grimpé très vite, je me suis reposée là où j’ai pu et à cette prise-là, j’ai compris que je pouvais la faire. Mais la dernière partie était assez piégeuse donc j’aurais pu tomber partout, j’ai réussi à rester calme et à trouver les séquences.

– Avais-tu essayé de réaliser un 8c à vue avant ? Tu penses comme moi que tes limites sont plus loin ?
Je n’ai jamais essayé de réaliser un 8c à vue, avant j’avais fait des essais flashs dans les 8c, ou alors j’avais dû les travailler un petit peu avant de les enchainer. Mais maintenant je pense que si je trouve une voie qui me convient bien je peux essayer de réaliser à vue quelque chose de plus dur.

– Peux tu décrire ton à vue d'”American Hustle” ? Un gros combat ?
Ma décision était globalement la même qu’avec “Fish Eye”. J’ai juste décidé d’y mettre un essai, sans pression. De mon point de vue c’est plus dur que “Fish Eye” et j’ai eu à batailler un peu plus. J’étais super relax et j’ai pu réussir les mouvements assez rapidement. Ce n’était pas si évident, et j’ai vraiment dû me battre dans certaines parties de la voie.

– Peux tu comparer “Fish Eye” et “American Hustle” ? Quelle voie as-tu trouvé la plus dure ?
Aha j’ai déjà répondu dans la question précédente. Je dirai que “Fish Eye” est plus facile et aussi plus triviale dans la partie dure déversante, mais la partie du haut est piégeuse. D’un autre côté, “Amercan Hustle” est plus dure, plus puissante et intense mais la partie du haut est très belle et plus évidente. J’étais assez perdue dans certaines parties mais j’étais plus confiante dans le haut. Mais de mon point de vue “American Hustle” a été plus dure à faire à vue.

– Tu es allée repérer “La dura dura” et “Joe mama”. Reviendras-tu pour les essayer à fond ? Ou as-tu des projets à la maison ?
Je vais vraiment devoir revenir ! Finir ce que j’ai commencé. J’adore essayer d’autres voies. J’ai des projets à la maison mais si j’ai l’opportunité de venir à Oliana je la saisirai.

– Quels sont tes rêves, les choses que tu aimerais accomplir en milieu naturel ? Ou préfères-tu te concentrer uniquement sur des objectifs en compétition ?
Bien sûr que j’en ai ! J’aime les deux ! J’ai juste besoin de trouver les bonnes périodes pour le faire. J’ai encore des choses à faire en compétition mais j’ai aussi des projets en extérieur dans un coin de ma tête.

Photo : Toni Mas Bucacha

Janja Garnbret – American Hustle 8c onsight

We asked a few questions to Janja Garnbret after her onsight of “Fish Eye” and “American Hustle”, both 8c in Oliana last week. In addition, you will find the video we shot of the main difficulties of her onsight send of “American Hutsle”. Enjoy!

– What was the plan for your stay in Oliana?
I wanted to check out some routes to see how I feel, but mostly just climbing and I also wanted to see how far I can go with my onsight.

– How did the idea of trying to onsight “Fish Eye” come up?
Actually I never thought of trying to onsight an 8c, but later that day I just decided that I would give “Fish eye” a go. No pressure, just climbing.

– How did you feel during the onsight? Can you describe your climbing?
I felt super good, very relaxed and focused. I didn’t panic if I didn’t see a sequence right away, I was super chill. I think I was climbing pretty fast, resting where I thought was appropriate. I took some time in the last slabby part because there was no chalk anywhere and I really didn’t want to fall there.

– How was your pump? When did you understand that you would actually succeed?
In the first “harder” part I wasn’t that pumped. Up to the last jug of the more overhanging part I climbed pretty fast, resting where I needed and there I realised that I could succeed. But the last part was very tricky so I could fall anywhere but I stayed calm and slowly figured out the sequence.

– Have you ever attempted to onsight an 8c before? Do you think-as many do-that you haven’t reached your limits yet?
I have never attempted to onsight an 8c, before it was more flash attempt or I had to work a bit to send the thing. But now I think with the right route I could also try to onsight something harder.


– Can you describe your onsight of American Hustle? A big fight?
My decision was pretty much the same as with “Fish eye”. I just decided to give it a go, no pressure to onsight it. In my opinion it’s harder than Fish eye so I also had to fight a bit more. But I was very relaxed and could solve the moves pretty fast. It was not so obvious so I had to really fight in a few sections of the route.

– Can you compare your ascents of “Fish Eye” and “American Hustle”? Which route did you find harder?
I actually already answered in the previous answer 😂 but I would say “Fish eye” is easier and more obvious in the harder overhanging section, and the top part is very tricky. On the other hand “American Hustle” is harder, more powerful and intense and less obvious. I would say I was pretty lost on some parts of the route but the top part was very nice and obvious compared to the one in “Fish eye”. So in my opinion American Hustle was harder to onsight.

– You checked out “La dura dura” and “Joe mama”. Will you come back to redpoint them or other routes? Or are the plans you alluded to closer to home?
I definitely need to come back! To finish what I started. I would also love to try other routes. I also have some projects at home but if I get a chance to go to Oliana I will take it.

– Have you got some dreams of rock climbing achievements, or you prefer to focus on competitions?
Of course I do. I love both! I just need to find the right time when to do what. I still have some things to do in competitions, but I also have some outdoor projects in mind.



Pic: Toni Mas Bucacha

L’article Janja Garnbret : Oliana interview + video est apparu en premier sur Fanatic Climbing.

Interview : Nolwen Berthier, la grimpe dans la peau – Interview: Nolwen Berthier, climbing in the blood

28 septembre 2021 à 18:00

Extrêmement déterminée et particulièrement investie quand il s’agit de grimpe extrême en falaise, la grimpeuse aixoise Nolwen Berthier est une personnalité attachante qui ne laisse pas indifférent quand on la croise. Cette ancienne compétitrice dévoue désormais sa passion à repousser ses limites en falaise, avec une précision méticuleuse en matière d’entrainement et une vision assez progressiste et de notre activité, notamment concernant notre rapport au milieu naturel. Interview.

– Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Salut ! Moi c’est Nono, 28 ans, grande amatrice de chemises à fleurs, de chocolat et de petites prises. J’ai commencé l’escalade par la compétition il y a une quinzaine d’années… mais je n’y ai pas trouvé beaucoup d’arquées (question de génération peut-être). Après plusieurs années en Équipe de France, et de nombreux départs en coupe d’Europe et coupes du Monde, durant lesquelles j’ai troqué mes chemises contre une tenue officielle, je me consacre maintenant pleinement à la falaise, avec plus d’une dizaine de voies en 8c et + à mon actif.

En parallèle de la grimpe, j’ai suivi une formation d’ingénieure en énergie et environnement. Aujourd’hui, je mets ces compétences au service de la transition écologique et solidaire, en accompagnant les entreprises dans ces démarches.

Ta petite taille est-elle un atout ou un obstacle ?
Je ne sais pas si c’est un atout, mais je n’ai pas envie de penser que c’est un obstacle. D’une certaine manière, accepter que ce soit un frein, ce serait déjà renoncer… Alors au fil du temps, j’ai appris à faire avec mon mètre et demi. Le fameux « Nonomètre ». Certes, il m’a fallu sortir un peu des standards, notamment pour trouver les calages dans les voies. Bilan : les copains détestent mes (supers méthodes) flash… À mon sens, la seule condition est d’accepter de sortir des sentiers battus, tester des choses improbables, parfois absurdes et surtout, faire avec ses qualités. Tant qu’on se dit que c’est possible, on s’adapte, on compense, bref, on trouve des solutions ! Mais bon, je dois avouer que ça peut s’avérer être une bonne galère pour trouver des jeans (ou des chaussons) à ma taille…

Quels sont tes points faibles, qu’aimerais-tu améliorer ?
On m’a souvent conseillé de travailler ma taille… On m’a également dit que “quand la force ne suffit pas, il faut encore plus de force”…  Mais maintenant, je suis assez convaincue que la polyvalence est la clé. Être un bon grimpeur ou une bonne grimpeuse, c’est s’adapter à tout type d’escalade et être à l’aise sur tout type de support pour s’exprimer dans la diversité de notre activité.

Tu sembles faire beaucoup plus de falaise ces dernières années tout en continuant à beaucoup t’entrainer. Qu’est-ce qui t’a poussée à te tourner vers l’extérieur ?
Contrairement à d’autres compétiteurs ou compétitrices, la falaise a toujours été présente dans mon approche de l’escalade comme un support d’entraînement, un refuge pour m’évader, mais aussi un espace d’expression, qui me permettait de concrétiser mes entraînements quand les résultats en compétition pouvaient parfois être un peu frustrants.

Aujourd’hui, la falaise me permet de découvrir l’activité sous un autre angle, avec de nouvelles sensations et toujours plus de défis à résoudre. Cela m’apporte également la flexibilité nécessaire pour concilier les contraintes d’entrainement avec mon rythme de travail, et un nouveau cadre : c’est toujours plus sympa de passer ses week-end dehors qu’enfermée dans un gymnase.

Trouves-tu que les supports mis à disposition des grimpeurs sont adaptés de manière générale à l’entraînement pour la falaise ?
Les grandes enseignes privées jouent un rôle crucial dans le développement du haut niveau. Quand on arrête la compétition mais qu’on s’investit en falaise, nous n’avons pas de statut officiel de sportif de haut niveau. Cela nous prive alors des aides associées (bourses, accès aux structures fédérales…) et les supports d’entrainement auxquels nous avons accès sont donc ceux ouverts à tous.

Aujourd’hui, la plupart des salles privées sont tournées vers le grand public et la massification de la pratique de l’escalade. Autour de chez moi, les supports proposés ne sont pas adaptés au haut niveau en falaise : les ouvertures sont majoritairement orientées vers le bloc moderne, le renouvellement des voies n’est pas assez fréquent, les outils d’entraînement sont peu aboutis et/ou développés… Globalement il faudrait être abonné dans toutes les salles de la région pour pouvoir s’entraîner correctement. On en vient à préférer se faire un pan chez soi pour s’entraîner plutôt que d’aller profiter de l’émulation à la salle… cherchez l’erreur !

Comment concilies-tu ta vie professionnelle et tes entraînements ?
En temps normal, je travaille 4 jours par semaine mais avec la crise sanitaire, je suis au chômage partiel : cette dernière année, mon temps de travail a fluctué entre 1 et 3 jours par semaine, ce qui m’a laissé pas mal de temps pour me consacrer à l’escalade… une belle opportunité sur le plan sportif !

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

Tu es rarement blessée, apportes-tu une attention particulière à ton hygiène de vie et ton alimentation ?
Comme beaucoup de sportifs, ma vie est rythmée par mes rêves et mes objectifs et il y a alors un temps pour chaque chose. Il faut savoir mettre les bonnes priorités au bon moment pour assurer un équilibre pertinent sur le long terme : parfois il est important d’être sérieux, parfois ça l’est tout autant de ne pas l’être, mais j’avoue que sur le plan de l’alimentation, je suis plutôt du style à ne pas l’être.

En falaise, quels sont tes critères pour choisir la ligne ou ton prochain projet ?
Ce qui m’attire naturellement ce sont les lignes visuelles et esthétiques… et les défis aussi. Dans le fond, je crois que je n’aime pas vraiment la facilité, j’ai besoin d’être poussée dans mes retranchements qu’ils soient physiques, techniques, mentaux… ou un peu tous à la fois. Je grimpe avec mes tripes : pour m’investir, j’ai besoin d’avoir des étoiles dans les yeux ! Les voies qui me marquent le plus ne sont pas toujours celles dont la cotation est la plus élevée, mais celles qui m’ont poussée à me dépasser. De toute façon, avec ma taille, les cotations ne sont qu’un ordre de grandeur (très) approximatif. Quand tu sors de la norme de par ton gabarit, ton allonge ou ta taille de doigts, quelle est la valeur d’une cotation ?

Pourquoi avoir choisi “Supercrackinette” comme projet ultime et quel a été ton plan d’entraînement pour l’aborder ?
Cette aventure a commencé – avant tout – grâce aux copains… Après avoir fait la “Ligne Claire”, j’hésitais à me lancer dans “Le Cadafist”, et Seb (Berthe) qui essayait “Supercrackinette” à l’époque, m’a dit « il faut absolument que tu ailles voir cette voie, ça te conviendrait bien mieux ! ». L’idée a fait son bonhomme de chemin (et peut être que la Supercrack’Danse a joué un rôle) mais j’ai fait une première montée… plutôt inspirante !

Puis Léo (de la Turnorgift Production) m’a incitée à y retourner… et j’ai refait quelques montées, qui m’ont sacrément motivée …

Pour me lancer dans un ultime projet, je voulais trouver une voie pas trop morpho, si possible dans mon style, pas trop loin de la maison … et avant tout qui me motive ! Et bien vous le croirez ou non, mais malgré les nombreuses falaises et belles voies du Sud de la France, ce n’est en réalité pas si facile de tout combiner ! “Supercrack” rassemble un peu de tout cela, et même si je n’ai jamais fait de 9a, pourquoi pas me lancer dans cette aventure ? Dès les premières montées, j’avais bien compris que c’était une de ces voies qui te laissent miroiter au premier abord que c’est jouable, mais que quand venait l’heure d’empiler tous les mouvs, ce n’était pas le même game… Peu importe, l’aventure était lancée !

– Où en es-tu du processus ?
J’ai passé beaucoup de temps dans la voie l’année dernière, et ça bougeait plutôt bien, mais les grosses chaleurs sont arrivées, m’obligeant à interrompre momentanément le processus… ce qui n’a pas été facile à accepter, mais qui est sûrement un mal pour un bien sur le long terme.

Après un été consacré au ressourcement physique et mental, il est l’heure de se remettre à l’entraînement pour retourner dans la voie au début de l’automne, quand les conditions seront plus clémentes !

Comment gardes-tu la motivation à essayer des projets à long terme de ce type ?
Spécialement pour “Supercrakinette”, j’ai essayé de prendre soin de cette motivation. Dès le commencement, je savais que ce serait un projet de longue haleine alors j’ai alterné périodes de travail de la voie et temps d’entraînement, pour ne pas tomber dans la routine des essais. Je me suis attachée à attiser cette envie profonde de mettre des runs gagnants.

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

Accordes-tu de l’importance à la réalisation d’une première féminine ?
Pourquoi valorisons-nous les premières féminines ? Parce que les femmes grimpent avec moins de force que les mecs ? Parce qu’elles sont plus petites ? Parce qu’elles ont besoin de reconnaissance ? C’est loin d’être toujours vrai ! Nous avons trop souvent dénigré les performances féminines dans notre sport, et si déjà nous valorisions ces performances à leur juste valeur, ce serait déjà une belle avancée ! (par exemple, en arrêtant de décoter les voies quand une femme enchaine…).

Au-delà de ça, valoriser une première (féminine) a selon moi beaucoup de sens quand la réalisation marque une avancée significative : il peut y avoir une dimension physique (franchir une nouvelle cotation par exemple), psychologique (enchaîner une voie mythique) ou technique (trouver des méthodes adaptées à un gabarit)… Mais parfois il n’y a rien de tout cela, et la première féminine n’est alors pas très représentative : est-ce que cela n’aurait pas plus de sens de parler du premier enchainement réalisé par les moins de 1m60 ou par les plus de 1m80 ?

Évoluer en falaise dans un milieu assez masculinisé est-il compliqué pour toi ? Quel est ton ressenti ?
Passer mes journées entourée de beaux mecs… je ne vois pas où est le problème… ! 😉 Dans mes études, au club… depuis mon plus jeune âge j’ai toujours évolué dans des milieux plutôt masculins, sans jamais me sentir particulièrement inférieure ou exclue.

Notre société connaît de véritables évolutions à l’heure actuelle sur le sujet de la parité. Malgré tout, on peut observer que le sexisme est toujours ancré dans certaines de nos habitudes, et ce même dans notre activité. Par défaut, dans une cordée mixte, qui va porter la corde à la falaise ? monter les dégaines ? poser des moulinettes ? trouver des méthodes dans les voies ?

Il n’y a pas forcément d’arrière-pensée négative dans ces habitudes, et cela part même souvent d’une bonne intention, mais ces actions – aussi insignifiantes soient-elles – perpétuent une position de subordination de la femme vis-à-vis de l’homme qui ne va pas dans le sens de la parité.

Et cela marche également dans l’autre sens : pourquoi les femmes seraient-elles plus souvent mises en avant dans certains médias ? sous prétexte que leur image est plus vendeuse ?

Y a-t-il une voie qui te fait rêver et dans laquelle tu n’as pas encore eu l’occasion d’aller ?
S’il y en avait qu’une ! Rien que dans le Sud-Est de la France, ça ne manque pas avec par exemple les deux proues taillées au couteau de la Carrière du Maupas, “Cannabis Directa” et ses cannelures incroyables typiques de Roquevaire ou encore “La trainée rousse” et sa monocolo qui a l’air bien trop déversante (comme souvent à la Ramirole)… Sans compter les projets que j’ai encore sur le feu à l’étranger, mais aussi toutes les autres formes d’escalade que je n’ai pas explorées comme certaines belles lignes de bloc, les grandes voies, le trad…

Bref, le plus dur, c’est de choisir !

– Tu travailles dans le développement durable, intègres-tu aussi celui-ci dans ta pratique de l’escalade ? Si oui comment ?
La soutenabilité fait en effet partie intégrante de mon travail, mais surtout plus largement de mes valeurs personnelles.

Je suis convaincue que nous avons tous un rôle à jouer pour relever le défi des crises environnementales et sociales auxquelles nous faisons face, et que ce rôle est bien plus large que de trier nos déchets. Les organisations publiques et privées ont une responsabilité importante, mais nos métiers, nos achats, nos actions individuelles, bâtissent également la société dans laquelle nous vivons et ne sont donc pas négligeables (si le sujet vous intéresse, rendez-vous ici).

À titre personnel, il me tient à cœur de mettre mon énergie au service de projets qui permettent l’émergence d’une société différente, basée sur plus de sobriété et de respect du vivant.

À quoi bon entreprendre une démarche « zéro déchet » si vous prenez l’avion plusieurs fois par an pour des déplacements professionnels ? À quoi bon prendre le vélo pour aller travailler si vous bossez à temps plein sur un projet qui contribue au dérèglement climatique ?

En tant que sportive de haut niveau, je m’attache à collaborer avec des marques qui œuvrent dans ce sens : les vêtements Patagonia, le matériel Edelrid, les boissons Lökki Kombucha, la magnésie Myléore, les ressemeleurs de La Clinique du chausson et du matos. Toutes ne sont pas parfaites, mais toutes sont engagées sur ce chemin.

J’aime également partager des contenus qui m’ont inspirée pour en faire profiter le plus grand nombre (rdv sur instagram).

Interview Nolwen Berthier

On voit fleurir quelques beaux galets aux pieds de voies classiques du Sud-Est. Comment t’inspires-tu pour les concocter ?
L’inspiration pour ces petits galets vient en premier lieu du nom de la voie. Ce petit nom sur le topo qui titille notre imaginaire, nous fait rêver, sourire, nous pousse à essayer la voie ou même parfois que l’on ne comprend pas vraiment… Je ne suis pas grande dessinatrice mais je suis convaincue qu’un petit dessin vaut souvent mieux qu’un long discours. En creusant un peu, on se rend compte que derrière beaucoup de noms de voies se cache une anecdote, une dédicace, un trait d’esprit… À eux seuls, ils retracent tout un pan de l’histoire de notre activité, souvent liée aux équipeurs. Les mettre en image à travers des galets est une opportunité de les partager et les faire perdurer dans le temps, mais également de mettre en lumière une spécificité de notre activité : malgré les (trop) nombreux débats à ce sujet, une voie ne se résume pas à une cotation, et c’est aussi ce qui fait la beauté de notre sport. Ces petits galets, c’est une manière d’apporter une pierre à notre communauté.

Quel est ton regard sur la situation de nos sites naturels ? Quelles directions pourrait-on envisager ?
Qui va s’occuper de l’entretien des points existants ? Qui va dialoguer avec les propriétaires des terrains ? Qui va assurer les problèmes de responsabilités ? Bien que je grimpe depuis de nombreuses années, ce sont des problématiques que je découvre. En toute transparence, je ne me sens en rien légitime pour émettre un avis ou des conseils en la matière.

Le mot de la fin ?

Pour remercier ceux qui m’ont lu jusque-là, voici une “punchline tranchante comme des réglettes aiguisées” :
Avec mes drago LV, le niveau est élevé (…) Talon contre-pointe, talon contre-pointe (…) J’serre les arquées ils serrent les dents. Talon contre-pointe, talon contre-pointe. ” #FLDDB

Merci pour cet échange en dehors des sentiers battus, que le “fighting spirit” soit avec vous !

Photo de couverture : Antonin Rhodes

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

Extremely determined and particularly invested when it comes to extreme rockclimbing, Nolwen Berthier from AIx, France is an endearing personality who does not leave indifferent when you meet her. This former competitor now devotes her passion to pushing her limits on rockclimbing, with meticulous precision in terms of training and a vision of our activity fairly progressive, especially concerning our relationship to the natural environment. Interview.

– Can you introduce yourself to those who don’t know you?
Hi ! Me is Nono, 28, a big fan of flower shirts, chocolate and small holds. I started climbing with competition about fifteen years ago … but I haven’t found many crimp there (maybe a generation question). After several years in the French team, and many starts in the European Cups and World Cups, during which I exchanged my shirts for an official outfit, I now devote myself fully to rockclimbing, with more than ten of 8c and + routes to my credit.

Along with climbing, I followed an engineer in energy and environment formation. Today, I put these skills at the service of the ecological and inclusive transition, by supporting companies in these steps.

– Is your small size an asset or an obstacle?
I don’t know if it’s an asset, but I don’t want to think of it as a problem. In a way, accepting that it was a drag would already be giving up … So over time, I learned to do with my meter and a half. The famous “Nonometer”. Of course, I had to go a little outside the standards, especially to find my betas in the routes. Conclusion: my friends hate my (great betas) flashes… In my opinion, the only condition is to agree to think outside the box, test improbable, sometimes absurd things and above all, make do with my own qualities. As long as we say to ourselves that it’s possible, we adapt, we compensate, in short, we find solutions! But hey, I must admit that it can be a hassle to find blue jeans (or climbing shoes) in my size…

– What are your weaknesses, which you would like to improve?
I’ve often been advised to work on my height… I’ve also been told that “when strength isn’t enough, you need even more strength” … But now I’m pretty much convinced that versatility is key. Being a good climber means adapting to any type of climbing and being comfortable on any type of support to express yourself in the diversity of our activity.

– You seem to be doing a lot more rockclimbing in recent years while still training a lot. What made you turn outward?
Unlike other competitors, rockclimbing has always been present in my approach to climbing as a training medium, a refuge to escape, but also a space of expression, which allowed me to achieve my goals. training when the results in competition could be a little frustrating at times.
Today, rockclimbing allows me to discover the activity from a different perspective, with new sensations and always more challenges to solve. It also gives me the flexibility to reconcile the constraints of training with my pace of work, and a new setting: it’s always fun to spend your weekends outside than locked in a gym.

– Do you find that the supports made available to climbers are generally suitable for training for rockclimbing?
Large private brands play an important role in the development of high level. When we stop competing but invest time in rockclimbing, we don’t have the official status of a top athlete. This then deprives us of associated aid (scholarships, access to federal structures, etc.) and the training materials to which we have access are therefore those open to everyone.
Today, most private rooms are geared towards the general public and the massification of rock climbing. Around my home, the supports offered are not suited to the high level in rockclimbing: the openings are mainly oriented towards the modern bouldering style, the renewal of the routes is not frequent enough, the training tools are not very successful and/or developed… Globally, it would be necessary to be a subscriber in all the gyms of the region to be able to train properly. We come to prefer to make a training wall at home rather than going to enjoy the emulation in the gym … find the mistake!


– How do you mix your professional life and your training?
Normally, I work 4 days a week but with the Covid crisis, I’m on partial unemployment: this last year, my working time fluctuated between 1 and 3 days a week, which left me a lot of time to devote myself to climbing … a great opportunity in sporting terms!

– You’re rarely injured, do you pay particular attention to your lifestyle and your diet?
Like many athletes, my life is punctuated by my dreams and goals and there is a time for everything. You have to know how to put the right priorities at the right time to ensure a relevant balance in the long term: sometimes it’s important to be serious, sometimes it’s just as important not to be, but I admit that on the diet plan, I’m more of the style not to be!

Interview Nolwen Berthier
Photo : Théo Cartier

– In rockclimbing, what are your criteria for choosing the line or your projects?
What naturally attracts me are the visual and aesthetic lines … and the challenges too. Basically, I think I don’t really like the easy, I need to be pushed to my limits whether they are physical, technical, mental… or a little all at the same time. I always climb a muerte: to invest myself, I need to have stars in my eyes! The routes that mark me the most are not always the ones with the highest grade, but the ones that have pushed me to surpass myself. Anyway, with my height, grades remain a very unclar question. When you deviate from the norm because of your size, your ape or your finger size, what’s the value of a grade?

– Why did you choose “Supercrackinette” as your ultimate project and how was your training plan to tackle it?
This adventure began – above all – thanks to my friends … After doing “La Ligne Claire” (8c+), I hesitated to go into “Le Cadafist”, and Seb (Berthe) who was trying “Supercrackinette” at the time, told me “you absolutely have to go see this route, it would suit you much better!”… The idea caught me (and maybe the “Supercrack’Dance” played a role) but I made a first check… pretty inspiring!
Then Leo (from Turnorgift Production) encouraged me to go back … and I did a few goes again, which really motivated me…
To embark on a big project, I wanted to find a route that was not too morpho, if possible in my style, not too far from home… and above all that motivates me! Well you believe it or not, but despite the many crags and beautiful routes in the South of France, it’s actually not that easy to combine everything! “Supercrack” brings together a bit of it all, and even though I’ve never done 9a, why not go and try seriously? From the first days, I understood that it was one of those routes that at first glance you think it’s doable, but when the time came to add some moves, it was not the same game… It doesn’t matter, the adventure was launched!

– How are you in the process?
I spent a lot of time on the route last year, and it was moving pretty well, but the hot weather came, forcing me to temporarily stop the process… which was not easy to accept, but which is surely a bad for good in a long-term approach.
After a summer devoted to physical and mental rest, it’s time to get back to training to return in the route at the start of the fall, when conditions will be better!


– How do you keep the motivation to try long term projects like this?
Especially for “Supercrakinette”, I tried to take care of this motivation. From the start, I knew this would be a long-term project so I alternated between routes working and training time, so as not to fall into a trying routine. I tried to keep this deep desire to always put burning goes on the route.

Photo : Théo cartier

Do you attach importance to achieving a female first ascent?
Why do we value the first female? Because women climb with less force than guys? Because they are smaller? Because they need recognition? This is far from always true! We have too often denigrated female performance in our sport, and if we already value these performances at their fair value, that would already be a great step forward! (for example, by stopping downgrading the routes when a woman is sending…).

Beyond that, valuing a first female has in my opinion a lot of sense when the realization marks a significant advance: there can be a physical dimension (to reach a new grade for example), psychological (to link a mythical route) or technical (find betas adapted to a small size)… But sometimes there is none of this, and the first female is not very representative: wouldn’t it make more sense to talk about first sequence carried out by those under 1m60 or by those over 1m80?

– Evolving on a crag in a fairly masculine environment is complicated for you? How do you feel?
Spending my days surrounded by handsome guys… I don’t see where the problem is…! 😉 In my studies, at the club … from a young age I have always worked in more masculine circles, without ever feeling particularly inferior or excluded.

Our society is currently experiencing real developments on the subject of parity. Despite everything, we can observe that sexism is still rooted in some of our habits, even in our activity. By default, in a mixed rope team, who will carry the rope to the cliff? Put the quickdraws? Put down ropes? Find betas in the routes?

There is not necessarily a negative motive in these habits, and this often even comes from a good intention, but these actions – as insignificant as they are – perpetuate a position of subordination of the woman which doesn’t go in the direction of parity.

And it also works the other way: why would women be featured more often in some media? On the pretext that their image is more selling?

– Is there a route that makes you dream and you have not yet had the opportunity to try?
If there was only one! In the South-East of France, it’s not a problem with for example the two knife-cut prows of the Carrière du Maupas, “Cannabis Directa” and its incredible rock typical of Roquevaire or even “La trainée rousse” and its long tufa which seems too overhanging (as often at La Ramirole) … Not to mention the projects that I still have on the go abroad, but also all the other forms of climbing that I haven’t experienced, like some beautiful boulders, multi-pitch routes, trad…
The hardest is to choose!

– You’re working on sustainable development, do you also integrate it into your climbing practice? How?
Sustainability is indeed part of my job, but especially more broadly my personal values.

I’m convinced that we all have a role to play in meeting the challenge of the environmental and social crises we face, and that this role is much broader than sorting our waste. Public and private organizations have an important responsibility, but our businesses, our purchases, our individual actions, also build the society in which we live and are therefore important.

In my opinion it’s important to me to put my energy at the service of projects that allow the emergence of a different society, based on more sobriety and respect for living things.
What is the point of taking a “zero waste” approach if you take the plane several times a year for business trips? What is the point of taking the bike to work if you are working full time on a project that contributes to climate change?

As top climber, I’m committed to collaborating with brands that work in this direction: Patagonia clothing, Edelrid equipment, Lökki Kombucha drinks, Myléore chalk, the resiners of La Clinique du Chausson et du Matos . Not all are perfect, but all are on this way.

I also like to share content that inspired me to share it with as many people as possible.

– We can see some beautiful pebbles blooming at the foot of classic routes in the South-East of France. How do you get inspired to paint them?
The inspiration for these small pebbles comes primarily from the name of the route. This little name on the topo which is taking our imagination, makes us dream, smile, pushes us to try the route or even sometimes that we don’t really understand… I am not a great designer but I’m convinced that a small drawing is often better than a long speech. By digging a little bit, we realize that behind many names of routes hides an anecdote, a dedication, a wit … By themselves, they retrace a whole part of the history of our activity, often linked to bolters. Putting them in images through pebbles is an opportunity to share them and make them last over time, but also to highlight a specificity of our activity: despite the (too) many debates on this subject, one route can’t be summed up not to a grade, and that’s also what makes the beauty of our sport. These little pebbles are a way of bringing a stone to our community.



L’article Interview : Nolwen Berthier, la grimpe dans la peau – Interview: Nolwen Berthier, climbing in the blood est apparu en premier sur Fanatic Climbing.

Kuba Novotny : Apprendre à marcher pour mieux grimper ? – Kuba Novotny: Learn to walk to optimize your climbing?

11 avril 2021 à 16:57

Vous vous rappelez la vidéo de Reelrock où Adam Ondra écoute un vieil homme en blouse blanche lui expliquer comment marcher ? Bien sûr, les passages de visualisation “explosants” ont davantage marqué les esprits, mais la visualisation n’a rien de nouveau. Ce qui est novateur, par contre, est de découvrir que le meilleur grimpeur du monde a dû réapprendre à marcher pour enchainer le premier 9c de l’histoire. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?! Pour en savoir plus, un des nos rédacteurs, Denis Lejeune a approché Kuba Novotny.

“Kuba est très sympa et entraine un de mes amis mais, plus important pour nous ici, il a étudié avec Dr Čumpelík – l’homme à la blouse blanche de ReelRock – et travaille avec des sportifs professionnels dans différents sports. Et oui, il a aussi collaboré avec Adam Ondra.”

– Ahoj Kuba, merci de prendre le temps de me répondre.
Avec plaisir.

– Avant toute chose, tu peux donner un nom à l’espèce de magie que tu pratiques ?
Cela s’appelle “kinésiologie développementale’.

– Joli nom… De quoi s’agit-il au juste?
C’est étroitement lié aux neurosciences parce que, quand tout est dit, le cerveau est l’outil qui gère nos mouvements, et joue donc un rôle crucial pour nous rendre plus fort, ou rendre nos entrainements plus efficaces. La différence principale entre notre vision de l’entrainement et l’idée classique est que l’objectif de cette dernière est de rendre les muscles plus forts. Cela dit, la force dans le mouvement de grimpe n’est pas la somme de la force de tous nos muscles. C’est le cerveau qui gère chaque mouvement, qui dit quel muscle doit être activé, avec quelle intensité et dans quelle direction, et on l’oublie trop souvent. Dans le mouvement “conscientisé”, le muscle travaille pour la chaine de soutien. Par exemple, certains grimpeurs “élite” renforcent les abdos qui travaillent quand on tire vers le haut. Malin, puisque c’est la direction générale en escalade. En voyant ça, d’autres grimpeurs pourraient se dire : “c’est bien ça, je vais aussi renforcer mes abdos.” Mais leur coordination n’est pas aussi bonne à cause d’une sollicitation moins efficace de l’ensemble de leurs soutiens, et ils finissent par renforcer les abdos qui tirent vers le bas, ce qui nuit justement au mouvement qu’ils veulent améliorer. Au final ils vont affaiblir leurs bras, ce qui signifie qu’ils ont plus de chances de blesser leurs épaules, leurs coudes et leurs doigts. Ainsi que l’a dit Alex Huber dans un entretien avec un magazine tchèque il y a quelque temps : “J’ai l’impression d’être fort après de la poutre, ce qui est cool, mais l’escalade ce n’est pas être suspendu. En gros, c’est une évolution sur des murs déversants, soutenue par les pieds et les orteils. Ce qui veut dire une coordination totalement différente. Aujourd’hui je constate que mon avis est le bon. Quand je me compare sur poutre aux grimpeurs actuels du Frankenjura, je n’ai aucun espoir. Mais je suis plus fort sur le rocher. Donc je continue à penser que la suspension ne veut rien dire. Il faut acquérir une coordination spécifique du corps. L’influence de la poutre s’arrête à la poitrine, alors que les system boards descendent jusqu’en bas.” À mon avis, on peut faire de la poutre ou des suspensions et engager le corps dans son ensemble, mais c’est très difficile. À part ça, tout à fait d’accord avec Huber.

– Je croyais que les neurosciences aidaient les sportifs à améliorer leurs prises de décision dans des situations rapidement changeantes, ou raccourcir leurs temps de réaction. Quel est le rapport, tu peux m’éclairer ?
Bien sûr. Disons que tu veux devenir plus fort sur réglettes : tu vas commencer par te suspendre pendant 3-7 secondes sur des réglettes aussi petites que possible. Ça va envoyer des signaux à ton cerveau, qui vont le forcer à renvoyer des signaux encore plus forts à tes doigts. C’est le principe de base de l’entrainement classique. Mais on oublie les signaux que les doigts renvoient au cerveau, et si tes doigts, tes coudes, tes épaules ou omoplates ne sont pas bien placés (si mes omoplates sont dans la mauvaise position, ou si je suis voûté) cette information sera celle-ci : ne me renvoie jamais plus ces signaux, ou tu détruira tes articulations ou autres tendons. Par conséquent, les résultats de l’entrainement dépendent fortement d’une bonne posture de tout le corps. Par exemple, un kayakiste tchèque a amélioré son coup de pagaie de 100-110 watts à 130-140 après deux semaines de pratique au sol en position statique et un travail de rotation des côtes.

– Les côtes ?!?
Tu n’as pas idée.

On dirait de la bio-mécanique du futur…
D’un point de vue évolutionniste, notre corps est fait pour courir, marcher et les génuflexions. Du coup, si on fait ça bien et qu’on ne tombe pas d’une falaise ou autre chose du genre, notre système musculo-squelettique (os, articulations, muscles, tendons connectés aux muscles) devrait s’en tirer sans gros problème jusqu’à nos 100 ans. On peut aussi faire bien d’autres mouvements de la bonne façon, mais pour ça il faut obéir aux “lois physiologiques”, qui sont communes à tous nos mouvements sains. La clef pour bien comprendre ce point est que le corps fonctionne à partir d’une paire contralatérale de membres de station debout et de marche, ainsi que la rotation de la colonne thoracique – qui est là pour basculer le centre de gravité sur la jambe en appui. Donc, au plus basique, la locomotion humaine (la marche en avant) est simple : se tenir debout sur une jambe. Mais plus la posture est bonne, moins on a besoin d’énergie pour faire basculer notre poids sur la jambe en appui. Et voilà, tu as la définition de l’efficacité du mouvement. Quand Adam Ondra a amélioré la rotation de ses côtes, ça a eu un énorme impact sur ses performances en poutre. C’est ça qu’il travaillait avec le Dr Čumpelík dans la vidéo que tu mentionnes : apprendre à connecter les mains, les pieds et les côtes dans la marche, pour qu’il puisse l’appliquer en escalade.

– Ok, donc si je comprends ce que tu dis c’est qu’on ne devient pas plus fort en faisant des tractions à un bras, mais en améliorant la technique de la traction ?
Tu peux t’améliorer des deux façons. Tout dépend du niveau de ta technique sur tel ou tel exercice. Écoute, la plupart de ce qu’on sait de la technique en escalade vient des grimpeurs et de coaches “classiques”, donc sans une intelligence profonde du mouvement au niveau physiologique, ou des stratégies que le cerveau met en place pour gérer le mouvement. Par conséquent cette connaissance pratique marche plus ou moins. Parfois ça peut donner un gain de performance rapide, mais sur le long terme ça mène aussi souvent à des blessures, voire à des plateaux dans ta progression, qui t’empêchent d’atteindre le niveau que tu pourrais viser si tu te servais plus justement de ton corps.

– Si je te saisis, tu dis qu’en respectant la façon optimale d’utiliser son corps, en termes physiologiques, on peut améliorer sa conti, sa rési et sa force ?
Complètement. Parce que le résultat de ton entraînement de toutes ces choses dépend de l’efficacité de tes mouvements.

– Est-ce qu’on parle au moins un peu de gainage ici ?
Il y a souvent beaucoup de muscles faibles dans le gainage des sportifs, et ils doivent les travailler. Donc dans ce sens de “gainage”, je suis d’accord. Mais dans notre façon de voir les choses, un gainage déficient correspond à l’output. Si les muscles de ton gainage sont faibles, c’est parce que tu ne les utilises pas dans ton mouvement. Si tu changes ton mouvement dans le bon sens, ces muscles vont commencer à travailler et donc se renforcer. Traditionnellement, on pense que si on renforce ces muscles (séparément du mouvement) le cerveau commencera à les utiliser. Mais ça n’est pas comme ça que fonctionne le cerveau. Le cerveau, voici comme il fonctionne : il rassemble des informations sur la tenue du corps dans son entier, et à partir de là créé un “patron de mouvement” qui correspond à la situation actuelle, après quoi il envoie des instructions aux muscles pour exécuter les mouvements. Par conséquent, si tu veux ajouter des muscles à ce “patron de mouvement”, il te faut changer l’input de l’information sensorielle, c’est-à-dire changer l’idée-même du mouvement. La majorité de l’input de cette information sensorielle vient des paumes et des pieds, du coup la façon dont tu les utilises est cruciale pour le mouvement. Si tu essaies de changer la façon dont les muscles de ton gainage travaillent en les renforçant isolément, du point de vue neurologique tu es en retard, parce que le patron que suivent tes mouvements est déjà gravé dans ton cerveau. Pour être plus précis : si tu te concentres sur le bout de tes petits doigts, dans un monde parfait tes épaules devraient enclencher un mouvement de rotation externe et ta respiration monter dans ta poitrine, ce qui signifie que le travail des muscles de ton gainage a changé. Si par contre tu te concentres sur le bout de tes pouces, tes épaules devraient enclencher un mouvement de rotation interne et ta respiration se déplacer vers ton ventre. Bien sûr tu peux obtenir des gains en renforçant ton gainage pour lui-même, mais ce n’est pas le plus efficace. Je sais parfaitement que ce n’est pas facile à comprendre avec des mots, mais dès que les mesures de confinement changent je te montrerai tout ça sur ton corps en une minute. J’aime montrer aux gens comment atteindre leurs objectifs de performance, tout en leur évitant des années de douleur au niveau musculo-squelettique.

– À ce sujet, j’ai remarqué que ton site, KubaNovotny.cz insiste beaucoup sur la notion de prévention de blessure.
Oui, pour la simple raison que la performance et la prévention de blessure vont main dans la main en kinésiologie développementale. Ce ne sont pas deux choses distinctes, mais bien la même. Par exemple, le kayakiste tchèque avec lequel je travaille : lors du premier mois de notre collaboration, sa performance s’est améliorée de 20%, mais sa douleur au dos a aussi disparu. Ceci étant, ça va encore plus loin : ce n’est pas juste que tu deviens meilleur et que tu évites de te blesser ; si tu améliores ton “patron de mouvement”, tu vas aussi améliorer ta récupération, puisque de nouvelles hormones sont envoyées à ton cerveau et permettent à ton corps de récupérer plus vite après tes entrainements.

À ce moment de notre entretien, je suis abasourdi. À une époque où tout le monde semble obnubilé par les plus minuscules marges de progression, je me gratte la tête en me demandant pourquoi la kinésiologie développementale n’est pas encore un sujet de discussion chez tous les entraineurs. Si on peut améliorer 1) notre performance, 2) notre récup et 3) le temps qu’on passe sans blessure, comment se fait-ce qu’elle ne fait pas partie intégrante des recettes de base de chaque entrainement possible et imaginable ?! Est-ce le futur de l’entrainement, du coaching ? Est-ce que le Dr. Čumpelík et ses étudiants, dont Kuba, sont simplement trop en avance sur leur temps ? Tout ça me rappelle un autre athlète tchèque, qui révolutionna l’entrainement à son époque : Emil Zatopek, le coureur de fond et demi-fond, a en effet mis les intervalles en vogue.

La question se pose donc : la kinésiologie développementale est-elle l’avenir ?
Je n’ai pas de boule de cristal. Mais je peux confirmer que ça ne fait pas partie du mainstream, et ça ne sera d’ailleurs probablement jamais le cas. J’ai passé 500 heures à étudier cette discipline avec Dr. Čumpelík, et quatre fois plus à m’y intéresser par moi-même, et je suis encore loin de tout comprendre. Le mouvement complexe est… très compliqué! Le problème principal tient au fait que, comme on le voit dans cet entretien, il s’agit d’une connaissance qui passe mal en texte et même en vidéo. Tant que ton corps ne fait pas concrètement pour lui-même l’expérience d’un nouveau niveau de qualité dans le mouvement, tu ne peux pas réaliser ce que ça change, et combien c’est utile. Cela dit, 41 coachs, docteurs et physiothérapeutes prennent part à mon programme annuel (2 heures hebdomadaires), donc il y a de l’intérêt pour la discipline.

– Je peux voir un léger problème pour les grimpeurs (et autres sportifs), c’est que ta discipline ne ressemble pas à ce qu’ils ont l’habitude de considérer comme un “entrainement”. Plutôt comme du yoga ou de la physio, mais la physio est rarement prise pour de l’entrainement. C’est aussi la raison pour laquelle la technique est souvent délaissée, parce que ça ne fait pas suer et souffrir. Et pourtant, on sait aussi que ça apporte son lot de récompenses plus tard…
Oui, c’est en effet un point faible. Mais de notre point de vue, soit tu veux t’améliorer et faire ce qu’il faut, soit tu veux juste t’exploser et être courbaturé le lendemain. Ce qui est tout aussi valide, certains veulent juste s’amuser et se changer les idées après une journée de bureau. Mais si tu veux continuer à progresser et que tu es prêt à y mettre ce qu’il faut, je me ferai un plaisir de te montrer comment hisser ta grimpe au niveau supérieur. Et au fait, je ne l’ai pas mentionné mais une fois que tu améliores ton mouvement, tu peux travailler encore plus dur. Exemple : après 2h d’entrainement, mon kayakiste n’en pouvait plus, la pagaie lui tombait des mains, il était détruit. Après notre travail sur la rotation de ses côtes il pouvait en faire 40 minutes de plus, et donc fatiguer son corps en entier, pas simplement ses avant-bras.

– Hallucinant !
Encore une chose. Il y a deux zones d’apprentissage : celle d’apprentissage justement, et celle de la performance. Avec les jeunes, il est important de développer la première, pour qu’ils puissent plus tard en bénéficier dans leurs performances. Pour les athlètes à leur pic, il faut trouver le bon équilibre entre apprentissage et performance dans leur entrainement. Ce qui est unique dans cette approche est qu’on peut ajouter davantage de qualité dans la zone d’apprentissage, pour que ça soit encore plus bénéfique.

– Pfiou, tellement de choses à intégrer… Ça m’en met plein la vue. Mais bref. Tu n’entraines pas que les athlètes pro cela dit, donc quelles sont les différences principales entre eux et nous ?
Comme je le disais plus tôt, les sportifs de haut niveau sont capables d’intégrer la nouveauté beaucoup plus rapidement que nous, donc le temps nécessaire à l’absorption de l’information est une de ces différences. Ils n’ont souvent besoin que de quelques répétitions pour les faire leurs, alors que nous on a plutôt besoin de plusieurs semaines voire mois.

– Et pour ce qui est des blessures, il en va de même pour eux et nous ?
Bien sûr, les blessures sont individuelles, mais en même temps on peut dire qu’il existe à peu près 90% de blessures communes chez les gens qui viennent me voir.

La conclusion de Denis
Ah ah, tout ceci me rappelle Dave McLeod et son livre “9 grimpeurs sur 10 font les mêmes erreurs”. Les grands esprits etc…
Ainsi que le dit Kuba, il est difficile de saisir combien la kinésiologie développementale peut apporter à la performance. Pourquoi ? Parce que, en partie, elle nous force à sortir de nos habitudes de faire et de penser. J’allais dire “nous, en Occident”… Et c’est vrai que de par la façon dont cette discipline considère le corps comme un vrai tout et pas juste des membres collés ensemble par accident, elle se rapproche d’une perspective plus orientale, plus totalisante. C’est pourquoi je n’ai pas été surpris d’apprendre que le Dr. Čumpelík fait du yoga depuis plus de 40 ans.

Le meilleur moyen d’aider le lecteur à visualiser ce qu’est la kinésiologie développementale est peut-être de revenir à une de mes premières rencontres avec lui. Il assurait un ami et, sachant qu’il avait plusieurs autres séances de coaching après, je lui ai demandé pourquoi il ne portait pas de lunettes d’assurage. Il m’a répondu qu’il n’en avait pas besoin, à quoi je rétorquai en rigolant “c’est parce que tu es encore jeune”. Non. Il m’expliqua ensuite que lever la tête n’est pas nécessairement synonyme de mal de cervicales, mais pour ça il faut comprendre comment engager la chaine musculaire qui soutient la tête. Et pour ça, la meilleure solution consiste à écarter les coudes du tronc. De cette façon vous engagerez les muscles du dos, qui à leur tour contracteront les muscles à l’arrière de votre cou. Maintenant, quand vous levez la tête vous ne vous appuyez pas seulement sur les vertèbres de votre cou – ce qui met tout le stress d’une position tout sauf naturelle sur une petite partie fragile de votre corps – vous utilisez votre haut du corps dans son entier pour soutenir votre position. Résultat: moins de traumatismes du cou, pas de douleur, et renforcement musculaire.

Ça peut sembler trivial, il s’agit “juste” d’assurage. Mais imaginez ce que cette façon de penser/comprendre/faire peut apporter à la grimpe elle-même! Si vous arrivez à relier tous les points physiologiques et squelettiques ensemble de la plus façon le efficace, donc cohérente, donc naturelle possible ? À mes yeux, c’est de l’or en barre !

Photo de couverture : Bernardo Gimenez

Adam Ondra se tord dans Silence 9c
Cover Pic: Bernardo Gimenez

Do you remember the ReelRock short where Adam Ondra is listening to an old white-coated man telling him how to walk? Sure, the ‘very pumpy’ visualisation episodes grabbed the limelight, but to be fair visualisation is nothing new. What is fairly new is that the best climber in the world should relearn to walk in order to send the first 9c in history. What was that about? To find out more, one redactor of our editorial team, Denis Lejeune got in touch with one Kuba Novotny.

“Kuba is a nice chap who coaches a friend of mine, but more importantly he is a student of Dr. Čumpelík, of ReelRock fame, and works with top athletes in various sports and has collaborated with Ondra too.”

– Ahoj Kuba, thanks for taking the time.
With pleasure.

– First, what is the name of the kind of magic you do with climbers?
It’s called ‘developmental kinesiology’.

– Sounds… poetic. What is it?
It is closely related to neuroscience because, after all, the brain is the tool that manages our movements, and it plays a key role in getting us stronger, or making our training more efficient. The basic difference between this understanding of sport training and the classic ‘fitness’ one is that the objective of fitness is to make muscles stronger. But power in the climbing movement is not the sum of the power in our muscles. It is the brain that manages every movement, saying which muscle will join, how much it will pull and in which direction, and that is often forgotten. In the conscious movement, muscle works towards the support. For instance, some elite climbers are strengthening the abs which work upwards. That is convenient, as it is direction we move while climbing (up). Some other climbers may see that and think : ‘That is cool, I will strengthen my abs as well’. But their coordination is worse due to a less efficient use of their set of supports and they end up strengthening abs downwards, in opposition to the movement we want to be good at. Which in the end will weaken their arms, meaning they are more likely to injure their shoulders, elbows or fingers. As Alex Huber said in an interview with a Czech climbing magazine a while ago: “I have the impression that I am strong after campusing, which is good, but climbing is not hanging. It is mainly a movement in overhanging terrain, fixed by feet and toes. That means a different kind of coordination. Today I see that my opinion was correct. When I want to compare myself to the current Frankenjura climbers on campusboard, I have no chance at all. But I’m stronger on the rocks. So I don’t think hanging alone means anything. You have to get that specific coordination into your body. The influence of the campus ends at the chest, while the systemboard system goes all the way down.” In my opinion you can campus or deadhang and engage your whole body, but it is super hard. Otherwise I have to agree with everything he said.

– I thought neuroscience helped sportspeople improve decision-making in fast-paced environments for instance, or shorten reaction times. How does it relate here, can you develop a bit more?
Sure. So say I want to get stronger on a crimp: I start to hang for 3-7 seconds on as small a crimp as I can. It will send signals to my brain that will force it to send stronger signals back to my fingers. That is the basic principle of sport training. But there is also feedback coming from the fingers and if my fingers, elbows, shoulders, scapulas and back are not set well (if my scapula is in the wrong position, or I am hunched) the feedback to my brain will be: don’t send those strong signals ever again, or you will destroy your joints or soft tissues. Therefore, the outcome of the training will depend on the right setting of our whole body. For instance, a top Czech speed kayaker improved his paddling power from 100-110 watts on Monday to 130-140 watts on Saturday after a couple weeks of practicing static positions on the ground and trying to rotate his ribs. Positions that are very close to actual kayak paddling. 

– The ribs!?
You’d be surprised.

– It sounds like next level bio-mechanics to me…
From an evolutionary point of view, our body is designed for running, walking and squats. So if we do that right and do not injure ourselves falling off a cliff or whatsoever, our musculoskeletal system (bones, joints, muscles, soft tissues connected with muscles) will probably be alright till we die a hundred years-old. We can also do lots of other movements right but for that we have to obey the ‘physiological rules’, which are common to all our healthy movements. The main key to understand this is that the body works around a contralateral pair of standing and walking limbs, as well as rotation of the thoracic spine – which is there to shift the body center on the standing leg. So, basically, human locomotion (forward motion) is simple: stand on one leg. But the better your posture, the less power you need to shift weight on the standing leg. And that basically describes movement efficiency. When Adam Ondra improved rotation of his ribs, it had a huge impact on his campusing. And that is actually what Adam was doing with Dr. Čumpelík in the ReelRock video you mentioned: learning to connect hands, feet and ribs in the walking so he can do the same in climbing. 

– So in effect, what you’re saying is: you don’t get stronger by doing more one-armers, but by improving, basically, one-arm pull-up technique?
You can improve both ways. It always depends on the level of your technique in a given exercise. Look, a lot of the knowledge we have about climbing technique was accrued by climbers and coaches without a proper understanding of physiological movements or of the strategies the brain uses to manage movement. As a result, this practical knowledge works more or less. Sometimes it will give you fast performance improvement, but in the long term it often leads to injuries, or may even get your performance development to plateau at a level that is (way) lower than where you could get to otherwise.

– If I understand correctly, you’re saying that by respecting the best, most optimal way our body works, physiologically, we can improve our endurance/power endurance/power performance?
Exactly. the outcome of power/endurance training depends on your movement efficiency.

– Has it got to do with core as well?
There is often a lot of weak muscles in the trunk of sportsmen, and that needs to be changed. So up to that point I agree with the ‘core’ you mention. But from our point of view the weak trunk muscles are ‘output’. If your core muscles are weak it is because you don’t use them in your movement pattern. If you change your movement pattern right, they will start working and therefore get stronger. Usually, we think that if we strengthen those muscles the brain will start to use them. But this is not the way the brain works. The brain works like this: collect input information about the setting of whole body, then create an idea of movement that fits the current situation, and then send information to the muscles so they execute the movement. So if you want to add more muscles to your movement pattern, you have to change the sensory information input, i-e change the idea of movement. Most sensory information is coming from the palms and feet, so the way you work with those areas is crucial for your movement. If you are trying to change the way your trunk muscles work by strengthening those muscles, you are neurologically late, because the image according to which the movement is done has already been made in your brain. To be more specific: if you focus on the tip of your pinky, your shoulder should set into external rotation and your breath move upwards in the chest, which means the work of your core muscles has been changed. If you on the other hand focus on the tip of your thumb, your shoulder should go into internal rotation and your breath move more towards your belly. Obviously you can get some results even just by strengthening your core muscles, but it is not so efficient. All of that is hard to grasp in words, I know full well, but when the public health regulations allow I could show you on your body in a minute. I am happy to show people how they can help themselves achieve their performance goals, all the while avoiding years of lasting pain in their musculoskeletal system.

– On that, I have noticed that your website, KubaNovotny.cz puts a lot of emphasis on injury prevention.
Yes, for the simple reason that performance and injury prevention go hand in hand in developmental kinesiology. It’s not two discrete things, it’s one and the same. For instance, the Czech kayaker I work with: in our first month together his performance improved by 20%, while his back pain disappeared. Having said that, it’s even more complex: Not only do you get better and avoid injury, but the better your movement, the better also your ability to recover, insofar as different hormones will get to your brain and allow your body to start recovering sooner after training (than if your movement is not optimal).

At this point I am utterly stunned. In an era that is so keen on making the most of the marginalest gains, I wonder why on earth developmental kinesiology has not become the talk of the town in coaching circles the world over. If you can improve 1) your performance, 2) your recovery and 3) the length of your injury-freeness, just why isn’t it a staple of training?!? Is it the future of training, of coaching? Are Dr. Čumpelík and his student Kuba ahead of their time? I cannot help but recall how another Czech sportsman revolutionised training in his own era: indeed Emil Zatopek, the famous long-distance runner, put interval training on the map.

So, is developmental kinesiology the next big thing?
I don’t have a crystal ball. But I can safely say it is definitely not mainstream and may never be. I spent around 500 hours studying and four times more practicing for myself, and I am nowhere near the end. Complex movement is… really complicated! The issue I see is that this knowledge can’t be passed on by text or by video. Until you actually experience, for yourself, a new level of quality in your movement, you just cannot get an idea of how good this thing is and how useful. Having said that, there are now 41 coaches, doctors and physiotherapists attending my yearly program (weekly 2-hour classes) so there is some interest.

– One thing I could see being a slight issue with climbers (and other sporty people) is that it may not look or feel like ‘training’. More like yoga or physio, but physio is not seen as training by many. That’s also why climbing technique is sometimes overlooked, because it doesn’t make you sweat and hurt. Yet it brings massive rewards down the line…
Yes, that is another weak spot obviously. But from my point of view, you either want to get better and then do whatever it takes, or you just want to get tired and soar to feel good. Which is alright, some people just want to have fun and clean their heads after a day at work. But if you want to keep improving and are willing to focus, I will be happy to show you how to get your climbing to the next level. And by the way, after you improve your movement you can work even harder. For example, that kayaker I was talking about, after 2 hours of training his paddle would usually fall off his hands: he was pumped. Yet after we worked on the rotation of his ribs he could train 40 minutes more, hence get his whole body tired, not just his forearms.

– Pretty mind-boggling.
And there is one more thing. There are two zones for learning: the learning and performance zones. With young athletes it is important to work hard on their learning zone, so they can later benefit in their performance. For athletes at their peak you have to find the right balance between the learning and performance zones in their training. What is unique in this attitude is that we can add more quality in the learning zone training, so it is even more beneficial.

– Phew, that is so much to take in… But anyway. You don’t just coach top athletes, so what are the differences between us normal people and them?
Well, I mentioned earlier how fast top athletes are able to make something new their own, so the time required to master new skills is one massive difference. Top athletes often need only a couple of repetitions to ‘get’ something, whereas we usually need a couple of weeks or months.

– And on the injury side of things, is it the same for all of us?
Obviously it is very individual, but at the same time there are some usual issues 90% of climbers who seek my help are suffering from.

Conclusion by Denis :
Ah ah, that reminds of Dave McLeod’s 9 out of 10 Climbers Make the Same Mistakes. Great minds etc… 

As Kuba says, it is pretty difficult to realise just how helpful to a sportsperson developmental kinesiology really is. Why? Because it forces us to think in a way we are not used to. I was going to say ‘we, in the West’… Indeed, in the way it regards the body as a whole, and not just parts put together by dint of necessity, it bears a resemblance to a more Eastern perspective on things. Which is why I was not surprised to learn that Dr. Čumpelík has been a yoga devotee for 40-odd years. 

Maybe the best way to help the reader visualise it harks back to one of my first encounters with Kuba. He was belaying my friend Dave and, knowing he had quite a few coaching sessions that day, I asked him why he wasn’t wearing belay glasses. He replied he didn’t need any. ‘That’s because you’re young’ I joked. Then he explained that lifting your head up doesn’t need to hurt your neck, but for that you need to understand how to engage the whole muscle chain that supports the head. For that, the best way is, when you belay, to try and push your elbows away from your trunk. This will activate muscles in your back, which in turn will tense up the muscles in the back on your neck. Now when you lift your head up you are not relying solely on your neck vertebrae, i-e putting all the stress of the un-natural position on one small and fragile part of your body, you are relying on its whole upper half to support your position. So: less stress on the neck, no pains, and muscle reinforcement.

It may sound trivial for belaying. But imagine what this way of thinking/understanding can do for climbing itself? If you connect the physiological and skeletal dots together in the most efficient way? In my eyes, it is pure gold.

Cover Pic: Bernardo Gimenez

L’article Kuba Novotny : Apprendre à marcher pour mieux grimper ? – Kuba Novotny: Learn to walk to optimize your climbing? est apparu en premier sur Fanatic Climbing.

❌
❌