Les compétitions s’enchaînent, mais ne se ressemblent pas. Ce week-end, les grimpeurs internationaux disputaient la quatrième Coupe du Monde de la saison, et la troisième, en moins de deux semaines. Hier soir s’achevait ainsi la traditionnelle étape de Briançon, devant près de 5000 spectateurs, venus braver les averses.
Si les grands favoris manquaient à l’appel en raison de la proximité de cette compétition avec les Jeux Olympiques, ces finales briançonnaises nous ont tout de même comblé de bonheur. Il y a eu des surprises, des cris de joie, du suspense et des mouvements incroyables tout au long de ces finales.
Retour complet sur les finales de la Coupe du Monde de Briançon 2021.
Une finale masculine très complexe !
Depuis le début du week-end, l’intensité des voies proposées par les ouvreurs malmenait les grimpeurs. 0 top en qualification, 0 top également en demi-finale… Du jamais vu en compétition ! Et la voie de finale n’allait pas se laisser dompter aussi facilement non plus. Comme nous le confiait Hélène Janicot, membre de l’équipe d’ouvreurs sur cette compétition, quelques minutes avant les finales, « la voie est complexe, elle demande beaucoup de gainage et est assez tricky à la sortie du dévers. D’autant plus que nous l’avons ouverte avec des prises que les grimpeurs ne connaissent pas. »
En effet, la voie était très déstabilisante pour nos huit finalistes et nombreux sont ceux à se faire piéger dans la fameuse sortie du dévers « tricky ». Les ouvreurs avaient concocté un mouvement qui consistait à se rétablir en équilibre entre un volume et une grosse prise. Bloqueur dans l’âme, Sean Bailey se fait pourtant rattraper par la gravité à cet endroit, tout comme le suisse Sascha Lehmann ou encore l’ukrainien Fedir Samoilov.
Après sa victoire à Villars et Chamonix, Sean Bailey n’aura pas réalisé le triplé à Briançon © Lena Drapella
Un mouvement de désespoir salvateur pour Stefano Ghisolfi
Après avoir pris la première place des demi-finales hier soir, Stefano Ghisolfi était le dernier compétiteur à se lancer à l’assaut de cette voie de finale. Il négocie bien les premiers mouvements de la voie, jusqu’à réaliser un mouvement incroyable en sortant du dévers. Alors qu’il tient un gros plat dans sa main droite, il doit aller chercher une prise très loin avec sa main gauche, en compression. Mais au moment d’engager le mouvement, son pied gauche, sur lequel il s’appuie de tout son poids, zippe. L’italien est alors éjecté du mur. Mais soudain, dans un élan d’ultime désespoir, il claque sa main gauche à plat sur le gros volume où sont vissées les deux prises. Stefano utilise alors l’adhérence de son avant-bras tout entier et compresse de toutes ses forces pour lutter contre le ballant qui l’entraîne dans les airs. Il parvient alors, au terme d’un effort incroyable, à se reprendre et poursuivre son ascension.
Se sachant fortuné de se retrouver encore sur le mur, il réussit ensuite à se rétablir en équilibre, puis avance encore quelques mouvements, avant de chuter à quatre mouvements seulement du relais.
Stefano Ghisolfi décroche ainsi la sixième médaille d’or de sa carrière et grimpe de nouveau sur la première marche du podium quasiment trois ans après sa dernière victoire en Coupe du Monde, datant de septembre 2018, à Kranj, en Slovénie.
Après deux décevantes médailles d’argent à Innsbruck et Chamonix, je voulais la victoire à tout prix à Briançon ! J’ai vraiment failli tomber à la sortie du dévers, mais j’ai réussi à me rattraper de justesse. Je ne voulais pas chuter à cet endroit et, pris de panique, j’ai claqué de la main gauche la seule chose que j’ai trouvée, c’est-à-dire ce gros volume jaune à plat. J’ai compressé de toutes mes forces et j’ai miraculeusement réussi à rester contre le mur. Je ne sais même pas comment j’ai réussi à faire ça ! »
Stefano Ghisolfi
Dmitrii Fakirianov renoue avec le podium
Sur la deuxième marche du podium, on retrouve le russe Dmitrii Fakirianov. Lui qui avait réalisé une saison incroyable en 2016, décrochant deux médailles sur les trois Coupes du Monde auxquelles il participait, était depuis, un peu sorti des radars.
Cette année, il connaît un début de saison mitigé: il rentrait dans le top 10 à Villars, mais terminait 55ème à Chamonix, il y a quelques jours seulement. Il semble toutefois que l’ouverture très résistante proposée ici à Briançon ait particulièrement bien convenu au russe. Troisième de la demi-finale samedi, il décrochait finalement la médaille d’argent hier soir en finale, chutant trois mouvements plus bas que Stefano Ghisolfi.
La grande résistance de Dmitrii Fakirianov lui aura valu la médaille d’argent hier soir © Jan Virt / IFSC
Martin Stranik, le tchèque qui monte, qui monte…
Et un nouveau podium pour Martin Stranik ! Le tchèque de 31 ans semble vivre la saison de sa vie. Après avoir terminé 11ème du classement général en 2019, il connaît depuis quelques jours un pic de performance comme jamais auparavant. À Chamonix, il remportait sa première médaille de bronze en Coupe du Monde de difficulté, après plus de 17 ans de carrière internationale.
Galvanisé par ce premier podium, il signait l’un des meilleurs run de demi-finale samedi soir à Briançon. Et la voie de finale très physique permettra à Martin de profiter de son gabarit de bloqueur. Il ne fait qu’une bouchée de la section la plus déversante du mur, et se paye même le luxe de se retourner vers le public à la sortie du toit. Déséquilibré, il chute quelques secondes plus tard, mais prendra de nouveau la troisième place de cette Coupe du Monde.
À 31 ans, le tchèque Martin Stranik réalise la meilleure saison de sa carrière et signe son deuxième podium consécutif © Jan Virt / IFSC
Un rêve qui se réalise pour Eliska Adamovska !
Personne n’aurait misé sur elle au départ de cette Coupe du Monde. Elle même n’y croit pas.
Non, je rêve, je ne peux pas y croire ! Je n’ai clairement pas les mots pour décrire ce qu’il vient de passer ».
Eliska Adamovska
Ce qu’il s’est passé ? La tchèque Eliska Adamovska a tout simplement remporté la première Coupe du Monde de sa carrière. 67ème du classement mondial en 2019, 80ème en 2018, rien ne laissait penser que la jeune grimpeuse de 20 ans allait s’imposer hier soir à Briançon.
Pourtant samedi, sa carrière prenait déjà un nouveau tournant: en enchaînant la voie de demi-finale, elle gagnait pour la toute première fois de sa vie sa place en finale d’une Coupe du Monde. D’ailleurs, la tchèque avait mis des frissons à tout le public en explosant de joie au moment de réaliser qu’elle faisait partie des huit meilleures.
Hier soir, elle ne s’élançait pas en position de favorite. Pourtant, c’est elle qui montera le plus haut dans cette voie de finale si exigeante physiquement. Très vite, elle dépasse le crux ayant fait chuter toutes les compétitrices avant elle (une petite prise à peine crochetante plantée au beau milieu du dévers, qu’il fallait aller chercher de manière dynamique et précise). Au terme d’un gros combat où on l’entend crier sur chaque mouvement, elle parvient à sortir du dévers et à se rapprocher du relais de la voie. Malheureusement, elle chute, les bras complètement gorgés d’acide lactique, après avoir mis près d’une dizaine de mouvements dans la vue de ses plus proches adversaires.
Au moment de son passage, Eliska Adamovska était déjà assurée de monter sur le podium. Comme samedi soir, elle hurle alors de bonheur, acclamée par tout le public briançonnais, venu en nombre au Parc des Sports, malgré les contraintes sanitaires et les averses venues s’inviter à la fête.
Bien qu’Adam Ondra était absent à Briançon, la République Tchèque était à l’honneur, grâce notamment à la victoire de la jeune Eliska Adamovska © Jan Virt / IFSC
Lucka Rakovec vaincue
Deux grimpeuses restaient encore à passer: la slovène Lucka Rakovec et l’américaine Natalia Grossman, révélation de cette saison 2021. Les deux jeunes femmes, au coude-à-coude depuis le début du week-end, avaient le potentiel pour aller toper cette voie de finale.
La slovène part en première, mais très vite, on sent qu’elle n’est pas dans le tempo de la voie. Dès le début, Lucka se fait une frayeur et est contrainte de redescendre de quelques mouvements pour se reprendre. Elle chute quelques secondes plus tard au beau milieu de la section la plus déversante, sans avoir réussi à trouver le rythme approprié dans cette voie. Elle prendra la 6ème place de la compétition.
Une nouvelle médaille pour l’incroyable Natalia Grossman
Dernière finaliste à s’élancer, Natalia Grossman était la seule grimpeuse encore capable de libérer la voie. Elle trouve très vite le bon rythme et négocie avec facilité les premières difficultés imaginées par les ouvreurs. Elle profite même d’une longue décontraction en plein dévers, avant de poursuivre son ascension. L’américaine est alors la deuxième grimpeuse de la soirée à sortir du monstrueux dévers briançonnais, incliné à plus de 50°. Malheureusement, elle se précipite un peu trop vite pour aller chercher la dernière prise tenue par la tchèque, et ne réussira pas à s’arrêter sur la préhension. Elle termine une nouvelle fois deuxième de ces finales.
Ses résultats cette saison sont incroyables: après avoir fait l’intégralité du circuit international en bloc (et être montée sur le podium de toutes les étapes, remportant même deux manches consécutives), Natalia s’est alignée pour la première fois de sa carrière sur le circuit mondial de difficulté. Bien lui en a pris puisqu’elle décrochait le bronze à Villars, avant de monter sur la deuxième marche du podium de Chamonix et de réitérer cette belle performance hier soir à Briançon.
Une nouvelle médaille d’argent pour Natalia Grossman, la grimpeuse en forme de cette saison 2021 © Jan Virt / IFSC
Vita Lukan, une progression parfaite !
Notons également la belle performance de Vita Lukan en finale hier soir. Après avoir mis du temps à trouver ses sensations dans le début du tracé, la slovène nous fait preuve de son incroyable résistance en parvenant à clipper une dégaine récalcitrante. En effet, elle passera de longues secondes à chercher comment passer sa corde dans une dégaine en plein milieu de la partie la plus physique et sera même contrainte de redescendre de quelques mouvements pour réaliser ce clippage. Elle repart alors de plus belle, jusqu’à atteindre le passage le plus difficile de la voie, un mouvement de croisé sur deux petites réglettes. Cette performance lui permettra de monter sur son premier podium en Coupe du Monde, décrochant la médaille de bronze.
Depuis le début de la saison, Vita Lukan est en parfaite progression. La slovène gagne une place lors de chaque nouvelle compétition. Elle commençait par prendre la 6ème place de la première Coupe du Monde de la saison à Innsbruck, avant de terminer 5ème à Villars, puis 4ème à Chamonix. Hier soir, elle prenait la 3ème place et attend donc avec impatience la prochaine Coupe du Monde, qui aura lieu après les Jeux Olympiques de Tokyo, à Kranj, en Slovénie, les 3 et 4 septembre.
Un premier podium en Coupe du Monde pour la slovène Vita Luckan © Jan Virt / IFSC
Les résultats complets
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Hommes